Résultats du premier semestre et perspectives du second
Deuxième rapport présenté au gouvernement au nom de la Commission du Bilan National
Août 1948
LA MéTHODE
La présentation des comptes de la Nation que la Commission du Bilan National a décidé d'adopter pour ce deuxième document ne se distingue pas, dans l'ensemble, de celle qui ait été retenue dans le rapport éli en novembre dernier.
Elle consistait essentiellement :
1. ' en un calcul et une analyse de la production nationale,
2. ' en une intégration des chiffres ainsi obtenus dans une compilité qui fait apparaitre la relation entre les recettes et les dépenses des diverses parties prenantes de l'
économie : secteur public, entreprises, particuliers, étranger et territoires d'outre-mer.
Cette similitude fondamentale du d'étude et des leaux permet, en ce qui concerne le premier semestre, d'effectuer toutes les aisons qui peuvent AStre significatives entre les éluations présentées en novembre et les leurs effectivement réalisées dans le domaine de la production,
des prix, des finances publiques et des échanges extérieurs.
Toutefois, la Commission a eu la possibilité de développer des recherches qui aient initialement été prévues en novembre, mais qui aient dû AStre abandonnées, faute du temps et des moyens matériels nécessaires.
Ainsi les analyses ont été prolongées dans trois directions :
1. ' le calcul de la production nationale, qui n'ait été effectué en francs courants que par la voie des produits finaux, l'a pu AStre aussi bien cette fois-ci par la voie des leurs ajoutées. L'analyse par produit se recoupe ainsi avec l'analyse par branche et leur combinaison permet une analyse approfondie de la structure de la production et des relations de prix ;
2. ' la présentation des besoins et des moyens de financement, qui ait été
entreprise sous une forme globale dans un compte
capital unique pour l'ensemble de l'économie, a donné lieu A des décompositions précises suint les moyens financiers dont ont disposé chacun des secteurs, de telle sorte que l'apport extérieur et l'épargne interne apparaissent dans le détail des formes qu'ils ont prises et se recoupent avec les
données comples qu'il est possible de rassembler sur les ressources de change utilisées, les riations des crédits, des dépôts, de la circulation fiduciaire et des émissions sur le marché.
3. ' une répartition du revenu national entre les différents types de revenus a été tentée, non seulement parce qu'elle éclaire un problème qui est l'objet des plus ardentes controverses, mais encore parce que la aison de la masse des
salaires au produit national est susceptible d'apporter les recoupements les plus précieux au calcul du produit national lui-mASme.
Les riations globales de la production et les changements de la structure peuvent AStre mis en évidence par l'analyse des leurs ajoutées, exprimées en francs de 1938.
Cette présentation fournit la mesure la plus significative de l'activité propre de chaque branche. La aison des leurs ajoutées d'une période A celles de la période de référence, mesurées en prix constants, fournit des indices d'activité en termes de leurs ajoutées qui apparaissent dans un leau annexe.
Avec la récolte nouvelle, l'agriculture est proche de son niveau d'ant-guerre. La structure de l'industrie apparait sensiblement transformée. La production d'énergie et de matières premières, l'activité du batiment et des traux publics sont sensiblement supérieures A l'ant-guerre ; les industries textiles et alimentaires qui jouent un rôle essentiel dans la détermination du niveau de vie conservent un sérieux retard.
La mASme distorsion peut AStre étudiée dans le détail par la aison de la part relative de chaque produit dans le total de la production en prix 1938 et en prix courants. Les postes dont le pourcentage en prix courants est plus élevé qu'en prix 1938 sont ceux qui ont bénéficié d'un antage relatif de prix. L'ensemble des biens et services destinés A la
consommation représente dans l'un et l'autre cas 82 ou 83 % du total, tant du fait de l'abaissement démesuré de la part des loyers que de la diminution de la part relative des services ; cependant que deux éléments essentiels du coût de la vie, les produits alimentaires d'une part, les textiles et les cuirs de l'autre, constituent en francs courants une fraction beaucoup plus importante de la leur de la production qu'ils ne le feraient aux prix de 1938.
Une analyse able peut AStre appliquée aux leurs ajoutées, soit par la voie d'un indice des prix calculé spécialement, soit par la aison de la part relative de chaque branche dans le total de la production en prix 1938 et en prix courants.
La production propre de l'agriculture, réduite en volume, accroit au contraire sa part relative en leur. La leur propre des transports, malgré un volume accru, s'affaisse. L'essentiel de l'industrie se retrouve avec une part égale en francs 1938 et en francs courants. L'apport propre du commerce tombe de 15 A 12 % en prix 1938, monte A 20 % en prix courants.
Si le
développement de la production lui-mASme est susceptible de détendre l'inflation, encore convient-il de ne pas oublier qu'en contrepartie il donne lui-mASme naissance A des revenus plus élevés, et qu'une activité
économique intense, comme en témoignent les phases ascendantes des cycles économiques, ou l'expérience actuelle des états-Unis, ne sont pas ordinairement des périodes de baisse des prix.
Toutefois, A mesure que les besoins les plus essentiels sont plus largement satisfaits, il devient moins probable que la masse de la population soit prASte A dépenser plus que son revenu monétaire dans un in effort pour accroitre une consommation limitée finalement par les ressources disponibles. A mesure que les revenus réels s'élèvent, une fraction plus importante peut en AStre épargnée.
Enfin, la technique de l'impôt le rend partiellement progressif, et il est bien clair que le budget public peut prélever une fraction d'autant plus importante des revenus des particuliers que leurs besoins essentiels sont déjA satisfaits. Ainsi l'épargne et l'impôt sont susceptibles de croitre de manière plus que proportionnelle avec le développement de la production.
Encore convient-il de distinguer entre la production une fois accrue qui, par les disponibilités réelles qu'elle apporte sur le marché, fait pression sur
les prix, et le processus mASme de son accroissement. Le développement de la production conduit immédiatement au versement de revenus supplémentaires, cependant qu'il exige le rassemblement de stocks de matières plus importants et qu'il ne prend d'abord la forme que de traux en cours ; ainsi les revenus monétaires s'accroissent ant que la production qui y doit répondre soit elle-mASme disponible et la tension s'aggrave provisoirement dans l'économie.
De lA , l'importance essentielle de la durée de la période de production. Les développements de production doivent autant que possible AStre recherchés d'abord dans les branches où ils sont susceptibles de parvenir A terme le plus rapidement.
A cet égard, la position d'ensemble de l'économie franA§aise est caractérisée par trois éléments :
a. un développement important de la production industrielle a trouvé place entre 1947 et 1948. L'aisance accrue des approvisionnements a permis, sans développement de la durée du trail, un accroissement de production, par conséquent un accroissement rapide de productivité dû A la réduction des temps morts ;
b. certains investissements, qui ont une longue période de maturation, doivent cependant AStre consentis parce qu'ils sont la condition sans laquelle le développement mASme de la production cesserait d'AStre possible, et leur productivité doit AStre jugée par leurs effets indirects. Ce sont ceux qui se rattachent au développement des ressources fondamentales en électricité, en charbon, en pétrole raffiné, en acier, en ciment ;
c. dans le secteur agricole, un usage plus intensif des engrais, un prgrès des méthodes de sélection des semences, de désherbage et de lutte contre les parasites, sont susceptibles , A court terme, d'entrainer un accroissement considérable de la production, c'est-A -dire dès la récolte prochaine. Un tel effort répond A la nécessité de réduire le déséquilibre qui affecte l'économie franA§aise, mais aussi bien il accroit ses chances de s'insérer dans une économie mondiale où les besoins alimentaires liés A l'accroissement de la population et au relèvement du niveau de vie ouvriront de larges débouchés.
