NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » droit européen Et la turquie ?La candidature turque a été considérée comme recevable au sommet d'Helsinki (1999), après avoir été rejetée, deux ans auparavant, au sommet de Luxembourg, alors que depuis 1963, elle bénéficie du statut de membre - associé - de l'Europe et qu'elle appartient depuis 1952 au dispositif de l'OTAN. Ces hésitations traduisent la perplexité profonde de l'Europe face aux aspects contradictoires des enjeux liés A cette candidature. En décembre 2002, les deux tiers des FranA§ais et la moitié des Allemands se disaient très réservés face A l'entrée de la Turquie en Europe ! Et ce n'est pas un hasard. On pourrait presque dire que l'Europe est - enfant de la Turquie -. Saint Paul nous a familiarisés ac Tarse, saint Nicolas était évASque de Myra en Lycie, et Thaïes résidait A Milet. Nos enfants les croient franA§ais, tant ils se sont approprié leurs images. Les dix villes de l'Apocalypse sont la grande banlieue d'Izmir, elle-mASme l'ancienne Smyrne. Nicée est connu pour un concile que nous rendiquons comme nôtre. La ri orientale de la mer Egée est toujours considérée comme leur par les Grecs. Grace A Homère, la guerre de Troie, autre cité d'Asie Mineure, fait partie de notre patrimoine culturel européen. Jusqu'aux débats de nos conseils européens qui sont tout naturellement qualifiés de - byzantins - ! La Turquie est A la fois un pays musulman et un état laïc. Partenaire essentiel de l'OTAN, elle a accepté un rôle difficile de sentinelle de l'Ouest face A l'empire soviétique. Et aujourd'hui, elle constitue un rempart contre l'expansionnisme intégriste. Ces contrastes n'engagent pas l'Europe A porter sur elle un regard apaisé. L'histoire pourrait en faire un pays presque européen. La géographie au contraire l'incline plutôt rs l'Asie, puisqu'elle n'accepte que 5 % de son territoire en Europe. Mais c'est sur cette partie européenne et sur la ri occidentale du Bosphore, en Thrace, que s'est déloppée Byzance, denue, sous le nom de Constantinople, une grande métropole européenne. C'est la mASme ville que, sous le nom d'Istanbul, l'Empire ottoman choisit pour capitale. Il fallut attendre le laïc Mustafa Kemal Ataturk pour voir la Turquie moderne se recentrer autour d'Ankara, au cœur de l'Anatolie asiatique. A€ trars ces aller et retour de l'histoire, nous retrouvons bien la vocation géographique de - Pont - de ce pays appelé A unir deux continents. La Turquie peut denir une vitrine de l'Europe aux portes du Proche-Orient et un modèle d'état laïc et modéré. Ne la poussons pas A denir un avant-poste d'un monde musulman, dressé face A notre Occident chrétien, qui appellerait l'Europe et l'Asie A se tourner le dos de part et d'autre du Bosphore. Il y a lA un vrai problème car un vérile enjeu Le fait que les chefs d'état réunis au sommet d'Helsinki acceptent d'examiner sa candidature a marqué un virage fondamental de l'Union sur la doctrine et les critères de l'élargissement. Le critère géographique a été relativisé, ce qui n'est pas sans poser problème pour l'anir. Deux autres caractéristiques, qui auraient pu nous arrASter, ont été minimisées. La Turquie est A majorité musulmane. Son déloppement économique et démocratique soulè également des difficultés. En choisissant de - gommer - ces difficultés, l'Europe n'a-t-elle pas procédé sans le vouloir A un affadissement des règles de l'élargissement et de leur finalité politique ? Ce faisant, n'a-t-elle pas changé de méthode ? A€ l'analyse quantifiée d'une situation, elle substituerait une lecture politique identifiant des évolutions, des changements en cours, des volontés de progrès. Ce changement de - lunettes -, qui a rendu possible la candidature turque, provoque aujourd'hui d'intenses débats. Quand, encouragée par l'ancienneté de ses liens ac l'Union européenne, ac qui elle a signé en 1996 un accord d'union douanière et forte des réformes économiques sur la voie desquelles elle s'est engagée, la Turquie s'est portée candidate, ce n'est pas ac une très grande sérénité. Le climat intérieur du pays n'évolue que lentement. Si certains voient dans l'intégration le moyen de moderniser l'économie et surtout de restaurer la démocratie, d'autres, notamment les nationalistes kurdes et les islamistes, l'accepteraient plutôt pour garantir leur existence, les - néo-kémalistes - et l'armée demeurant, pour leur part, peu favorables A des réformes qui remettraient en cause l'ordre sécuritaire et l'organisation militaire du pays. Au total, alors qu'elle est fière de se présenter comme le deuxième grand état laïc du monde ac la France, la Turquie, trop éloignée du respect des critères classiques d'admissibilité, n'apparait pas encore complètement mûre pour entrer dans l'Union européenne. Que penser d'une frontière de Schengen qui trarserait le Kurdistan ? Retrou-t-on