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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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Processus de création et de structuration des marchés, et abus de position dominante

Comme le remarque Glais (1987, p. 85), "La prise en compte de l'élément temporel (au sens de la théorie économique) et du stade de développement atteint par un marché constitue^) en effet un préalable indispensable A  la mise en édence d'une situation de dominance. Ce n'est que lorsqu'un produit a atteint son stade de maturité que la notion de position dominante prend son vérile sens sur le concurrentiel". Si l'on accepte que, dans le cadre des marchés émergents, les firmes participent A  la création des marchés en déployant des stratégies destinées A  peser sur l'orientation de leur trajectoire d'évolution, toute la question est maintenant de déterminer en quoi consistent les abus de position dominante et les pratiques anticompétitives sur ces marchés en construction.

A. Les législations américaines et européennes

Aux Etats-Unis, la législation antilrust est gouvernée par le Sherman Act de 1890, dont on se réfère le plus souvent aux deux premières sections sur les accords anticompétitifs entre deux parties ou plus (section I), et sur les comportements de monopolisation unilatéraux (section 2). Il est ainsi spécifié dans le Sherman Act (Harvard Law School, 1996 ; Glais, 1992) :
A§ I. " Every contract, combination in the form of a trust or otherwise, or eonspiracy, in restreint oftrade or commerce among the several States, or with foreign nations, is declared to be illégal. "
A§ 2. " Every person who shall monopolize, or attempt to monopolize, or combine or conspire with any other person or persons, to monopolize any part of the trade or commerce among the several States, or with foreign nations, shall be deemed guilty ofafelony. "
Cependant, le Sherman Act n'indique aucun autre type de comportement Cour suprASme dans l'interprétation du texte. Pour pallier cette lacune, le Congrès américain renforA§a le texte en définissant des types de comportements illicites dans le Clayton Act de 1914. Ce dernier texte recouvre la discrimination tarifaire (section 2), la distribution exclusive ou la vente de produits liés (section 3), et les fusions/acquisitions anticompétitives (section 7). Certains auteurs ont trouvé des analogies entre l'article 81 du traité de Rome et la section 1 du Sher-man Act, et entre l'article 82 et la section 2 (Bianchi, 1992).
La législation antitrust européenne est gouvernée par les articles 81 A  89 du Traité CE, plus précisément les articles 81 et 82. L'article 81 traite des ententes et des pratiques concertées entre les firmes ayant pour but ou pour effet de restreindre la concurrence A  l'intérieur du Marché Commun et/ou d'affecter le commerce entre les Etats Membres. Il spécifie :" The following shall be prohib-ited as incompatible with the comnton market : ail agreements between under-takings, décisions by associations of undertakings and concertée practices which may affect trade between Members States and which have as their object or effect the prévention, restriction or distortion of compétition within the commun market " (Commission Européenne, 1999).
L'article 82 porte sur les abus de position dominante. Il spécifie : "Any abuse by one or more undertakings of a dominant position within the Common Market or in a substantiel part ofit shull be prohibiled as incompatible with the Common Market in so far it may affect trade between Members States" (Commission Européenne, 1999).
En d'autres termes, pour que l'article 82 soit applicable, la firme en question doit détenir une position dominante sur le Marché Commun, ou sur une grande partie de celui-ci, et doit s'engager dans des pratiques abusant de cette position dominante ; ces pratiques doivent AStre susceptibles d'affecter le commerce entre les Etats membres5.