Le développement de la production franA§aise est désormais commandé par des facteurs dont les uns demandent du temps et dont les autres dépendent du dehors. L'effort d'accroissement des moyens de production nationaux par l'investissement et la modernisation ne peut AStre ni interrompu, ni relaché. L'augmentation des disponibilités en matières premières que la France tire de l'importation ne pourra désormais AStre obtenue, au-delA des ressources provisoires que nous apporte l'aide étrangère, que par le développement massif de nos propres exportations.
Il reste donc la charge de la reconstruction, qui n'a pas encore trouvé les ressources susceptibles d'en constituer la contrepartie.
Il apparait alors clairement que la solidarité avec ceux qui ont perdu leurs biens n'est pas de nature aussi étendue qu'envers ceux qui ont perdu leur capacité de trail, ou envers les familles de ceux qui ont perdu leur vie. A la réparation des dommages, il convient d'associer tous ceux qui aient quelque chose A perdre et qui ont été épargnés. A la reconstruction des logements, il convient d'associer tous ceux qui ont pu conserver un toit. Enfin, A la charge de la reconstruction dans son ensemble, il convient d'associer tous ceux A qui, directement ou indirectement, elle rapporte, c'est-A -dire ceux qui bénéficient le plus directement du surcroit d'activité économique qu'elle répand dans le pays, et mASme de l'inflation qu'elle a contribué A entretenir.
C'est dire que la charge de la reconstruction ne doit AStre financée ni par le budget général, ni par l'inflation. Elle ne doit pas l'AStre dantage par l'emprunt dont on affirme trop complaisam-ment qu'il a l'antage d'étaler les charges sur une série d'années. C'est confondre la charge réelle de la reconstruction, qui est constituée par les matériaux et les forces de trail détournés d'autres emplois et qui pèse entièrement sur les années où les reconstructions matérielles s'effectuent, et la charge monétaire qui se traduit par les sommes reprises aux uns afin de les redonner aux autres. Du point de vue de l'économie nationale, c'est la charge réelle qui compte. Et l'étalement que l'emprunt prétend réaliser ne réussit pas A la diminuer sur le moment mASme, mais seulement A la doubler de la nécessité de pourvoir après coup au versement des revenus, dissociés de toute contribution productive courante, qui résultent du service de la dette dans la série des budgets futurs.
L'analyse ainsi présentée conduit A conclure qu'il existe trois modes de financement appropriés A la reconstruction :
1. ' des impôts sur les capitaux,
2. ' des prélèvements sur les bénéfices,
3. ' des prélèvements sur une majoration des loyers.
Par ces méthodes, la charge sera sans doute très largement répartie, mais elle le sera d'une manière délibérée et équile. Ces propositions précises ne mettent pas en cause le principe du droit A réparation ; ils lui donnent, au contraire, sa réalité et sa sincérité. Tant qu'aucune décision sur les modes fiscaux de financement de la reconstruction n'aura été prise, cette carence a pour effet de reporter en fait la charge sur ceux qui n'ont aucun titre A la supporter. Le vrai problème des finances publiques, qu'il s'agisse de la reconstruction, de l'aide aux économiquement faibles ou de la sécurité sociale agricole, tient aux promesses successives faites sans hésitation A divers éléments de la communauté sans que le législateur ait eu le courage d'énoncer aux dépens de qui elles seraient tenues.
Compte tenu de l'importance des transferts réalisés, non seulement par l'Etat et les
collectivités locales, mais aussi par la sécurité sociale, deux notions de la charge fiscale peuvent AStre distinctement énoncées :
' la première retient les différentes formes de prélèvement direct ou indirect et les e aux notions appropriées du revenu ou du produit national. Les règles qui doivent présider A cette analyse ont été définies dans le premier rapport de la Commission du Bilan ;
' la seconde ne retient les différents prélèvements fiscaux que sous déduction des transferts par lesquels les sommes enlevées aux particuliers ou A l'économie sont rendues globalement aux mASmes catégories. Ainsi apparaissent les recettes fiscales nettes qui répondent A ce que les collectivités publiques conservent pour assurer le fonctionnement de leurs propres services.
Si en outre la méthode appliquée par les Livres Blancs britanniques pour la détermination de la charge fiscale était retenue ici, c'est-A -dire la aison du total des impôts au total des revenus privés, elle aboutirait A dégager pour la France un pourcentage d'autant plus fort que les impôts indirects qui représentent la majeure partie des recettes fiscales franA§aises seraient sans correction rapportés A des revenus dont ils ont d'abord réduit la part dans les prix.
La redistribution des revenus A partir de ceux qui sont versés en échange d'une contribution productive pose en particulier le problème de la sécurité sociale.
La charge propre qu'elle peut constituer dans l'économie est souvent mal interprétée. Elle est envisagée plus communément du point de vue des cotisations qu'elle
réclame que des prestations qu'elle sert. L'analyse de la part combinée des revenus directs du trail et des cotisations sociales patronales dans la leur du produit national dissipe ici les confusions. Il apparait que la somme des uns et des autres ne représente pas globalement un coût relatif plus élevé que ne seraient les salaires, s'il n'existait pas de prestations sociales. Cette conclusion apparait immédiatement évidente si on réfléchit que la fraction la plus importante des cotisations au financement des allocations familiales, et que le salaire moyen, au cas où ces allocations n'existeraient pas, serait nécessairement plus élevé pour permettre de subvenir A l'entretien d'une famille. Elle est confirmée au surplus par le fait que l'indice des salaires accrus des charges sociales n'est pas supérieur A l'indice des prix, cependant que l'indice des salaires proprement dits y reste largement inférieur.
Les cotisations sociales patronales ne sont donc pas prises sur les profits, mais elles sont répercutées dans les prix et elles viennent en déduction du salaire réel et direct. L'illusion ouvrière que des charges sociales accrues puissent simplement s'ajouter au salaire réel et direct doit donc AStre dissipée. Cette analyse fait aussi apparaitre l'erreur que constitue l'utilisation des fonds disponibles du régime général des salariés pour le financement des déficits de la sécurité sociale d'autres catégories : trailleurs ou exploitants agricoles, et indépendants, puisque par ces transferts ce qui est repris aux salariés bénéficie partiellement A d'autres que les salariés.
