' Initialement, l'Etat étant l'acteur unique et donc le sujet unique de l'ordre international, c'était lui, et lui seul, qui pouvait voir sa responsabilité internationale mise en jeu. Autrement dit, l'acte illicite était toujours exclusivement impule A un Etat (et nous verrons d'ailleurs plus tard qu'il reste encore des - échos - importants de cette formation très historiquement - située - du droit de la responsabilité internationale).
Il convient maintenant d'ajouter comme autres sujets du
droit international auxquels une responsabilité peut AStre imputée A la fois les institutions internationales (Organisations et élissements publics internationaux) et les personnes pries.
1 ' Les faits illicites impules A l'Etat.
' L'Etat peut voir sa responsabilité internationale engagée A raison de tout fait illicite impule A l'un quelconque de ses organes constitutionnels, législatifs, administratifs ou juridictionnels ; de mASme que sa responsabilité peut AStre engagée pour des faits identiques émanant de l'une quelconque de ses subdivisions politiques (commune, département, région. Etat fédéré ou province dans une structure de type fédéral). Dans le concret, la responsabilité de l'Etat va se trouver engagée par des actes commis par des personnes qui seront juridiquement ses agents (fonctionnaires par exemple) ou qui apparaitront comme tels.
a) La responsabilité du fait des lois.
' Dans cette optique, trois situations sont A envisager. Soit, tout d'abord, une loi adoptée par un Etat se trouve en contradiction avec une obligation internationale antérieure de cet Etat. Soit, ensuite, la loi contraire A un engagement international de l'Etat n'a pas été abrogée de sorte qu'elle fait toujours obstacle A ce que le droit international produise ses effets pour ses destinataires. Soit, enfin, une loi n'a pas été adoptée pour mettre en ouvre un engagement international particulier de l'Etat. Dans toutes ces hypothèses, la responsabilité internationale de l'Etat pourra AStre engagée en raison de son action particulière ou de son abstention.
' Souvent, A titre de défense de ces législations internes contraires au droit international, les Etats ont fait valoir que de telles lois s'appliquaient sans discrimination aux nationaux et aux étrangers et donc que, de ce fait, l'illicéité cessait. Il existe une jurisprudence internationale constante pour dénier toute valeur A une telle argumentation : toute loi violant une obligation internationale de l'Etat est susceptible d'entrainer sa responsabilité internationale, son application non discriminatoire aux nationaux comme aux étrangers ne constituant nullement une cause exonératoire. La Cour permanente de justice internationale l'a rappelé plusieurs fois. On peut citer, A ce titre, le jugement nA° 7 dans l'affaire des intérASts allemands en Haute-Silésie polonaise (25 mai 1926, p. 31-33), l'affaire de l'Université Pazmany du 15 décembre 1933 (sér. A/B, nA° 61).
' La jurisprudence arbitrale va dans le mASme sens et confirme ces principes posés par la C.P.J.I. A ce titre on peut citer la sentence Ador entre la France et l'Esne du 15 juin 1922. L'arbitre estima (affaire de l'impôt sur les bénéfices de guerre) que la France n'avait pas le droit d'appliquer aux ressortissants esnols vivant en France des impôts extraordinaires dans la mesure où ils en avaient été dispensés par les conventions contraires, et cela alors que la France soutenait que cette législation fiscale était licite dans, la mesure où elle ne créait aucune discrimination entre nationaux et étrangers (R.S.A., vol. I, p. 302-305).
De mASme,
la Cour permanente d'arbitrage, dans l'affaire des réclamations entre la Norvège et les Etats-Unis, jugée le 13 octobre 1922, appliqua ce principe A propos de nationalisations sans indemnité de biens étrangers (R.S.A., vol. I, p. 307-346).
b) La responsabilité du fait des actes administratifs.
' Sur ce point, il existe une jurisprudence internationale extrASmement abondante, notamment arbitrale, A propos de litiges dus aux - mauvais traitements - subis par les étrangers. Particulièrement typique des cas d'espèce que la Cour permanente d'arbitrage eut A connaitre, fut l'affaire Chevreau qui opposa la France A la Grande-Bretagne en 1931 (R.SA., vol. II, p. 1115-l143).
Tels furent aussi la plupart des litiges soumis aux commissions mixtes entre les Etats-Unis et le Mexique A propos notamment de détentions arbitraires et, en général, du fait du mauvais comportement des autorités de police locales.
' En règle générale, il est loisible de distinguer trois types de conduites - condamnables - A raison du fonctionnement ou plutôt du mauvais fonctionnement des services administratifs. Tout d'abord, il peut s'agir d'une absence de protection adéquate des étrangers. On en a un exemple caractéristique dans l'affaire du personnel diplomatique et consulaire américain A Téhéran où l'Iran fut condamné par la C.IJ. pour son abstention totale, son inaction, en un mot son absence, de protection suffisante de ces étrangers privilégiés que sont les diplomates et les consuls.
