NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » DROIT CIVIL » Des droits de l homme à l idée républicaine L'idée républicaineCe - républicanisme - qui constitue peut-AStre la vérité de la pensée de Jaurès quand elle sait résister aux exigences et aux réflexes de la pratique militante, il importe en fait de le replacer dans un ste courant doctrinal caractérisé A la fois par une référence accentuée au contenu des Déclarations et par la recherche d'une position originale, non simplement libérale sans se vouloir pour autant socialiste. Dans un très remarquable ouvrage sur L'idée républicaine en France1, C. Nicolet a en effet montré comment s'est formée, notamment A travers l'expérience et les déboires de 1848, une - raison républicaine -, mélange complexe d'idées et de sentiments, dont on aurait tort de croire qu'elle se laisse réduire A la pratique politicienne de ces compromis aussi sants que fragiles qui ont marqué l'histoire de la IIIe République. Sur deux points au moins l'inspiration des principaux doctrinaires républicains du xixe siècle (de Lamartine A Ferry et Gambetta, en passant par les apports, plus oubliés, mais essentiels, de Barni, Vacherot ou J. Simon) mérite de retenir ici notre attention : 1 / Le - républicanisme -, c'est tout d'abord et ant tout la volonté de recueillir et d'enrichir- l'héritage des droits del'homme -3. Les rédacteurs de la Constitution de 1848 n'ont pas manqué de signaler cet attachement en proclamant, dès l'article III du Préambule, que la République - reconnait des droits et des devoirs antérieurs et supérieurs aux lois positives -. C'est en effet une caractéristique constante de la pensée républicaine que de se référer A la notion de droit naturel, irréductible au droit positif qui trouve sa réalisation dans l'histoire : contre toute une tradition historiciste au sein de laquelle le socialisme, nous l'avons vu, est venu relayer les thèses ancestrales de l'absolutisme monarchique1, les républicains soutiennent, selon le mot célèbre de Rabaud Saint-Etienne, que - notre histoire n'est pas notre code - ' en d'autres termes : que ce n'est pas son inscription dans l'histoire qui confère A une quelconque règle sa légitimité, mais seulement sa conformité aux exigences anhistoriques de la raison. Il n'est pas sans signification, A cet égard, de rappeler que Ledru-Rollin, dont on connait le rôle en 1848 et l'importance dans l'histoire du Parti républicain, fut en 1844 l'auteur d'une des premières critiques de l'école historique du droit qui en Allemagne, sous l'impulsion de Savigny, entendait faire de la science du droit une simple branche de l'histoire : traitant ainsi De l'influence de l'Ecole franA§aise sur le droit au XIXe siècle, Ledru-Rollin reproche A l'école historique d'induire une conception fataliste du droit et, ce faisant, de - nier la politique -* ' ajoutant d'ailleurs, et lA encore la remarque n'est pas sans portée ni, A l'ance, sans lucidité, que les socialistes font de mASme quand ils accordent un privilège A la - satisfaction des besoins matériels - sur les réformes proprement politiques. Que cet antihistoricisme juridique soit demeuré, au-delA des influences et des évolutions2, le fonds commun du républicanisme, c'est lA un fait dont il nous faudra déterminer quelles furent ses conditions de possibilité intellectuelles, mais qui en tout cas, d'ores et déjA , explique A la fois l'attachement indéfectible des républicains au contenu atemporel des Déclarations et leur résistance aux séductions des doctrines socialistes, autrement moins méfiantes A l'égard de l'histoire. 2 / Si la conuration intellectuelle qui définit le républicanisme permettait l'affirmation antihistoriciste de la leur indépassable des Déclarations et donc autorisait un discours conséquent sur les droits de l'homme, assumant pleinement la portée normative du droit contenu dans les Déclarations, il faut encore préciser quelle interprétation de ce contenu a développée la tradition républicaine. Quelles sont en effet, pour les républicains, ces leurs juridiques dont la sphère leur apparait irréductible A leurs conditions d'émergence ? Le moins que l'on puisse dire des interprétations libérales et socialistes, c'est qu'elles furent peu aptes ' nous avons vu pourquoi ' A rassembler les consciences autour du contenu des Déclarations : jouant tantôt les droits-libertés contre d'éventuels droits de créance, tantôt ces créances contre le caractère seulement formel des droits-libertés, libéraux et socialistes firent des droit* de l'homme ant tout un pôle de division. Or, A cet égard aussi, la position républicaine se montre originale. Certes, les Déclarations de référence, pour les républicains, furent ant tout celles qui accomnaient les Constitutions de 1793 et celles de l'an