Mais inversement, l'idée commune dans les milieux patronaux que la diminution des charges sociales serait l'un des moyens de faire baisser les prix risquerait de conduire A de singuliers mécomptes. Les charges sociales jouent le rôle d'impôts indirects, c'est-A -dire qu'elles sont l'un des éléments des prix qui ne se retrouvent pas directement en revenus. Et s'il existe un excédent de la sécurité sociale, c'est l'une des formes de l'épargne collective qui tend A limiter le développement de l'inflation. Il est paradoxal de vouloir abaisser les cotisations sociales pour réduire les prix de revient en mASme temps qu'on envisage de relever les impôts indirects pour équilibrer le budget public. La signification des uns et des autres est rigoureusement identique. Les cotisations sociales seraient-elles réduites, la part des revenus dans les prix s'en trouverait accrue, et par conséquent la demande. Il en résulterait non une baisse mais une hausse, et par conséquent les bénéfices se trouveraient majorés de deux chefs : de l'élétion des prix d'une part, de la baisse des coûts de l'autre.
Le principe subsiste que la sécurité sociale tend A changer la structure de la consommation en faveur, soit des dépenses qui servent A entretenir la
santé et la force de trail, soit des dépenses qui répondent aux besoins les plus incompressibles. Et A ce titre, elle n'est pas une luxe pour pays riches ou une charge A différer jusqu'au jour où le revenu national sera décisivement accru. L'organisation en est au contraire d'autant plus impérative que le revenu réel du pays est plus bas et que, sur un montant limité de ressources, il est plus important que les besoins fondamentaux soient servis par priorité.
L'expérience d'entre deux guerres fait assez apparaitre le danger du recours A l'emprunt pour le financement des dépenses publiques. En absorbant la capacité d'épargne, il fait obstacle A la modernisation de l'économie, et cette erreur a largement contribué au déclin de l'économie franA§aise et au retard de son équipement, que les efforts actuellement entrepris parviendront difficilement A combler. Dans une période où les liquidités sont peu abondantes, l'appel de l'état au
marché contribue A relever le taux d'intérASt et détruit ainsi la renilité ou les possibilités de financement des investissements les plus nécessaires au redressement du pays.
Au surplus, si une politique d'emprunt public est opportune en période de dépression, parce qu'elle met en jeu des ressources qui seraient demeurées stériles, en période d'inflation elle ne constitue qu'une arme incertaine contre le désordre financier.
Le problème n'est pas seulement en effet de procurer des ressources A la trésorerie publique ; il est d'obtenir que, dans la mASme mesure, les dépenses des particuliers et des entreprises soient réduites pour faire place A la demande que le budget fait peser sur la masse des ressources réelles disponibles. Un tel objectif ne sera pas atteint si les souscriptions ne sont couvertes que moyennant la liquidation d'autres titres sur le marché, l'apport de liquidités qui seraient demeurées thésaurisées ou qui parvenaient A l'Etat sous une autre forme par l'intermédiaire des banques, ou enfin si, cependant que l'économie apporte ses liquidités A l'Etat, elle les reconstitue par un appel accru au crédit. La faiblesse de la politique d'emprunt public est qu'elle est incapable de savoir par qui et sur quels moyens les soucriptions sont assurées. L'emprunt n'arrASterait l'inflation que s'il se révélait suffisamment attrayant pour accroitre l'épargne spontanée, c'est-A -dire pour diminuer les dépenses qui affluent sur le marché de la consommation. Mais il risque aussi bien d'AStre souscrit sur les revenus gonflés de ceux qui profitent, par la hausse des prix, de l'excès préalable des dépenses de consommation. En un mot, l'emprunt a une signification profondément différente suint qu'il est souscrit sur l'épargne des acheteurs ou sur celle des vendeurs.
Une part des ressources financières a une affectation parfaitement définie : ce sont celles qui se lient aux versements en capital par l'état. En renche, il n'est pas probable que les ressources propres des entreprises se situent précisément aux points où les investissements apparaissent les plus nécessaires. On risque donc de voir surgir une
concurrence entre les entreprises qui disposent de fonds et qui chercheront A les employer en immobilisations ou en stocks, et les entreprises qui ont A faire face A des investissements sans disposer des fonds nécessaires et tenteront de se les procurer par l'appel au crédit. Ainsi se développerait dans les secteurs de l'investissement un excès des demandes sur les ressources et une tension inflationniste qui risquerait de se proer sur l'ensemble de l'économie.
Ce danger doit AStre immédiatement aperA§u et paré. La politique financière, par l'impôt et le maniement du crédit doit parvenir A mobiliser les épargnes des affaires, pour que les fonds qui se dégagent chez les unes s'investissent chez les autres, ou, en sernt au remboursement des crédits, dégagent dans les limites des encours actuels une marge disponible pour le financement bancaire d'entreprises qui, sans ressources propres suffisantes, doivent faire face A des investissements essentiels.
Pour que cette manœuvre délicate soit opérée avec succès, il parait nécessaire de procéder A une certaine révision des techniques et des principes mASmes de la distribution du crédit.
L'opposition entre l'escompte et les autres formes de crédits, quelques différences qui les séparent dans les relations de l'entreprise et de son banquier, n'a pas la mASme portée A l'échelle de l'ensemble de l'économie. S'il est vrai que l'escompte corresponde A une vente faite, encore faut-il apercevoir qu'il ne s'agit pas d'une vente au public, que par conséquent la marchandise transmise entre dans les stocks, dans les investissements. En réalité, il n'y a entre l'escompte et les autres formes de crédit d'autre différence, si ce n'est que le découvert est consenti directement A l'acheteur, au lieu que l'escompte ne constitue un crédit A l'acheteur que par l'intermédiaire du vendeur. Finalement l'escompte ne se distingue du découvert que par la sécurité
juridique plus grande qu'il offre au prASteur. Par sa signification économique, il doit AStre assimilé sans ambiguïté aux autres formes des crédits. On pourrait mASme faire loir qu'il constitue un plus mauis mécanisme de réglage des crédits sur les besoins car il est proportionnel A la leur des ventes, alors que des ventes accrues, si elles accroissent les fonds propres des entreprises, peuvent ne pas accroitre mais diminuer les besoins justifiés de recours au crédit. Le contrôle du crédit bancaire restera donc imparfait aussi longtemps que l'escompte du papier commercial ne sera pas soumis A des limitations de mASme nature que celles qui sont appliquées au découvert.
La mesure du crédit sain est fournie non par l'accroissement de la leur, mais par le seul accroissement du volume de la production. En développant le revenu réel, il développe en effet l'épargne spontanée sur laquelle le crédit doit prendre appui. Mais quand la production matérielle ne peut s'accroitre, un développement du volume des crédits n'a d'autre sens que de mettre A la disposition des entreprises plus de moyens de paiement pour faire loir leurs demandes sur des ressources limitées ; il a une signification exactement able A une augmentation des salaires nominaux. Une marge supplémentaire pourra se dégager dès lors que les perspectives de silité déterminées par la rigueur de la politique financière accroitront le volume des avoirs liquides que les particuliers et les entreprises estimeront prudent de détenir. Et le faible degré de liquidité qui se constate aujourd'hui dans l'économie peut constituer un facteur important de redressement, du fait que les particuliers et les entreprises, sitôt qu'une silisation durable commencera de se dessiner s'efforceront, par la réduction de leurs dépenses, la liquidation de leurs stocks ou le rapatriement de leurs avoirs extérieurs, d'élever leur encaisse A un niveau qui comporte un rapport plus commode A leurs revenus et A leurs transactions.
