La distinction entre fournir et produire un service étant désormais bien élie, nous pouns aller de l'avant en examinant les différents dispositifs institutionnels propres à la distribution de services.
L'existence de dispositifs différents tient au fait que le gouvernement peut intervenir soit comme promoteur, soit comme producteur, et qu'il en va de même du secteur privé. Il en résulte quatre catégories de dispositifs, qui peuvent à leur tour être subdivisées en dix dispositifs distincts en fonction des interactions entre promoteur, producteur et consommateur. La ure 4.2 montre les relations théoriques entre ces dix dispositifs. On s'intéressera particulièrement aux sept dispositifs dans lesquels le secteur privé intervient comme producteur. La privatisation implique généralement l'utilisation d'un ou plusieurs de ces dispositifs, ainsi qu'on le verra vers la fin du chapitre. Les dix dispositifs, que nous équerons successivement, sont le service gouvernemental, la prestation gouvernementale, la convention intergouvernementale, le contrat, la concession, la subvention, le bon de fourniture, le marché libre, le bénélat et l'autoproduction.
LE SERVICE GOUVERNEMENTAL
L'expression service gouvernemental sous-entend la distribution d'un service par un organisme gouvernemental utilisant ses propres salariés ; le gouvernement agit à la fois en promoteur et en producteur du service. Cette relation est schématiquement représentée par la ure 4.51. Lorsque l'utilisateur paie le service reçu, la situation correspond à celle de la ure 4.4. n existe de nombreux cas de services gouvernementaux traditionnels, au niveau des communes, des comtés et de la nation.
Il faut équer aussi le cas des entreprises nationalisées ou dont le gouvernement est propriétaire. Par exemple, Renault, le constructeur d'automobiles français, a été nationalisé peu après la Seconde Guerre mondiale, aussi l'État français est-il, de fait, fabricant d'automobiles. En Union soviétique, les municipalités gèrent des hôtels, des restaurants, des boulangeries, des brasseries, des magasins et des usines produisant des biens de consommation2. Ces activités, comme les activités nationalisées des pays non communistes, sont prises en charge par des entreprises détenues par le gouvernement ou gérées par lui plutôt que par des administrations à proprement parler, mais, dans notre optique, les unes et les autres relèvent de la catégorie des services gouvernementaux.
LA PRESTATION GOUVERNEMENTALE
Il se peut que quelqu'un s'avise d'acheter des biens et services à un organisme gouvernemental. Par exemple, il peut acheter au gouvernement le droit d'exploiter une source, une mine, une forêt ou un paturage appartenant au domaine public. Ou, autre exemple, le gérant d'un terrain de sport privé peut s'arranger pour que le contrôle des entrées soit assuré par le service de police local, au lieu d'embaucher des gardiens privés ; il paiera ce service au gouvernement. Ou encore, le sponsor privé d'un défilé sur la ie publique ou d'un pique-nique dans un parc public pourra payer pour que le nettoyage soit ensuite assuré par un organisme public. Au fond, le gouvernement et les entreprises privées entrent en
concurrence pour emporter un marché. Une personne ou une organisation privée joue le rôle de promoteur et le gouvernement joue celui du producteur. Ce dispositif, dit prestation gouvernementale, est décrit par la ure 4.5.
La prestation gouvernementale, telle que définie ici, ne doit pas être confondue avec l'instauration d'un paiement par l'usager d'un service gouvernemental. Quand le gouvernement fait payer l'eau, l'électricité ou les transports en commun, il se contente de facturer directement les consommateurs au titre des biens privés et à péage qu'il leur fournit sous forme de services gouvernementaux directs, lui-même agissant entant que promoteur. Avec la prestation gouvernementale, c'est le consommateur qui est le promoteur.
