- La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force et, pour cela, faire que ce qui est juste soit fort et que ce qui est fort soit juste - (Pascal).
Pour un état, le premier - privilège de souraineté - est d'assurer la sécurité de ceux sur lesquels s'exerce cette souraineté. Parce qu'il assure cette responsabilité, le sourain peut ler l'impôt et frapper monnaie. Bien sûr, cette souraineté peut également s'exercer dans le cadre d'alliances. Celles-ci font alors l'objet d'accords signés par les représentants des états, lesquels marquent ainsi qu'ils s'allient pour exercer ensemble leurs sourainetés respectis.
Pendant près de quarante-cinq ans, l'Europe occidentale a été fondée sur la nécessité de se défendre contre le - péril rouge -. Et elle était protégée par le bouclier américain. C'est pour résister au bloc soviétique qu'elle a participé, dès 1949, A la création de l'Alliance atlantique. Depuis, la question de sa Défense n'a jamais été pensée en dehors du lien transatlantique.
La chute du Mur de Berlin et la fin de la guerre froide ont boulersé la donne internationale. Ac la disparition d'une bipolarisation qui avait é la ète pendant cinquante ans, l'Alliance atlantique ne se justifie désormais plus comme un instrument de défense contre le communisme. Dans un monde tourmenté où les menaces se multiplient et se dirsifient A l'extrASme, où émergent de nouaux grands comme la Chine et l'Inde, où surgissent des forces non gournementales parfois inquiétantes et qui ne se sentent liées par aucune règle internationale, elle se cherche. Elle n'est plus l'instrument de paix qu'imposait la guerre froide et elle ne sait pas encore très clairement ce qu'elle peut AStre. Ce qui est certain, c'est qu'existent, plus que jamais, des menaces. Elle répond donc sûrement A un besoin.
La question centrale qui se pose alors A l'Europe est de savoir comment elle entend désormais participer A cette Alliance en cours de rénovation comme A la noulle organisation du monde et quels
moyens elle choisit de se donner pour cela. Il s'agit de notre Défense et de notre sécurité. La question est loin d'AStre anodine.
Zbigniew Brzezinski disait récemment, sans y voir malice et comme si c'était évident que l'OTAN est - la pièce centrale de la politique internationale américaine sur toute l'étendue du globe -. Conflit après conflit, il faut bien le constater, l'Europe reste effectiment vassale des états-Unis, faute d'armée et de moyens suffisants, faute surtout de volonté et d'organisation. La guerre du Golfe, puis les conflits en ex-Yougoslavie ont fait la démonstration que les pays européens n'étaient pas prASts A assumer des interntions extérieures. Les déportations, les bombardements de civils, les massacres
ethniques sont autant de blessures qui ramènent l'Europe A la réalité : aujourd'hui, elle ne peut rien sans l'OTAN.
Dès que s'ouvre une crise, chacune de son côté, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la France ou mASme l'Esne, l'Italie et maintenant la Pologne essaient de se faire entendre, dans une cacophonie A l'intérieur de laquelle on s'amuse A chercher qui va plus ou moins s'aligner sur Washington. Un responsable américain disait récemment, non sans humour, que l'Europe avait la chance de pouvoir tenir plusieurs discours A la fois, ac une bonne probabilité donc qu'A tout moment l'un d'entre eux au moins soit bon Quelle tristesse de voir ainsi railler le désordre dans lequel s'expriment les états membres de l'Union !
Plus que jamais, nous ressentons cruellement l'absence d'une politique extérieure et de sécurité commune, la PESC, et, ac elle, d'une Europe de la Défense. Sachons simplement qu'autant le couple franco-allemand fut nécessaire pour donner son élan A la
construction européenne, autant nous devons prendre conscience que deux puissances nucléaires existent en Europe, la France et la Grande-Bretagne, et que leurs réalités restent très différentes puisque la dissuasion britannique est techniquement et politiquement alignée sur celle des états-Unis. Il n'y aura pas de Défense européenne sans un engagement conjoint, déterminé et confiant du couple franco-britannique. Et celui-ci sera difficile A marier !
L'Europe reste l'affaire de tous ses états, chacun d'entre eux, mASme et peut-AStre surtout la Grande-Bretagne, pouvant AStre appelé, selon les sujets et en fonction des circonstances, A - se mettre en couple - ac un autre, pour mieux tirer le char de l'Union. Il ne peut exister d'- Europe A deux vitesses - : celle de ceux qui tirent et celle de ceux qui sont tirés A fortiori, celle de ceux qui avanceraient et celle de ceux qui regarderaient.