Conclusion
Une économie nationale forme un tout et il n'est pas possible de penser une politique sans une vue des relations qui unissent les différents secteurs et des répercussions que les changements ou les décisions intervenus dans l'un d'eux exercent sur tous les autres.
Le compte général de la nation rassemble les recettes et les dépenses des collectivités publiques, des entreprises, des particuliers, de l'extérieur, et met en évidence la manière dont les surplus ou les déficits des différents secteurs se balancent nécessairement par le jeu de la circulation des capitaux.
Mais cette compensation, nécessairement opérée après coup, puisque chaque secteur ne peut disposer finalement que des ressources réelles que lui laissent les autres, et puisqu'en particulier les consommateurs ne peuvent consommer dantage que les biens et services effectivement disponibles pour la consommation, risque, si une répartition délibérée des ressources n'est pas effectuée A l'ance, de ne s'opérer que par l'inflation.
Ainsi l'inflation résulte de l'excédent des demandes totales sur les ressources totales aux prix atteints A un moment donné. Mais le problème n'est pas résolu tant qu'il n'est pas paré aux différents facteurs possibles par lesquels cet excédent des demandes peut se développer : c'est-A -dire non seulement le
déficit budgétaire, mais le développement de l'investissement par le crédit, au-delA de ce que la communauté est spontanément disposée A épargner, ou enfin le relèvement des revenus nominaux par les décisions affectant les salaires et les prix.
Il est donc clair que, dans la situation présente, l'équilibre du budget public est une condition nécessaire de la silité. Il n'en est pas une condition suffisante.
Assurer des rentrées A la trésorerie, mais en accroissant en contrepartie les moyens de paiement mis A la disposition des entreprises, ne peut aboutir A réduire le total des demandes dans la mesure nécessaire. Il ne s'agit donc pas seulement de savoir si le budget est équilibré, mais par quels moyens il peut l'AStre. La structure des dépenses publiques est aussi importante A connaitre que leur montant ; le point d'application des impôts et le mode de couverture des emprunts ne sont pas moins A considérer que les sommes qu'ils rapportent.
Le gaspillage des ressources réelles n'apparait pas seulement comme le fait de l'état, mais où qu'il se produise la responsabilité est égale, et le développement de la productivité est une condition indispensable de l'accroissement des ressources disponibles au mASme titre que la réduction des effectifs dans les administrations ou dans l'armée.
Cette traduction du problème de l'économie en termes comples dissipe les mythologies et les oppositions stériles de doctrines. Il apparait clairement que si l'absence de confiance accélère le développement de l'inflation, parce qu'elle entraine avec elle la réduction des épargnes liquides, le développement des investissements parasitaires, la rétention des stocks, et l'ésion des capitaux, elle est d'abord un effet ant de devenir A son tour une cause. Et toutes les expériences historiques s'accordent A montrer qu'elle ne peut AStre rélie A moins que les conditions fondamentales de l'équilibre économique soient énergiquement restaurées. Or le débat de la liberté et du dirigisme n'a que peu de rapport A l'affaire. La liberté par elle-mASme ne produit d'autres effets que de permettre aux forces économiques en présence de jouer A plein. Mais il dépend d'une autre action que ce jeu opère dans le sens de la hausse ou de la baisse. L'opposition vraie en matière de
politique économique est entre des contrôles spécifiques : réglementation des prix, répartition des matières, rationnement des produits, et des contrôles globaux par la voie monétaire, qui en accroissant les impôts et en réduisant les crédits ramènent la somme des demandes au niveau des ressources disponibles. L'une des méthodes comporte plus de frottements et de contraintes, mais l'autre moins de discernement, et doit AStre d'autant plus brutale que les contrôles spécifiques ont plus complètement disparu.
L'essentiel est donc, pour guider la politique économique, de caractériser la conjoncture A laquelle elle s'applique. 1948 n'est ni 1926, ni 1938. La production est inélastique ; les illusions monétaires doivent AStre dissipées ; il ne suffit pas de donner plus d'argent aux salariés ou plus de crédits aux entreprises, c'est-A -dire, dans un cas comme dans l'autre, d'accroitre les moyens de dépense, pour que la consommation puisse s'accroitre ou la production se développer. Car il y a une limite absolue aux ressources réelles dont la communauté peut disposer dans son ensemble, et tous les efforts concurrents pour dépenser dantage en consommation ou en investissement n'aboutissent, en accroissant les déséquilibres, qu'A accroitre les gaspillages.
Ainsi il faut d'abord situer les vrais problèmes. Les principes de la politique financière se ramènent A quelques notions simples. Les ressources réelles sont limitées. Il n'est pas possible de tout faire A la fois. Les dépenses de chaque secteur de l'économie doivent AStre délibérément ramenées A la leur des ressources qui peuvent lui AStre affectées. Si l'égalisation des ressources et des demandes n'est pas opérée par des choix résolus, elle le sera par l'inflation, qui réussira sans doute A dégager l'épargne nécessaire, mais par la voie d'un accroissement des profits et d'une aggration de l'inégalité dans la répartition des revenus.
C'est donc d'abord la notion d'épargne qui doit AStre repensée. On croit trop aisément qu'elle n'est fonction que de facteurs psychologiques ou politiques. D'abord faut-il voir les différentes formes qu'elle peut prendre. Elle n'est pas seulement l'épargne des particuliers, mais aussi bien celle des affaires, celle de l'étranger ou l'épargne publique par la voie d'excédents budgétaires. Elle ne se retrouve pas seulement en souscriptions sur le marché mais aussi bien en investissements directs ou en accroissement des liquidités. Elle est fonction du niveau du revenu réel du pays aussi bien que de la répartition mASme des revenus. L'épargne spontanée est donc limitée, Si, comme il est normal en période de guerre ou en période de reconstruction, les charges de l'économie l'emportent sur l'épargne qui se dégage spontanément, d'autres modes de financement doivent de nécessité AStre recherchés, soit dans l'épargne forcée, soit dans des excédents systématiques du budget public.
Dans la situation telle qu'elle pouit AStre décrite aux environs du mois de juillet, un écart inflationniste apparaissait déjA A combler. Encore convient-il de ne pas l'accroitre. Une nouvelle hausse accélérée des prix est en train de se produire sous nos yeux. Vouloir la compenser par des hausses de salaires, donner aux entreprises par le crédit le moyen de racheter des matières en hausse et de payer des salaires plus élevés, c'est alimenter continûment l'incendie. En montrant, dans l'ensemble des dépenses publiques, la part des transferts libéralement consentis sans qu'aucune décision ait été prise sur les prélèvements qui les compensent, en faisant apparaitre l'écart entre les impôts théoriques et la reprise fiscale effective, en mettant en lumière les antages tirés par les entreprises privées des moyens de change dont l'Etat a disposé en faisant apparaitre le risque d'une concurrence dans le secteur de l'investissement entre les ressources propres des entreprises, les concours financiers de l'état et la progression des crédits, le Bilan présenté au gouvernement fait ressortir les circonstances spécifiques du second semestre 1948 et situe les points d'action nécessaires.
