NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » NETECONOMIE » L argent de la netéconomie Modèles économiques a l'essaiMais où est donc passé l'argent investi dans les start-ups du Web ? La plupart des sociétés du secteur sont des gouffres sans fond. Celles qui sont parvenues A l'équilibre, comme Yahoo ou America Online, se comptent sur les doigts de la main. De plus, elles font des profits ridicules par rapport A leur stature boursière. Et leur succès n'est pas forcément reproductible : elles ont surtout la chance d'AStre les premières arrivées. La majorité des start-ups - .corn - ne peuvent en dire autant. Elles sont parfois quatre ou cinq sur le mASme créneau de commerce électronique, et c'est A qui perdra le plus de dollars. A€ moins de se reconvertir massivement dans les messageries et les vidéos de charme, ce qui semble peu probable, on voit mal comment ces entreprises résisteront aux premières secousses boursières avec des assises financières si fragiles. Et pourtant Si un krach doit faucher les jeunes pousses de la netéconomie, il ne déterrera pas le grain enfoui dans le sillon. Certains modèles économiques demeureront, parce que le réseau est lA pour durer. Toute la question est de savoir les reconnaitre. D'autant plus que les business models de l'avenir restent sans doute A inventer. Deux tentatives originales, le - gratuit - et les enchères, retiennent toutefois l'attention, parce qu'elles adaptent la philosophie et le fonctionnement du Net2. Faisons le pari que ce sont les prémisses de nouvelles générations d'entreprises Internet pure play3, n'existant que par et pour le réseau. Mais ant d'examiner ces formules inédites, un petit passage chez Dell s'impose. Ce vendeur d'informatique, qui n'a pourtant rien d'une start-up Internet, est l'un des principaux bénéficiaires de la révolution des technologies de l'information. Cette dernière profite en effet ant tout aux fournisseurs d'infrastructures de télécommunications, de logistique, de matériel et d'applications informatiques. Il n'est pas inutile de le rappeler. Ensuite, Dell a introduit des méthodes commerciales idéales pour une économie en réseau. Dell, le modèle direct A€ l'automne 1999, le magazine Fortune a réalisé un classement des personnes de moins de quarante ans les plus riches aux états-Unis4. Michael Dell, le fondateur de l'entreprise éponyme, arriit bon premier, avec un pactole estimé A 21,5 milliards de dollars A trente-quatre ans. Loin dent Jeff Bezos (Amazon), 5,8 milliards de dollars ; ou David Filo et Jerry Yang (Yahoo), pesant chacun un peu plus de 3 milliards de dollars. Pour s'enrichir, mieux ut fabriquer des ordinateurs que d'AStre une pure net-entreprise. A€ vrai dire, fabriquer est un bien grand mot pour décrire l'activité de ce commerA§ant. Il se contente d'assembler depuis ses débuts en 1984. A€ l'époque, l'étudiant Michael Dell montait sa petite affaire en cachette de ses parents, dans sa chambre universitaire encombrée de processeurs et de carcasses de micro-ordinateurs IBM en pièces détachées. Il revendait ensuite ces machines A ses camarades, aux enseignants, aux relations des uns et des autres. Ses machines étaient puissantes, empruntant ici et lA aux technologies les plus abouties, avec des conurations sans cesse renouvelées. De fil en aiguille, sa réputation a dépassé l'enceinte de l'université. Il s'est mis A embaucher. Fin 1999, Dell comptait plus de 33 000 salariés répartis dans 34 pays. Son chiffre d'affaires ait atteint 23,6 milliards de dollars. Dell était devenu le deuxième vendeur d'ordinateurs dans le monde, avec 10,8 % des ventes, dent IBM (7,6 %) Aux Etats-Unis, il ait mASme coiffé au poteau le numéro un mondial, l'empereur Compaq, en prenant plus de 17 % du marché et en ne laissant que 15,3 % A son malheureux ril. La stratégie de Dell, qui consiste A devenir un courtier en ordinateurs plutôt qu'un industriel A la tASte d'un cheptel d'usines, rappelle celle du mutant Cisco. En devenant un nœud vital dans le réseau, l'entreprise limite les investissements en capital et les immobilisations lourdes, puis prélève une plus-lue sur le service. Elle se concentre sur l'activité commerciale, et parvient ainsi A se passer des intermédiaires pour se rapprocher de son client final. Dans son autobiographie hagiographique6, Michael Dell explique comment est née l'idée de ce système. Il ait été frustré par les réseaux de distributeurs informatiques, incapables de satisfaire les demandes spécifiques des acheteurs, et méconnaissant les produits qu'ils aient en rayon. La philosophie de la vente directe permet au contraire