NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » NETECONOMIE » L argent de la netéconomie Le krach de l'- économie spcculaire -
- Amazon.bomb - : la Une de Barron's, en ce 31 mai 1999, a tout de l'attentat aux leurs Internet '. En effet, le commerA§ant électronique le plus connu de la ète passe en jugement. Et le magazine financier édité par Dow Jones & Co, l'entreprise qui a donné son nom A l'indice de Wall Street, prononce une terrible sentence : - Bczos n'a pas du tout révolutionné l'industrie du livre, en réalité. C'est essentiellement un intermédiaire et il risque d'AStre débordé par des entreprises qui vendent leurs articles directement en ligne. - Un mois plus tôt, Amazon a publié ses résultats trimestriels. Comme prévu, les pertes ont continué de s'accumuler, A hauteur de 30,6 millions de dollars, soit 10 % des recettes. En d'autres temps, c'eût été une bonne nouvelle, car les estimations ancées par Henry Blodget donnaient 13 % de pertes. D'ailleurs, tous les pronostics de l'analyste fétiche de Merrill Lynch se sont révélés trop pessimistes. Il ait sous-élué le chiffre d'affaires du trimestre, 294 millions de dollars, ainsi que l'augmentation du nombre de clients A 8,4 millions. Certes, l'annonce de coûteux investissements, pour entreposer et commercialiser les nouveaux articles mis en vente par le marchand électronique, a fait tiquer plus d'un spéculateur. Mais tout Amazonien un tant soit peu au parfum sait qu'il faut AStre patient et que les pertes d'aujourd'hui seront les profits de demain. On dépense pour assurer sa part de marché . Ce n'est donc pas l'absence lancinante de bénéfices qui a provoqué l'électrochoc Barron's. En fait, ce qui angoisse les spéculateurs, c'est le brouillage des perspectives. La net-entreprise doit sa lorisation extraterrestre A une expansion martienne. Les analystes financiers ont finalement déclaré forfait face aux théories d'investissement. Elles ne s'appliquent pas A un ovni dont la croissance fascine la Bourse, et dont le succès commercial demeure un mystère. On a donc cessé de chercher A expliquer l'Amazon d'aujourd'hui pour parier sur l'Amazon de demain, en partant du principe que Jeff Bezos continuerait A surprendre. Ce trimestre-lA , la surprise n'a pas été assez forte. C'est hélas ce qui arrive souvent lorsqu'une entreprise atteint une certaine maturité. Les taux de croissance vertigineux se tassent, car on double plus facilement de volume lorsqu'on part de rien qu'après avoir amassé un important capital. Par-dessus le marché, Barron 's s'est acharné sur le magicien Bezos, en expliquant qu'il ne raflerait jamais l'énorme part de marché qu'il convoite, et dont il a besoin pour rentrer un jour dans ses frais. L'action a immédiatement perdu 10 % de sa leur, le 1er juin, entrainant dans sa chute AOL et Yahoo. Le charme est rompu. Les médias ont retrouvé le goût de la critique, après un passage A vide qui aura duré le temps d'une envolée boursière commencée l'automne précédent. Pour autant, le krach n'a pas eu lieu en 1999. Annoncé depuis que la netéconomie existe, c'est-A -dire depuis que la bulle financière des leurs Internet a pris forme, il est dans tous les esprits. - C'est comme d'attendre le Big One, un tremblement de terre sur la faille de San Andréas, évoque le journaliste Adam Lashinsky en citant justement la zone de subduction sur laquelle a poussé la Silicon Valley. Chaque secousse vous fait croire que le Grand Jour est arrivé4. - Pourtant, A chaque fois, la Bourse s'est relevée et la machine A fabriquer des start-ups s'est remise en marche. Fin 1999, Amazon ait retrouvé une capitalisation boursière de plus de 30 milliards de dollars, Yahoo lait le double et America Online dépassait AT&T d'un cheveu (un cheveu lant tout de mASme trois milliards) A 186 milliards de dollars. Quant A Cisco, le plombier du réseau, il mettait ses pas dans ceux de Microsoft, avec 307 milliards de dollars au compteur, tandis que l'ogre de Redmond pesait 470 milliards5 On peut s'émerveiller de cette vitalité ou redouter le chatiment du ciel, mais on ne peut prédire