Formellement, le Traité de Rome ne contient aucune restriction A l'emploi national des divers instruments de
politique monétaire ; mais le bon fonctionnement de la Communauté introduit des exigences dont le respect vient limiter la marge de jeu des autorités monétaires nationales.
A / LA CONTRAINTE DE LA STABILITé DES CHANGES
La parfaite silité des taux de change entre les monnaies communautaires (en attendant leur remplacement par une monnaie unique) est considérée par la très grande majorité des spécialistes, comme une condition fondamentale du bon fonctionnement du grand
marché européen. Le choix du système de change s'impose alors A l'intérieur de la cee : c'est le change fixe, nuancé par l'acceptation d'une certaine possibilité de modifications (- change fixe, mais ajusle -), mais de moins en moins fréquentes. Par contre, la formule vis-A -vis des pays tiers reste ouverte. Plusieurs conséquences pratiques découlent de ces prémisses.
a) Pour les pays membres s'impose le choix de l'objectif prioritaire : la silité du change doit primer la silité
des prix. Mais, comme on l'a déjA remarqué, l'obtention de la silité du change requiert un certain parallélisme entre les élutions de prix des partenaires : l'inflation franA§aise (ou néerlandaise) compatible avec la silité du change dépend du niveau d'inflation de leur principal partenaire commercial dans la cee, A sair la rfa. Il faut donc que les pays membres se mettent d'accord sur le niveau d'inflation tolérable et c'est ici qu'on retrouve l'influence des différences de poids, économique et politique, entre les pays. La prééminence de fait, en la matière, de la rfa pousse A l'adoption, dans la Communauté, de l'objectif d'une inflation très faible ; et ceci exerce une contrainte sur les partenaires.
La contribution de la silité des prix A l'efficacité de l'économie conduit A penser que cette contrainte est, au moins de ce point de vue, tout A fait farable. Toutefois, l'éventuel obstacle que constitue un tel objectif, interprété de faA§on très rigide, A la poursuite d'autres objectifs, et notamment une atténuation du
chômage par une certaine politique de stimulation, peut poser problème A certains pays dans certaines situations.
On comprend donc qu'on ait pu constater périodiquement A la fois un accord général pour viser un taux d'inflation faible (mettons, pour fixer les idées, inférieur A 2,5 %) et un désaccord, A divers moments, sur la place précise dans cette fourchette, certains pays ulant viser pratiquement zéro et d'autres étant prASts A accepter, du moins temporairement, 2 ou 2,5 %.
b) Si, pendant quelques années, s'est perpétué un certain différentiel d'inflation entre deux pays, ou si, pour des raisons liées A la structure de ses échanges extérieurs (cf. chap. 8), un pays a plus de difficultés qu'un autre A maintenir l'équilibre de ses échanges (apparition d'un déficit ou d'un excédent, peu importe), il est inévile de procéder A un réajustement monétaire. Mais la forme de celui-ci pose problème. En effet (prenons l'exemple ff et dm), la réalité économique est le rapport (DM/$)/(FF/$) mathématiquement, pour modifier le seul rapport dm/ff, il
est indifférent de modifier, dans la fraction complète, le numérateur ou le dénominateur ; mais l'homme politique n'apprécie pas les choses de la mASme faA§on, puisque la dévaluation est vue par l'opinion publique comme la conséquence d'une mauvaise gestion de l'économie par le gouvernement ; de plus, économiquement, la réévaluation d'une monnaie vient gASner les exportations.
Cette question de - symétrie - dans les ajustements crée périodiquement des difficultés pour la gestion du système monétaire européen.
c) A côté de ces déséquilibres structurels, il faut équer la possibilité de déséquilibres plus conjoncturels ou temporaires, liés par exemple A des modifications d'anticipation du marché ne correspondant pas A des facteurs objectifs (le marché amplifie la portée de signaux extra économiques). Le comportement du marché rend alors difficile, par l'action d'une seule banque centrale, le maintien du taux de change A l'intérieur de la marge de fluctuation tolérée : une action d'ensemble est alors nécessaire, c'est l'idée du concours mutuel prévu par l'article 108 du Traité de Rome.
d) Dans les relations avec les pays tiers (notamment les Etats-Unis), on a vu que le poids relatif des partenaires est très important. La
construction européenne peut alors modifier radicalement la situation de chaque pays européen. En effet, si la cee parvient A se définir une position commune vis-A -vis du reste du monde, elle dispose alors d'un poids considérable pour négocier avec le fed et la Banque du Japon. La nécessité de parvenir A une position commune peut AStre ressentie par chacun comme une contrainte ; en fait, il n'en est rien : pour la Bundesbank, si elle peut parler au nom de l'Europe, cet accroissement de poids vis-A -vis de l'extérieur peut compenser les concessions qu'elle aura dû faire pour parvenir A une position commune ; quant aux autres pays, malgré leurs illusions, ils n'ont plus actuellement d'autonomie, mais peuvent retrouver une certaine influence lors de l'élaboration de la position commune.
La recherche d'une position commune est ainsi pour les partenaires européens un jeu A somme positive, ce - surplus - étant l'expression du gain de force obtenu dans le dialogue avec les pays tiers.
B / DU SERPENT AU SME ET A L'UEM
Il y a trente ans, le respect de la fixité des changes était approximativement assuré par le système monétaire international mis en place A Bretton Woods et ce d'autant plus que, pendant toute la décennie 60, les pays de la CEE ont eu des taux d'inflation faibles et peu différents. La disparition du smi en août 1971, l'apparition du flottement de certaines monnaies, l'élargissement des marges de fluctuation autorisées, joint au mode de calcul des changes intra-CEE passant par le dollar, ont fait apparaitre la perspective de fluctuations excessives de ces changes intra (marges de fluctuations de A± 4,5 %), d'où la décision en 1972 de réduire les marges intra A A± 2,25 % : c'est le serpent dans le tunnel. Tentative louable, mais sans succès, notamment du fait des perturbations profondes consécutives au choc pétrolier.