Si le problème est clairement posé dent l'opinion, il n'y a pas de bonnes raisons qu'il ne puisse AStre rapidement résolu. - Les FranA§ais sont capables de tout, pourvu que ceux qui les commandent soient capables de bien enseigner ce qu'il faut qu'ils pratiquent -'.
3e Bilan national
Novembre 1949
Politique économique et connaissances statistiques
La nécessité de connaissances statistiques d'ensemble de l'économie nationale pour éclairer l'action des pouvoirs publics justifie la décision prise, A l'occasion de la préparation du budget 1950, de confier A nouveau A la Commission du Bilan National la tache d'analyser l'évolution de l'économie franA§aise au cours des années 1948 et 1949 et de dresser les perspectives générales des ressources et des besoins pour 1950.
Il apparait, en effet, paradoxal que, dans tous les pays, jusqu'A une date récente, le budget public, c'est-A -dire les ressources matérielles prélevées par les dépenses de l'Etat, les recettes publiques, c'est-A -dire les ressources financières réclamées par les impôts d'Etat aient pu AStre déterminés sans
connaissance de la masse des ressources nationales et des revenus auxquels elle donne naissance. Une telle ignorance était conceble quand le budget public ne représentait qu'une fraction négligeable du total des dépenses nationales. Mais la nécessité d'une connaissance d'ensemble des ressources et de l'évolution d'une économie ne se lie pas seulement au développement massif du rôle de la puissance publique dans la vie de la nation, ni A la modification des formes de son intervention dans la vie économique. Les régimes les plus libéraux ne se sont jamais passés d'une politique du crédit qui, faute de prendre appui sur l'analyse de la production et de l'épargne, se développait dans la nuit et contribuait par ses erreurs d'orientation A la naissance et A l'amplification de crises. Le pays le plus attaché au maintien et au renforcement de la libre entreprise est celui où l'appareil statistique et l'analyse du revenu national sont les plus développés et l'instrument qu'il s'est ainsi donné a contribué, dans les derniers mois, A limiter le développement d'une dépression qui, en d'autres temps et en l'absence de ces signaux avertisseurs, aurait pu prendre une ampleur autrement plus redoule.
Deux responsabilités nouvelles assignées A la puissance publique renforcent la nécessité de cette analyse continue. C'est A l'Etat que s'impose l'obligation de veiller A la silité de l'économie et de lutter tant contre le développement de l'inflation que contre les menaces de la dépression. L'état aussi, et non pas seulement en France, prend une part considérable au développement et au financement des investissements tant par les traux effectués sur le domaine public que par l'aide apportée A l'équipement de l'économie privée et par les commandes d'équipement du secteur économique public. Par leur masse mASme, les interventions financières de cette nature ont besoin d'AStre éclairées par une connaissance de la capacité et du degré d'emploi des industries qui traillent pour l'équipement, les commandes ne peuvent AStre suffisamment échelonnées ni fractionnées pour que la demande s'ajuste A l'offre par tatonnement, et toute erreur sur la mesure des dépenses d'investissements possibles se traduit par une inflation ou par un
chômage dans les industries intéressées qui ne peut AStre corrigé qu'au prix des plus redoules A -coups.
La tache assignée en cet automne 1949 A la Commission du Bilan National apparait sensiblement plus complexe que celle qu'elle ait assumée en novembre 1947 et une deuxième fois en août 1948. La situation économique est, en effet, sensiblement plus ambiguA« et A travers les oscillations A court terme de l'activité et des prix, le sens profond de la tendance ne peut AStre dégagé qu'au prix d'une connaissance plus étendue et d'analyses plus raffinées. En d'autres termes, l'économie n'apparait plus emportée tout d'une pièce dans un mouvement irrésistible d'inflation. Et l'analyse de l'écart A combler entre les ressources et les demandes telles qu'elles faisaient l'objet du premier rapport du Bilan ne suffirait pas A définir le problème.
L'écart A combler, qui n'est proprement un écart inflationniste que si les demandes l'emportent sur les ressources d'un montant supérieur A celui de l'épargne spontanée, ure les tensions primaires qui se font jour dans l'économie, en les distinguant des mouvements cumulatifs tels que les stockages, l'ésion des capitaux ou la spirale des salaires et des prix qui se greffent sur cette tension primaire. Il équiut A la mesure de la somme des ajustements nécessaires, soit en augmentation des ressources, soit en diminution des demandes ; il ne représente l'effort A demander A l'épargne qu'une fois toutes les décisions arrAStées sur la limite des ajustements possibles. Le choix entre eux dépend A court terme de la flexibilité relative des éléments qu'ils intéressent ; pour le surplus, il est une option politique.
Quand le sens de l'écart ne pouit AStre contesté, de sorte que l'analyse des ressources et des besoins tendait essentiellement A la détermination de cet écart, la marge d'erreurs tolérable dans l'éluation des ressources nationales était relativement large : on a souligné, en effet, qu'une erreur sur la production modifierait du mASme montant l'éluation des revenus, par conséquent des demandes, de sorte que l'écart inflationniste ne s'en trouverait pas affecté dans son montant, mais, tout au plus, dans son importance relative par rapport au total des demandes.
Dans une conjoncture, au contraire, où non seulement la mesure, mais le sens mASme des ajustements nécessaires peut AStre, au premier abord, contesté, il devient nécessaire de compléter la mesure globale des ressources et des emplois par l'analyse des structures et des transformations par secteur. Il est caractéristique, A cet égard, de rappeler que les symptômes de mévente ou de chômage qui ont pu AStre décelés A certains moments au cours de l'année 1949 ne peuvent AStre correctement interprétés, A moins que l'on puisse déterminer si la mévente est générale ou affecte certains produits, en particulier, ou certains types d'entreprises, A l'antage des autres, et si le chômage correspond A une tendance générale ou peut AStre, dans sa plus large part, assigné A certaines décisions spécifiques.
Il résulte de lA que des moyens d'investigation supplémentaires doivent AStre désormais A la disposition de l'économiste et de l'homme d'état pour dépasser le stade des mesures globales et parvenir A une étude détaillée des différents secteurs de l'économie en distinguant, d'une part, les branches d'activité, de l'autre, les secteurs publics et privés, en retraA§ant la situation divergente des types d'entreprises classées selon leur organisation et leur taille, en rattachant les uns aux autres les phénomènes relatifs aux prix, A la distribution des revenus et au développement de la productivité dans les différentes branches de l'économie.