Au temps de l'élargissement, notre impuissance peut s'avérer lourde de conséquences. Les nouaux membres, qui ont très vite tourné la e du Pacte de Varsovie, se sont, tout aussi rapidement, conrtis en zélateurs des relations transatlantiques. Leur aspiration A la sécurité était encore plus forte que leur quASte de prospérité. L'appartenance A l'OTAN leur est donc apparue A la fois comme une revanche et comme une garantie. Ce que ne peut en aucun cas leur apporter une Défense européenne balbutiante ou virtuelle. Notre pusillanimité et nos hésitations consacrent donc l'hégémonie américaine en mASme temps qu'elles risquent d'encourager encore longtemps les nouaux membres A soutenir systématiquement, au sein de l'Alliance atlantique, la volonté et les projets des états-Unis.
La Hongrie, la Pologne et la Tchéquie ont été très vite invitées A rejoindre l'OTAN. La manœuvre américaine était habile. En les accueillant immédiatement, ils s'attachaient trois pays susceptibles de grandir rapidement et de denir de - bons
clients -, aux s politique comme économique. Ce sont ces mASmes pays qui voyaient alors sans cesse reporter l'échéance de leur intégration dans l'Union européenne. Ils sont reconnaissants aux états-Unis de les avoir, d'entrée de jeu, déclarés - bons pour l'OTAN -. Alors, pour eux comme pour Zbigniew Brze-sinski, OTAN et états-Unis, c'est la mASme chose. Il leur semble que c'est aux Américains et non A l'ensemble des membres de l'OTAN qu'ils doint d'avoir été admis A rejoindre l'Organisation. Cela a montré, A nouau s'il en était encore besoin, que nous pesons bien peu en son sein.
N'aurait-il pas fallu par ailleurs les admettre plus vite dans l'Union européenne, quitte A prévoir une longue période transitoire pour régler les nombreux problèmes posés avant confirmation de leurs adhésions ? Admis d'emblée dans la famille européenne, ils auraient été moins tentés de se laisser utiliser par les Américains pour soutenir leurs thèses, mASme quand celles-ci visent A contrer les projets de construction d'une Europe de la Défense.
Au lieu de privilégier un tel traitement politique, l'Union a préféré laisser ses experts expliquer que l'élargissement allait AStre compliqué et que l'adhésion A l'Union européenne devait AStre différée.
Il en est mASme résulté de noulles divisions A l'intérieur de l'Europe, divisions dont on aurait gagné A faire l'économie, et qu'illustre savoureusement l'anecdote suivante. L'Assemblée parlementaire de l'OSCE réunissait A Paris, en juillet 2001, les principaux membres de l'Alliance atlantique, les candidats A l'Union européenne et les pays de l'ex-URSS. Alors qu'on y débattait, sur demande américaine, de l'Initiati européenne de Défense, n'a-t-on pas entendu le rapporteur hongrois s'exprimer en quasi porte-parole des Etats-Unis pour critiquer nos avancées rs une Europe de la Défense ? Il se sentait complètement membre de l'OTAN et pas vraiment de l'Union européenne. Le débat vit alors s'affronter deux camps : les Américains et les pays d'Europe nouaux membres de l'OTAN d'un côté, la France retrouvant principalement ac elle les pays de l'ex-URSS, de l'autre. On aurait pu espérer mieux !
Mais A terme, cela est-il bien utile aux Américains ?
En réalité, il parait de plus en plus évident que les états-Unis ne peunt continuer A agir seuls. Les relations transatlantiques ont profondément évolué depuis la fin de la guerre froide. Et l'Europe économique est montée en puissance.
Mais les Américains continuent A se nourrir d'idées simples.
Pour eux, l'Europe ne peut qu'AStre transatlantique, et certainement pas limitée aux rivages orientaux de l'océan. Le Nouau Monde, qu'est-ce d'autre qu'une création de pionniers nus d'Europe pour élargir leur continent A l'ouest ? Telle est la grande Europe des Américains. Telle est pour eux la seule vraie Europe. L'Atlantique leur est denu ce que la Méditerranée était pour les Romains : mare nostrum.