d'assurer un meilleur service au client, ant et après la transaction commerciale, et de lui tailler des machines sur mesure. Dell vend donc depuis toujours par téléphone et, depuis 1996, sur Internet. Ce nouveau canal de distribution directe représentait déjA un quart du chiffre d'affaires fin 1999, soit 35 millions de dollars de ventes quotidiennes. Cela fait de l'entreprise texane l'une des principales enseignes de commerce électronique. L'objectif est de réaliser en ligne la moitié des ventes d'ici 2002, et A terme, la totalité7. Car le Net est le médium idéal pour les clients, expose Michael Dell : - En plus de faire des recherches, de conurer leur ordinateur idéal, de déterminer leur prix, et de commander nos produits en ligne, les clients peuvent utiliser Internet pour vérifier A quelle étape de la chaine de production se situe leur commande. S'ils ont des questions sur le fonctionnement des appareils, ils peuvent se reporter A notre e d'assistance, où ils auront accès A exactement la mASme information que notre propre équipe technique. Internet rend le modèle direct encore plus direct. - Et c'est un jeu où tout le monde gagne, poursuit l'entrepreneur : - Les bénéfices pour Dell sont tout aussi irrésistibles. Internet s'adresse A toute notre base de clientèle, ce qui en fait un outil utile pour mieux identifier et cibler les différents segments du marché ; cela ne concerne pas seulement les états-Unis, mais le monde entier. Et Internet nous permet de garder le contrôle de notre structure : le "one to one" signifie que nous pouvons accroitre nos ventes sans augmenter énormément notre masse salariale, parce que nos commerciaux peuvent consacrer plus de temps aux activités A forte leur ajoutée et se détourner des taches triviales8. - Sans compter que la relation directe avec le client permet de fonctionner - juste A temps -, afin de limiter le stock A une semaine. Cela coûte moins cher que d'entreposer du matériel pendant un mois. Les deux tiers des acheteurs étant des grands comptes, administrations et entreprises, Dell a pu mettre en place assez facilement 15 000 extranets pour passer commande sur mesure. Grace A cette intégration des utilisateurs dans le circuit de production, on connait précisément les besoins logiciels de chacun, et le logo des clients est gravé sur les ordinateurs dès l'usine. Mais le fabricant, dont la croissance de 56 % en 1999 surclasse haut la main celle de ses concurrents industriels (15 % en moyenne), met désormais le cap sur le marché grand public. Il applique les mASmes recettes de personnalisation A la masse des consommateurs. Cela n'aurait pas été envisageable sans la technologie du réseau informatique. S'il n'y ait que deux leA§ons A en retenir, ce seraient celle de la gratuité de l'information et celle de la liberté de choix de chacun - ce qui n'est pas sans évoquer les deux philosophies fondatrices de la netéconomie l0. D'une part, la présence de clients avertis et exigeants sur Internet exige qu'on mette un maximum de documentation A leur disposition afin que chacun dépense son argent en connaissance de cause. Et tarifer ce service, comme c'est la règle sur le Minitel où les minutes de connexion sont chèrement payées, serait une hérésie de nature A faire fuir la clientèle. L'information est en ligne un bien abondant pour lequel les internautes conA§oivent rarement de mettre la main A la poche. D'autre part, imposer une gamme d'ordinateurs avec des conurations standards serait un pis-aller sur Internet. L'antage de ce canal de distribution consiste justement dans la possibilité de prendre en compte les désirs de chaque individu. Vendeur et acheteur se rencontrent dans un face-A -face interactif, et cette conversation ouvre l'univers des possibles. Ces deux philosophies sont également A l'œuvre dans deux modèles économiques parmi les plus originaux du Web, ceux des fournisseurs d'accès gratuits et des enchères. Freeserve, le modèle du gratuit En moins d'un an, la Grande-Bretagne a été submergée par la révolution Freeserve. Ce fournisseur d'accès A Internet créé A l'été 1998 est le premier A avoir proposé l'abonnement gratuit au réseau, les clients ne payant que les frais de télécommunications. L'initiateur de ce service, le distributeur de matériel informatique Dixons Group, n'imaginait pas qu'il allait mettre le feu aux poudres dans son pays et sur le continent. Son innotion a forcé des concurrents de la taille d'America Online UK A modifier leur modèle économique. L'accroissement de la population des internautes, consécutif A la baisse des prix, a ensuite éveillé l'intérASt