Pendant quelques années, c'est le chacun pour soi, l'anarchie, le mai-erissement du serpennt qui se ramène A une simple zone mark.
La CEE est au bord de la disparition, lorsque se manifeste en 1979 le sursaut créateur du Système monétaire européen : maintien du principe de changes fixes (mais ajusles) création d'une unité de compte (l'Ecu) par rapport A laquelle se définissent les cours-pits des diverses monnaies, marges de fluctuation entre monnaies limitées A A± 2,25 %, mécanismes de concours mutuel, enfin ' et surtout ' engagement (moral) de pratiquer les politiques économiques nationales nécessaires pour assurer la - convergence - des élutions économiques (notamment des taux d'inflation), ce qui requiert en fait une certaine coordination des politiques économiques.
Ceci a correctement fonctionné depuis dix ans, et comme escompté, on est parvenu A faire de la Communauté une zone de silité monétaire croissante.
Toutefois, l'expérience de dix années de fonctionnement du sme ont montré qu'il était souhaile d'aller plus loin dans l'organisation du système pour aller plus loin dans la silité des changes. Le Rapport sur l'union économique et monétaire dans la Communauté européenne d'août 1989 (dit rapport du Comité Delors) l'exprime clairement :
' la création d'un vaste marché des capitaux complètement libéré exige une meilleure coordination des politiques monétaires ;
' une plus grande convergence des performances économiques est nécessaire ;
' une coordination plus intensive et efficace des politiques s'impose :
- La réalisation d'objectifs économiques nationaux va devenir plus dépendante d'une approche coopérative concernant les décisions de
politique économique. - - S'il convient de recourir autant que possible A la coopération lontaire pour parvenir A une cohérence croissante des politiques nationales, donc en tenant compte de situations constitutionnelles différentes dans les pays membres, il faudra aussi sans doute adopter des procédures plus contraignantes. -
A ce diagnostic, de caractère principalement organisationnel, on peut ajouter la difficulté de fond tenant A l'hétérogénéité de l'appréciation portée par le marché sur la force des monnaies, qui se manifeste lors des relations avec les monnaies des pays tiers. Si, pour des raisons indépendantes de la Communauté, la confiance du marché dans le dollar se modifie, par exemple A la baisse, les arbitragistes se reportent vers d'autres monnaies, et prioritairement vers le Deutsche-Mark : il en résulte, d'origine exogène, une modification dans les valeurs relatives des monnaies communautaires, et donc des difficultés au bon fonctionnement du marché commun et du sme.
Pour toutes ces raisons, le sme tel qu'il fonctionne en 1990 doit AStre considéré comme une formule transitoire, devant se muer progressivement en une complète union économique et monétaire, avec un vérile Système européen de
banques centrales, dont il est prévu qu'il se mette en place progressivement avec, pendant la première phase, ayant commencée au 1er juillet 1990 et devant AStre suivie par une seconde vers la fin de 1992, un renforcement du rôle coordinateur du Comité des gouverneurs des banques centrales et, sous des formes qui se préciseront A l'expérience, une surveillance accrue du Conseil sur l'ensemble des politiques économiques nationales.
DéjA très atténuée pour la plupart des pays membres, la réalité des politiques monétaires nationales est ainsi destinée A s'évanouir progressivement dans les années prochaines, et tous les problèmes équés dans ce chapitre seront alors reportés, mais en termes différents, sur la politique monétaire commune, qui sera examinée au chapitre 9.
RéSUMé
a–s 1. Dans tout pays, la gestion monétaire est rendue plus difficile qu'il y a dix ou quinze ans :
' la multiplication des innovations financières rend moins claire et moins sle la relation entre l'élution de la masse monétaire et les variables-objectifs de la politique macro-économique ;
' l'incertitude accrue sur le futur oblige la Banque centrale A accorder de plus en plus d'attention au mécanisme de formation des anticipations.
Il en résulte une hésitation marquée sur le choix des indicateurs monétaires, tant ceux qui sont utilisés par la Banque centrale pour éclairer son action que ceux qui sont utilisés pour annoncer les intentions de la Banque.
Il en résulte aussi un certain recul de l'idée d'une politique monétaire de réglage fin, au profit du seul respect d'objectifs annuels.
a–s 2. La libéralisation croissante des mouvements de capitaux atténue fortement l'autonomie de la politique monétaire nationale pour toutes les économies qui pratiquent le système des changes fixes.
Les pays sont ainsi acculés A un choix décisif entre l'adhésion A un système de changes fixes ' et une perte d'autonomie monétaire nationale ' et le recours au système des changes flottants, qui ne rélit d'ailleurs que très modérément la marge de jeu nationale et complique le commerce international.
a–s 3. La hiérarchisation des pays en ce qui concerne l'autonomie monétaire a tendance A s'intensifier : ne conservent en fait une certaine autonomie, A l'intérieur de I'ocdh, que les Etats-Unis, la rfa, le Japon.
a–s 4. A l'intérieur de la Communauté, la silité du taux de change est considérée comme prioritaire. Pour l'assurer, a été mis en place en 1979 le Système monétaire européen, en ie de renforcement pour parvenir A une vérile union économique et monétaire.
Ayant déjA une autonomie fort atténuée, les politiques monétaires nationales en Europe sont ainsi uées A disparaitre A échéance de quelques années.