LA CONVENTION INTERGOUVERNEMENTALE
Une instance publique peut en embaucher ou en payer une autre pour fournir un service. C'est ce que fait un district scolaire quand, ne disposant pas de son propre lycée, il s'arrange pour enyer ses élèves dans celui d'un district isin auquel il paiera ce service. Il est fréquent aussi que de petites
collectivités achètent des services de bibliothèque publique, de loisirs ou de protection contre l'incendie à des organismes publics spécialisés créés par plusieurs collectivités d'une même zone, auxquelles ils vendent leurs services. Il arrive que les comtés passent contrat avec des villes pour qu'elles assurent moyennant paiement l'entretien de la portion des routes situées sur leur territoire. Les États américains passent contrat avec des villes et des comtés pour qu'ils fournissent des
services sociaux à des familles ou à des personnes. La redistribution des responsabilités entre différentes instances est en grande partie motivée par le souci de mieux traiter les problèmes régionaux et de lutter contre l'augmentation des coûts. Nous équerons ces dispositifs institutionnels sous le nom de conventions intergouvernementales. Une collectivité publique fait office de producteur, mais une autre intervient comme promoteur.
Les conventions intergouvemementales sont fréquentes. Un sondage de 1973 auprès de 2 375 municipalités américaines a révélé que pas moins de 62 % d'entre elles avaient recours à des conventions, officialisées ou non, au terme desquelles d'autres collectivités publiques fournissaient des services à leurs citoyens. De plus, 43 % des cités produisaient des services pour le compte d'autres collectivités». Les rôles respectifs des différents producteurs de services sont mentionnés par le leau 4.1. Dans le cadre de ces conventions, les producteurs de services étaient le plus souvent des comtés. Dans 40% des cas, les conventions intergouvemementales conclues par des municipalités avaient d'autres cités pour producteurs.
Un sondage effectué en 1982 auprès de 1 780 collectivités locales, pour le compte du ministère américain du Logement et de l'Urbanisme, a permis de déterminer l'étendue du recours aux conventions intergouvernementales pour des services locaux spécifiques. Le leau 4.2 reproduit la liste des services que plus de 25 % des localités interrogées fournissent de cette façon. On it que les services de
santé et de transport sont les plus communément concernés. Ces conventions interviennent fréquemment entre une commune et un comté ou une administration spécialisée.
Le Lakewood Plan fait amplement appel à ce type de dispositif institutionnel pour distribuer des services. En 1981, Lakewood, une commune du comté de Los Angeles, achetait à ce dernier quarante et un services différents ; soixante-seize autres communes achetaient aussi un ou plusieurs services au même comté. Toutes lui achetaient des services électoraux ; les autres services commercialisés concernaient la surveillance des animaux, les secours d'urgence, l'application des ordonnances sanitaires, l'ingénierie, la sécurité et la lutte contre l'incendie, les bibliothèques, l'entretien des égouts, l'entretien des espaces verts, les loisirs, la répartition et la collecte des impôts, l'hospitalisation des détenus, les services de gestion du personnel tels que recrutement, examens et habilitations, les actions judiciaires, l'inspection des batiments, le désherbage, les agents de sécurité scolaire, l'inspection des terrains de camping, les contrôles laitiers, la dératisation, l'hygiène mentale, l'élagage, l'entretien des ponts, la fabrication et la pose de la signalisation urbaine, le nettoyage de la irie, l'entretien des signaux routiers, le marquage routier, la surveillance de la circulation, l'immatriculation des entreprises et la sécurité des piétons.
Les communes concernées avaient même créé une organisation pour assurer des services d'intérêt commun, la California Contract Cities Association.
LES CONTRATS
Les gouvernements ne contractent pas seulement avec d'autres gouvernements mais aussi avec des entreprises privées et organisations sans but lucratif, dans le but d'assurer la distribution de biens et services. Ce dispositif fait de l'organisation privée le producteur, et de la collectivité le promoteur, ce dernier rémunérant le producteur, comme le montre la ure 4.7. Une telle « contractualisation externe » est le dispositif auquel on se réfère le plus souvent au cours des débats sur la privatisation des services gouvernementaux traditionnels (par opposition à celle des entreprises détenues par le gouvernement). Dans le dispositif de contrat, le gouvernement est idéalement : l'interprète d'une demande de biens et
services publics démocratiquement exprimée, un acheteur habile, un contrôleur pointilleux des biens et services qu'il achète au secteur privé, un collecteur efficient d'impôts équiles, un comple parcimonieux qui règle l'adjudicataire dans les conditions ulues.
