Le principal problème lorsqu'on s'intéresse aux marchés du multimédia, est que le point d'arrivée de la trajectoire initiée par la convergence des technologies n'est pas encore fixé (Rallet, 1996). En d'autres termes, la structuration des marches est en perpétuelle élution et ni les standards pour les matériels, les logiciels et les réseaux futurs, ni les solutions de services, ni la structure des marchés ne sont encore élis. Dans ces conditions, la définition des marchés pertinents, élie par les autorités concurrentielles européennes et américaines, ne semble pas appropriée A l'analyse de la
concurrence et des positions dominantes sur les marchés émergents du multimédia.
A. La prise en compte de la stratégie des acteurs
Une des manières de rendre cette définition des relevant markets plus dynamique est de procéder A l'étude des
stratégies des firmes. En effet, si les marchés du multimédia sont encore en construction, celle-ci ne se fait pas totalement de faA§on autonome. Les acteurs en présence sur les marchés émergents, et en particulier sur les marchés du multimédia, adoptent des stratégies hors
marché de faA§on A orienter la conuration des marchés dans un sens qui leur assure A long terme la position la plus farable. (Besen et l'arell, 1994 ; Le Dortz et l.equeux, 1999). Ils cherchent par lA A maitriser les principaux facteurs concurrentiels (comme les normes ou les standards) de manière A modeler la conuration des marchés A leur avantage.
Afin de peser sur la trajectoire d'élution des marchés, ces firmes déploient des comportements stratégiques destinés A mettre en commun ou A acquérir des compétences et des sair-faire, A préempter des ressources-clé, ou encore A réduire l'incertitude inhérente aux nouveaux marchés4. Ces comportements prennent la forme d'alliances, d'accords de coopération inter-firmes ou de fusions/acquisitions. Les firmes participent donc activement A la construction des marchés.
Dans ce contexte, il est possible d'anticiper le type de conuration que prendront les marchés dans un "avenir proche" (foreseeable future) au regard des grandes orientations stratégiques adoptées par les acteurs de l'industrie. Cette méthodologie permet également d'identifier les concurrents potentiels, qui devront AStre pris en compte dans la définition du marché de référence. Ces firmes ne participent pas encore activement A la compétition sur le marché, mais leur comportement permet de penser que l'entrée sur le marché de référence représente un prolongement de leur stratégie. Comme le montre Porter (1980), ces concurrents potentiels peuvent AStre regroupés en trois catégories :
- les firmes situées en dehors du marché, mais qui pourraient surmonter les obstacles A l'entrée ;
- les firmes pour lesquelles une entrée sur le marché assurerait une synergie manifeste avec leur activité ;
- les
clients ou les fournisseurs qui peuvent procéder A une intégration de leurs activités vers l'amont ou vers l'aval.
B. Elution des marchés et R&D
Parmi les différentes orientations stratégiques adoptées par les firmes, les choix en matière de R&D offrent des informations sur l'élution de la conuration des marchés émergents, où l'activité d'innovation est particulièrement importante. " In some cases where the product is still far from the market at least some of the future markets toward which the research is pointing can be predicted with relative assurance [] In other cases the outcome of the R&D is not yet sufftciently deftned to allow (antitrust) markets to be identifted. In such cases an innovation markets approach should be considered. Innovation markets can be broadly deftned in terms of spécifie R&D capabilities and activities offtrms "(Yao, 1995).
L'analyse de Yao (1995) permet donc de conceir un marché de référence plus dynamique pour les produits et les services dont les marchés sont encore en phase d'émergence. Dans la mesure où le multimédia consiste en l'utilisation des technologies numériques et des systèmes de
communication A large bande pour acquérir, traiter et diffuser différents types d'informations, il ne nous parait pas pertinent de retenir une définition aussi restrictive des marchés de référence pour les logiciels que celle proposée par le Department of justice (1999) ou par Katz et Shapiro(1998).
S'il est impossible de sair quel sera le type de conuration des marchés du multimédia lorsque l'industrie sera silisée, il est en revanche possible de préir l'élution des marchés du logiciel, dans un avenir proche. En se fondant sur l'observation des orientations stratégiques des firmes en matière de R&D, on remarque que, depuis le début des années 90, une grande partie de la R&D dans le domaine des logiciels est orientée vers
la communication et l'échange d'informations numérisées entre plates-formes hétérogènes. En effet, les logiciels sont désormais conA§us pour acquérir, traiter et enyer de l'information sur les réseaux multimédias. C'est ainsi qu'un logiciel de
finances personnelles permet de se connecter A sa banque pour y télécharger un relevé de compte ou pour y effectuer des opérations. Une encyclopédie multimédia permet aux utilisateurs de se connecter A tels ou tels serveurs afin de télécharger une mise A jour des informations. Un traitement de texte permet de créer des liens hypertextes afin d'accéder A des informations complémentaires au document (films, images, données) de manière on-line ou off-line, ou d'enyer un courrier électronique A son auteur. La quasi-totalité de ces échanges d'informations passent par le réseau global Internet
Ainsi, il est devenu impossible aux éditeurs de logiciels de dissocier les nouvelles fonctionnalités permettant la communication et l'échange d'informations sur les réseaux multimédias, des fonctionnalités traditionnelles de leurs programmes. De la mASme faA§on, il est devenu non pertinent de séparer les marchés des logiciels traditionnels du marché des navigateurs pour Internet.
Défini d'une manière plus dynamique, le marché pertinent doit donc tenir compte A la fois des stratégies des firmes et du processus de création/structuration des nouveaux marchés. Il doit donc prendre en considération :
- l'ensemble des producteurs du bien ou du service de référence ;
- les offreurs des biens ou des services interchangeables avec le produit en question ;
- les concurrents, qui pour le moment ne sont que potentiels, mais qui détiennent les compétences et/ou les technologies requises pour surmonter les éventuelles barrières A l'entrée, et pénétrer rapidement le marché en exerA§ant une pression concurrentielle sur les firmes en place ;
- les firmes qui seront amenées, dans un avenir proche, A pénétrer sur le marché en raison de la trajectoire que prend l'élution des marchés.