des investisseurs pour les start-ups européennes. Puis, en juillet 1999, alors que Freeserve détenait déjA 28 % du marché de l'accès A Internet britannique ", elle a été introduite en Bourse simultanément sur le Nasdaq et A Londres. Son action a gagné 37 % le premier jour, une performance digne des net-entreprises américaines, et sa capitalisation s'est immédiatement élie A 3,3 milliards de dollars. Une gue de spéculation sur les leurs Internet s'est alors levée de ce côté-ci de l'Atlantique. Dixons a su trouver la bonne formule économique au bon moment et au bon endroit. Sans libéralisation du marché des télécommunications, rien n'aurait été possible, car la concurrence est le mécanisme fondateur du gratuit. L'entreprise s'est alliée avec Energis, un ril de l'opérateur historique britannique BT12. La comnie de télécommunications voit ainsi augmenter son volume de trafic en s'épargnant des efforts promotionnels, le fournisseur d'accès lui assurant des revenus supplémentaires. Energis se rémunère en effet sur les - reversements - de BT, dont elle utilise l'infrastructure. L'ex-mono-pole dispose du seul réseau finement maillé sur tout le territoire national, pour des raisons historiques : c'est donc lui qui bénéficie en première instance de l'augmentation du trafic. Mais la réglementation européenne impose qu'il redistribue une partie de ces gains A son concurrent. Freeserve ponctionne entre 3 et 9 francs par heure de connexion ces reversementsi, ce qui lui permet d'éponger un peu ses pertes sur les abonnements gratuits. La publicité et le commerce électronique sur son site sont toutefois la première source de revenus du fournisseur d'accès. Le succès de Freeserve s'explique aussi par la prime médiatique accordée au pionnier, et par la position privilégiée du commerA§ant Dixons. Un ordinateur sur deux vendus en Grande-Bretagne passe par ses magasins. Lorsque les néophytes franchissent le seuil de la boutique pour découvrir Internet, ce qui survient fréquemment en cette période de cybermania, il n'est pas difficile de les conincre de s'abonner A Freeserve. Enfin, le fournisseur d'accès gratuit est apparu juste au moment où les Britanniques commenA§aient A se connecter, tout en hésitant dent les coûts de télécommunications induits. Dans un système où la téléphonie locale est facturée A la durée, et non au forfait comme aux états-Unis, on a intérASt A surveiller sa consommation. L'abonnement gratuit, en supprimant un poste de dépenses pour les internautes, a fait sauter un verrou psychologique. Mais ce qui ut en Grande-Bretagne n'est pas forcément vrai ailleurs. Les Américains, dont la problématique est plutôt d'investir dans un deuxième ou un troisième micro-ordinateur connecté A la maison, n'ont pas fait la fASte A leurs fournisseurs d'accès gratuit. Le plus connu d'entre eux, NetZero, n'ait rallié que deux millions d'internautes en octobre 1999, après un an d'exercice. Cela n'a pas empASché AltaVista, en 1999, et Excite@home, en 2000, de se lancer A leur tour dans l'accès gratuit financé par les bannières publicitaires, en utilisant les services d'un intermédiaire nommé lstup.com.. Les Américains ont accordé un peu plus de poids A l'argument des distributeurs de micro-ordinateurs gratuits ou quasi gratuits. Le champion du genre, la start-up californienne eMachincs, est devenu en mai 1999 le quatrième vendeur de PC aux Etats-Unis en moins de quatre mois d'exercice H. Ses unités centrales fournies sans moniteur coûtaient entre 400 et 600 dollars. Mais ce modèle économique fondé sur la rationalisation des coûts est moins osé que celui de Freeserve. En effet, eMachines est ant tout un courtier en ordinateurs, ce qui lui permet de comprimer ses effectifs et ses frais. Il ne fabrique rien lui-mASme, et fait sous-traiter jusqu'au service après-vente ou au système de facturation. De plus, il ne propose jamais la dernière puce d'Intel, qui coûte cher mais n'apporte rien aux internautes n'utilisant leur terminal que pour se connecter. C'est un soldeur appliquant partiellement les recettes de Dell. La start-up new-yorkaise Gobi un peu plus loin dans l'expérimentation, en offrant des PC de bonne qualité aux signataires d'un contrat d'abonnement A Internet de trois ans. En tout, ses clients déboursent 935 dollars. C'est donc une gratuité toute relative, able A celle que pratiquent les opérateurs de téléphonie cellulaire, A mi-chemin entre l'opération marketing et la vente A crédit. Le modèle de Free-PC ressemble déjA plus au montage subtil de Frecscrve, puisqu'il ne répercute pas directement le coût du - don - sur