A€ l'instar du principe de séparation des pouvoirs, qui régit les rapports entre les institutions dans les démocraties étatiques, le principe de l'équilibre institutionnel vise, au niveau de l'Union européenne, A éviter la concentration des pouvoirs entre les mains d'une seule institution.
Commentaire d'arrASt
CJCE, 30 mars 1995, Parlement c/Conseil, aff. 65/93
-[] 21. Il y a lieu de rappeler, d'abord, que la consultation régulière du Parlement dans les cas prés par le traité constitue une formalité substantielle dont le non-respect entraine la nullité de l'acte concerné. La participation effective du Parlement au processus législatif de la Communauté, selon les procédures prées par le traité, représente en effet, un élément essentiel de l'équilibre institutionnel voulu par le traité. Cette
compétence constitue l'expression d'un principe démocratique fondamental, selon lequel les peuples participent A l'exercice du pouvoir par l'intermédiaire d'une assemblée représentative.
22. U y a lieu de rappeler, ensuite, que le respect de l'exigence de consultation implique l'expression, par le Parlement, de son opinion et qu'il ne saurait y AStre satisfait par une simple demande d'avis de la part du Conseil. En cas d'urgence, il incombe au Conseil d'utiliser toutes les possibilités offertes par le traité et le règlement du Parlement pour obtenir l'avis préalable de cette dernière institution.
23. Toutefois, dans le cadre du dialogue interinstitutionnel, sur lequel repose notamment la procédure de consultation,
la Cour a estimé que prévalent les mASmes devoirs réciproques de coopération loyale que ceux qui régissent les relations entre les états membres et les institutions communautaires.
24. En l'espèce, il est constant que le Conseil a, dans sa lettre du 22 octobre 1992, informé le président du Parlement de la nécessité d'adopter le règlement litigieux avant la fin de l'année 1992, de faA§on A permettre l'entrée en vigueur le 1er janvier 1993. Il n'est pas non plus contesté que, compte tenu des relations particulières qui existent entre la Communauté et les pays en
développement et des difficultés, de nature A la fois politique et technique, qui résulteraient d'une interruption brutale de l'application des préférences tarifaires généralisées, cette demande était justifiée.
25. Ces considérations ont été pleinement prises en compte par le Parlement puisque, après avoir renvoyé la proposition de règlement A la commission du développement, le Parlement a décidé de la traiter selon la procédure d'urgence. En inscrivant l'examen du rapport de la commission du développement A l'ordre du jour de la séance du vendredi 18 décembre, soit au cours de la dernière session en 1992, le Parlement entendait manifestement exprimer son opinion en temps utile afin de permettre que le règlement puisse AStre adopté par le Conseil avant le 1er janvier
1993.
26. Or, il ressort du dossier que, malgré les assurances ainsi fournies au Conseil, le Parlement a décidé, par application de l'article 106 de son règlement, de lever la séance plénière du 18 décembre 1992 A la demande de quatorze députés, sans avoir débattu de la proposition de règlement. Il apparait en outre que cette décision se fondait sur des motifs totalement étrangers au règlement attaqué et ne prenait pas en compte l'urgence de la procédure ec la nécessité d'adopter ce règlement avant le 1er janvier 1993.
27. En adoptant un tel comportement, le Parlement a manqué A son devoir de coopération loyale vis-A -vis du Conseil. Il en est d'autant plus ainsi que le Conseil ne pouvait user de la possibilité que lui offrait l'article 139 du traité, la tenue d'une session extraordinaire du Parlement s'étant avérée, selon les informations obtenues par le Conseil auprès de la présidence du Parlement, matériellement impossible avant la fin de l'année 1992.
28. Dans ces conditions, le Parlement ne saurait valablement faire grief au Conseil de ne pas avoir attendu son avis pour adopter le règlement litigieux le 21 décembre 1992. La mé
connaissance de la formalité substantielle que constitue la consultation du Parlement trouve, en effet, sa cause dans le manquement de cène institution A son devoir de coopération loyale vis-A -vis du Conseil. [] -.