de faA§on certaine l'issue de cette fièvre. Elle est en grande partie incompréhensible, car elle s'enracine dans une économie de la spéculation, où chacun tente d'anticiper les gestes de tous les autres, et pas seulement sur les marchés financiers. Tout au plus pouvons-nous rappeler comment nous en sommes arrivés lA . Comment les leurs Internet - pures -, c'est-A -dire barbares, portails, et net-filiales cotées des mutants et des ogres, ont réussi A manipuler la Bourse et l'opinion, d'une part. Comment, d'autre part, une nouvelle race de spéculateurs a modifié la trajectoire boursière des entreprises. Quant A l'avenir, rares sont ceux qui ne croient pas A une sérieuse correction du marché dans un laps de temps plus ou moins court. Le tout est de savoir s'il s'agira d'un simple dégonflement de la bulle, d'un krach sectoriel ou d'une implosion de toute l'économie. En l'absence d'une réponse univoque, il nous faut apprendre A vivre dans la cyberréalité. Yahoo-le-stock, histoire médiatique - Comment a-t-il pu AStre possible qu'une entreprise avec 16 millions de dollars de chiffre d'affaires trimestriel obtienne une lorisation boursière de 34 milliards de dollars - et que personne n'ose suggérer que son cours est surélué ? Cette histoire, celle de Yahoo-le-stock6, est l'histoire des relations entre les investisseurs et les leurs Internet. Elle raconte comment nous avons tous dû apprendre A abandonner nos préjugés d'experts7. - Au moment où le magazine Fortune publie son récit, en juin 1999, Wall Street vient de vivre un semestre trépidant. Les net-entreprises sont arrivées en masse en bout de chaine biologique, sur le marché financier. Introduites en Bourse, elles sont enfin prises au sérieux par les analystes : les plus grincheux d'entre eux retournent leur veste un par un pour saluer le miracle Internet. Depuis quelque temps, l'histoire parallèle des cours boursiers et des résultats économiques diverge donc A grande vitesse. Yahoo-le-stock mène sa vie extragante dans la bulle, tandis que Yahoo-l'entreprise construit patiemment ses sources de revenus. Car les net-entrepreneurs ont compris que leur leur en Bourse était une pièce maitresse de leur stratégie et qu'il leur appartenait de la manipuler. Tim Koogle, le P-DG de Yahoo, est un expert en la matière. C'est pourquoi, au lieu des quelque 3 milliards de dollars de lorisation boursière qui auraient couronné les efforts de la start-up selon les critères d'éluation traditionnels, 34 milliards lui sont échus. Que Yahoo n'ait pas eu besoin d'argent ne l'a pas empASchée d'entrer en Bourse. Quelques mois ant son introduction, en avril 1996, la holding japonaise Softbank ait investi 100 millions de dollars dans le développement de la petite société8. Un entrepreneur traditionnel aurait profité de l'aubaine pour ne pas - diluer - son capital, autrement dit pour ne pas en céder une partie A des actionnaires susceptibles de demander des comptes par la suite. Il serait resté maitre en son royaume. Et il aurait consolidé son affaire loin des marchés financiers, jusqu'A ce qu'elle soit assez puissante pour tenir le choc des attaques boursières et des dépressions conjoncturelles. Mais Tim Koogle en a décidé autrement. Deux concurrents, les portails Lycos et Excite, étaient sur les rangs pour l'introduction au Nasdaq. Le P-DG de Yahoo voyait d'un très mauis œil ces deux-lA arracher la - prime au premier arrint - que décernent spéculateurs et journalistes, les uns par leurs achats d'actions, les autres par leurs articles élogieux. Il ne voulait surtout pas rester A la traine. Son entreprise a donc été introduite en Bourse dans la foulée de Lycos et Excite. Ce premier indice incite A penser que les marchés financiers n'exercent plus le mASme rôle qu'autrefois. Ils offrent des liquidités, certes. Mais les capitaux privés sont désormais si abondants, aux états-Unis, que les start-ups de la Silicon Valley pourraient A la rigueur grandir toute leur vie dans les bras de eurs venture capitalists. La Bourse fait pourtant partie de la chaine biologique des net-entreprises, parce