Au demeurant, cette grande Europe a une réalité politique : l'Alliance atlantique. Certains Américains sont mASme allés jusqu'A dire que les pays candidats qui ne seraient pas immédiatement admis dans l'OTAN pourraient toujours aller rejoindre cette antichambre de l'Organisation qu'est, pour eux, l'Union européenne, cette sympathique zone de libre-échange dont essaie de se doter le Vieux Continent
Une conscience très forte de leur identité, tant économique que culturelle, invite aujourd'hui les Européens A se démarquer de plus en plus clairement de leur partenaire américain. Ils ne ulent plus que l'Amérique écri seule l'histoire. Ils souhaitent continuer A parler au monde comme ils l'ont toujours fait. Simplement, cela ne présente d'intérASt que s'ils ont une chance de se faire entendre.
Faute de volonté politique, l'Europe n'a, malheureusement, toujours pas les moyens de s'exprimer ainsi. Elle reste, en particulier, incapable de définir une politique étrangère commune cohérente. De mASme qu'elle rechigne A engager les efforts budgétaires que nécessiterait une Défense autonome. Il faut donc construire rapidement une Europe de la Défense. Une Europe plus que jamais partenaire des états-Unis, mais qui serait capable de peser et de se faire entendre, en tant que telle, au sein de l'Alliance atlantique, autrement et mieux que lorsque ce sont simplement ses membres qui le font en ordre dispersé.
Rien ne serait pire qu'un monde tout entier placé sous l'empire unique des états-Unis, qui auraient seuls capacité A dire le bien et le mal, l'ami ou l'ennemi, la guerre ou la paix
Il est d'autant plus urgent de réagir qu'appelés par les affaires du monde entier, les états-Unis ne cessent de répéter qu'ils ne pourront indéfiniment assurer la sécurité de l'Europe. Sans pour autant vouloir se soustraire aux obligations de solidarité imposées par l'article 5 du traité d'alliance, ils affirment clairement leur volonté de se désengager de notre continent, considérant que nous avons désormais les moyens d'assurer notre propre défense, au moins au premier degré.
On voit bien que l'heure a sonné pour l'Europe d'examiner le denir de sa Défense. Que ut-elle ? Affirmer simplement devant les états-Unis sa volonté de traiter par elle-mASme ses affaires ? Aller rs une Défense autonome, c'est-A -dire la capacité de maintenir ou, si nécessaire, de rélir la paix A l'intérieur de ses frontières ? Accomner, ailleurs dans le monde, des interntions de l'OTAN justifiées par le fait que nos intérASts seraient directement ou indirectement menacés ? Donc internir A l'extérieur de ses frontières ? Et, si oui, au nom de quels intérASts ? Autant de questions auxquelles il faut bien tenter de répondre.
Entendons-nous bien sur ce que doit AStre une - Défense autonome -. Si l'Union européenne était menacée, il est vraisemblable qu'une réponse appropriée relèrait de la responsabilité de l'Alliance atlantique et des cas prévus dans le cadre du traité de l'Atlantique-Nord. Autonome ne ut pas dire solitaire. Une Défense autonome de l'Europe resterait, nécessairement, profondément engagée dans l'OTAN.
Reste donc A déterminer ce qui peut fonder aujourd'hui une autonomie de l'Europe. En premier lieu ure alors la question de la dissuasion nucléaire, d'autant que le projet de défense anti-missiles américain remet en cause le denir, les conditions d'usage et l'efficience des forces nucléaires britanniques et franA§aises. On sait bien que la
constitution d'une Europe de la Défense achoppera longtemps sur cette question de la dissuasion nucléaire. Si l'Union européenne en général s'est longtemps déloppée sous l'impulsion du couple franco-allemand, dès que l'on parle de la dissuasion nucléaire, c'est le couple franco-britannique qui entre en scène. Et ce n'est pas un couple très soudé, puisque, dans ce domaine en particulier, la Grande-Bretagne est totalement alignée sur les états-Unis, ce qui n'est ni tout A fait ni toujours le cas de la France Une défense autonome, c'est une capacité A maitriser le renseignement, le transport de troupes et surtout la dissuasion nucléaire. Celle-ci est arme et symbole de la souraineté. Notre France est-elle prASte A renoncer A cette forme de sa souraineté au bénéfice de l'Union européenne ?
Pour sa part, l'Allemagne, qui n'est pas une puissance nucléaire, est, au militaire au moins, soucieuse d'exprimer de manière constante la reconnaissance qu'elle voue aux états-Unis pour lui avoir permis de se réarmer très vite après la guerre.