Analyse du sujet
Les faits qui ont conduit la Cour de justice des Communautés européennes A se prononcer sont assez simples A résumer Face A la nécessité d'adopter rapidement un règlement afin que celui-ci entre en vigueur, le Conseil a informé le Parlement de la nécessité d'examiner ce texte selon une procédure d'urgence. Le Parlement a pris acte de l'urgence mais cette procédure a connu quelques - couacs - : au cours de la dernière séance de la session parlementaire, le Parlement décide de lever la séance sans avoir débattu de la proposition de règlement ; le Conseil décide alors d'adopter le règlement malgré l'absence d'avis du Parlement. Estimant ses droits méconnus, le Parlement a saisi la Cour
Dans une telle situation, la Cour se voit dans l'obligation de mettre en balance deux principes essentiels : d'une part le pnneipe de l'équilibre institutionnel, qui exige que soient respectées les formalités prées en matière de dialogue entre les institutions ; d'autre part le principe de coopération loyale entre les institutions qui impose, en e de l'efficacité du processus décisionnel, que les institutions n'abusent pas des procédures prées.
Point méthode
Votre commentaire d'arrASt peut s'ordonner autour de l'analyse de ces deux concepts clés que sont le principe de l'équilibre institutionnel et celui de la coopération loyale.
Exemple de détaillé
Introduction
Une institution peut-elle abuser d'un droit pré A son profit ? C'est A cette question essentielle que la Cour de justice des Communautés européennes a dû répondre dans son arrASt du 30 mars 1995. Estimant que le Conseil avait adopté un règlement sans avoir attendu son avis, le Parlement a déféré le règlement litigieux A la Cour. Le Conseil avait bien transmis pour avis ce règlement au Parlement européen et lui avait indiqué qu'il y avait urgence A ce qu'il soit examiné. Le Parlement avait bien pré d'examiner ce texte selon la procédure d'urgence mais le jour fixé, le Parlement décide de lever la séance, la dernière de la session parlementaire. Dès lors, la Cour se trouve confrontée A la mise en balance de différents intérASts. Elle rappelle que la consultation du Parlement constitue une formalité substantielle (I) qui représente un élément essentiel de l'équilibre institutionnel, mais que le dialogue interinstitutionnel doit répondre A un devoir de coopération loyale entre les institutions (II).
I. La consultation du Parlement, une formalité substantielle
A. Un élément essentiel de l'équilibre institutionnel
Point connaissance
Le principe de l'équilibre institutionnel a été dégagé, dès 1958, par la Cour A propos de la CECA. Elle a pu déclarer que l'article 3 CECA, en assignant les objectifs qu'il énumère, non A la Haute autorité séparément, mais - aux institutions de la Communauté dans le cadre de leurs attributions respectives - permettait de voir - dans l'équilibre des pouvoirs, caractéristique de la structure institutionnelle de la Communauté, une garantie fondamentale accordée par le traité - (CJCE, 13 juin 1958, Meroni, aff. 9/56). Dans l'arrASt dit Post-Tchernobyl (CJCE, 22 mai 1990, Parlement c. Conseil, aff. 70/88), la Cour a pu affirmer que - le respect de l'équilibre institutionnel implique que chacune des institutions exerce ses compétences dans le respect de celle des autres - et que tout manquement A cette règle dort, AStre sanctionné.
Cette participation constitue l'expression d'un principe démocratique fondamental selon lequel les peuples participent A l'exercice du pouvoir par l'intermédiaire d'une assemblée représentative.
Compte tenu de ce rôle, la CJCE a procédé A la - légitimation active - du Parlement européen, en lui permettant d'accéder A sa juridiction en e de défendre ses prérogatives.
Point connaissance A l'origine, les traités ne prévoyaient pas la possibilité pour le Parlement d'introduire des recours en annulation devant la CJCE. Dans l'arrASt Post-Tchernobyl (CJCE, 22 mai 1990, Parlement c/Conseil, aff. 70/88), la Cour a affirmé la thèse de la - légitimation active- c'est-A -dire qu'elle a accepté la recevabilité des recours introduits par le Parlement européen, mais - A condition que le recours ne tende qu'A la sauvegarde de ses prérogatives et qu'il ne se fonde que sur les
moyens tirés de la violation de celles-ci -. Cette jurisprudence a finalement fart l'objet d'une codification puisque le traité sur l'Union européenne a reconnu, dans le nouvel article 230 alinéa 3 du TCE (ex-article 173 alinéa 3), la légitimation active du Parlement pour la défense de ses prérogatives.