qu'elle endosse une autre fonction que la fourniture de capitaux : elle délivre un sauf-conduit aux nouveaux patrons. Il ne s'agit pas de lider un modèle économique au regard de ses résultats, comme on le faisait jusqu'ici. On lide, ant tout, l'existence d'une entreprise. C'est une faA§on de contrer l'irréalité de la nctéco-nomie qui désoriente les acteurs traditionnels du marché. Ces structures sortent de nulle part, ne produisent rien de tangible, siègent dans le cyberespace, n'ont pas de revenus ou presque. Comment voulez-vous miser de l'argent sur personne, ne faisant rien, nulle part, et n'en tirant rien ? Tim Koogle s'est arrangé pour que cette introduction soit retentissante A souhait, afin de montrer que Yahoo existe, mais aussi que Yahoo est un phénomène. Pour cela, il fallait que le cours monte en flèche dès le premier jour. Pendant le roadsbow, cérémonie au cours de laquelle l'entreprise candidate boni-mente dent les investisseurs potentiels afin qu'ils prennent des lots d'actions, les dirigeants ont volontairement sous-élué leurs projections financières. La manœuvre semble aller A contre-emploi : on ne se délorise pas lors d'un entretien d'embauché. En fait, l'objectif n'était pas de conincre les investisseurs ant la mise sur le marché du titre, mais tout de suite après, en provoquant un effet d'aubaine. C'est ce qui s'est passé. L'action a été introduite A 13 dollars seulement, puis elle s'est silisée A 33 dollars en fin de journée, grimpant de 154 %. Yahoo-le-stock, un jour d'existence, lait déjA 800 millions de dollars. Yahoo-l'entreprise, deux ans d'age, n'ait pas encore rapporté son premier profit. Yahoo ne s'est pas arrAStée en si bon chemin. A€ diverses reprises, elle a dû procéder A de nouvelles flotations pour lever des fonds. A€ la mi-l999, un quart seulement de son capital était sur le marché. Mais cette petite fraction ait suffi A faire connaitre le premier annuaire Internet du monde, devenu moteur de recherche, puis portail. Tim Koogle pouit récolter les fruits financiers de sa politique boursière, et ramener les gains de Yahoo-le-stock dans le giron de Yahoo-l'entreprise, en rachetant Geocities ou en augmentant les stock-options de ses salariés - toutes opérations pour lesquelles une bonne lorisation est indispensable. Malgré cette stratégie non dénuée de barbarie, au sens - amazonien -, le P-DG s'est attaché A donner de lui-mASme une image de respecilité A Wall Street. L'entrée de la leur Yahoo dans l'indice boursier Standard & Poors 500, en décembre 1999, a constitué le point d'orgue de cette stratégie. C'est l'autre visage de la société qui donne en pature aux médias les sympathiques David Filo et Jcrry Yang quand elle veut faire passer e message d'une équipe jeune, créative et A la e. Toute la force de Yahoo-l'entrcprise est dans cette médiatisation duale et maitrisée de Yahoo-le-stock. D'un côté, on répétera au public que les profits ne servent A rien dans l'immédiat, puisque la priorité est d'accroitre sa part de marché plus rapidement afin de rester seul en lice. De l'autre, on chuchote aux financiers que l'on bientôt dégager ses premiers bénéfices -ce qui s'est produit dès le quatrième trimestre de 1996, sans suite ant 1998. Tout concourt A asseoir la confiance et A montrer que Yahoo est une entreprise insurpassable, une leur inévile, une industrie irrésistible : la preuve, elle lait 60 milliards de dollars A la fin 1999. - Si nous pouvons acheter aujourd'hui les actifs nécessaires en restant profiles, si nous demeurons les premiers de notre domaine, le fait que notre action grimpe ou descende n'est plus si important, confiait Jerry Yang A la presse franA§aise en septembre 19999. Qui plus est, nous aurons une meilleure lorisation que les autres. Sauf si le marché boursier s'effondre complètement, je ne vois pas de catastrophe. D'autant que, dans ce cas, on pourra peut-AStre acheter moins cher ! - Avec leur monnaie de singe, les net-entrepreneurs vivent comme des rois. Ils ont trouvé la pierre philosophale, les lorisations qui transforment le virtuel en or bien