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MANAGEMENT

Le management ou la gestion est au premier chef : l'ensemble des techniques d'organisation des ressources mises en ouvre dans le cadre de l'administration d'une entité, dont l'art de diriger des hommes, afin d'obtenir une performance satisfaisante. Dans un souci d'optimisation, le périmètre de référence s'est constamment élargi. La problématique du management s'efforce - dans un souci d'optimisation et d'harmonisation- d'intègrer l'impact de dimensions nouvelles sur les prises de décision de gestion.


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L'importation des théories de l'action

Dans la volonté qu'ils avaient progressiment exprimée de reconsidérer les problèmes de l'évolution des entreprises A  partir des acteurs sociaux et de l'aptitude des acteurs A  réduire les prétendus déterminismes qui pesaient sur eux, les chercheurs qui s'étaient inscrits dans la filiation de Georges Fricdmann et de Pierre Naville avaient bénéficié d'un renfort inattendu : celui de la noulle sociologie américaine, incarnée après 1935 par des maitres tels que Talcott Parsons et Robert K. Mcrton. Jusqu'alors essentiellement pragmatique, orientée rs la résolution de problèmes concrets (comme l'avait montré la tradition expérimentale qui s'était forgée dans les années vingt et trente autour de l'analyse des organisations), la sociologie américaine acquit ac eux ses lettres de noblesse. Talcott Parsons (1902-l979) le premier, professeur A  Harvard, avait très tôt manifeste son ambition de clarifier le statut épistémologique des sciences sociales aux Etats-Unis. Il s'était attelé A  une théorie générale du fonctionnement social où il dit sa dette A  l'égard des fondateurs européens de la discipline en général, et de l'ouvre de Max Weber en particulier. Après la guerre, l'ouvre de Parsons rejoignit les grandes références théoriques de la sociologie mondiale.
Deux des particularités de la théorie générale présentée dès 1937 dans l'ouvrage fondateur de Parsons, The Structure of Social Action, nous intéressent ici. D'abord, A  l'exemple d'Emile Durkheim ou de Max Weber, le cadre de la réflexion de ce livre n'était autre que celui des questions posées par le déloppement de la société industrielle. Ensuite, la sociologie de Talcott Parsons procédait clairement d'une théorie de l'action. Pour l'auteur, l'individu, libre et capable de décision, devait AStre au cour de toute réflexion sur le fonctionnement du système social; la question centrale posée au sociologue était celle de la correspondance existant entre le comportement individuel et les structures de la société. De sorte que Parsons en arrivait A  se représenter les institutions collécis comme des -systèmes d'interaction- ayant pour vocation A  produire des situations d'équilibre entre les finalités communes et les intentions initiales des individus ou des groupes (Parsons, 1937).
Robert K. Merton, professeur A  New York, adopta grosso modo les mASmes postulats. A la différence du premier, ses travaux s'orientèrent néanmoins rs la mise en évidence de tout ce qui pouvait perturber la situation d'ordre et d'harmonie que présupposait la représentation parsonienne de la structure sociale. Ainsi Merton analysa-t-il la distance qui séparait les intentions des acteurs et ce qu'il en adnait effectiment dans les situations d'interaction : il montra qu'il y avait lA  une source de dysfonctions caractéristique de la vie des systèmes organisés (Merton, 1949).
L'accueil qui fut réservé en France A  ces théories de l'action ne fut pas unanime. Les thèses de Parsons furent en particulier sount réduites A  leur qualité de théorie -fonctionnaliste-, c'est-A -dire accusées de ramener les individus A  l'état de rouages au service de la machinerie sociale. Leur influence n'en fut pas moins considérable. Reprises et affinées par Merton, directement utilisées aux Etats-Unis comme cadre de référence pour un très grand nombre d'études de terrain, leur impact fut particulièrement important parmi les chercheurs qui travaillaient sur le fonctionnement des entreprises. Et s'il en fut ainsi, c'est notamment parce que ces thèses étaient de nature A  clarifier en théorie l'intuition humaniste qui avait guidé après la guerre l'école franA§aise de sociologie industrielle : les entreprises, pas plus que n'importe quelle institution volontaire, ne pouvaient AStre considérées comme des -données- de la structure sociale. La question n'était mASme pas d'élir une hiérarchie entre système technique et système social : la donnée première était l'action, les acteurs, c'est-A -dire la part que les responsables et les membres de l'entreprise prenaient A  la -production- de ces systèmes. On se fit peu A  peu A  l'idée que les meilleures théories de l'organisation et du changement technique seraient peut-AStre moins essentielles A  la compréhension de l'entreprise et de son évolution que les théories qui seraient capables d'analyser les problèmes posés par la confrontation entre acteurs et structures, entre intentions et institutions, et ceux que soulevait bien entendu la confrontation des acteurs entre eux.
