L'autorité monétaire parait donc disposer d'une vaste panoplie d'instruments lui permettant a priori d'influencer l'élution de la masse monétaire et, indirectement, l'élution économique d'ensemble.
La mise en œuvre de ces instruments peut se faire de faA§ons variées, et le choix de la méthode va dépendre, au premier chef, des objectifs prioritaires visés (silité
des prix, emploi), mais aussi des structures économiques qui déterminent la valeur quantitative des élasticités, enfin d'une certaine vision sur la stratégie la meilleure.
Avant de préciser quelques options fondamentales ouvertes A la gestion monétaire moderne, il est opportun de préciser la marge de jeu dont dispose réellement la Banque centrale.
A / LE POUVOIR RéEL DES BANQUES CENTRALES
Une première observation concerne la taille de ces institutions, qui est en définitive fort réduite et dont les interventions elles-mASmes sont modiques : les prASts de la Banque au système bancaire ne représentent qu'une petite partie des réserves des
banques commerciales, les interventions de l'ensemble des Banques centrales sur le
marché mondial se chiffrent en quelques milliards de dollars, face A un marché qui brasse journellement plusieurs centaines de milliards.
Y a-t-il alors un - point d'appui d'Archimède - permettant aux Banques centrales, sinon de soulever le monde, du moins d'influencer fortement le fonctionnement économique du monde, tant en ce qui concerne l'activité que le niveau général des prix ?
Deux éléments méritent considération.
1. Monnaie exogène ou endogène
L'élution de sa masse est-elle A la discrétion de la Banque centrale ? Entre la variation de la base monétaire (monnaie banque centrale) et celle de la masse monétaire existe certes une relation, deltaM = kdeltaB mais celle-ci est susceptible de deux interprétations causales en sens inverse :
' la variation de la base monétaire proque la variation de la masse : on dira alors qu'on est dans une situation de multiplicateur de crédit ;
' la variation de la masse monétaire induit celle de la base : on parlera alors d'un diviseur de crédit.
Dans le schéma du multiplicateur, on considère que c'est l'autorité monétaire qui mène complètement le jeu : elle se donne un taux de
croissance de la masse monétaire et agit sur la base monétaire, supposée liée de faA§on sle A la masse. Des
moyens sont néanmoins concevables pour les acteurs économiques pour contourner cette limitation recherchée de l'élution de la masse, qui consistent tous A modifier leurs comportements.
Si ces modifications sont importantes, on se trouve alors plutôt dans le schéma du diviseur de crédit où les décisions initiales sont le fait des
banques de second rang. La Banque centrale, pour atteindre son objectif d'élution de la masse monétaire, est alors obligée d'utiliser la panoplie d'instruments dont elle dispose pour empAScher les agents prASteurs (banques) d'ouvrir trop de crédits et les agents emprunteurs d'en demander trop.
Mais lA encore, les acteurs économiques peuvent réagir, notamment en modifiant l'importance relative des divers constituants de la masse monétaire, ce qui rend difficile pour la Banque centrale de suivre de faA§on précise l'élution réelle : non seulement la base monétaire (ou la quantité de monnaie Banque centrale) devient un mauvais indicateur de l'élution de la masse, mais la définition mASme de celle-ci ' et donc sa mesure ' devient imprécise5.
La situation réelle dépend alors des rapports de force entre la Banque centrale et les banques de second rang, liés aux caractères propres A chaque système financier, et A la nature de la politique monétaire suivie A l'intérieur de chaque économie.
2. Comment se détermine le taux d'intérASt
Dans la théorie classique de l'économie - réelle -, celui-ci concilie les désirs d'épargner et d'investir, plus précisément le désir (de la part de la nation) de détenir des richesses (pour les accroitre ou les consommer) et le désir d'employer des actifs réels de faA§on productive ; s'il en est ainsi, l'autorité monétaire ne pourrait influencer le loyer réel de l'argent qu'en modifiant de faA§on substantielle l'épargne ou l'investissement par une contribution directe A l'un ou l'autre ; comme ce n'est pas possible, il n'y aurait pas, dans cette vision, de place pour une politique monétaire appréciable.