Les chiffres qui ont été rassemblés pour ce premier trail n'ont donc qu'un caractère provisoire. Une étude plus approfondie est en cours qui se donne pour objet de rassembler, de confronter et de concilier toutes les informations statistiques éparses entre les différents services sur l'année 1948, base que laquelle il deviendra possible de construire les éluations relatives aux années ultérieures. Toutefois, la rigueur dans les éluations, hors de laquelle toutes les proportions qui doivent AStre connues pour former un jugement sur la situation économique seraient totalement inutilisables, a fait l'objet des préoccupations constantes de tous ceux qui ont contribué A l'élaboration des données statistiques ; et elles ne sont finalement publiées qu'après que des recoupements assez nombreux et assez précis ont éli la certitude que les ordres de grandeur présentés étaient absolument corrects et ne sauraient AStre sensiblement modifiés.
Il est utile d'indiquer dès maintenant sur quelle sorte de recoupements une telle certitude est fondée. La leur du produit national se tire A la fois d'extrapolations sur la base des estimations anciennes de données directes sur les ventes et d'une utilisation méthodique moyennant les adjonctions et éliminations nécessaires des données de la taxe A la production. Elle est confirmée par la construction de séries continues où l'évolution des quantités et des prix, les proportions entre les produits nationaux et le commerce extérieur, les mouvements d'ensemble et les riations relatives sont aisément reconnus, interprétés et intégrés.
La structure des ressources totales est confirmée par le recoupement entre l'éluation directe de l'épargne et l'éluation par différence. La structure des disponibilités pour la consommation se raccorde avec l'analyse des budgets familiaux.
Le montant global des revenus se recoupe avec l'analyse directe des rapports des salaires et des prix.
En particulier, les calculs d'ensemble tirés des recouvrements de la taxe A la production confirment que l'éluation du produit national aux prix courants représente une leur extrASmement probable ou approchée par défaut. La Commission, conincue que la somme des revenus qui est ainsi mise en évidence constitue un minimum, prend la responsabilité de publier, pour la première fois, des estimations sur la répartition entre différents types de revenus, considérant que les conclusions qui s'en dégagent, dans le domaine des prix et des impôts, sont d'autant plus probantes que le montant des profits divers est vraisemblablement supérieur A l'estimation présentée.
Le développement de la production et l'arrASt de la hausse des prix ont provoqué au cours du premier semestre des inquiétudes sur la tendance de l'économie. Et la crainte s'est fait jour qu'elle ne soit sortie de l'inflation que pour entrer dans une dépression, et que l'accroissement de la production n'ait cessé d'AStre limité par des pénuries essentielles que pour se heurter A la limitation de la demande effective. Les statistiques de l'emploi, de la durée du trail et du chômage, seraient-elles plus parfaites qu'elles ne sont, ne suffiraient pas, cependant, A l'analyse du phénomène. Des chiffres mis côte A côte sont dépourvus de sens s'ils rassemblent les répercussions de faits aussi distincts et aussi opposés qu'une réduction d'activité par l'effet des coupures de courant et une réduction d'activité par contraction de la demande. Et ce second facteur lui-mASme n'a pas exactement la mASme portée s'il se rapporte A un arrASt des commandes du secteur public décidé pour des raisons financières ou s'il traduit un retournement de tendance dans l'ensemble de l'économie.
Dans les réductions d'activité qui ont pu se constater en France, il convient en outre de faire la part de deux phénomènes bien distincts. L'arrASt mASme de l'inflation ne peut pas manquer de s'accomner de certaines secousses dans l'économie. Du jour où les acheteurs cessent de s'attendre A une hausse continue des prix ils étalent A nouveau leurs achats en fonction de leurs besoins effectifs. Ce n'est pas cependant une abstention des consommateurs qui a constitué le phénomène le plus frappant. Si certains commerces de détail ont vu leur activité diminuer, on constate en renche que les ventes des grands magasins ou des élissements A succursales multiples ont suivi une évolution ascendante. C'est dire que le retour de la silité a entrainé une certaine rationalisation des circuits
de distribution. Il y a eu moins contraction de la demande finale que déplacement d'un type de vendeurs vers un autre.
L'événement que retraA§ait le changement brusque de l'indice était une hausse relative des produits de base par rapport A l'ensemble de la production industrielle, de telle sorte que les marges se déplaA§aient vers les secteurs fondamentaux.
Ce changement de structure a contribué dans des proportions non négligeables A la silisation elle-mASme. Pour un niveau donné des prix des produits industriels terminés, il n'est pas en effet indifférent que les marges s'accumulent dans les derniers stades de la fabrication, ou remontent vers les premiers stades. C'est qu'en effet l'emploi qui est fait des revenus d'exploitation n'est pas le mASme suint les secteurs et la
forme juridique des entreprises. Et le développement des marges dans les premiers stades, qui sont largement aux mains d'entreprises en sociétés et mASme d'entreprises nationalisées, aboutit A la formation d'importantes épargnes d'affaires qui permettent sans inflation le financement des investissements. L'effet de l'ajustement monétaire, encore qu'il n'ait pu développer toutes ses conséquences, doit AStre étudié A la fois dans ses répercussions vraisemblables sur les prix intérieurs et sur la balance des paiements. Une déluation joue en principe sur les prix par la double voie des importations qu'elle renchérit en relent les prix de revient et des exportations qui tirent les prix intérieurs vers les prix plus élevés que les ventes au-dehors peuvent atteindre en monnaie nationale. Sous ces deux aspects, l'effet direct de l'ajustement effectué ne peut AStre que très limité. Il y a manifestement une différence essentielle entre les opérations précédentes, où le franc était délué A l'égard de toutes les autres monnaies, et celle-ci où il est délué en mASme temps que toutes les autres monnaies A l'égard de l'une d'entre elles. Plus précisément, il y a rééluation du dollar et partiellement du franc A l'égard de la livre et des monnaies qui l'ont suivie. Mais il a été si commun de déguiser sous le nom d'alignement ce qui était déluation sans ambages qu'on nomme aujourd'hui déluation ce qui est un alignement vérile. La répercussion sur les prix de revient peut AStre estimée par quelques considérations très simples relatives A la part de l'importation dans la production. Les importations étrangères représentent environ 10 % du produit national, les importations en dollars 30 % des importations étrangères, le relèvement de leurs prix est de 28 %. Ces pourcentages se multiplient l'un l'autre pour aboutir A une fraction négligeable de moins de 1 % comme mesure d'une hausse sur l'ensemble des prix de revient qui serait elle-mASme partiellement compensée par une baisse du prix des importations en provenance des pays dont la monnaie se trouve déluée par rapport au franc. Quant aux exportations en dollars, elle ne sont que d'une trentaine de milliards de francs. Toute tendance A la hausse de leur prix serait en outre contrebattue par la compétition accrue des pays qui ont poussé plus loin la dépréciation de leur monnaie.
