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MANAGEMENT

Le management ou la gestion est au premier chef : l'ensemble des techniques d'organisation des ressources mises en œuvre dans le cadre de l'administration d'une entité, dont l'art de diriger des hommes, afin d'obtenir une performance satisfaisante. Dans un souci d'optimisation, le périmètre de référence s'est constamment élargi. La problématique du management s'efforce - dans un souci d'optimisation et d'harmonisation- d'intègrer l'impact de dimensions nouvelles sur les prises de décision de gestion.


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Les réseaux ou l'organisation en réseau

La définition du réseau est ambiguA« comme le titre de ce paragraphe l'indique volontairement. D'une part, un volume de production théorique et appliquée important s est accumulé sur les formes hydrides de coordination entre organisation et marché, définies au paragraphe précédent. Par exemple, une revue récente de la littérature se qualifiant elle-mASme de non-exhaustive comporte néanmoins 600 titres'. D'autre part le terme réseau a été compris et peut s'analyser de plusieurs manières. Il peut par exemple, parfois, s'agir d'un réseau d'organisations, donc d'une structure inter-orga-nisationnelle large (en particulier dans le cas de l'abondante littérature sur les districts industriels117), d'autres fois d'une structure limitée A  des relations spécifiques de firmes (quasi-firmes de Ecclcs, centrées sur la sous-traitance68) et enfin de forme interne A  une organisation, dite en réseau, sans oublier la forme de - l'entreprise virtuelle - proposée notamment par Hedberg6''. Par ailleurs, des approches autres que celle provenant de l'économie, comme celles se situant du point de vue de la sociologie (certaines études des districts industriels italiens par exemple70) et de la gestion (les réseaux dynamiques de Miles et Snow par exemple'1) se sont aussi intéressées A  ces types de phénomènes, de leur point de vue spécifique.
Il ne peut AStre question, dans le cadre restreint tel que celui du présent ouvrage de passer en revue les apports de la totalité de ces traux. Nous nous limiterons, avec un certain arbitraire, A  isoler et présenter ici ceux d'entre eux qui nous paraissent particulièrement pertinents pour cerner de plus près la question centrale de cette section : l'apparition des organisations (ou réseaux en l'occurrence).


Les réseaux inter-firmes

La revue de littérature susvisée72 nous donne un excellent résumé des principales raisons élaborées pour expliquer la création des réseaux inter-firmes : abaissement des coûts de transaction, elle-mASme moins coûteuse que ne le serait le recours A  l'organisation hiérarchique avec ses inefficacités, dans certaines conditions ; facilitation des mises en commun des processus de recherche et développement et d'innotion en raison des caractéristiques particulières de ces activités, dans et pour les entreprises ; antages concurrentiels gagnés ainsi sur les autres participants A  un marché. Les auteurs notent A  juste titre que ces perspectives diverses dans l'abondante littérature disponible restent pauvres en analyses des dispositifs A  travers lesquels la coopération s'élit et reste concentrée sur motifs et conséquences des relations inter-firmes. Des dispositifs de coopération autres que les prix et la hiérarchie doivent cependant AStre élis si l'on veut progresser dans la compréhension de ces mécanismes intermédiaires. Ils proposent de recourir A  la notion de coordination - relationnelle -, basée sur la distinction entre transaction récurrente et transaction relationnelle élie par Ring et Van de Ven7'. Une idée intéressante en est tirée, qui est de fonder la nature de ce type de coordination notamment sur les relations de confiance interpersonnelle, appliquant ainsi la notion d'incrustation sociale dans un tissu social des rapports économiques proposée par Granovetter et exposée plus haut. Il est fascinant de noter que la mASme notion de confiance est A  l'origine de la création des réseaux des premiers banquiers4. Ils étaient fondés sur une attitude commune de solidarité A  l'intérieur de groupes soumis A  une mASme persécution religieuse. Cette confiance joue bien entendu entre agents individuels, mais aussi dans et entre les structures dans lesquelles ils sont eux-mASmes insérés. Cette confiance résulte ainsi de plusieurs facteurs. D'une part des situations sont créées entre les structures, en l'occurrence les firmes, avec plusieurs caractéristiques. D'une pan elles sont considérées comme donnant lieu A  des multiplicités de relations interindividuelles, A  différents échelons, sécurisant donc, en quelque sorte, chacune d'entre elles en éliminant l'opportunisme né d'une relation unique. D'autre part ces relations sont élies dans la durée, avec le mASme effet. De plus, un processus d'apprentissage mutuel se développe, qui d'une part rend les comportements mutuellement prévisibles et donc fiables, d'autre part construit un effet de réputation réciproque de crédibilité dans les compétences, la bonne volonté et l'attitude positive de chacun, en cas de survenance d'éventualité imprévisible et enfin construit un échange d'informations qui amène chacun A  affiner ses attentes et ses objectifs. Une dynamique d'interdépendance des parties se développe ainsi et s'auto-renforce. Il s'agit d'un processus, ou les agents concernés font initialement un pari plausible et antageux pour eux, basé sur des engagements implicites et lidés ensuite dans le temps par - l'expérience du respect volontaire de règles communes et d'engagements implicites de bonne volonté-"'. Des règles communes ont, sous un angle très différent mais qui confirme bien le caractère de processus d'apprentissage mutuel, été formulées par Ohmae comme clés d'une alliance efficace et sont rappelées par Wacheux6. Elles sont les suintes :


