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MANAGEMENT

Le management ou la gestion est au premier chef : l'ensemble des techniques d'organisation des ressources mises en ouvre dans le cadre de l'administration d'une entité, dont l'art de diriger des hommes, afin d'obtenir une performance satisfaisante. Dans un souci d'optimisation, le périmètre de référence s'est constamment élargi. La problématique du management s'efforce - dans un souci d'optimisation et d'harmonisation- d'intègrer l'impact de dimensions nouvelles sur les prises de décision de gestion.


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Le temps des ingénieurs

Le modèle du patronage tel qu'il fut A  l'ouvre dans la France du XIXe siècle était-il l'expression de forces purement réactionnaires? On a vu que Le Play lui-mASme s'en défendait, soucieux qu'il était du progrès de l'industrie et de la nécessité de ne pas confondre les valeurs de la famille ac les calamités du servage. Dans le mASme sens, il faut encore se sounir que Le Play était un ingénieur : en quoi il était aussi, A  sa manière, un enfant des Lumières et de la Révolution franA§aise. ArrAStons-nous un moment sur la portée de ce paradoxe.
L'un des apports décisifs de la Révolution franA§aise A  la diffusion de l'esprit d'entreprise avait été la promotion des grandes écoles d'ingénieurs, A  commencer par la célèbre Ecole polytechnique, école sous tutelle militaire créée en 1794. A cette époque, il existait déjA  il est vrai de grands élissements tels que l'Ecole des Ponts et chaussées (créée en 1747) ou l'Ecole de la construction navale (créée en 1749). Mais il s'agissait de formations supérieures qui n'avaient pas alors de prétention scientifique proprement dite : on y transmettait des savoir-faire complexes, définis par référence A  un type d'ouvrage particulier Ac l'Ecole polytechnique, puis d'autres (telle l'Ecole centrale des arts et manufactures créée en 1829), le projet allait s'infléchir. Clairement, il s'agirait désormais d'insuffler l'esprit scientifique parmi les élites de la société et d'assurer sur ces bases l'essor de l'industrie. Une grande tradition d'inspiration spécifiquement franA§aise voyait le jour : le label de l'ingénieur, attaché A  l'acquisition de savoirs analytiques, allait maintenant distinguer la compétence pure de l'expérience des gens de terrain. A fortiori attendait-on des nouaux diplômes qu'ils remettent en cause les positions transmises par le biais de la filiation, des offices et de la propriété. La formation scientifique, individualiste par essence, avait pour rtu supposée de faire mauvais ménage ac le système des privilèges : le primat de la compétence devrait désormais assurer le caractère réellement unirsel du droit d'entreprendre.
De fait, le déloppement des Grandes Ecoles franA§aises fut singulier et les nouaux ingénieurs auréolés d'un grand prestige. De telle sorte qu'au fur et A  mesure de la concentration capitaliste du XIXe siècle, on aurait pu s'attendre A  ce que l'esprit technicien déloppé A  partir des noulles formations remette en cause la position dominante du patronat traditionnel - celle des dynasties familiales, de la moyenne et grande propriété. Or la confrontation n'eut en réalité pas lieu. La silité relati qui prévalut tout au long de la période proto-industrielle eut en effet pour résultat que les chefs d'entreprise de la tradition patrimoniale et catholique parvinrent A  mettre les ingénieurs de leur côté. Ils usèrent A  cette fin de processus complexes d'osmose : passage des fils de famille par les écoles ; alliance des propriétaires ac des techniciens bientôt promus au rang d'administrateurs, ou intégrés A  la famille par le mariage La greffe réussit, au point que sous le Second Empire, lorsque