B. Une participation qui doit AStre effective
Le respect de l'exigence de consultation implique l'expression par le Parlement de son opinion : il ne saurait y AStre satisfait par une simple demande d'avis. Dans l'arrASt du 29 octobre 1980. Roquette, aff. 138/79, la Cour a pu annuler un acte en considérant que le Conseil avait non seulement l'obligation de demander l'avis mais aussi d'attendre qu'il soit rendu.
Une nouvelle consultation du Parlement est nécessaire chaque fois que le texte final de la proposition de la Commission - s'ésectiune dans sa substance mASme de . celui sur lequel le Parlement a déjA été consulté, A l'exception des cas où les amendements correspondent, pour l'essentiel, au souhait exprimé par le Parlement lui-mASme - (CJCE, 16 juillet 1992, Parlement c/Conseil, aff. 65/90).
II. Le dialogue interinstitutionnel et le devoir de cooperation loyale
A. Une obligation qui A l'origine ne concernait que les rapports entre les institutions communautaires et les états membres
La Cour a fait de l'article 10 du TCE (ex-article 5) la base de ce qui a été appelé la loyauté communautaire ou la coopération loyale, par référence au principe de fidélité fédérale dégagé dans les états fédéraux.
Point connaissance
En vertu du principe de loyauté, les Etats fédérés s'engagent A ne pas agir dans un sens qui pourrait porter atteinte aux intérASts vrtaux de la Fédération. Ils doivent en outre collaborer de bonne foi dans la mise en œuvre de la politique fédérale.
Les états membres doivent ainsi coopérer de faA§on loyale avec les institutions communautaires. L'exercice des compétences propres des états membres ne saurait s'affranchir de ce principe de - fidélité communautaire -. Ainsi, lorsqu'un état rencontre des difficultés particulières dans l'exécution du
droit communautaire, il doit collaborer de bonne foi avec les institutions communautaires et, plus particulièrement, la Commission, en e de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions du traité et en vertu de la règle imposant aux états membres et aux institutions communautaires des devoirs réciproques de coopération loyale, qui inspire, en particulier l'article 10 (CJCE, 15 janvier 1986, Commission c/Belgique, aff. 52/84).
B. Une obligation étendue aux institutions communautaires
Dans un arrASt du 10 février 1983 (CJCE. 10 février 1983. Luxembourg c/Parlement Européen, aff. 53/81). la Cour a pu mentionner - la règle imposant aux états membres et aux institutions communautaires des devoirs réciproques de coopération loyale qui inspire notamment l'article 5 du traité CEE -. Sans AStre mentionné explicitement, ce devoir de coopération apparait A travers différentes dispositions des traités : article 3 du TUE (depuis Amsterdam) : - Le Conseil et la Commission ont la responsabilité - d'assurer la cohérence de l'ensemble de l'action extérieure de l'Union européenne - et coopèrent A cet effet -. Article 218 TCE (ex-article 162) : - Le Conseil et la Commission procèdent A des consultations réciproques et organisent d'un commun accord les modalités de leur collaboration -.
Pour formaliser cette coopération, les institutions ont utilisé la technique des déclarations ou accords interinstitutionnels qui sont des engagements politiques qui ne comportent en principe pas d'effets de droit. Exemples : code de conduite de la Commission de mars 1995 dans lequel elle s'engage A présenter les propositions législatives dans des délais suffisants pour permettre au Parlement et au Conseil un examen approfondi des propositions ; déclaration interinstitutionelle du 25 octobre 1993 sur la démocratie, la transparence et la subsidiarité. Le devoir de coopération loyale concerne donc également les institutions entre elles :,dans l'arrASt commenté, le Parlement européen a manqué A son devoir en négligeant, alors qu'il y avait une urgence, d'examiner le texte inscrit A l'ordre du jour. Dès lors, le règlement litigieux est validé par la Cour : - la méconnaissance de la formalité substantielle que constitue la consultation du. Parlement trouve, en effet, sa cause dans le manquement de cette institution A son devoir de coopération loyale vis-A -vis du Conseil -. On pourrait dire qu'il y a eu une - faute de la victime - qui exonère la responsabilité du Conseil. L'obligation de coopération loyale impose au Parlement européen de rendre son avis dans un délai raisonnable en e de permettre au Conseil d'adopter l'acte en temps utile.