- engagement personnel des acteurs ;

- prévoir du temps pour la formation ;
- respecter le partenaire pour permettre une confiance réciproque ;
- accepter des sacrifices pour réaliser un jeu A  somme non nulle ;


- contractualiser ;

- prendre en compte les problèmes du partenaire au cours de l'évolution (souplesse) ;


- s'assurer que le partenaire a les mASmes attentes ;

- développer des relations hors trail avec les homologues ; ' accepter des réactions différentes de la part du partenaire ;
- respecter les intérASts et l'indépendance du partenaire ;
- faire aliser par le partenaire toutes les décisions, mASme s'il s'agit d'une manœuvre tactique ;
- prévoir les modalités de la commercialisation en commun (amortissement des coûts fixes).
Certaines d'entre elles rappellent de faA§on frappante les développements qui précèdent. L'on peut y ajouter qu'une meilleure connaissance réciproque des intérASts et des opportunités de chacun permet de faire apparaitre des occasions d'actions vers des antages mutuels, qui ne seraient pas mis en évidence autrement, conformément A  la théorie de la négociation intégrative ou coopérative, donr ces analyses pourraient s'inspirer".
Ce processus de confiance est double, construit entre individus spécifiques, il s'intègre aussi dans l'ensemble social dans lequel les individus sont eux-mASmes insérés78. L'on retrouve un rôle nouveau pour conventions et normes sociales, car celles-ci s'insèrent alors dans un système qui donne confiance dans leur application générale. Le fait qu'un individu participe A  ce système donné, y soit intégré, amène A  avoir de bonnes raisons de croire - qu'il se sentira obligé, A  ses propres yeux A  se conduire conformément A  ces normes -, mASme s'il n'est pas individuellement connu, car néanmoins inclus dans cette structure, ce dernier terme étant compris au sens que lui donne Giddens79. Une telle approche a le bénéfice de ne pas AStre incluse dans une perspective culturaliste, comme le notent les auteurs, mASme si l'absence de référence A  Giddens de leur part rend cette posture moins évidente et plus du domaine de la déclaration d'intentions que justifiée pratiquement80.