Les exemples de contrat sont légion. La plupart des biens matériels - fournitures, équipements, installations - utilisés par les collectivités publiques américaines sont achetés à des contractants, car peu d'activités industrielles, de construction ou agricoles sont en fait accomplies par des fonctionnaires. Cela est vrai même des équipements militaires sensibles car, bien que certaines munitions soient fabriquées par des arsenaux fédéraux, l'essentiel provient de producteurs privés. Le matériel militaire est acheté à des contractants, mais dans des conditions qui laissent parfois à désirer ; cette question sera équée plus avant au chapitre 7. Au niveau local, les routes, écoles et locaux administratifs sont généralement construits pour le compte du gouvernement par des entrepreneurs privés dans le cadre de dispositions contractuelles, et les crayons, les, lances à incendie, uniformes, produits alimentaires (à l'usage des élèves, des malades et des prisonniers), ferry-boats, automobiles, fusils, bennes à ordures et ordinateurs sont achetés à des fournisseurs privés.
Hormis ces biens matériels, le gouvernement se procure par contrat les services les plus divers : entretien des sols, gardiennage, restauration collective, travaux de secrétariat et administratifs, bibliothèques, laveries, centres informatiques, transcodage, réparation automobile, microfilmage, photographie, impression, traitement de dossiers, transports, etc.
Il y a aussi beaucoup d'exemples plus inattendus. L'administration américaine des monnaies et médailles délègue par contrat une partie de son
travail de frappe. Un contractant privé a pendant de nombreuses années fourni le personnel et assuré le fonctionnement du système d'alerte destiné à délecter les avions et missiles qui surleraient l'océan Arctique en direction de l'Amérique du Nord. L'État américain a fait appel à une
entreprise privée pour assurer la surveillance et l'espionnage de la ligne israélo-égyptienne de cessez-le-feu dans le Sinaï, alors que les taches de ce genre incombaient traditionnellement à des unités militaires. Les mercenaires ont été employés dès l'Antiquité et sont encore engagés dans des guerres clandestines pour le compte de divers pays. De même, des unités aériennes privées sont apparues depuis quelques années pour faire la guerre sous contrat.
Des contrats plus anodins avec des entreprises privées interviennent au niveau municipal ; ils concernent par exemple la collecte des déchets, les transports par ambulance, la maintenance des feux de circulation routière ou urbaine et la réfection des chaussées. On a aussi recours aux contrats pour toutes sortes de services sociaux ; les contractants sont le plus souvent des organismes sans but lucratif.
Et n'oublions pas que c'est un contractant privé, au service des souverains esnols, qui a découvert le Nouveau Monde en 1492.
L'ampleur des contrats. En 1984, l'État fédéral a entrepris pour plus de 20 milliards de dollars de travaux commerciaux relevant des types mentionnés ci-dessus : entretien des sols, gardiennage, etc. Le service des achats fédéraux a estimé que 6 milliards de dollars au moins de ces services pourraient être confiés à des firmes privées sans que cela empiète sur la mission des administrations5. Parmi les activités du ministère de la Défense considérées comme industrielles et commerciales -il s'agit de fonctions comme ravitaillement, le blanchissage, l'entretien des avions et véhicules terrestres ou la construction-, un quart de la dépense totale mesurée en années-homme consistait en achats auprès du secteur privé6. On estime que les achats de services des collectivités publiques américaines, contrats privés et contrats intergouvemementaux confondus, ont représenté 42 milliards de dollars en 1976. Il faut être conscient du fait que ces chiffres sont très approximatifs, car il est difficile de détecter et de compiliser les activités correspondantes sur une base unique.
On ne dispose pas d'informations complètes sur les sommes totales que les municipalités consacrent à des contrats de service, mais le leau 4.3 indique le pourcentage des communes qui, sur un échantillon total de 1 780, passent des contrats avec des organismes privés pour se procurer différents services. Remarquez qu'il y a parmi ces organismes des entreprises commerciales, des associations sans but lucratif et des groupes de quartier. Le service le plus souvent acquis par contrat est l'enlèvement et la mise en fourrière des véhicules ; 80 % des communes interrogées y ont recours. Le leau indique que les services matériels associés à la notion de travail public, la sécurité, l'administration ou l'inspection et la surveillance de la santé, sont plus lontiers confiés à des firmes à but lucratif, alors que les contrais de services culturels et sociaux nt plus souvent à des organismes sans but lucratif8. Il se pourrait pourtant que ce profil soit en train d'éluer, car les entreprises commerciales s'intéressent de plus en plus aux contrats de services sociaux9. La rubrique du leau 4.3 consacrée à la surveillance et à la prévention de la criminalité appelle un mot d'explication. On entend d'habitude par là l'emploi de services de gardiennage privés dans les parcs, ensembles de logements publics, aéroports et écoles, quoiqu'on ait aussi eu recours à des services d'enquête privés pour lutter contre le crime organisé et le trafic de drogue10.