réel. L'heure du day trader A€ vrai dire, cette stratégie menée tambour battant n'a pas toujours eu le mASme accueil A Wall Street. Il a fallu que la netmania mette le feu aux poudres. La fièvre s'est déclarée assez tardivement, lorsqu'un nombre suffisant d'Américains ont disposé d'une connexion et, surtout, lorsqu'il y a eu suffisamment de choses A voir sur le Web pour le grand public. On peut la dater de l'introduction en Bourse, en septembre 1998, d'eBay, dont l'étonnant modèle d'enchères a attiré l'attention des médias sur le phénomène du commerce électronique. Les ventes en ligne de la saison de NoA«l ont raffermi cet intérASt, et les cours se sont envolés. A€ peu près au mASme moment, l'actionnariat des leurs Internet a changé de nature. Face aux entrepreneurs manipulateurs de lorisations, on a vu grandir la gue des net-spéculateurs, dont l'audace reflète celle de leurs idoles. Ensemble, ils ont transporté les marchés financiers dans un univers de spéculation infinie. Les leurs Internet étaient A l'origine un hobby pour la côte Ouest, pour les informaticiens, les salariés des sociétés high-tech, les jeunes, les casse-cou - des gens pas sérieux. Dent la montée phénoménale des cours, les analystes financiers ont commencé A douter de leur propre outillage théorique, inopérant pour expliquer l'explosion de ces start-ups pour la plupart sans revenus ni profits. Yahoo-le-stock ait gagné 745 % en deux ans de vie boursièrel0. L'ignorer eût été une faute professionnelle A l'égard de leurs clients actionnaires. Ils sont donc passés des sarcasmes A l'adhésion, ralliant la grande prAStresse de a finance Mary Meeker. Elle-mASme a fait son mea culpa en avril 1998 pour avoir si longtemps snobé les leurs Internet. Les gros gestionnaires de portefeuilles et mASme les fonds de pension se sont engouffrés dans la brèche, comme s'il s'agissait d'investissements patrimoniaux et sans risque, au mASme titre que les entreprises pétrolières et de télécommunications. A€ la fin 1998, Fidelity Investment détenait ainsi pas loin de deux millions de parts dans Yahoo, au nom de ses clients américains cotisant pour leur retraite. La folie du Net a soudain donné lieu A une flambée des cours entre janvier et avril 1999. Puis ils ont dégringolé, dans un accès de doute. La chute a été brutale, mais elle a permis aux investisseurs qui ne s'étaient pas encore servis de prendre une part du gateau, faisant repartir les cours A la hausse. Enfin, depuis l'automne 1999, c'est le tout-venant des spéculateurs du dimanche qui réclame un bout de fortune rapide et pas chère. Cette netmania est le résultat de la conjugaison de trois facteurs. D'abord, l'afflux de capitaux vers les marchés financiers. En effet, depuis le virage monétariste des années quatre-vingt, 43 % des Américai.is font fructifier leurs économies en Bourse afin d'assurer le financement de leur retraite ou l'éducation de leurs enfants ".En tout, 60 % de l'épargne des ménages sont investis dans les actions ou les fonds de placement. Il y a donc énormément de liquidités dans le système, beaucoup plus qu'en Europe ou au Japon. Ensuite, le développement du courtage de détail. Il a pris son essor il y a plus d'une décennie, avec l'expansion des discount brokers, ces courtiers qui prélèvent de faibles commissions mais n'ont pas le droit de recommander un titre en particulier. Surtout, le commerce de détail des actions doit sa vitalité récente A l'extension des online brokers, des prestataires Internet encore assimilés aux discounters. Ils fournissent A l'écran une telle quantité de données et de statistiques qu'on peut se demander s'ils entrent toujours dans ce cadre légal - la Securitics Exchange Commission, qui réglemente les opérations boursières, étudiait d'ailleurs la question en 1999. En fait, mASme si les brokers étaient muets, leurs clients continueraient A se renseigner sur les sites d'information des médias. Ces derniers endossent un rôle troublant : gratuits, situés A un clic de souris de la e sur laquelle on peut envoyer un ordre d'achat ou de vente, ils font office de nouveaux