vraiment l'Europe dans les villages d'Ana-tolie orientale ? Comment délopper une laïcité A l'occidentale dans un pays qui vit passionnellement sa relation ac la religion ? La question est d'abord de savoir si nous avons de vraies raisons pour intégrer la Turquie A l'Union européenne. Laquelle n'aura plus alors d'européen que le nom. Le voulons-nous et pour quels motifs ? Notre conviction européenne, qui nous pousse A tendre la main A l'autre et A considérer que la différence peut AStre vécue comme une richesse, nous conduirait plutôt A répondre positiment. De manière évidente, la Turquie, - truchement - entre deux mondes, a vocation A favoriser le dialogue entre eux. On peut espérer qu'un jour, par son entremise, l'Europe pourra rayonner davantage au Proche-Orient et y servir mieux la paix. Des préalables sont évidemment indispensables. Et d'abord une normalisation des relations gréco-' turques et le règlement du problème chypriote. Du type de relation que nous saurons élir ac la Turquie dépendront celles que nous aurons ac les républiques musulmanes et turcophones d'Asie centrale, dont l'importance stratégique A la frontière de l'Afghanistan, mais surtout aux confins de l'Iran, de la Russie et de la Chine, n'est plus A démontrer. La Route de la Soie n'a pas perdu tout intérASt. Et si l'essentiel de l'état turc est en Asie, le monde turc, lui, est en Asie centrale Que dire également de la région du Caucase, tout aussi difficile que celle des Balkans. Dans ces deux régions, les alliances se sont généralement déterminées par rapport A la Turquie, ce qui a amené tout naturellement Arméniens d'une part, Grecs et Serbes d'autre part, A se rapprocher de la Russie. Puis, selon le principe du damier et de proche en proche, de la France, la Turquie étant de son côté plutôt orientée du côté de l'Allemagne. C'est parce que les Russes ont libéré les Bulgares du joug ottoman A la fin du xtxc siècle qu'ils ont été accueillis en libérateurs après la Seconde Guerre mondiale. Pour rester dans le Caucase, le tracé des oléoducs destinés A exporter le pétrole de la Caspienne ne peut ignorer ces réalités géostratégiques. Ou bien ils trarsent la Tchétchénie, ou bien les Balkans par la mer Noire, ou bien la Turquie. Les enjeux sont considérables dans un monde bien perturbé. Pour montrer combien ces pays du Proche-Orient sont déchirés, évoquons enfin la question de l'eau, vitale sous leurs climats. Si le barrage Ataturk, fierté de la Turquie, y retient les eaux de l'Euphrate, au grand déplaisir de la Syrie, le barrage Hafez el-Assad, plus en aval, fleuron de la Syrie cette fois, fait de mASme, mais au détriment de l'Irak qui accueille A son tour un fleu au débit réduit d'autant Nous voyons lA , de manière un peu caricaturale, une expression des oppositions qui font la vie quotidienne dans cette région du monde. Et nous n'avons pas parlé des tensions qui persistent entre sunnites et chiites et qui cristallisent bien d'autres jeux d'alliances en provoquant bien d'autres passions. Pour toutes ces raisons, la Turquie s'est installée dans un rôle d'- obligé - privilégié des états-Unis. Au point que ceux-ci sont denus les plus ardents avocats de la candidature turque A l'Union européenne, ce qui ne la servait pas forcément puisque certains ont vu derrière ce soutien des intentions malignes ! Une des leA§ons A tirer de la crise irakienne réside dans l'attitude tout A fait noulle de la Turquie qui marque une volonté et une capacité A s'émanciper de la - protection - américaine. Ce qui pose en termes également nouaux le problème de sa relation ac l'Union européenne La candidature de la Turquie, on le voit, reste hors normes. Elle l'est aussi bien aux s géographique, historique, économique que religieux, social, politique ou géostratégique. L'Europe a besoin de la Turquie et celle-ci est légitimement attirée par l'Union. L'idée de l'adhésion fait son chemin. Mais il sera long. Il faudra sans doute innter une formule d'association originale qui apportera A la Turquie le soutien déterminé de l'Europe dans son effort de déloppement démocratique et économique et qui lui donnera, bien plus qu'un rôle militaire, une responsabilité politique en un secteur stratégique pour la paix dans le monde Les chefs d'état de l'Union ont dit qu'ils avaient entendu l'appel de la Turquie. Il faut que les peuples d'Europe comprennent les enjeux qui lui sont liés. Un référendum négatif sur cette candidature dans un des pays de l'Union serait la pire des humiliations pour la Turquie ! Dans son intérASt et dans celui de l'Europe, il faut maintenant avancer ac une grande sagesse, en faisant beaucoup de pédagogie et en mobilisant toutes les ressources de notre imagination, afin d'élaborer une proposition constructi qui ne dénature pas la construction européenne. |
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