L'influence américaine fut en mASme temps pour les sociologues franA§ais une invitation A  prendre du recul par rapport aux partis-pris éthiques ou politiques qui avaient progressiment encombré la mise en évidence des marges de jeu dont disposait le corps social pour assurer son progrès. Avant de dire le sens de l'histoire, la priorité n'était-elle pas de comprendre comment se faisait l'histoire? L'analyse des -systèmes d'interaction- préconisée outre-Atlantique pouvait y contribuer. A la limite, si l'objectif ultime devait rester la définition des orientations de l'action et la maitrise collecti des changements A  l'ouvre dans les entreprises, le détour analytique n'en était que plus nécessaire : pour que les discussions sur l'orientation de l'action prennent sens, les chercheurs devaient absolument s'intéresser aux conditions dans lesquelles il était donné aux acteurs de -passer A  l'action-, et ce qu'il en résultait au juste dans les faits. Il fallait aussi redéfinir l'espace circonscrit par le système d'action de l'entreprise, de sorte que ne soient pas oubliés tous ceux qui internaient de l'extérieur dans son fonctionnement, A  quelque titre que ce fût.
Parmi les jeunes chercheurs franA§ais qui, après la guerre, s'étaient inscrits dans la mouvance des travaux de Friedmann, urait Michel Crozier. Celui-ci, initialement intéressé par l'évolution du syndicalisme ouvrier, avait eu l'opportunité de passer une année pleine aux Etats-Unis pour enquASter sur l'état des syndicats américains. Il en avait tiré une familiarité particulière ac les déloppements récents de la sociologie d'outrc-Atlantique. De retour en France et intégré en 1952 aux groupements de sociologie industrielle constitués par le C.N.R.S., cette prime expérience lui valut une réorientation progressi de ses travaux. Engagé dans un programme de recherches consacrées au fonctionnement d'organisations très dirses (administrations, banques, entreprises industrielles) Crozier allait en effet AStre l'un des premiers A  réaliser l'importance qu'il connait désormais d'accorder, sur toutes ces questions, aux apports de Talcott Parsons, de Robert K. Merton, mais aussi aux résultats empiriques que ceux-ci avaient progressiment suscités autour d'eux. Il en sortit un ouvrage qui fit date. Le phénomène bureaucratique, publié en 1963 (Crozier, 1963).
Les travaux présentés par Crozier dans ce livre tranchaient déjA  sur la production antérieure de la sociologie industrielle franA§aise par les thèmes qui y étaient abordés : la question des conséquences de l'évolution technique et celle des attitudes A  l'égard du progrès y trouvaient une place d'autant plus marginale que Crozier étudiait pour ainsi dire indifféremment les branches d'activité où l'évolution technique était importante et celles où elle n'avait aucun effet direct, comme c'était alors le cas pour les administrations publiques. A priori, le thème de la bureaucratie rapprochait plutôt Crozier d'un autre problème du temps : celui que soulevait l'hypertrophie des grandes organisations. Mais ' noulle inflexion par rapport aux tendances dominantes ' l'auteur annonA§ait d'entrée de jeu que son souci n'était ni de mesurer -des écarts par rapport A  l'idéal démocratique-, ni de prescrire des remèdes de nature A  les réduire. Son objectif n'était que d'étudier systématiquement les ensembles organisés, au plus près de leur fonctionnement ordinaire et en commenA§ant par les niaux élémentaires du bureau ou de l'atelier :
"Le débat s'est toujours trouvé limité aux interntions passionnées des différents docteurs, révolutionnaires, réformistes et traditionalistes, qui cherchent A  nous convaincre que leurs recettes constituent les seuls moyens de lutte efficace contre () la déshumanisation A  laquelle serait voué l'homme moderne. Nous pensons que de telles discussions sont prématurées. On ne pourra discuter plus avant des remèdes, tant qu'on ne connaitra pas mieux la maladie. Et pour comprendre la maladie, il nous faut () nous consacrer A  une étude scientifique de sa pathologie - (Crozier, 1963, p. 14).