En moyenne, un service fait l'objet d'un contrat dans 26 % des communes interrogées (le leau 4.3 indique 27 % pour des raisons d'arrondi). Que le pourcentage soit calculé de façon brute ou pondérée, le chiffre est pratiquement le même. Exprimé différemment, cela signifie qu'une commune moyenne délègue par contrat au secteur privé, en tout ou partie, 26 % de ses services. (À supposer qu'on puisse additionner les chiffres concernant les contrats avec tous types d'organisations, commerciales, sans but lucratif et locales, ce qui ne parait pas déraisonnable.) Ce chiffre fournit une précieuse mesure synthétique de l'ampleur de la privatisation municipale sous forme de contrat ; il constitue un indice qui pourrait être calculé et publié régulièrement.
Une mesure à peu près comparable élie par un sondage relativement similaire donnait pour 1973 une proportion de 7 %. Ainsi la privatisation municipale sous forme de contrat est-elle passée de 7 % à 26 % entre 1973 et 1982, soit un taux moyen annuel corrigé de 16 %. Mais cette estimation doit être considérée comme très fragile.
Une étude de vingt-six services municipaux dans 84 communes de Californie illustre différemment l'ampleur des formules contractuelles. Elle a permis de découvrir que les services municipaux ne fournissaient que 50 % de ces services, alors que les contrats passés avec des entreprises privées en représentaient 20 % et les contrats publics passés avec des comtés et des administrations spécialisées respectivement 15 % et 10 %.
L'un des aspects les plus frappants du leau 4.3 est la longueur et la diversité de la liste des services contractuellement achetés auprès de firmes privées. Pas moins de cinquante-neuf services sont ici mentionnés, et la liste est pourtant loin d'être complète. Le leau 4.4 recense la totalité des services signalés comme dispensés à des communautés américaines par des entreprises privées liées par contrat à des municipalités ou des comtés. Ce leau résulte d'une compilation des informations de différents sondages et peut donc contenir des éléments redondants décrits sous des cables différents ; quoi qu'il en soit, la liste porte au total sur 180 services.
TABLEAU 4.4. - Services fournis contractuellement à des villes ou à des comtés par des firmes privées
Service
Acquisitions immobilières, administration des cimetières, administration des élections,
administration publique, adoption, aéroports (gestion), aide ménagère, aide sociale, ambulances, application de tests, arboriculture (tation, taille, abattage), architecture, assistance juridique, assurances, audit, auditoriums (gestion), autobus
Bibliothèques, blanchisserie,
Caisses de parkings, cartographie, centres de congrès (gestion), collecte des impôts (assiette, élissement des rôles, recette), communications de protection civile, concierges, conseil familial, conseil en gestion, conservation des sols, crèches
Délivrance des patentes, déménagements et garde-meuble, démolition d'immeubles, démoustication, dépannages urgents, désherbage, développement économique, développement industriel, diététique
Éclairage urbain (installaùon et entretien), édition de fiches de paye, électricité, enlèvement de véhicules et fourrière, enquêtes, entretien des compteurs d'eau et relevés, entrelien des courts de tennis, entretien des égouts, entrelien des extincteurs, entretien des hangars d'autobus, entretien des machines de bureau, entretien des
moyens de communication, entretien des parcs, entretien des pelouses, entretien des systèmes d'alarme, entretien de véhicules, expertises
Facturation et collecte de paiements, facturation des consommations sur abonnements, formation (des fonctionnaires), foyers pour enfants Gardiennage, gestion de parcs de véhicules, gestion locative, gestion de réseaux de paratransport, gestion des risques, gestion transitaire, graphisme
Hôpitaux (gestion)
Immeubles (surveillance, entretien, sécurité), imprimerie, incarcération et détention, infirmières, informatique, inspection des ascenseurs, inspection des immeubles et machines, inspection des appareils électriques, inspection des logements et mise en conformité, inspection des tuyauteries, irrigation
Laboratoire de criminologie, loisirs et gestion d'équipements, lutte contre le bruit, lutte contre la délinquance juvénile, lutte contre les nuisibles, lutte contre la
pollution de l'eau, lutte contre la toxicomanie et l'alcoolisme