B. Comportement loyal ou pratiques anticompétitives ?

George et Jacquemin (1992) définissent la notion de dominance comme la capacité pour une firme d'exploiter un avantage stratégique aux dépens de ses rivales. Mais comme ils le précisent il est très difficile, mASme ex post, d'appréhender les avantages stratégiques des firmes. L'existence de tels avantages est donc le plus souvent perA§ue comme l'une de leurs conséquences, A  savoir l'apparition et la persistance de grandes parts de marché. Habituellement, on retient qu'il y a position dominante lorsqu'une firme dispose d'une part de marché substantielle et structurelle ée A  celle de ses concurrents (George et Jacquemin, 1992), et qu'elle peut agir indépendamment de ses concurrents et des consommateurs (Bianchi, 1992).
Bien entendu, l'article 82 du Traité de Rome ne condamne pas l'existence d'une position dominante, mais son abus. Dans sa première définition générale de l'abus de position dominante (affaire Hoffman La-Roche), la Cour de justice avait déclaré : " The concept of abuse is an objective concept relating to the behaour of an undertaking in a dominant position which is such as to injluence the structure of a market where, as a resuit of the very présence of the undertaking in question, the degree of compétition is weakened and which, through recourse lo methods differing from those which condition normal compétition has the effect of hindering the maintenance ofthe degree of compétition still existing in the market or the growth of that compétition " (cité in George et Jacquemin, 1992).
Pour ces deux auteurs, deux lypes d'abus peuvent AStre déduits de cette définition. Le premier consiste en une mauvaise utilisation de la domination, qui porterait directement préjudice au consommateur. Le second correspond A  un comportement stratégique par lequel une firme dominante est capable, dans le temps, de modifier la structure de marché en sa faveur. Or, ce dernier type de comportement est précisément adopté par l'ensemble des firmes sur les marchés émergents.
Comme le montre la littérature sur les cycles industriels (Abernathy et Ut-terback, 1978 ; Utterback, 1987 ; Afuah et Utterback, 1993 ; Klepper,' 1996), pendant la phase d'émergence, l'existence d'une grande incertitude sur les options technologiques A  développer conduit les firmes A  prilégier différentes conurations des produits. Les innovations de produits sont donc très nombreuses et différenciées. Puis, avec la réduction de l'incertitude, un dominant design apparait, et provoque un vaste mouvement de shakeout6 : le nombre de firmes dans l'industrie diminue considérablement. Toute la question est alors de savoir si le comportement des firmes, pour imposer leur design, est considéré comme loyal ou déloyal. Ainsi, déterminer s'il y a ou non abus de position dominante dans le cadre d'un marchés émergent n'est pas indépendant de la faA§on dont est défini le marché de référence.
En effet, en définissant le marché pertinent de manière statique, on renonce A  prendre en compte le processus de création et de structuration des marchés. On ignore qu'il existe une compétition inter-firmes dont l'objet est d'orienter la trajectoire d'évolution des marchés dans un sens qui leur assure, A  long terme, la position la plus forte. Dès lors, l'action unilatérale d'une firme est sortie de son contexte. Elle est interprétée comme étant subie par les autres firmes, dans la mesure où l'on refuse de reconnaitre que celles-ci participent également A  cette compétition. Dans ce contexte, la définition du marché pertinent ne correspond en fait qu'A  celle d'un marché transitoire, où la constatation d'une position dominante risque d'AStre biaisée, et les comportements concurrentiels risquent d'AStre interprétés comme abusifs. Sur ce marché transitoire, où l'actité d'innovation est extrASmement intense, aucune entreprise n'a vérilement de position assurée.
En revanche, si l'on tente d'interpréter le marché de référence dans une optique plus dynamique et adaptée au contexte des marchés émergents, on doit admettre qu'il existe une compétition dans la création des marchés. Dès lors, les comportements stratégiques des firmes ne sont plus isolés, mais s'inscrivent dans un processus de concurrence en amont.
L'un points importants du procès Gouvernement des Etats-Unis contre Microsoft fut de déterminer si Windows et Internet Explorer étaient deux produits liés, ou ne formaient en fait qu'un unique produit, le nagateur n'étant qu'une nouvelle fonctionnalité du système d'exploitation. En effet, la section 3 du Clayton Act interdit la vente de produits liés lorsque le vendeur dispose d'une position dominante sur le marché du "produit liant" (fying product), du "produit lié" (tied product), ou lors qu'il tente de monopoliser l'un des deux marchés (Harvard Law School, 1996). " Tying occurs when a seller conditions the sale of one product on the purchaser 's agreement to buy a second (différent) product. The tying product is the product the buyer wants and the lied product is the product the seller induces the buyer to purchase in order to obtain the tying product " (Stanford University's Computer Science Education, 1998).
Une sion plus dynamique du marché pertinent, permet de penser que la nagation sur Internet est une caractéristique qui a émergé de la compétition inter-firmes pour l'orientation de la trajectoire d'évolution des marchés. Dans ce cas, le système d'exploitation et le web browser ne constituent pas deux produits liés, mais bien un seul et unique produit. L'échange d'informations a l'Internet n'est plus alors qu'une spécificité commune A  l'ensemble des logiciels. Il ne peut donc y avoir abus de position dominante sur un marché x afin d'entrer sur un marché y, dans la mesure où il n'y a qu'un seul produit et donc qu'un seul marché (de référence).