Toute la problématique est lA depuis un demi-siècle. Les états-Unis, ayant déjA en tASte de se désengager d'Europe, ont très vite considéré qu'il fallait réarmer l'Allemagne. Nous avions été échaudés au lendemain de la Première Guerre mondiale et avons donc fait valoir que nous ne pourrions l'accepter que si cette noulle armée allemande avait un statut et était sous commandement européen. C'est alors et pour cela que nous avons - innté - la CED, la Communauté européenne de Défense. Après l'avoir ainsi imaginée, nous l'avons nous-mASmes repoussée, considérant finalement qu'il était inconcevable que notre propre armée nous échappe pour AStre également intégrée A la CED. Ce qui nous apparaissait non seulement bon mais surtout nécessaire, s'agissant des Allemands, était évidemment inacceple, inimaginable mASme, pour nous. Tout ce débat se déloppait sur fond de guerre de Corée. Les états-Unis étaient psychologiquement et politiquement, sinon tactiquement, désengagés. L'idée de CED avait fait long feu. Et pour longtemps
Les Pays baltes, denus de force, il y a soixante ans, des Républiques de l'Union soviétique, ont aujourd'hui rejoint l'OTAN. Ce qui n'est pas le cas de leur voisin, la Finlande, qui, ayant échappé A l'annexion, dut afficher sa neutralité. La Hongrie est désormais un pilier de l'Organisation alors que l'Autriche (neutralité oblige) reste encore A l'extérieur. Ces situations étonnantes peunt faire réfléchir et en tout cas nous conduire A relativiser nos observations. Disons simplement que le Pacte de Varsovie semble bien loin.
La réunification de l'Europe et la noulle donne internationale doint effacer ces séquelles de notre histoire du xxe siècle. Tout observateur qui prend un peu de recul voit que l'Europe doit assurer sa propre sécurité et reconnait très vite qu'elle ne peut le faire qu'au sein de l'Alliance atlantique dont elle doit constituer un second pilier, aux côtés des Américains.
Il lui faut s'émanciper de la tutelle des états-Unis. Or ceux-ci souhaitent justement eux-mASmes se désengager. Et, pour notre part, nous aimerions mettre notre Défense au service d'une justice internationale un peu différente de celle que préconisent nos alliés américains. Encore faut-il que l'Europe s'assume et s'impose en tant que - puissance juste - ! Cette notion, qui a un contenu
juridique certainement riche mais assez confus, ut concilier la protection de nos intérASts propres, sans recherche de suprématie et la défense d'un humanisme mis au service de tous les hommes. Nous touchons lA toutes les terres encore peu connues du respect des peuples et des droits de l'homme. LA seront nos grands chantiers pour l'anir.
Sans entrer dans plus de détails, une telle ambition suppose un certain nombre de moyens : les moyens d'AStre informés en temps réel, de pouvoir communiquer, de décider rapidement et surtout, bien sûr, de pouvoir mobiliser des forces militaires suffisantes. Il faut donc disposer d'effectifs et de matériels très nettement supérieurs A ceux que nous possédons actuellement. Cela implique également des instissements considérables en infrastructures, réseaux de satellites de renseignements, télécommunications ou transports A longue distance. A€ l'heure où les états-Unis ont décidé d'instir une centaine de milliards de dollars dans leur projet de bouclier anti-missiles, si nous voulons vraiment disposer d'une Défense efficace alignée sur des standards performants, il est plus qu'urgent d'engager les dépenses militaires qui s'imposent. Or, aujourd'hui, A l'exception du Royaume-Uni, les états européens ont laissé fondre les moyens consacrés A leur Défense. Heureusement, la France semble décidée A réagir. C'était denu indispensable et urgent.
Plus généralement, de nombreux malentendus subsistent, qui compliquent les relations entre Europe et états-Unis. A€ la méfiance des Américains qui doutent de la détermination des Européens A mettre sur pied une capacité d'interntion rapide et autonome répond le scepticisme des Européens quant A la justification du système anti-missiles et leurs résers face A la solitaire raideur de la diplomatie américaine. Il est temps de clarifier nos objectifs et d'ouvrir le débat dans chacun des états de l'Union, sachant qu'il ne faut pas cacher le fait qu'une Défense européenne autonome, dans le cadre de l'Alliance atlantique, ne peut se construire sans transferts de souraineté.