le modèle du patronage industriel fût parnu A  son apogée, il était en réalité denu le fruit d'une sorte de fusion entre le capitalisme des grandes familles et le savoir-faire des grands techniciens. Le Comité des forges ' l'union patronale des sidérurgistes, l'une des plus anciennes et des plus puissantes institutions de l'histoire industrielle franA§aise ' fournit une illustration exemplaire du processus : dès son origine, en 1864, on y vit en effet scellée l'alliance des -héritiers- et des polytechniciens, sous le contrôle de la dynastie Schneider, celle-lA  mASme qui édifiait au Creusot le sanctuaire du paternalisme franA§ais
Plus tard il est vrai, après 1880, on vit poindre de grands boulersements. Stimulé par le déloppement du chemin de fer, le marché franA§ais acquit une certaine unité. La métallurgie se renoula du tout au tout autour de la production de l'acier, entrainant la disparition d'un très grand nombre de forges traditionnelles. On assista A  l'essor de la chimie moderne, en mASme temps qu'apparurent un grand nombre d'activités jusque-lA  inconnues. L'électricité, puis l'automobile allaient faire de ces changements une vérile révolution. C'est A  ce moment que l'entreprise capitaliste s'identifia A  la forme industrielle moderne : les sociétés anonymes se multiplièrent, au détriment des entreprises familiales jusque-lA  gérées -en commandite-; le déloppement du droit social manifesta que les affaires industrielles ne pourraient plus AStre de simples affaires privées. La classe ouvrière réalisa son unité, laissant sur les marges la ure antérieure de l'ouvrier-paysan. En bonne logique, lA  encore, on aurait pu s'imaginer que cette révolution n'irait pas sans une refonte générale de la structure et de l'idéologie du patronat. Or, une noulle fois, les entrepreneurs franA§ais firent la démonstration qu'ils pouvaient trarser, si ce n'est guider les boulersements économiques sans s'imposer A  eux mASmes de vériles ruptures.
Au tournant du siècle, ceux-ci s'offrirent le luxe de ne pas changer vraiment et de rester fidèles A  la logique domestique des anciens temps. Le patronage ne fut pas enterré. Il y eut assurément une évolution sensible du côté des secteurs nouaux, où les brets et l'ingéniosité des innteurs étaient le plus déterminants. Ici, au départ, les industriels s'étaient écartés du profil classique : c'étaient des self made men qui, une fois passé le cap de l'Ecole centrale ou des Arts et métiers, s'étaient portés seuls A  la tASte de petites affaires ac la ferme intention de faire valoir leur compétence et leur talent. Mais, l'enrichissement aidant, les plus révolutionnaires d'entre eux (les Lumière dans le cinématographe; les Michelin dans le caoutchouc, bientôt portés par l'essor automobile) furent finalement conduits A  se remettre dans le sillage du patronat coutumier : contrôle du capital par la famille (en dépit de la transformation des firmes en sociétés anonymes); création de lignées industrielles attachées aux ancAStres; identification des entreprises A  des -maisons- bien localisées (Lyon pour les Lumière, Clermont-Ferrand pour les Michelin) et abritant une main-d'ouvre sle et fidèle. Les nouaux nus renchérirent en quelque sorte sur la tradition !
Ailleurs, dans la métallurgie notamment, la tendance générale fut de persévérer dans la voie éprouvée de l'annexion des ingénieurs au pouvoir familial :
-Jusque dans V entre-deux-guerres, aucun glissement du contrôle des propriétaires rs le management n'est perA§u au sein de la première transformation de l'acier. La révolution managériale ne s'est pas produite dans ce secteur; la source du pouvoir demeure la propriété des moyens de production > (Catherine Omnès, citée par Louis Bergeron in Lequin, 1983, tome 2. p. 282).