C. La notion de dépendance économique


En septembre 1999, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) a annoncé l'ouverture d'une l'enquASte en France sur Microsoft. Celte enquASte repose l'article 8 de l'ordonnance 86-l243 du 1er décembre 1986, selon lequel :
" Est prohibée [] l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises :
1. d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ;
2. de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve, A  son égard, une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente.
< 'es abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales élies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre A  des conditions commerciales injustifiées "(DGCCRF, 1986).
Ainsi, il est possible, en France, de contrôler le comportement des firmes, qui ne disposent pas d'une vérile position dominante, mais qui constituent des partenaires obligatoires pour les clients ou pour les fournisseurs (Glais, 1994). Le concept de position dominante relative est ainsi apparu en Allemagne, sans qu'il soit nécessaire de montrer au préalable l'existence d'une position dominante sur le marché des produits (relevant market) de la firme qui a adopté un comportement anticoncurrentiel. Le droit allemand identifie ainsi quatre situations de dépendance économique (Glais, 1987, 1994) :
- la dépendance pour cause d'assortiment est une situation dans laquelle un distributeur doit obligatoirement proposer le(s) bien(s) ou le(s) serce(s) d'un fournisseur en raison de l'image ou de la réputation dont il dispose aux yeux des consommateurs7 ;
- la dépendance pour cause de relations d'affaires est une situation dans laquelle une firme s'est engagée avec son partenaire commercial dans une coopération A  long terme, qui l'a menée A  investir dans des actifs spécifiques, qui perdraient toute valeur et toute utilité si cette coopération prenait fin ;
- la dépendance pour cause de pénurie est une situation dans laquelle l'offre d'un produit ou d'un serce deent si rare que son fournisseur prilégie certains clients au détriment d'autres ;
- la dépendance pour cause de puissance d'achat est une situation dans laquelle de gros acheteurs abusent de leur pouvoir de négociation pour contraindre leurs fournisseurs A  leur concéder des avantages spéciaux de manière régulière.
Ainsi les autorités franA§aises se sont-elles dotées des moyens juridiques destinés A  contrôler le comportement de firmes susceptibles d'entraver le jeu concurrentiel en abusant de leur position de force s-A -s de leurs partenaires commerciaux. C'est donc sur cette base juridique que s'est ouverte en France l'enquASte sur Microsoft. En effet, d'après [esfindings offact du juge Jackson, Microsoft a abusé de sa situation de dominance économique en proposant des prix attractifs pour Windows aux fabricants (original equipment manufacturer s, OEM) comme Compaq, Hewlett Packard ou Dell, qui ont accepté de ne livrer leurs machines qu'avec Windows comme unique système d'exploitation. Ceux, comme Gateway ou IBM, qui ont refusé de se plier aux injonctions de Microsoft, ont dû payer les licences de Windows beaucoup plus cher. " An aspect of Microsoft 's pricing behaor that, while not tending to prove monopoly power, is consistent with it is the fact that the firm charges différent OEMs différent prices for Windows, depending on the degree to which the indidual OEMs comply with Microsoft 's wishes. "
L'ordonnance du Ie' décembre 1986 permet donc de définir un état de dépendance économique comme une situation dans laquelle un client ou un fournisseur ne dispose pas d'autres solutions alternatives et compétitives. C'est A  nos yeux sur cette base juridique que Microsoft a abusé de sa situation. Si l'on retient une définition dynamique du marché de référence associé A  Windows, on ne peut reprocher A  Microsoft d'avoir abusé de sa position dominante sur ce marché. En revanche, si l'on retient la notion de dépendance économique, il n'est pas nécessaire de définir de marché pertinent pour constater un abus de dépendance économique.

Conclusion
L'apparition de l'industrie multimédia a donné naissance A  des marchés fondamentalement nouveaux, qui évoluent extrASmement rapidement en raison de l'actité d'innovation qui y est particulièrement intense. De fait, les autorités antitrust européennes et américaines rencontrent de sérieuses difficultés lorsqu'il s'agit d'appliquer la notion de marché pertinent dans le contexte des marchés émergents. En effet, la définition des frontières de ces marchés de référence rencontre au moins trois limites essentielles pour l'étude des marchés naissants. Tout d'abord, elle s'éloigne de la notion d'antitrust market pour se rapprocher davantage de la notion de trading market. Ensuite, elle néglige les concurrents potentiels qui exercent une pression concurrentielle sur les firmes installées. Enfin, alors que les marchés s'inscrivent dans une dynamique d'évolution sur laquelle les acteurs tentent d'interagir, la délimitation des frontières des marchés de référence est effectuée de manière statique.
Nous avons donc proposé quelques éléments de réflexion afin de reconsidérer les interventions publiques de la Commission Européenne en matière de politique concurrentielle. Il apparait nécessaire de repenser la définition de ces marchés pertinents d'une manière plus dynamique et plus appropriée au contexte des marchés émergents. En particulier, parce que les firmes s'engagent dans une concurrence en amont, dans laquelle elles tentent d'infléchir l'orientation de la trajectoire d'évolution du marché par le biais de comportements délibérés, il est nécessaire de prendre en considération les stratégies des firmes dans la définition des relevant markets. Cela permet d'élargir la définition du marché de référence en tenant compte des concurrents potentiels, dont l'entrée sur le marché représente un prolongement de la stratégie. Par ailleurs, l'actité d'innovation très intense sur les marchés émergents peut nous conduire A  "anticiper" la conuration des marchés dans un avenir proche, A  partir des choix stratégiques effectués par les firmes en matière de R&D. Cette nouvelle représentation des marchés de référence permet de redéfinir le cadre des interventions de la Commission Européenne en matière de répression des abus de position dominante. En effet, le comportement des firmes n'est plus apprécié dans le cadre de "marchés transitoires" mais dans le cadre de marchés pertinents, et-il est replacé dans un processus de concurrence pour la création et la structuration des marchés.
Parallèlement A  l'observation d'un éventuel abus de position dominante sur ces marchés émergents, les autorités européennes de la concurrence doivent également tenir compte de la notion d'abus de dominance économique. Ce concept permet de contrôler le comportement de firmes susceptibles d'entraver le jeu concurrentiel en abusant de leur position de force s-A -s de leurs partenaires commerciaux, tout en s'affranchissant de la définition d'un marché de référence.



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