Maisons de quartier (gestion), marquage des chaussées, musées et culture
Neige (déblaiement, sablage, enlèvement), nettoyage des parkings, nettoyage de collecteurs
Obsèques des indigents, ordures (collecte, transport, traitement)
Parcmètres, parkings et garages (gestion), paysagisme, plages (gestion), ification, ponts (construction, inspection et entretien), ports (gestion), préparation de documents, prévention des inondations, probation, production et distribution d'eau pole, protection infantile, protection et lutte contre l'incendie
Ramassage des feuilles mortes, réduction de la pollution aérienne, réhabilitation, réhabilitation immobilière, relations publiques et information, relations sociales, relevés de compteurs, réparation des trottoirs, restaurants et cafétérias, retraitement des déchets, rondes de surveillance
Saisie de données, santé publique, secrétariat, sécurité, services aéroportuaires, services de conseil, services de l'environnement, services financiers, services de garde, services hospitaliers, services juridiques, services médicaux, services de personnel, service photographique, services de plaisance, services de santé, services sociaux, soins institutionnels, sondages d'opinion, standards de police, standards de pompiers, surveillance des animaux, surveillance de la circulation (marquage, signaux, pose et entretien de la signalisation), surveillance et prévention de la criminalité, surveillance du stationnement, surveillance de l'urbanisme et des lotissements
Tenue des listes électorales, tenue de registres, terrains de golf (gestion), traitement de données, traitement des eaux, transports pour handicapés et gens agés, transports de prisonniers, transports scolaires, travaux administratifs, travaux de laboratoire, travaux publics, trésorerie
Visites médicales, irie (construction, entretien, nettoyage)
Une variante importante des contrats gouvernementaux est celle où le gouvernement reste propriétaire d'un élissement mais confie à une firme privée le soin de le faire fonctionner. Cela se produit par exemple pour des usines de traitement des eaux usées (c'est-à-dire d'épuration), des ateliers de mécanique auto, des aéroports et des centres de congrès. On peut observer hors des États-Unis d'intéressants exemples de contrats de services. En France, les autoroutes de liaisons urbaines sont généralement des ies à péage financées, construites et entretenues par des entreprises privées pendant un certain nombre d'années, après quoi elles reviennent à l'État.
Il existe au Danemark une entreprise privée qui assure les services d'incendie et d'ambulance de la plupart des communes ; la majorité de la population est protégée par ce moyen. Deux tiers des Suédois environ sont protégés contre l'incendie par des entreprises sous contrat public13. Et si Wall Street est nettoyée par une administration gouvernementale, les rues de la communiste Belgrade le sont par une entreprise coopérative qui a passé un contrat avec la municipalité.
De vastes services peuvent généralement être subdivisés en sous-services élémentaires, lesquels sont susceptibles d'être fournis grace à divers dispositifs. Ainsi les services de police peuvent-ils être décomposés en communications policières, patrouilles de dissuasion, surveillance de la circulation, surveillance du stationnement, enlèvement des véhicules mal garés, enquêtes criminelles, garde à vue, formation, entretien des véhicules de police, etc.14. Les différents composants de cette large gamme de services peuvent être fournis par l'intermédiaire de diverses structures institutionnelles à l'intérieur d'une même commune : service gouvernemental, convention intergouvemementale, contrats avec des entreprises privées et bénélat, par exemple. Cette importante question sera étudiée plus avant dans une prochaine section du présent chapitre.
Pour terminer, remarquons qu'un contrat peut comporter un prix négatif, le producteur privé payant alors la collectivité pour obtenir le droit de fournir un service. À New York, par exemple, les carcasses de itures abandonnées sont enlevées par des firmes privées sous contrat communal ; selon la valeur des pièces récupérées, celles-ci feront des enchères comportant une soulte versée à la ville ou par elle. Cela pourrait se faire aussi pour la collecte des vieux papiers ou de n'importe quel autre matériau recyclable.