Pour expliquer cette inertie paradoxale, il faudrait prendre en compte un grand nombre de données. Tout au long de cette période, bien des choses s'éclairent néanmoins A  partir de la place que les ingénieurs pouvaient prétendre occuper dans ,1e système industriel. Jusque dans l'entre-deux-guerres, tout se passa comme si l'accord s'était fait dans le monde dirigeant pour considérer que la compétence incarnée par les ingénieurs avait pour caractéristique de ne pas s'appliquer A  l'entreprise en tant que telle, mais seulement A  la technique, subordonnée par essence A  la première. Aux propriétaires les problèmes de l'entreprise, l'autorité et la responsabilité morale qui s'y attachent; aux ingénieurs les problèmes spécialisés de la production ! A charge pour les ingénieurs denus propriétaires de changer de camp pour denir A  leur tour des -patrons- Or, A  partir des années 1920 en France, il allait y avoir précisément sur ce point une évolution, significati de l'apparition de ce que les milieux professionnels allaient appeler par la suite le management. Parmi l'élite des ingénieurs, on vit en effet émerger A  ce moment une sensibilité noulle en faur de sciences qui ne s'appliquaient plus ni aux équipements, ni aux machines ni aux procédés de transformation de la matière, mais A  l'administration mASme des firmes. Ce moment fut celui d'une possible remise en cause de la fonction et du statut traditionnels des maitres d'industrie.
Cette noulle période eut ses pionniers, tel Henri Fayol (1841-l925). Fayol était un ingénieur des Mines qui s'était distingué en publiant autour des annés 1880 des ouvrages spécialisés sur les techniques d'extraction de la houille. Puis, arrivé A  l'age de la retraite, l'homme entreprit d'appliquer son talent A  d'autres domaines. En 1916, il proposa ainsi son célèbre traité d'Administration industrielle et générale (Fayol, 1916). Non content de déborder du cadre des attributions habituelles des scientifiques, cet ouvrage innovait en faisant de l'entreprise un cas particulier parmi d'autres systèmes, tels que l'armée et l'administration publique. Ramenée A  l'essentiel, la doctrine de Fayol était que les questions relatis au -corps social- de l'entreprise et A  l'exercice de la discipline, jusqu'alors plus ou moins laissées au bon vouloir du patronat, méritaient en fait l'application de principes tout aussi impersonnels et rationnels que les activités techniques. Pour que le corps social de l'entreprise fonctionne bien, il connait selon Fayol de spécialiser les travailleurs de la faA§on la plus explicite possible, et d'affirmer l'unité et la légitimité du commandement : -une place pour chaque personne-; -chaque personne A  sa place-; -un seul chef pour chaque homme-. A force de vouloir faire des entreprises des systèmes parfaitement -lisibles-, Fayol eut finalement pour destin de contribuer puissamment au courant auquel on doit depuis lors d'avoir sans cesse assimilé les entreprises A  des organigrammes, représentés par ces étemels dessins en forme de pyramides et de rateaux.
De la -famille souche- de Le Play aux rateaux de Fayol, un long chemin avait assurément été parcouru. Mais peut-on dire pour autant que la seconde image effaA§a la première? Que, dans ces circonstances, les hommes de science eurent enfin raison du système patrimonial? Ce serait aller trop loin. La diffusion des thèses d'Henri Fayol fut plutôt une manifestation supplémentaire de la capacité des deux logiques A  cohabiter et A  se renforcer mutuellement. Après tout, le traité d'Admnistration industrielle n'avait rien de subrsif par rapport aux modes de gestion traditionnels du patronat : son ambition était de codifier des principes d'organisation qui, pour AStre jusque-lA  restés tacites, n'en étaient pas moins déjA  clairement enracinés dans le familialisme ambiant. Le fayolisme enfonA§ait le clou de -l'autorité sociale- de l'employeur. Il en appelait A  l'ordre, A  la discipline, mais aussi A  l'équité, A  la nécessaire silité du personnel ainsi qu'A  son droit d'initiati : en quoi il ne s'écartait pas de la morale industrielle antérieure. Le principe resté le plus célèbre, celui de l'unité de commandement (-un seul chef pour chaque employé-), donnait la mesure de cette doctrine syncrétique, finalement aussi pertinente au regard de la morale domestique qu'au regard de la rationalité bureaucratique.



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