La vision d'origine keynésienne est autre : l'ajustement précédant demanderait du temps pour s'effectuer (délais de modification de l'épargne et/ou de l'investissement) et c'est par la modification de l'activité * économique (du revenu), qui est plus rapide, que se fait l'essentiel de l'ajustement ; alors le niveau du taux d'intérASt ne sera plus déterminé par les
données économiques fondamentales que constituent les propensions A épargner (ou A consommer) et A investir, mais par les anticipations relatives au niveau futur des taux d'intérASt. Deux conséquences en découlent :
' - comme, en temps normal, le marché est dominé par les opérateurs A court terme, l'opinion du marché risque d'AStre insle, nourrie qu'elle est de perspectives de gains ou de pertes A court terme. C'est ce qui explique la variation des taux d'intérASt -6 réel qu'on a observé au cours de la dernière décennie ;
' le pouir de la Banque centrale sur les taux d'intérASt découle de sa capacité A influencer les anticipations de taux d'intérASt. Ce n'est pas par un mécanisme mécanique, ou arithmétique, que la Banque centrale va pouir agir, mais par un impact sur la psychologie des opérateurs sur le marché monétaro-financier.
Si l'action sur le taux d'intérASt est difficile, on peut alors songer A agir par le contrôle de la base monétaire : en contrôlant le lume des réserves obligatoires, qui est une fraction des dépôts des banques commerciales, la banque centrale devrait pouir contrôler le total des dépôts bancaires. La réalité n'est pas aussi simple : si l'intermédiation bancaire ne suffit plus pour répondre A une demande croissante de monnaie, l'économie trouvera spontanément une parade, qui prendra en fait la forme de création de quasi-monnaie par le secteur non bancaire.
Or, au cours des vingt dernières années, trois changements généraux de l'économie sont intervenus, deux internes, le troisième externe :
' la disparition de l'élution régulière (croissance forte, plein emploi, faibles tensions inflationnistes) que nous ans connue au cours de la décennie 60, et donc la nécessité de mettre en œuvre une politique anti-inflationniste vigoureuse ;
' or, dans la mesure où la politique monétaire vient s'opposer au comportement spontané des acteurs économiques, ceux-ci réagissent : on a donc vu se développer un vaste mouvement d'innovations financières, farisé d'ailleurs dans tous les pays par une certaine déréglementation (plus récente en France que dans d'autres pays) ;
' enfin, les années 60 et le début des années 70 ont été marquées par une progressive ouverture de chaque économie nationale sur le reste du monde, alors que, dans le mASme temps, se détériorait, puis disparaissait le Système monétaire international créé A Bretton-Woods. Les pays se trouvent donc de plus en plus dans la nécessité d'assurer A la fois l'équilibre interne (silité des prix) et l'équilibre externe (taux de change) dans un environnement économique mondial privé de mécanismes destinés A protéger contre les fluctuations erratiques de grande importance.
La politique monétaire se trouve ainsi confrontée A la nécessité de viser plus d'objectifs avec des instruments ayant perdu une partie de leur efficacité. Tache ardue7.
La conclusion concrète de ces réflexions ne peut AStre que nuancée. Il n'est pas question de soutenir qu'il est impossible de mettre en œuvre une politique monétaire, mais il faut retenir que le contrôle de l'élution de la masse monétaire et l'action sur le niveau des taux d'intérASt sont devenus beaucoup plus difficiles8.
B / QUELQUES GRANDES OPTIONS POUR LA POLITIQUE MONéTAIRE
Des analyses précédentes découlent plusieurs options pour la politique monétaire nationale. Il s'agit d'abord du choix des objectifs finaux : prix ou change ; on y reviendra au chapitre 6. Il s'agit ensuite de deux grands choix portant sur les méthodes de gestion.
1. Réglage fin et modulé ou ciblage sle
La question ici est de sair si, au fur et A mesure qu'apparait l'information sur l'élution économique récente, et donc sur le fait qu'elle se rapproche ou s'ésectiune de l'élution souhaitée, on va tenter en permanence d'adapter son action, en modifiant l'intensité du recours aux divers instruments (la cible devenant en quelque sorte l'écart ' A réduire ' entre la valeur visée de divers indicateurs économiques ' tels que le niveau général des prix ' et la valeur la plus récemment observée), ou si on maintient durablement (un semestre, un an, deux ans) une cible fixe (notamment un taux de croissance de la masse monétaire), sans se laisser influencer par les variations de court terme : maniement incessant de la barre, ou maintien durable de celle-ci fixée pour se diriger en tendance vers un cap relativement éloigné. Dans les deux cas, le point ultime visé peut AStre le mASme, mais le mode de navigation va AStre différent.