Le développement des exportations dont les derniers mois ont donné le spectacle apparaitrait donc comme l'une des manifestations les plus heureuses de la renaissance de l'économie franA§aise si elle ne se dirigeait pas trop exclusivement vers les zones A monnaies inconvertibles au détriment de l'accroissement nécessaire des ventes aux Etats-Unis. De ce développement des exportations, couplé avec les recettes qu'a procurées A notre pays un afflux de touristes sans précédent, résulte une réduction considérable de notre position débitrice et, A l'égard d'un grand nombre de pays, le dégagement d'un excédent. Ce retournement de situation a, tout au cours du premier semestre, durement pesé sur la trésorerie. D'une part, en effet, les
banques d'émission des pays dont la position créancière diminuait A notre égard réduisaient leurs dépôts auprès du Trésor FranA§ais ou leurs avoirs en bons du Trésor. D'autre part, les achats de devises par le Fonds de silisation des changes exigeaient une alimentation constante du Fonds en francs. Un déblocage supplémentaire de la contrepartie de l'aide américaine a partiellement compensé les remboursements de bons et de dépôts auxquels le Trésor ait dû faire face. Et une convention avec la Banque de France a prévu que le Fonds de silisation pourrait se trouver approvisionné en francs par cession de ses devises A l'Institut d'émission.
Sans doute retrouve-t-on ici le mécanisme classique de financement des excédents extérieurs où l'acquisition de devises vient accroitre l'actif de la banque centrale et servir de contrepartie A l'émission de monnaie fiduciaire. Toutefois, le caractère traditionnel de cette technique ne doit pas faire perdre de vue le problème que pose la diminution du déficit extérieur ou le dégagement d'un excédent. L'accroissement des exportations aboutit A une diminution des ressources matérielles destinées A satisfaire la masse des demandes internes. Il est donc sain, en principe, que le Trésor se trouve amené en contrepartie A accroitre ses prélèvements financiers sur l'économie pour contrebalancer par une restriction des demandes cette diminution des ressources. Que l'émission de monnaie ait lieu en échange de devises ou pour faire face au développement du crédit interne ou aux besoins du Trésor, elle représente dans tous les cas des moyens supplémentaires de dépenses ; et l'émission en échange de devises ne peut AStre considérée comme moins inflationniste que si l'amélioration de la situation qu'elle reflète accroit la confiance dans la monnaie nationale et le désir d'épargne sous forme d'accroissement des encaisses. Mais les devises qui s'inscrivent A l'actif de la banque ne représentent des ressources matérielles accrues qu'A terme : A ce titre, elles sont exactement ables A un investissement et exercent la mASme pression dans l'immédiat sur la situation financière. Si elles doivent servir A brève échéance A payer un accroissement des achats, il n'y a qu'une différence momentanée entre le financement de ses réserves accrues par le Trésor et leur financement par la Banque centrale : en effet, le Trésor récupérerait aussi bien par la vente des devises les francs qu'il aurait dû provisoirement débourser. C'est seulement si l'encaisse en devises doit durablement s'accroitre que les deux modes de financement ont une signification économique profondément différente. Et il n'est pas douteux que le financement du Fonds de silisation par la Banque de France, s'il soulage le Trésor, n'est dénué de périls que si toute menace d'inflation est écartée dans l'économie.
Etant donné le déséquilibre qui se prolonge dans les relations entre la France et la zone dollar, l'accumulation d'autres devises par l'effet du dégagement d'excédents en d'autres monnaies ne pas sans danger. Au surplus, grace A l'accroissement de ses recettes, la France est en passe de ne pas utiliser la totalité des droits de tirage qui lui ont été consentis dans le cadre de l'accord de paiement intra-européen. Il en résulterait directement pour la trésorerie une réduction de la contrepartie en francs des crédits extérieurs, puisque cette contrepartie ne prend naissance que par la récupération sur les importateurs de la leur des achats faits en utilisant les crédits obtenus. Un pays qui a A faire face A de grands besoins d'investissements et A un lourd programme de reconstruction ne peut renoncer aux ressources matérielles accrues et aux ressources financières exceptionnelles que dégage un surplus d'importations, rendu possible par des crédits étrangers. Les ressources en devises qui ont été accumulées et la marge non utilisée sur les droits de tirage justifient un desserrement des contrôles A l'importation, qui est l'un des moyens les plus sûrs d'entrainer les baisses de prix qui sont possibles et souhailes, et d'accroitre par suite, non seulement le niveau de vie des classes les plus défavorisées de la nation, mais aussi la capacité concurrentielle du pays sur les
marchés où il a jusqu'ici le plus de peine A prendre pied. Les dépenses de fonctionnement des services doivent d'abord AStre clairement séparées de l'ensemble du budget, de sorte que l'opinion ne soit pas entrainée A croire que la totalité des dépenses civiles, où entrent pour une moitié le service de la dette, les subventions, les pensions de guerre et autres prestations sociales, soit entièrement absorbée par des traitements de fonctionnaires. En matière de services civils tout aussi bien que de dépenses militaires, les deux vraies questions sont de savoir quelles missions assume la puissance publique, et par quels moyens elle s'en acquittera dans les meilleures conditions de coût et de rendement.
A l'intérieur du fonctionnement des services civils, les dépenses les plus importantes vont A couvrir des besoins qui ne naissent pas de l'existence de la puissance publique, mais qui auraient, en tout état de cause, A AStre satisfaits : l'éducation et le maintien de la santé. Une telle considération est importante pour juger du niveau tolérable du prélèvement fiscal ; car dans la mesure où les
services publics déchargent les citoyens du pays de dépenses qu'ils auraient dû entreprendre A titre privé, l'intervention de l'état n'accroit pas la charge, mais en assure une répartition différente.
Et il apparait immédiatement que les simples aisons des charges fiscales, quelques difficultés auxquelles elles se heurtent par ailleurs, ne peuvent AStre légitimement entreprises qu'avec précautions entre des pays où les services publics ne couvrent pas le mASme domaine et, par exemple, avec les pays comme l'Amérique ou l'Angleterre où, mASme après les récentes réformes, une grande part des dépenses d'éducation reste A la charge des familles.
L'autre problème est de juger de l'efficacité des moyens mis en œuvre pour réduire au minimum le coût des services. La mesure de limitation des dépenses qui se proroge d'année en année est celle qui interdit, sauf dérogation strictement accordée, non seulement les créations d'emplois mais mASme les remplacements en cas d'emplois cants. Sans doute, une telle politique est celle qui se heurte aux moindres difficultés humaines puisqu'elle n'exige aucun licenciement et parvient A une compression des effectifs sans toucher aux situations acquises. Du point de vue de l'intérASt généra], il est possible de démontrer qu'elle est cependant la plus mauise. L'interdiction de remplacement équiut pratiquement A l'interdiction de licenciement, puisqu'il ut mieux pour un service maintenir en place un agent qui ne fournit qu'un trail insuffisant que de risquer de n'avoir plus personne pour faire le trail. La productivité dans les services est de ce fait inévilement réduite dans des proportions considérables. En outre, il est clair que les services qui risquent de perdre le plus de personnel sans pouvoir le remplacer sont les services les plus actifs, disposant du personnel le plus compétent et auquel s'offrent les occasions les plus tentantes de quitter la fonction publique.