Le transfert de souraineté n'est pas interdit ! Ne nons-nous pas d'en vivre un, et de taille, ac la création de la monnaie unique, mise en place par le traité de Maastricht, ratifié lui-mASme par référendum ? Simplement, un transfert de souraineté ne peut découler que d'un choix politique explicite.
La constitution d'une Europe de la Défense s'impose de manière si flagrante qu'il faut tout faire pour l'accélérer, y compris en rendiquant l'idée qu'elle suppose une perte de souraineté. N'ayons pas l'Europe de la Défense - honteuse - Il faut la faire, le dire et expliquer tout ce qu'elle représente !
Assumer notre Défense A l'échelle de la nation en adhérant A l'Alliance atlantique était déjA un premier geste de partage de la souraineté. Le faire par la mise en œuvre au sein de l'Alliance d'une Défense européenne implique l'achèment de ce transfert.
Dès lors, on ne peut que constater que les institutions - communautaires - actuelles sont totalement inadaptées. En matière de défense, il faut qu'une autorité ait délégation pour décider dans l'instant des réactions A lancer pour contrer une menace. L'efficacité exclut toute idée de décision A l'unanimité. En fait, A partir du moment où la souraineté est transmise A une seule personne morale, l'Union, la notion d'unanimité n'a plus de sens. Il n'y a plus qu'un décideur, et non quinze ou vingt-cinq. Il faut, bien sûr, que l'autorité mise en place ait une légitimité démocratique, A l'échelle et dans le cadre de l'Union. Elle doit en particulier AStre démocratiquement désignée et contrôlée. Le débat est vraiment politique. Il ne peut plus AStre éludé.
Alors on entend poser une question concrète : faut-il une armée européenne ?
Il est bien sûr trop tôt pour en constituer une. Toutefois, quelques avancées ont déjA préparé le terrain. Et elles témoignent de l'attente réelle en Europe d'un débat qui devrait AStre mieux accueilli que nos sceptiques l'affirment. Tout le monde comprend en effet qu'on ne peut concevoir cette union politique unanimement réclamée sans qu'elle dispose d'abord d'une existence internationale, d'une diplomatie et d'une défense propres ?
La naissance d'une réelle ambition A cet égard a pris corps en 1992, ac le traité de Maastricht. Celui-ci affirmait clairement en son article 6 que l'Union européenne est une communauté de valeurs, autorisée A sanctionner un état membre qui aurait commis une - violation gra et persistante - des principes de l'Union. Et il instituait la PESC, la Politique étrangère et de sécurité commune. Cette dernière sera confortée par le traité d'Amsterdam, qui renforcera son caractère opérationnel et se préoccupera de l'efficacité de ses prises de décision. Entre-temps, un embryon d'armée européenne a vu le jour A trars la mise en place de l'Eurocorps.
Au sommet de Saint-Malo, en 1998, cette ambition est pleinement consacrée, ac l'adhésion de la Grande-Bretagne, dans le cadre du projet d'Identité européenne de Défense. L'OTAN et les états-Unis se sont d'ailleurs sportiment félicités de cette volonté européenne réexprimée dans la déclaration dite de Washington : - Nous nous réjouissons du noul élan donné au renforcement d'une politique européenne de sécurité et de défense []. Nous confirmons qu'un rôle plus fort de l'Europe ne peut que contribuer A la vitalité de notre Alliance. - Que pouvaient-ils dire d'autre d'ailleurs ? Concrètement, il est prévu, depuis, de nous garantir l'accès aux capacités de ification de l'Alliance lors d'opérations menées sous la seule direction de l'Union européenne, en coordination ac les moyens et les capacités de l'OTAN.
Depuis Saint-Malo, le processus de mise en œuvre d'une Défense commune de l'Europe et la constitution d'une force armée européenne se sont accélérés. Ce noul élan a été officialisé lors du sommet de Cologne et réaffirmé au conseil européen d'Helsinki en décembre 1999 : -Le Conseil européen souligne sa détermination de délopper une capacité autonome de décider et, lA où l'OTAN en tant que telle n'est pas engagée, de lancer et de conduire des opérations militaires sous la direction de l'Union européenne, en réponse A des crises internationales. - Pratiquement, l'accord prévoyait de renforcer les capacités militaires de l'Union - d'ici 2003 -, les forces de combat pouvant atteindre 60 000 hommes capables d'effectuer l'ensemble des missions dites de Petersberg. Le Corps européen fut ainsi appelé A se transformer en - Force d'action rapide -.