La politique de réglage fin (fine tuning) a eu son heure de gloire pendant la décennie 60, elle est maintenant assez discréditée, du fait des déboires qu'elle a connus et de sa difficulté de mise en œuvre. Deux arguments sont notamment présentés A son encontre.
Il s'agit d'abord de la difficulté de repérer en temps ulu ' c'est-A -dire un peu A l'avance ' les infléchissements de l'élution économique : c'est tout le thème des indicateurs avancés.
Il s'agit d'autre part des délais d'impact : une modification du rythme d'élution de la masse monétaire n'exerce son influence sur les variables objectifs (prix ou activité) qu'avec un certain décalage, et on court alors le risque que l'influence effective se fasse A contresens de ce qui est nécessaire au moment précis où elle se manifeste (par exemple un effet dépressif au moment où l'activité aurait besoin d'AStre soutenue).
Mais en sens inverse, on doit tenir compte du fait que, en économie ouverte et en changes fixes, la politique monétaire se préoccupe autant des objectifs internes (prix et emploi) que de l'objectif externe (silité du change). Face A des
marchés des changes qui sont de plus en plus insles, la Banque centrale est obligée d'intervenir de plus en plus fréquemment, non seulement par des achats ou ventes de devises, mais aussi par des modifications du taux d'intérASt qui jouent un rôle de message A l'intention des marchés.
2. Quels objectifs viser et annoncer ?
La définition concrète ' et au jour le jour ' de la politique monétaire dépend de l'objectif visé. Ici apparait un choix fondamental entre les objectifs ultimes (prix, niveau d'activité, taux de change) qui sont ceux de la
politique économique d'ensemble et des objectifs - intermédiaires - propres au domaine monétaire (notamment le taux de croissance d'un certain concept de la masse monétaire). La question se pose tant pour les gestionnaires directs de la politique monétaire que pour l'annonce publique (si elle est faite) des objectifs visés.
Trois éléments principaux interviennent dans ce choix : l'information disponible, la silité du lien entre objectifs ultimes et intermédiaires, la nature du message A transmettre au marché.
En l'état actuel de la statistique, l'information est disponible plus rapidement sur la variation de la masse monétaire que sur
les prix et encore plus que sur la production, et ceci d'autant plus que le concept de masse monétaire utilisé est plus étroit. Cette
donnée conduirait A privilégier les objectifs intermédiaires.
La question de la silité du lien entre objectifs ultimes et intermédiaires fait l'objet de vigoureuses controverses dans la théorie économique. Si les tenants de la position monétariste appuient leur position sur l'idée d'une forte silité, d'autres sont beaucoup plus réservés sur celle-ci, notamment avec l'intensification récente des innovations financières. Dans la mesure où ce qui importe en définitive, c'est d'atteindre les objectifs ultimes, il serait alors plus raisonnable de viser directement ceux-ci. De faA§on plus nuancée, si on décide de s'intéresser A des objectifs intermédiaires, on serait amené A utiliser un concept aussi large que possible d'agrégat de crédit, de faA§on A y incorporer les nouvelles opérations résultant des innovations financières (et de la riposte des opérateurs aux contraintes imposées par la politique monétaire) ; si l'autorité monétaire veut s'opposer A la résolution par l'inflation des déséquilibres réels, c'est A l'ensemble des
financements mis A la disposition de l'économie qu'elle doit s'intéresser. Conclusions A l'opposé de la précédente.
On comprend alors la perplexité où se trouvent depuis quelques années les banques centrales, la variété de leurs positions et, dans divers cas, leurs changements d'attitude au cours des années récentes.