LES CONCESSIONS
La concession est une autre structure institutionnelle employée pour la fourniture de services. Une concession exclusive consiste en l'octroi d'un privilège monopoliste à une entreprise privée en vue de la fourniture d'un service particulier, à un prix habituellement réglementé par un service gouvernemental. Il est possible aussi d'octroyer des concessions non exclusives ou multiples, comme dans le cas des taxïs. À l'instar d'un service contractuel, un service concédé a pour promoteur le gouvernement et pour producteur une organisation privée ; néanmoins, on peut les distinguer l'un de l'autre en fonction du paiement reçu par le producteur. C'est le gouvernement (le promoteur) qui paie le producteur du service contractualisé, alors que c'est le consommateur qui paie le producteur du service concédé. Les relations entre participants des dispositifs de concession exclusive et multiple font l'objet respectivement des ures 4.8 et 4.9.
Le dispositif de la concession est particulièrement adapté à la fourniture de biens à péage. Des services publics ordinaires tels que la distribution d'électricité, de gaz ou d'eau, le téléphone et la télévision par cable sont généralement fournis sous forme de services concédés, et il en va de même des transports urbains. On remarquera que beaucoup de ces services sont fournis directement par le gouvernement dans certaines circonscriptions : les collectivités locales possèdent et gèrent un grand nombre de centrales électriques, de réseaux
de distribution d'eau et de lignes de bus, par exemple, et à Anchorage, en Alaska, le téléphone est depuis toujours un service municipal. Sont aussi des concessions les attributions d'emplacements en bordure des autoroutes ainsi que dans les parcs, les stades, les aéroports et autres immeubles publics.
Le leau 4.5 indique la part des concessions dans les services des collectivités locales.
LES SUBVENTIONS
Les biens à péage et les biens privés dont on veut encourager la
consommation peuvent être financés en partie et distribués au moyen de deux dispositifs structurels différents : les subventions et les bons de fourniture. Dans un système de subvention, le gouvernement finance le producteur. La subvention peut prendre la forme d'un versement en argent, d'une exemption d'impôt ou autre avantage fiscal, de prêts bonifiés ou de garanties de prêt. De telles subventions ont pour effet de réduire le prix d'un bien particulier pour les consommateurs qui y ont droit, ce qui permet à ces derniers d'en acheter eux-mêmes dans le commerce, auprès du producteur subventionné, une plus grande quantité qu'ils ne pourraient sinon en consommer.
Dans un dispositif de subvention, le producteur est une entreprise privée (à but lucratif ou non), le gouvernement et le consommateur interviennent tous deux comme copromotcurs (le gouvernement choisit les producteurs qui recevront des subventions, le consommateur choisit son fournisseur spécifique), et tous deux versent d'ordinaire un paiement au producteur. Ce dispositif est représenté par la ure 4.10.
Il existe en pratique de nombreux exemples de subventions. Il semble que tous les secteurs d'activité aient bénéficié à un titre ou à un autre d'une subvention spéciale ou d'un abattement fiscal sur mesure ; les subventions à la production laitière et autres productions agricoles n'en sont qu'un exemple plus yant que les autres. Les élissements de soins reçoivent depuis longtemps d'importantes subventions destinées à rendre la médecine plus abordable et plus accessible pour plus de gens. La fourniture de logements à bon marché par l'industrie du batiment, les transports collectifs en sont d'autres exemples.
Les institutions culturelles et les manifestations artistiques sont les plus récents bénéficiaires de subventions gouvernementales directes ; cela signifie sans doute qu'il existe une lonté collective d'en faire bénéficier le grand public et donc de les rendre plus disponibles grace à l'argent versé aux troupes de théatre, orchestres symphoniques, chours d'opéra, ensembles chorégraphiques ou musées.
LES BONS DE FOURNITURE
Le système du bon de fourniture est lui aussi conçu pour encourager une catégorie,de consommateurs particulière à consommer certains biens. À la différence de la subvention, versée au producteur et qui restreint donc le choix du consommateur à ce seul fournisseur (s'il souhaite profiter lui-même de la subvention), le bon de fourniture est une subvention au consommateur, auquel il permet d'exercer un choix relativement libre sur le marché. ons par exemple les bons de logement et les habitations subventionnées à loyer modéré. Le bon a une certaine valeur monétaire, mettons cent dollars par mois. Le consommateur peut choisir le logement de son choix, et si son loyer est de cent cinquante dollars par mois, il paiera cinquante dollars au propriétaire tout en lui remettant le bon. Le propriétaire prendra le bon, l'enverra à l'administration compétente et recevra cent dollars en échange.