Le réseau comme méta-organisation. L'apport de la sociologie des sciences et/ou de l'innotion
Il n'est pas question ici de retracer l'ensemble des approches contenues dans ce courant théorique, complexe et controversé81, mais simplement de rappeler certains de ses éléments qui, s'appuyant sur la notion de réseau, contribuent A  l'objectif d'apporter un éclairage sur la constitution des organisations.
En effet, un des points fondamentaux de la démarche des auteurs principaux de ce courant82 est le concept de méta-réseau, appelé A  remplacer organisations et institutions. Le point de départ est situé en sociologie de la connaissance. Gallon et Latour, notamment, réfléchissent sur les conditions de la production scientifique. Ces auteurs utilisent un langage très particulier et des concepts provoquants. Néanmoins certains des éléments qu'ils ancent vont contribuer A  notre démarche. Nous allons les exposer, comme dans le cas de l'économie des grandeurs8', dans le cadre de notre analyse propre en tant qu'outil au service des conceptions que nous visons A  exposer. Nous pouvons ici aussi parfaitement risquer de trahir ou déformer la pensée des auteurs telle qu'ils la conA§oivent. Cet exposé est donc bien entendu ici aussi fait sous notre propre responsabilité et ne prétend nullement refléter fidèlement leurs positions complexes. Il est fondamental pour notre objectif de noter en préalable qu'ils considèrent, en particulier, la production d'un fait scientifique ou d'une innotion comme la constitution d'une situation de changement ou d'innotion autour de laquelle des acteurs vont finalement se retrouver en convergence dynamique. Celle-ci se fait par élaboration d'un réseau.
Un fait scientifique ne s'impose jamais de lui-mASme, de faA§on intrinsèque. II ne peut qu'émerger A  travers un processus actif où des soutiens se constitueront A  partir de l'environnement matériel, politique, scientifique, idéologique dans lequel il est situé. Ce processus n'est pas autonome, mais doit AStre conduit de faA§on active par le ou les promoteurs du fait scientifique. Ils vont élaborer des alliances, rechercher des soutiens favorables A  leur cause. Bien entendu, ils ne peuvent faire ceci avec de bonnes chances de succès que dans la mesure où d'autres éléments de l'environnement ont eux aussi des antages A  gagner, des intérASts A  pousser qui seront favorablement servis par la promotion du fait scientifique en question. Ils peuvent en AStre conscients ou non, et toute une partie du processus consistera pour ces promoteurs A  enrôler des soutiens en leur faisant au besoin découvrir en quoi la cause dont ils se font les avocats leur est utile A  eux aussi. Ains'ils renforceront leur position dans la controverse ouverte par la mise en ant du nouveau fait, qui de par son apparition mASme est controversé puisqu'il remet en cause un état de choses qui le précédait.
Ce faisant, ils constitueront un réseau qui n'existerait pas indépendamment du fait scientifique, car il n'aurait eu aucune raison de se constituer, qui cependant lui-mASme ne pourrait exister sans ce réseau. Ils se soutiennent et se renforcent mutuellement.
Ce réseau de nature socio-technique, c'est une - méta-organisation - regroupant des entités qui présentent la particularité de pouvoir AStre humaines ou non humaines (animaux, ou mASme choses traitées sur un mASme que les humains), individuelles ou collectives avec chacune Ieut rôle, leur identité, leur programme. L'exemple - classique - et parriculièrement frappant de la constitution d'un réseau est celui qui permettra la survie de la coquille Saint-Jacques (en voie de disparition) dans la baie de Saint-Brieuc81 (où elle n'était pas initialement l'objet d'aquaculture). Il regrouper les pouvoirs publics, un laboratoire de recherche, les consommateurs, les pAScheurs de la baie et les coquilles -Saint-Jacques elles-mASmes.
Chacun des participants au réseau a ses objectifs propres (économique, politique, biologique, professionnel, scientifique, de survie, etc.). Pour qu'un réseau se constitue un objectif partiel commun doit d'abord AStre découvert et formulé. Le processus qui le permettre est celui de - traduction - au sens particulier que lui donne ce courant de la sociologie des sciences. Il s'agit, dans les termes mASme des auteurs, rappelés par Amblard ét al, de l'élissement d'un lien intelligible entre des activités hétérogènes ou, en d'auttes rermes, d'une relation symbolique entre des énoncés et des enjeux a priori incommensurables et sans communes mesures. La Traduction, opération complexe, est A  la fois élaborarion d'une représentation collective, d'un point partiel minimum et provisoire de convergence, mise en marche d'une convergence, traduction au sens habituel de la position et des actions des uns dans le langage des autres, médiatisation des intérASts, prise de parole au nom des collectifs (surtout, mais pas seulement, de ceux qui ne peuvent s'exprimer, par exemple les coquilles Saint-Jacques), de simplification de la complexité, d'intermédiarion et de lancement et de maintien d'une dynamique. Cette dynamique doit ensuite AStre cultivée car elle peut disparaitre et le processus échouer ou s'arrASter. Dans le langage de la sociologie de l'innotion ces activités divetses sont connues sous les termes de contextualisation, problématisation, point de passage obligé, porte-parole, investissement de forme, intermédiaires, enrôlement, mobilisation, irréversibilité, vigilance et transparence, avec leurs significations spécifiques que nous espérons n'avoir pas trop déformées dans notre interprétation. Ces termes sonr clairement expliqués et resitués dans leur contexte par Amblard et autres.8''