Enfin, on y a déjA insisté, la Banque centrale cherche A intervenir A la fois par des impacts de caractère mécanique et par une influence sur la psychologie des opérateurs sur les marchés ; il est important alors que les messages qu'elle veut faire passer soient aisément et rapidement compris. On peut penser alors que le choix des objectifs annoncés va deir dépendre de la qualité de l'information statistique dont dispose le pays et de l'étendue de la
connaissance des mécanismes économiques qu'ont les principaux opérateurs.
3. L'exigence de crédibilité
La vision moderne de la politique monétaire privilégie de plus en plus, non des liaisons de caractère mécanique entre variables, mais l'influence des décisions publiques sur le comportement des opérateurs sur les marchés. L'impact de l'action des autorités monétaires dépendra donc A la fois de la clarté et de l'intelligibilité du message ainsi enyé et de la crédibilité de cette action9.
Pour que l'effet d'annonce puisse jouer, il est nécessaire que la Banque centrale soit crédible. Ceci exige le respect de deux conditions :
' il faut que les objectifs annoncés soient considérés par le marché comme réalisables, c'est-A -dire compatibles avec les données de l'économie - réelle - (capacités de production et compétitivité, attitude probable des syndicats) ; ainsi certaines cadences de réduction de l'inflation seront jugées comme possibles (mASme si elles sont difficiles) alors que des cadences plus rapides seraient jugées comme irréalisables ;
' il faut que la banque ait manifesté dans le passé sa fermeté et sa ténacité dans la poursuite de ses objectifs pour que le marché soit convaincu qu'elle adaptera ses instruments autant que nécessaire et que, dans sa lutte avec elle, il ne sera pas gagnant.
Plausibilité des objectifs annoncés, ténacité dans l'action, continuité dans la stratégie sont ainsi des conditions de base de la crédibilité durable de la Banque10.
C / LE POIDS DE LA CONTRAINTE EXTéRIEURE
La portée de la contrainte extérieure en change fixe est évidemment très différente suivant la dimension du pays, ée A celle de ses partenaires économiques. On a donc une différence de situation selon les divers pays européens (appartenant ou non A la cee), d'une part entre eux, d'autre part entre chacun d'eux et les Etats-Unis.
On observe ainsi, A l'intérieur de l'OCDE (zone dans laquelle les monnaies sont totalement convertibles) une hiérarchie très marquée des monnaies, du fait de deux facteurs :
' un facteur objectif, la différence de dimension économique des pays (A l'intérieur de la cee, et en excluant le Luxembourg, le pib va de 1 pour l'Irlande A 35 pour la rfa, et avec la mASme unité, le chiffre correspondant serait 90 pour le Japon et 150 pour les Etats-Unis).
' un facteur plus subjectif, l'appréciation des marchés sur la force des monnaies ; celle-ci découle notamment de la politique économique menée dans le passé, qui influence les anticipations sur l'élution du change.
Le résultat en est que, A l'intérieur de l'Europe (cee + aele) et mASme en faisant provisoirement abstraction du fait communautaire, la possibilité de mener une politique monétaire autonome est très différente d'un pays A l'autre.
Ainsi, la Belgique, les Pays-Bas, l'Autriche, la Suède, pour ne mentionner que certains pays, ne peuvent pas air une politique monétaire déconnectée de celle de la Bundesbank ; on comprend pourquoi les monnaies de ces pays firent partie, jusqu'au bout, du serpent mis en place en 1972, mASme après le départ de monnaies comme le franc franA§ais.
Par contre, dans les relations transatlantiques, fonctionnant actuellement sur la base des changes flottants, on pourrait espérer ' on a effectivement espéré ' que les pays européens conservent leur autonomie monétaire. La réalité est moins simple :
' d'une part, il y a de profondes disparités entre les poids des pays et les rôles des monnaies ; ainsi, A la fois comme legs historique et parce que les Etats-Unis sont encore la première puissance économique, le dollar tient un rôle primordial comme monnaie de facturation et de règlement des échanges commerciaux (ainsi le prix du pétrole est affiché ' et réglé ' en dollars par baril) ;
' d'autre part, un taux de change insle vient gASner l'organisation de relations commerciales sles et est donc difficilement acceple.
Mais, comme on va le ir, la création de la cee est susceptible d'atténuer certaines de ces difficultés.