Dans les systèmes de bon de fourniture, comme dans les systèmes de subvention, le producteur est une entreprise privée et il est payé tant par le gouvernement que par le consommateur ; mais si, dans le cas de la subvention, le gouvernement et le consommateur choisissent tous deux le producteur, dans celui du bon de fourniture, le consommateur choisit seul. Ce dispositif est schématiquement représenté par la ure 4. H. Le producteur doit être autorisé par le gouvernement à fournir le service. Il n'est pas possible à n'importe qui de se faire rembourser en espèces un bon de logement ; seuls le peuvent les propriétaires habilités.
Les bons d'alimentation sont un autre exemple de bon de fourniture. Plutôt que d'instaurer tout un nouveau système de distribution alimentaire géré par le gouvernement (avec exploitations agricoles, conserveries et épiceries gouvernementales) pour distribuer de la nourriture aux pauvres qui y ont droit, on leur remet des bons utilisables dans les magasins d'alimentation ordinaires. Le consommateur est fortement incité à acheter avec discernement et à profiter des bonnes affaires, car cela lui permettra d'en air plus pour son argent ; il n'y a pas de raison que son comportement de consommateur subventionné diffère de celui d'un consommateur non subventionné. (À l'opposé, on songera à la situation équée plus haut dans laquelle le gouvernement distribue de la nourriture, pratiquement comme un bien à puisage, grace à des cantines scolaires et estivales. Le consommateur se comporte alors très différemment et rien ne l'incite à ne prendre que la nourriture qu'il mangera.)
Une sectiune d'inscription à Mcdicaid ou à Medicarc peut être considérée comme un bon de fourniture de services médicaux. Plutôt que de deir se rendre à un hôpital public pour se faire soigner, le titulaire de la sectiune peut s'adresser au médecin de son choix dans n'importe quel élissement (pourvu que ce médecin accepte cette forme de paiement). Ce système de bon de fourniture n'a pas les mêmes vertus que celui des bons d'alimentation, car le consommateur n'est aucunement incité à rechercher un producteur
économique et de bonne qualité ; les dépenses du consommateur ne sont en pratique pas plafonnées ; les tarifs de remboursement sont fixes et, si quelqu'un trouve un médecin dont les honoraires sont inférieurs au maximum, la différence profilera à l'organisme fédéral chargé du règlement et non au consommateur. Ce sujet sera plus amplement étudié dans les prochains chapitres.
Les systèmes de bon de fourniture ont aussi été étendus aux activités culturelles, en remplacement du système de subvention, Au lieu de verser des subventions à des théatres, on distribue, à litre incitatif, des bons de fournitures culturelles ; le bénéficiaire peut alors assister à la représentation de son choix. Le théatre accepte le bon, qui lui est remboursé15.
Au niveau des collectivités locales, on a aussi utilisé les bons pour des services de transport, de crèches, de soins aux vieillards, de traitement de la toxicomanie et de loisirs16.
LE MARCHÉ
Le système du marché est le plus courant de tous les dispositifs de service. Il sert à fournir la plupart des biens privés et des biens à péage dans le monde occidental. Le consommateur agit en promoteur du service et en choisit le producteur, lequel est une entreprise privée. Le gouvernement ne joue aucun rôle significatif dans la transaction, sinon pour fixer des normes. Dans les petites communes américaines, par exemple, il n'est pas rare que la collecte des ordures prenne la forme d'une collecte privée obligatoire, la municipalité obligeant alors tous les foyers à faire ramasser leurs ordures, disons au moins une fois par semaine, en leur laissant le soin de choisir et de payer la firme privée qui leur fournira ce service. De la même façon, une collectivité peut obliger une usine à traiter ses eaux usées, mais le travail pourra faire l'objet d'un marché privé.
Les dispositifs de marché sont largement utilisés pour fournir des biens de première nécessité tels que la nourriture, l'eau, l'électricité (et d'autres formes d'énergie, y compris animale), le logement, les soins médicaux, l'enseignement, les transports et l'assistance aux vieillards.