faiseurs de marché avec des jugements pas toujours modérés ni sûrs. Mais la nouveauté, et la grande inconnue du marché des leurs Internet, ce sont les day traders. Ces - spéculateurs du jour - ne sont guère plus de cinq mille A sept mille boursicoteurs fanatiques. Ils sont noyés dans la masse des cinq millions de ménages américains disposant d'un compte titres en 1999. Mais leur influence est démesurée, parce qu'ils ont fait de la spéculation leur second métier, voire le premier et l'unique. Ils n'appartiennent pourtant pas au sérail de la finance. Ce sont en général des cadres moyens, séduits par la commodité du courtage sur ordinateur, A l'esprit calculateur et un brin joueur. Ils n'ont que faire des santes mesures d'éluation des entreprises. Et pour cause : ils ne connaissent souvent rien d'autre de la société dont ils échangent les titres que les quatre lettres qui l'identifient A la Bourse, AMZN, YHOO, EBAY, etc. Qui se pique de day trading doit suivre une règle du jeu particulière. Elle se résume ainsi : avec tes actions, en aucun cas ne dormiras. Ce qui explique l'appellation de ces drôles d'oiseaux. Ils sont sur le pont de l'ouverture des marchés A leur fermeture, dans l'après-midi ; mais jamais ils ne conservent des positions boursières au-delA d'une séance, s'agirait-il de leurs en or, les revendraient-ils A perte. Les titres leur brûlent les doigts. Certains les lachent au bout de cinq minutes, de sorte qu'en une journée ils réalisent presque une centaine de transactions éclairs. Shannon Nor, une spéculatrice new-yorkaise interrogée par le magazine The Industry Standard, déclarait gagner 3 000 dollars par jour, en empochant 300 dollars par opération. Cela ne pas sans risque pour l'économie. Tandis que les hedge fnnds, ces fonds spéculatifs A long terme, désilisent la gestion des états, eux s'attaquent A celle des entreprises, qui suivent impuissantes l'évolution en dents de scie de leur leur boursière. L'édifice du marché est miné, paradoxalement, par des acteurs qui en ont compris l'essence : la rencontre de l'offre et de la demande, plutôt que la dictature des - fondamentaux -, ces riantes qui permettent de mesurer la santé économique d'une société. En effet, un day trader ne fait rien d'autre que de profiter d'une imperfection du marché pour s'immiscer dans l'échange et en tirer un profit. Les cours ne s'ajustent pas automatiquement, mASme dans un marché totalement électronique en temps réel, car l'information ne parvient pas A tout le monde simultanément. Il faut payer des passe-droits, AStre affilié A certaines organisations qui ménagent des privilèges A leurs clients, et veiller au grain en permanence. Internet lézarde ce système élitiste, mais ne le met pas A bas. Il favorise seulement le trail des day traders, ces aventuriers qui pénètrent dans le sanctuaire boursier par des voies détournées, prennent l'information A la source et ajustent plus vite que la mesure les cours par rapport aux anticipations. Ce faisant, ils lubrifient le marché, puisqu'ils raccourcissent le délai de réaction. Mais ils vont au-delA . Ils font vérilement le marché en mettant la pression sur une poignée de titres sous haute surveillance. Tous les autres acteurs de la Bourse réagissent, et leurs tatonnements d'investisseurs deviennent des prophéties autoréalisatrices. Ce glissement progressif vers la fabrication d'un nouvel équilibre de l'offre et de la demande, dans l'espace virtuel de la spéculation, a été observé bien ant l'éclosion du Web par l'économiste Robert Boyer, l'un des fondateurs de l'école franA§aise de la régulation. - Lorsque les marchés étaient peu développés, s'affrontaient des visions sur : "Est-ce qu'aujourd'hui le prix des automobiles augmenter ou baisser ?" - donc sur des choses relativement objectives et factuelles. Maintenant, la spéculation introduit une dimension cognitive, quasi philosophique : "Comment dois-je tenir compte dès aujourd'hui de l'avenir qui est demain ?", avec un beau paradoxe temporel : "Si je crois que, demain, interviendra tel événement, et si je suis suffisamment