' Un autre chef très fréquent de mauvais fonctionnement des services administratifs a trait A la poursuite ou A la recherche des criminels. Tel fut l'essentiel de l'affaire qui opposa, A la fin du siècle dernier, l'Italie aux Etats-Unis A propos du lynchage des Italiens A la Nouvelle-Orléans, en 1891 (Moore, Digest, vol. 6, 837-841, 1906). En l'espèce, on rappelle qu'il s'agissait de ressortissants italiens qui, alors qu'ils avaient été emprisonnés, furent pris A partie par une foule excitée qui avait pris d'assaut leur lieu de détention et les avaient - lynchés -. Les auteurs de ces actes criminels ne devaient pas AStre poursuivis par les tribunaux locaux. Les Etats-Unis, A la suite de cette affaire, reconnurent que leur responsabilité était engagée du fait A la fois de la protection inadéquate accordée A ces ressortissants italiens de la part des autorités de police de la Nouvelle-Orléans et de la non-répression des auteurs de ces actes ; ils présentèrent leurs excuses au gouvernement italien, en mASme temps qu'ils payèrent une indemnité A l'Italie pour AStre distribuée aux familles des victimes résidant dans ce pays.
' Enfin, le troisième chef général impule au fonctionnement des services administratifs de nature A engager la responsabilité de l'Etat concerne le non-respect des contrats passés avec les étrangers, notamment des contrats en matière de concession. Ainsi dans l'affaire des emprunts serbes et brésiliens de 1929, la C.P.J.I. eut A connaitre du non-respect de clauses insérées dans les contrats d'emprunts conclus en France par ces deux gouvernements. Dans l'affaire dite El triumfo, qui opposa, en 1902, devant une commission d'arbitrage, les Etats-Unis au Salvador (1902, U.S. Foreign, rel. 859) les arbitres eurent A apprécier le non-respect par ce dernier pays d'un contrat de concession. Des faits analogues se trouvèrent A l'origine de grands arbitrages récents comme la sentence Aramco précitée de 1958 ou la sentence Dupuy de 1977. Dans toutes ces espèces soumises A l'arbitrage, les modifications de contrats internationaux de concession décidées unilatéralement par les Etats furent jugées contraires au droit international et comme ouvrant droit A une réparation adéquate au titre de la mise en jeu de la responsabilité internationale des pays - fautifs -.
c) Responsabilité du fait des actes juridictionnels.
' LA encore, il existe un contentieux international très important qui porte soit sur des cas de - déni de justice -, c'est-A -dire de non-accès reconnu aux étrangers aux tribunaux locaux, soit, le plus souvent, sur une mauvaise administration de la justice (droits de la défense non respectés, tribunaux non impartiaux, absence d'assistance par un conseil
juridique local, absence de traducteur, lenteur ou hate excessive de la procédure, jugement manifestement injuste).
En bref, il s'agit de toutes les hypothèses où les tribunaux locaux ne fonctionnent pas selon des principes élémentaires de bonne administration de la justice. On en trouvera un grand nombre d'exemples dans la jurisprudence de la Commission générale de réparation instituée entre les Etats-Unis et le Mexique en 1923 (voir, par exemple, Mexico c/U.S., affaire Malien, opinion des commissaires, 1927, 254 ; voir aussi U.S. c/Mexico, affaire Laura B. Janes, opinion des commissaires 1927, p. 108 et s.).
d) L'absence de responsabilité de l'Etat du fait des particuliers.
' Il s'agit lA d'un principe général qui a été posé par Max Huber dans l'affaire des biens britanniques au Maroc esnol (R.S.A., vol. II, 615 et s.). Selon un principe peu contesté de l'ordre international, l'Etat territorial n'est pas tenu responsable des dommages causés aux étrangers par ses propres nationaux pour peu que ces derniers ne soient pas ses fonctionnaires ou agents et n'aient pas agi sur son ordre. Cependant, ce principe, s'il est bien éli, cède dans plusieurs cas. D'une part, il ne faut pas oublier que l'Etat territorial est soumis A une obligation générale de protection et de sécurité A l'égard de tous les ressortissants étrangers qui résident sur son territoire. De plus, il est dans l'obligation de réprimer ceux de ses citoyens qui ont porté atteinte A la personne ou aux biens de nationaux étrangers. Un Etat peut donc voir sa responsabilité internationale engagée s'il a failli A son devoir de prévention ou A son devoir de répression (voir les hypothèses envisagées, supra).