Il est intéressant de rapprocher cet appott de la sociologie des sciences d'une autre réflexion sur un thème proche. Adrian M. Wenner et Patrick H. Wells ont assez récemment publié un ouvrage8 qui est, A  proprement parler, fascinant, et l'est pour une double raison. La première est son thème apparent qui est mis en évidence dans le sous-titre - la question du - langage - des abeilles -. La plupart d'entre nous sommes familiers avec l'idée de la découverte d'un langage parmi les abeilles, peu de temps après la Deuxième Cuerre mondiale, et pour le plus grand nombre, sauf en ce qui concerne les biologistes, nous n'avons plus guère attaché d'attention ultérieure au sujet, après avoir accordé une considération admirative, fugace et superficielle aux - mystères de la nature - illustrés par le comportement de ces charmantes petites bAStes. Il est déjA  intéressant de noter que, parmi les spécialistes, la cause est loin d'AStre entendue et qu'une controverse fait rage sur le sujet depuis environ trente ans. Il l'est encore plus, A  la réflexion de pondérer les implications des conséquences de l'existence, ou non, d'un langage chez certaines espèces animales, et non chez d'autres ou chez l'homme seulement.
Cependant s'il se bornait A  cet aspect des choses, l'ouvrage n'aurait qu'un aspect anecdotique, du type - culture générale -, au moins pour la théorie des organisations et la gestion. Mais, un second thème se profile immédiatement derrière le premier, et, quant A  lui, tout A  fait d'actualité. Il s'agit en fait lA  aussi, d'un ouvrage de sociologie de la science, qui se penche avec une attention aiguA«, et le bénéfice d'une expérience personnelle de première main, sur la question de savoir comment les chercheurs cherchent, avec quelles méthodes, et dans quels rapports avec leur environnement scientifique.
Si la question - les abeilles ont-elles un langage ? - est celle A  laquelle les auteurs tentent apparemment de répondre, l'affirmation que les scientifiques sont des hommes, et des femmes, plongés dans un milieu professionnel et social, avec leurs faiblesses et leurs préjugés, aussi bien, et mASme peut-AStre plus encore, dans leurs activités professionnelles que personnelles, est au cœur de l'ouvrage. Elle est clairement démontrée avec une mise en évidence éclatante des conséquences profondes sur l'activité de recherche scientifique de cette idée simple.
Certes, l'ouvrage est écrit par des biologistes, et au sujet de la recherche scientifique en biologie. Il n'en est pas moins universellement applicable A  l'activité de recherche des scientifiques, dans tous les domaines. Il suffit, pour s'en persuader, de relire les lignes que les auteurs consacrent A  la place de la biologie dans l'ordre de la - respecilité des sciences - (plus que la psychologie, mais (nettement) moins) que la physique, si l'on les comprend bien), et des sous-disciplines de la biologie entre elles, qui réveilleront chez beaucoup de collègues bien des souvenirs d'entretiens tant - interdisciplinaires - avec des spécialistes de disciplines proches de la nôtre, qu'intradiscipli-naires, entre gestionnaires de spécialités différentes.
L'ouvrage questionne et se penche sur les méthodes de la recherche, l'influence et le rôle des courants dominants dans une discipline, l'impact des paradigmes prélants, les méthodologies - préférables - et préférées et le, sinon - politiquement -, du moins disciplinairemertt - correct -.
Il relate sur environ 30 ans l'impact sur la carrière professionnelle des auteurs de leurs recherches sur le langage des abeilles. En 1944, Karl von Frisch, en face d'antécédents contradictoires dans la littérature professionnelle et après des traux initiaux dont le résultat en un sens différent propose l'hypothèse d'un - langage - des abeilles. I.es abeilles - édaireurs -, qui dans leur reconnaissance du terrain autour de la ruche ont détecté des sources de nectar ou de pollen, une fois rentrées, - recrutent - des abeilles supplémentaires qui vont ensuite s'approvisionner A  la source précise détectée, et ceci au moyen d'une - danse - codée très précisément qui indique la direction et la distance exacte de ladite source. Sous l'influence, en particulier, d'importants biologistes A  la réputation élie aux états-Unis, cette hypothèse est rapidement et généralement reA§ue et acceptée comme lide par l'ensemble de la communauté scientifique. Les auteurs, Wenner en particulier, commencent A  trailler sous ses auspices. L'histoire est ensuite celle de leur évolution contraire conduisant A  l'ostracisme virtuel par la communauté scientifique, revues et congrès compris, et le - retour de balancier - qui se manifeste par la publication de cet ouvrage dont l'éditeur est prestigieux.
L'accent est mis sur l'impact des choix méthodologiques et l'effet qui sous-tend toute communauté scientifique groupée autour d'une discipline ou sous-discipline. I.es pratiques internes de fonctionnement de ce qui est bien appelé un réseau, telles les citations de citations, le contrôle social exercé par les ures dominantes, la reconnaissance et le soutien réciproque mutuel automatique entre ceux qui sont reconnus comme importants dans des domaines différents, sont clairement mis en évidence.
Il est inutile de souligner plus ant la convergence avec les analyses de Callon et Latour, citées plus haut. Elles vont jusqu'au choix commun du concept de réseau, entre deux approches qui s'ignoraient et décrivent des phénomènes d'ordre similaire. Il n'en est que plus piquant de remarquer l'attitude divergente des deux groupes de chercheurs A  l'égard des traux des épistémologues des sciences et en particulier de l'apport des conceptions de Popper, notamment sur la falsifiabilité.



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