LE BÉNÉVOLAT
Les organisations chariles, sous forme d'activités bénéles, fournissent une foule de services humanitaires à des gens dans le besoin. D'autres associations bénéles assurent des services communautaires fournis ailleurs par des organismes publics ; on peut citer en exemple, comme on l'a déjà vu, l'organisation par des associations de quartier d'activités de loisirs, du nettoyage des rues, de rondes de surveillance et de la protection contre l'incendie. Dans ce dispositif, l'association d'entraide agit en promoteur d'un service qu'elle produit elle-même, grace à ses adhérents ou à ses salariés, ou qu'elle confie à une entreprise privée qu'elle paie à cet effet (ir les ures 4.13 et 4.14). Quand une association bénéle entreprend de fournir des biens privés, comme dans le cas d'une coopérative de logement ou d'alimentation, elle se comporte finalement en entreprise privée sans but lucratif intervenant librement sur le marché.
Les activités bénéles du secteur privé peuvent même convenir à des événements d'ampleur nationale, tels que les Jeux olympiques de 1984 à Los Angeles, ou la restauration de la statue de la Liberté, dont le budget a atteint 265 millions de dollars.
Malgré la fréquence de ces dispositifs, on ne dispose pas de beaucoup d'informations sur l'étendue réelle de leur utilisation, sauf pour les corps de sapeurs-pompiers lontaires ; ceux-ci représentent aux États-unis plus de 90 % des unités de lutte contre l'incendie17. (Leur part dans le nombre total de soldats du feu est cependant moindre, car les gros services d'incendie des grandes villes comptent peu de lontaires.)
L'AUTOPRODUCTION
Le mode de distribution le plus élémentaire de tous est l'autosatisfaction ou autoproduction. Le premier moyen de se protéger contre l'incendie et contre le l consiste à prendre soi-même des précautions élémentaires telles qu'éteindre ses cigarettes ou fermer ses portes à clé. Celui qui apporte ses vieux journaux à un centre de récupération, qui va au travail avec sa iture, qui panse une coupure ou qui conseille son enfant dans le choix d'une carrière, celui-là pratique l'autoproduction.
La famille, en tant qu'unité d'autoproduction, est le premier et le plus efficace des services de logement, de santé, d'enseignement, de protection et d'aide sociale, et elle fournit à ses membres une gamme étendue de services vitaux. Renouant avec leurs fonctions d'autrefois, des familles mécontentes des écoles ordinaires bravent en nombre croissant l'énorme puissance de l'administration en assurant l'éducation des enfants à domicile plutôt que de les enyer à l'école18. Au Japon, 70 % des gens de plus de soixante ans vivent avec des parents plus jeunes ; seuls 6,3 % des Américains de plus de soixante ans sont dans le même cas1'. Il est évident que les Japonais n'ont guère besoin de maisons de retraite et de résidences pour gens agés.
On emploie parfois le terme coproduction ou cofourniture pour désigner les dispositifs de bénélat ou d'autoproduction ainsi que les contributions lontaires des citoyens, en temps ou en argent, aux organismes publics20 (par exemple sous forme de travail bénéle dans un hôpital local ou de don à une école à l'occasion de l'achat d'un ordinateur). Plutôt que ce mot qui tente de couvrir des activités trop disparates et dont le préfixe « co » ne convient absolument pas aux dispositifs d'autoproduction, on utilisera les termes plus descriptifs employés ci-dessus. Dans un souci d'exhaustivité, on a aussi schématisé l'autoproduction dans la ure 4.15.
EXEMPLES DE DISPOSITIFS CONVENANT À DES SERVICES COURANTS
Si, dans une société ou une culture particulière, un service particulier est généralement fourni via un seul dispositif, ou éventuellement plusieurs, certains services se prêtent à être fournis via une bonne partie des dix dispositifs ici décrits.
Le leau 4.6 montre comment ces dispositifs interviennent effectivement aux États-Unis dans la distribution d'importants services publics locaux. Par exemple, le transport est fourni par la totalité des dix dispositifs, la collecte des ordures et l'enseignement par neuf d'entre eux, et même la protection contre l'incendie, qui est à cet égard le moins souple des services équés ici, est fournie par cinq dispositifs différents.