Il n'est pas jusqu'au statut général de la fonction publique qui ne doive AStre repensé. S'il est légitime et nécessaire en ce qui concerne les fonctions d'ordre spécifiquement public, en trouvera difficilement des justifications pour assurer aux auxiliaires purement annuels des services publics une situation différente de celle de leurs collègues de l'économie privée. C'est seulement si cette dissociation est opérée qu'il sera possible d'obtenir de tous les agents des services publics le meilleur rendement en les soumettant aux régimes divers qui sont les plus appropriés au type de fonctions qu'ils remplissent et de responsabilité qu'ils assument. Ces analyses mettent aussi en évidence la nécessité de distinguer dans les difficultés d'exploitation du secteur public ce qui tient A des excès de dépenses et ce qui provient de l'insuffisance des recettes, c'est-A -dire de distinguer clairement entre des pertes de gestion vériles et des subventions indirectes et massives au reste de l'économie. A cet égard, il est de peu d'importance qu'une large fraction des déficits tienne A l'abaissement des tarifs publics pour la consommation privée ; car les salaires sont fixés en fonction du coût de la vie, et les prix de revient pour l'économie privée sont réduits tout aussi bien par la diminution des dépenses de main-d'œuvre qui en résulte que par un abaissement direct du prix des fournitures et services du secteur public A l'industrie. Tant qu'une telle dissociation ne sera pas opérée, le paradoxe se maintiendra d'un état qui contribue par les confusions qu'il entretient A discréditer ses propres entreprises et par contrecoup A aggraver ses propres difficultés.
Le problème des nationalisés ne se pose pas seulement au regard de leur exploitation courante, mais aussi bien du financement de leurs investissements. Sans doute, la répartition des fonds publics dans le secteur de l'équipement est-elle en première apparence largement orientée vers le secteur nationalisé. Il ne suffit pas d'observer que la nationalisation coïncide justement avec les secteurs dans lesquels les investissements sont les plus lourds et, A l'échelle où ils se développent présentement, auraient eu le plus de peine A se financer par des moyens privés. Mais une analyse plus précise révèle que les commandes du secteur public pour son équipement n'ont pas seulement apporté aux fournisseurs de matériel et aux entrepreneurs de traux l'incitation nécessaire A développer et A moderniser leur capacité ; elles leur en ont, par les marges d'autofinancement qu'elles leur laissaient, assuré presque entièrement les moyens. Dans cette mesure la présentation se renverse et il apparait au contraire que l'Etat réclame A ses propres entreprises le remboursement et l'intérASt des ances qu'il leur consent, cependant qu'A travers elles il abandonne A une large fraction de l'industrie privée des moyens de financement gratuits.
Dans la conjoncture où la France est placée, le principe d'un large financement public de l'investissement et de la reconstruction n'est pas en cause, mais plutôt les conditions auxquelles il est accordé et les moyens par lesquels des ressources sont dégagées en contrepartie. C'est dans ces termes qu'il est nécessaire de soulever le problème de la reconstruction. Etant donné l'énormité des destructions subies, étant donné aussi la répartition au hasard de la charge qu'elles représentent, il est évidemment nécessaire que la puissance publique prenne en main l'effort financier inévile ; il est inconteslement légitime qu'elle mesure la redistribution de la charge entre ceux dont les biens ont été détruits et le reste du pays. La question qui reste posée est seulement celle de la mesure du concours que doit apporter l'état, et celle de la répartition des prélèvements nécessaires entre les différents éléments de la nation.
Il y a évidemment plusieurs manières possibles d'éluer le montant du concours que l'état doit apporter aux sinistrés. Et si une simple estimation de la leur des propriétés perdues au moment où elles ont été détruites ne peut AStre retenue étant donné la dépréciation monétaire qui s'est produite depuis lors, il semblerait qu'en tous cas le droit A compensation intégrale, mASme si le principe n'en est pas discuté, ne puisse aller au-delA d'une rééluation, en fonction du mouvement des prix, des pertes effectivement subies. Il apparait qu'en fait la législation de la reconstruction dépasse singulièrement cette mesure. Si le remboursement est éli sur la base des dépenses effectives de remise en état, le principe d'une telle disposition semblerait AStre seulement de découvrir par expérience le coefficient de rééluation A appliquer aux dommages subis. Mais la remise en état effective substitue A une habitation, A une installation industrielle, ou A des biens mobiliers qui pouient AStre hors d'age, des maisons et des équipements nouveaux. Pour ne prendre que quelques exemples, l'age moyen des équipements industriels en 1945 était de vingt-cinq ans, la plus grande partie de la flotte marchande était hors d'age, les immeubles d'habitation aient en moyenne plus de soixante ans. La disposition introduite dans la loi d'octobre 1946, qui limite A 20 % la réduction pour vétusté des indemnités élies sur la base du coût de remplacement aboutit dans la plupart des cas A mettre aux mains des propriétaires, A l'aide de fonds publics, un capital d'une leur supérieure A ce qu'aurait été celle du bien ancien s'il n'ait pas
été détruit.
Il est donc nécessaire de distinguer clairement deux problèmes : sans doute, si les indemnités versées par l'Etat étaient seulement égales A la leur restante des installations détruites, rééluées en fonction du mouvement des prix, les propriétaires d'immeubles ou les entreprises industrielles, commerciales ou agricoles auraient A faire face dans bien des cas A d'insolubles difficultés de financement pour couvrir la différence entre la leur restante rééluée et le coût de construction A neuf. Qu'un financement public soit nécessaire mASme pour couvrir en tout ou en partie cette différence, la disproportion entre les besoins A couvrir et les moyens financiers privés suffit A l'élir. Mais c'est une chose d'ancer en cas de nécessité des sommes remboursables, et portant intérASt, c'en est une autre de remettre en pleine propriété, aux anciens sinistrés, des biens d'une leur largement supérieure A ceux qu'ils ont
perdus.
Il est particulièrement anormal, en matière industrielle et commerciale, que le calcul des indemnités de reconstruction soit sans aucun lien avec l'éluation des biens qui serit de base aux impôts sur les bénéfices. H y a une contradiction manifeste A admettre que des installations aient pu AStre amorties A zéro en déduction d'impôts et qu'en matière de dommages de guerre elles soient considérées comme équilentes A des installations identiques mais neuves, sous réserve d'une différence limitée A 20 % du prix de la construction A neuf. Et en ce qui concerne les entreprises qui, imposées au forfait, n'aient pas A élir de bilan ni A calculer leurs amortissements, il y a une étrange absence de logique dans un système qui aboutit éventuellement, pour peu qu'une entreprise ait été détruite, A lui attribuer, lorsqu'il s'agit de recevoir de l'argent de l'état et non plus de lui en verser, une leur en capital qui peut AStre sans aucune mesure avec les bénéfices qu'elle était censée réaliser.
On arguera sans doute que l'essentiel est que la reconstruction s'effectue ; que le système est tout entier orienté dans ce sens, puisque les sinistrés ne sont indemnisés qu'une fois effectués les traux ; qu'une estimation trop rigoureuse de la contribution de l'Etat aboutirait dans bien des cas A rendre la reconstruction impossible. Si tel est l'esprit du système, encore convient-il de n'en pas accroitre sans nécessité ni justice la charge pour les finances publiques, par renonciation d'un principe qui n'a pas de justification générale. Veut-on faire loir que dans l'immédiat la charge financière ne serait