' Il existe aussi des cas marginaux, heureusement rares, où un Etat peut voir sa responsabilité internationale engagée du fait d'actes émanant de ses nationaux si, ultérieurement, il démontre, par sa propre conduite, qu'il a endossé, fait siennes, approu de telles actions dommageables A l'égard d'Etats étrangers ou de leurs ressortissants. Dans ce type de situation, les particuliers deviennent de riles agents de l'Etat ; leurs actes de - pris - qu'ils étaient initialement (ou qu'ils aient pu apparaitre) deviennent alors - publics - et donc impules A l'Etat national. On a d'ailleurs un exemple, pourrait-on dire parfait, au moins A titre théorique, de ce glissement de responsabilité dans l'affaire du personnel diplomatique et consulaire américain A Téhéran jugée par la Cour internationale de justice le 24 mai 1980. La C.I.J. commenA§a par noter que, dans un premier temps au moins, l'attaque de l'ambassade américaine A Téhéran, la détention du personnel diplomatique américain, ainsi que la saisie des archives étaient le fait de militants révolutionnaires qui ne pouvaient pas AStre considérés comme des agents ou des organes de l'Etat iranien. Par conséquent, dans ces conditions, l'impuilité A l'Iran de ces actes illégaux ne pouvait AStre faite sur cette base, au moins initialement (A§ 58 A 61 de l'arrASt). Mais, la Cour nota de manière classique que cette absence de lien entre ces individus incontrôlés et l'Etat iranien n'exonérait pas pour autant ce dernier de toute responsabilité internationale en la matière, dans la mesure où il avait failli, par sa passivité, A son devoir de protection et de répression (A§ 62 A 73). Plus intéressante encore, fut l'analyse de la Cour de l'évolution de la situation en Iran ; elle ne put en effet s'empAScher de remarquer que, par la suite, les autorités iraniennes donnèrent A ces actions des militants extrémistes locaux- le - sceau de leur approbation officielle - (A§ 73). De la sorte, nota la Cour, cette approbation officielle a posteriori - transforma fondamentalement la
nature juridique de la situation créée par l'occupation de l'ambassade et la détention comme otages de son personnel diplomatique et consulaire -. - Ces militants, auteurs de l'invasion et geôliers de leurs otages, poursuit la Cour, étaient maintenant devenus des agents de l'Etat iranien dont les actes engageaient la responsabilité internationale de l'Etat lui-mASme - (A§ 74). Il y a donc, pour la Cour, et on ne peut ici que lui donner raison, une transformation radicale de situation de nature A rendre plus lourde et plus directe la responsabilité internationale de l'Etat concerné qui, par son comportement ultérieur, approuve les actions illicites de ses ressortissants.
2 ' Les faits illicites impules A des institutions internationales.
' De tels faits pour AStre impules aux institutions internationales peuvent aussi bien émaner de leurs organes que de leurs agents. C'est ainsi que l'Organisation des Nations Unies vit sa responsabilité internationale engagée A propos des dommages causés A des ressortissants belges au Congo par les forces d'urgence qu'elle avait instituées. L'Organisation des Nations Unies estima qu'elle devait indemniser ces ressortissants car c'était lA agir en vertu d'un principe général de droit (voir A.F.D.I. 1965, 468 et s. : les accords Spaak/U Thant du 20 février 1965, par JJ.-A. Salmon).
L'article 215 du Traité de Rome, par exemple, prévoit expressément la mise en jeu de la responsabilité A ta fois contractuelle et extracontractuelle des organes communautaires devant la Cour de justice des Communautés européennes.
3 ' Les faits illicites impules A des personnes pries.
' Nous avons vu précédemment que certaines catégories d'individus pouvaient AStre poursuivis soit dans l'ordre interne ' ce qui est le plus fréquent ', soit dans l'ordre international (par exemple les criminels de guerre devant les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo), pour violation de règles du droit international (voir supra, nA° 1006 et s.).
' On rappellera également que certaines personnes pries, par exemple des sociétés peuvent se voir attraire devant la Cour de justice des Communautés européennes pour violation du
droit communautaire, par exemple, en cas de non-respect des dispositions des articles 85 et 86 du Traité de Rome relatifs A la concurrence et aux abus de position dominante.
' De plus, il convient de signaler que, dans leurs rapports avec les Etats et les institutions internationales, les personnes pries peuvent aussi AStre actionnées devant des tribunaux ad hoc pour violation de leurs engagements. C'est ainsi que la plupart des contrats internationaux conclus A l'époque actuelle prévoient systématiquement le recours A l'arbitrage comme moyen exclusif de règlement des différends éventuels entre la partie - publique - et la partie - prie -.