C'est enfin le traité de Nice, dont c'est un des rares mérites, qui donne A cet élan sa concrétisation la plus significati, puisqu'il officialise la formation d'une Force européenne de réaction rapide de 100 000 hommes. Trois structures politico-militaires permanentes sont alors créées : un Comité politique et de sécurité, un Comité militaire et un état-major, permettant de conduire des opérations, ac ou sans le concours de l'OTAN.
Ainsi, d'Helsinki A Nice, le projet de Défense européenne a tout doucement pris corps, dans le cadre d'un processus continu, denu largement irrérsible.
Gardons-nous bien cependant de considérer la Force européenne d'action rapide comme une vérile armée européenne. La décision d'engager des moyens nationaux dans une opération européenne reste pour l'instant du ressort de chaque état membre. Par ailleurs, un certain nombre d'ambiguïtés et de difficultés ne sont pas encore levées. Quelques exemples : si les états-Unis ont salué le principe d'une Identité européenne de Défense, ils continuent A n'envisager la Défense européenne que comme suppléti dans une Alliance qui reste complètement entre leurs mains. La conduite quasi unilatérale des opérations en Afghanistan ou les débats sur la question irakienne illustrent parfaitement cet état d'esprit. En outre, tout en réaffirmant leur souhait de voir les Européens augmenter leurs dépenses militaires, ils attendent qu'un montant significatif en soit affecté directement A l'OTAN. Le pragmatisme américain demeure
Mais il a gagné également l'Europe. Lentement mais sûrement, une armée européenne se crée. Ac elle, l'Europe de la Défense se préure. Il faudra bien qu'elle soit mise au service d'une diplomatie, d'une politique de sécurité et d'une politique européennes ! N'est-ce pas la - méthode Schuman - qui, visant un objectif, choisit d'avancer pas A pas ? De mASme que la mise en place de l'euro a montré combien l'Europe a besoin d'un gournement économique, de mASme la création d'une Défense européenne révélera de manière éclatante la nécessité d'une diplomatie unique.
Pour que l'Europe ne soit pas définitiment perA§ue exclusiment comme un maillon de la Défense atlantique, pour que l'Europe de la Défense puisse se délopper, il faut une volonté politique. Nous voyons qu'elle est latente, mASme s'il est sans doute trop tôt pour qu'elle soit reconnue. Pour affûter leurs arguments, nos décideurs pourraient utilement se référer A l'appel pressant lancé par un groupe de jeunes, originaires de neuf de nos pays, qui se sont réunis en juillet 2003, près de Paris, sous l'égide de l'association Eurodéfense : - En raison de notre histoire commune, les principes de respect et de solidarité sont les fondements de notre aspiration A la paix. Ils vont dans le sens de la construction d'une Europe de la Défense, pourvoyeuse de silité et de sécurité au-delA de ses frontières. - Partout, des voix s'élènt pour accélérer l'Histoire. Celle-ci continue A s'écrire, que nous le voulions ou non
C'est dans ce contexte que la France, consciente du retard qu'elle avait pris, a décidé la construction de son second porte-avions. Celui-ci, qui doit aller A la mer le plus vite possible, car notre sécurité ne peut se satisfaire de reposer sur un porte-avions unique, mettra quinze ans pour voir le jour. C'est bien long. Surtout, étant donné son coût, des arbitrages budgétaires interviendront forcément durant toute cette période. Et il est fort A craindre que les délais ne seront pas respectés, compte tenu de nos autres besoins militaires. Dans ces conditions, il serait intéressant, voire essentiel, de chercher A en partager les coûts ac nos partenaires européens. D'autant que partager la construction d'un porte-avions, ce ne serait pas seulement un geste fort de solidarité, mais aussi une dynamisation de la recherche et du déloppement dans le secteur de la Défense, et donc, par effets collatéraux, une amélioration de notre compétitivité face A la mondialisation.
Ce serait aussi et surtout un geste qui marquerait une volonté politique, la volonté de la France de renouer ac un temps où elle ouvrait les voies de la construction européenne ! Bien sûr, le porte-avions est, par excellence, symbole de l'indépendance et de la souraineté d'une nation. Mais ce serait une manière de lancer le débat en grandeur réelle, très concrètement, très ambitieusement Peut-AStre n'est-il pas trop tard ?