puissant - comme le sont les cambistes dans leur ensemble lorsqu'ils jouent sur les monnaies -, je peux faire que ce futur arrive du fait mASme de mon action ." - En effet, les intermédiaires de l'échange de leurs Internet, tout comme les cambistes, ont du pouvoir car ils déplacent en une journée de considérables volumes d'argent. Comme eux, ils vivent dans un petit monde, partageant les mASmes croyances et les mASmes angoisses. Il s'ensuit un comportement moutonnier qui, sans garde-fous, pourrait mener A la faillite de tout le système. C'est pourquoi mASme les réseaux de communications électroniques, ou ECN, ont prévu des mécanismes pour se prémunir des excès de la spéculation. Les Electronic Communications Networks sont des places de marché alternatives, complètement virtuelles et automatisées, n'ayant pas le statut de Bourses. Elles auraient capté entre 25 % et 30 % des transactions du Nasdaq en 1999, grace A des frais de transactions extrASmement réduits, puisqu'elles se passent des intermédiaires traditionnels, les - faiseurs de marché - du Nasdaq ou les dealers du New York Stock Exchange. On pourrait croire que les ECN, qui ne sont finalement que de gigantesques logiciels de courtage drainant des milliards de dollars, éliminent les dernières imperfections du marché. Il n'en est rien. Si jamais la spéculation s'emballait, les agents économiques étant rationnels et bien informés, elle se poursuivrait jusqu'A l'épuisement des liquidités, au krach absolu. Des mécanismes d'interruption des cotations sont donc prévus - des mécanismes externes au marché. Mais les ECN nous intéressent pour une autre raison. Car leur ascension depuis 1997, parallèle A celle du day trader qui les fréquente assidûment, est symptomatique de l'émergence d'une - économie spéculaire -, selon l'expression de Robert Boyer, une économie dans laquelle - l'abstraction neutralise le sens du risque et des enjeux réels -, parce que tout devient virtuel. En effet, avec ces réseaux d'origine américaine, le monde entier devient une ste plaque tournante de l'échange de titres. Ils fonctionnent nuit et jour, tissant leur toile entre les principales places financières du monde. Instinet, créé en 1991 par l'agence d'information Reuters afin de transmettre les ordres d'achat et de vente d'actions de ses clients, est présent dans huit capitales et membre de dix-huit Bourses. Le soleil ne se couche pas sur son empire. Les opportunités de placements sont d'autant plus riées pour ses clients. Avec plusieurs banques et un autre ECN, Archipelago, Instinet a recapitalisé en mai 1999 une Bourse anglaise, Tradepoint, s'aventurant de plus en plus loin sur le territoire de ses riux-partenaires possédant le statut de Bourse15. D'ailleurs, la concurrence de ces nouveaux acteurs commence A secouer Wall Street, A défaut de faire ciller le Neuer Markt. A€ New York, on se demande s'il falloir se mettre A l'horaire des réseaux de communications électroniques. Depuis l'été 1999, le courtier en ligne E::Trade permet A ses clients de grappiller deux heures et demie supplémentaires pour leurs transactions. Après que la cloche du Nasdaq a retenti, A 16 heures, le marché est transféré sur Instinet. On sait qu'il est dangereux de boursicoter après la fermeture des Bourses, car il y a moins de liquidités, ce qui peut entrainer des fluctuations violentes et irrationnelles des cours. Mais l'extension des heures ouvrables sur les places financières traditionnelles est irrésistible, prévoit le New York Observer : - Wall Street a horreur du vide. S'il y a de l'argent dans le courtage nocturne, alors les gens échangeront toute la nuit, mASme si cela les rend misérables 16 - Quand on est un vieux singe dans le métier, on peut le dire avec encore plus de cynisme : - étendre les heures d'ouverture permettra de faire entrer plus de perdants dans le jeu, ce qui est une excellente chosel7. - Mais pendant que les day traders refont le monde A l'aveuglette, d'autres se préparent pour le déluge qui emportera les leurs Internet.
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