l'internaute. L'entreprise crée de la leur en surveillant l'activité des internautes sur le Web, et en exploitant ces données marketing. Mais c'est faire peu de cas de la vie privée de chacun. D'ailleurs, Free-PC, qui ne comptait que 30 000 clients fin novembre 1999, a été alée par son concurrent eMachines. Ces formules ne fonctionneront pas forcément ad vitam œternam. La fourniture d'accès gratuite, en particulier, est liée A l'émergence d'Internet dans le grand public. Lorsque le plus grand nombre sera connecté, le - verrou psychologique - du prix de l'abonnement aura sans doute sauté. Cela ne signifie en rien la mort de Freeserve et de ses émules, parce qu'une majorité de clients non payants sont d'ores et déjA des internautes confirmés, a priori débarrassés des appréhensions du novice. Ils multiplient les prestataires afin de les tester, ou de doubler leur fournisseur habituel. Par ailleurs, il n'est pas certain que la révolution Freeserve soit adaple A l'étranger. Tandis qu'en Grande-Bretagne, fin 1999, près de 250 fournisseurs d'accès gratuits aient vu le jour15, l'Allemagne résistait A cette vogue. En France, malgré des tarifs de - reversement - au fournisseur d'accès bien moins antageux qu'outre-Manche, soit un franc par heure environ, le gratuit ait réussi A percer. Kingfisher, le groupe britannique qui détient la chaine de distribution d'électroménager Darty, a créé Libcrtysurf avec le groupe de luxe Arnault ; le groupe Bouygues a lancé World Online avec plusieurs partenaires ; l'éditeur de magazines informatiques VNU, la FNAC, le Crédit mutuel, le groupe Serveur, tout le monde s'y est mis. Mais la viabilité de ces entreprises reste douteuse. Les revenus du commerce électronique et de la publicité en ligne ne pèsent pas lourd en regard de leurs dépenses. Et dans ce système de rémunération en cascade, où chacun rogne sur l'assiette étroite des communications locales, il est difficile de dégager les marges nécessaires A la mise A niveau des infrastructures. D'une part, l'augmentation du trafic enrichit les intermédiaires ; d'autre part, elle fait peser la menace d'une congestion sur leur réseau. Enfin, la gratuité libère un poison lent, au fur et A mesure qu'elle se répand : l'infidélité. Puisqu'un fournisseur d'accès ne se paie pas, on en change comme de chemise, sans états d'ame. Par conséquent, les prestataires doivent investir des sommes croissantes dans le marketing et la promotion afin de retenir ces clients volages. La révolution Freeserve serait-elle en train d'appauvrir globalement toute une branche de l'économie ? MASme le pionnier, qui s'est pourtant diversifié en devenant courtier en ligne et en rachetant d'autres start-ups, ne devrait pas atteindre l'équilibre financier ant 2003, selon ses propres prévisions 16. De deux choses l'une. Soit l'accès gratuit A Internet est une danseuse pour de grands groupes en mal de vitrine Internet, qui peuvent continuer A perdre de l'argent sans inquiétude. Soit l'effervescence de l'année 1999 prélude A une gue de concentrations. Les vrais gagnants de l'industrie du gratuit surgiront alors ' peut-AStre ant de passer A un autre modèle économique, plus renle. Néanmoins, l'accès gratuit équiut A l'adoption du suffrage universel sur Internet : tout le monde dispose d'une chance de se connecter. MASme si les minutes de communication restent A payer, c'est un symbole. On voit mal comment on reviendrait au cens sur le réseau. La plupart des conquAStes de la gratuité semblent difficilement réversibles, qu'il s'agisse du don d'information pour les médias, de logiciels ou d'espace pour les communautés virtuelles, ou de services pour les commerA§ants électroniques. On pourrait croire que ces ancées - démocratiques - font marcher les entreprises sur la tASte. Il n'en est rien. Au contraire, une nouvelle logique s'applique. Dans une économie tertiaire, l'information est la première marchandise. Elle n'a pas de prix objectif indexé sur le coût de production. Et comme elle est abondante, on a tendance A la déloriser. Aussi, chaque facture doit AStre justifiée par une leur ajoutée dans le service et dans la présentation. Des initiatives comme la gratuité, qui sont en fait des montages financiers complexes pour rendre une activité renle sans faire payer directement le consommateur, témoignent des efforts des net-entrepreneurs pour prendre en compte cette contrainte. A€ l'avenir, les procédures de fixation du prix devraient continuer A se raffiner et A se diversifier. Le phénomène des enchères sur Internet illustre cette tendance.
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