C'était précisément dans cet esprit que dès la fin des années trente, Robert K. Merton s'était ressaisi des problèmes posés par le modèle wébérien de la bureaucratie. Non dans l'intention de mieux mettre A  jour ce que le système avait d'inhumain, mais au contraire pour examiner -A  froid- s'il ne cachait pas une pathologie dont la source aurait été parfaitement humaine et utile A  analyser du point de vue des systèmes d'action A  l'ouvre. Dans son travail de 1963 sur le mASme sujet, Michel Crozier ne se fixa finalement pas d'autre objectif que de tirer profit de toute une série d'observations noulles pour mettre A  l'épreu le diagnostic de Merton et de tous ceux qui, aux Etats-Unis, lui avaient emboité le pas.
Quel était, d'un mot, ce diagnostic? Merton avait analysé la pathologie bureaucratique comme le résultat d'un système d'action qui poussait ses membres A  -déplacer les buts- qui leur étaient assignés. Max Weber avait déjA  souligné que le système rationnel-légal de la bureaucratie n'impliquait aucune identification des agents A  ses buts; mais il n'avait pas mesuré les effets de cette propriété : au lieu de servir les organisations, ses fonctionnaires étaient conduits A  servir les règles de l'organisation, passées de l'état de moyens A  l'état de fins en soi. Il s'ensuivait toute une cascade de conséquences -dysfonctionnelles- : A  force de -ritualisme-, le comportement des agents avait pour effet naturel de renforcer la rigidité du système; par contrecoup, l'-esprit de caste- se déloppait, créant un fossé entre le fonctionnaire et son public. Ainsi Merton se trouvait-il devant un -cercle vicieux dysfonctionnel-, enclenché par une série d'ajustements logiques et successifs du comportement des agents entre eux et vis-A -vis de leur clientèle. Cette description allait AStre corroborée et complétée par une longue série d'observations réalisées entre 1947 et 1960 et rapportées par Crozier : celles de Reinhard Bendix, Philip Selznick, Peter Blau, Alvin Gouldner, Robert H. Dubin
Dans une étude de 1949, P. Selznick insista sur les effets dysfonctionncls particuliers que pouvait avoir de ce point de vue le cloisonnement des organisations bureaucratiques. Idéalement entendues comme des principes d'ordre et de rigueur, la spécialisation des fonctions et la répartition des compétences avaient en réalité pour conséquence imprévue de faire de chaque groupe de -spécialistes- un petit monde clos au sein duquel se scellaient des alliances de nature A  contrebalancer les alliances concurrentes naturellement scellées dans les autres services. Maintenu sur sa lancée, ce mécanisme de fragmentation pouvait denir un bel exemple de mécanisme social cumulatif et auto-entrete-nu : pour résister A  l'-esprit de clocher- ainsi répandu, la meilleure solution était pour chaque groupe de prôner toujours davantage de spécialisation et de protection des champs de compétence.
D'autres études montrèrent que ce phénomène de fragmentation n'était pas exclusif de tendances d'autres natures, mais qui n'en mettaient que mieux en évidence la complexité des systèmes d'action en question. C'est ainsi qu'en sens inrse de Selznick, A. Gouldner, mais aussi P. Blau, montrèrent la porosité paradoxale des structures bureaucratiques. La fragmentation par fonction pouvait en effet trour ses limites dans l'existence de réseaux informels obéissant A  des logiques d'action sans rapport direct ac les taches assignées aux individus et aux groupes spécialisés. C'est ainsi que pour Gouldner, la dimension -puniti- de la bureaucratie suscitait des formes quasi naturelles de compensation, comme pouvait l'AStre par exemple la résurgence en son sein de toutes sortes de communautés parasitaires : groupements soudés par les liens de la terre, de la famille, de la religion ou de l'appartenance ethnique. Ceux-ci condamnaient les dirigeants A  une sorte de transaction - sur mesure -, faisant la part des choses entre la loi d'impersonnalité attachée A  la bureaucratie et les principes de solidarité régissant les communautés en question. L'importance de cette transaction denait éclatante au moment des changements de directeurs : pour avoir prise sur le système, le nouau patron ne pouvait pas faire autrement que de tout remettre A  plat. Jusqu'au moment où il était lui-mASme conduit A  tisser un nouau compromis



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