III, soit des textes, nous l'avons noté dans notre ant-propos, qui, plus que la Déclaration de 1789 reprise en préambule de la Constitution de 1791, faisaient apparaitre, A côté des droits-libertés, la considération du - bonheur commun - comme - but de la société -. Ce privilège accordé aux textes de 1793 suffit déjA A distinguer le discours républicain sur les droits de l'homme du discours libéral ' dans la mesure où par exemple Constant, anticipant sur la condamnation des droits de créance par l'histoire ultérieure du libéralisme, répondait aux auteurs de la Constitution montagnarde : - Que l'autorité se borne A AStre juste : nous nous chargeons d'AStre heureux -*. Et pourtant cette reconnaissance antilibérale du - bonheur commun - comme - but de la société - n'a jamais incité les républicains A faire leur le thème socialiste des droits de créance. MASme quand, en 1834, la Revite républicaine oppose au - droit individuel absolu - des libéraux un droit supérieur A l'individu, l'auteur de l'article2 précise que ce - droit social - désigne en fait un devoir de solidarité envers la collectivité qui ne fait qu'expliciter l'idée mASme de - fraternité - : ajoutant aux droits individuels un droit social en vertu duquel la Nation doit non seulement protéger les libertés individuelles, mais aussi assurer la subsistance de sa partie la plus malheureuse, la doctrine républicaine n'ira donc guère au-delA de ce que reconnaissait déjA l'article 21 de la Déclaration jointe A la Constitution montagnarde (- Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux -)*. Comment concilier alors la reconnaissance antilibérale du - bonheur commun - comme - but de la société - et ce refus de suivre les socialistes dan s leur inscription des créances parmi les droits de l'homme ? C'est ici, précisément, que le discours républicain sur les droits de l'homme trouve sa spécificité : les vériles droits de l'homme sont les droits du citoyen comme droits politiques de participation au pouvoir, essentiellement par le suffrage universel ' droits-participations qui, d'une part, supposent les droits-libertés et, d'autre part, garantissent, par leur exercice mASme, la prise en compte des exigences de la solidarité ou de la fraternité. Expliquons brièvement cette double articulation : b) L'articulation entre l'exercice des droits-participations et la prise en compte des exigences de la solidarité parait moins évidente. On connait en effet la critique marxiste (ou proudhonienne) du droit de vote comme droit seulement formel, n'impliquant nulle satisfaction des droits réels des individus. En fait, c'est ici encore une formule de Gambetta, répétée A l'occasion de plusieurs discours entre 1872 et 1878, qui exprime le mieux la conviction républicaine : la République, c'est-A -dire ant tout l'exercice du suffrage universel, est - une forme qui entraine le fond -. Comprendre : la République, dont la loi est nécessairement la loi du nombre (puisque c'est la majorité du peuple qui, par l'intermédiaire de ses représentants, fait la loi), ne peut pas survivre sans assurer aux classes les plus nombreuses des conditions d'existence décentes. LA où le suffrage universel est réellement libre et éduqué, cette condition formelle de la démocratie entraine donc inévilement, quant au fond des décisions gouvernementales, la prise en compte, peut-AStre partielle, peut-AStre lente et progressive, des exigences de la solidarité sociale. Les droits-participations, en mASme temps qu'ils présupposent le respect des droits-libertés, assurent donc, de par leur simple exercice, la réalisation graduelle de ce que les socialistes considèrent comme des droits de créance. De lA résultent, il serait aisé de le montrer, la plupart des grands thèmes de la tradition républicaine : l'idée de la souveraineté et de la sainteté de la loi, expression du suffrage universel, la primauté accordée au politique et A la question de la forme du régime (le principe de la souveraineté du peuple implique le suffrage universel, la République est par conséquent le seul régime conforme aux principes de 1789 et le seul capable A la fois de garantir les libertés et de satisfaire les exigences de la solidarité), la suprématie du législatif et, corrélativement, la mise en question de la séparation des pouvoirs (la souveraineté est dans l'Assemblée issue du suffrage universel, toute division de la souveraineté menaA§ant l'unité nationale), etc. Dans son ouvrage, C. Nicolet semble accorder que la raison républicaine se réfère au fond A une conception de la - citoyenneté A l'antique -' et souligne que - l'origine lointaine, mais commune, de toutes les doctrines de cet ordre réside dans le modèle de la cité antique -2. La réflexion se clôt mASme sur la reconnaissance que - la tradition républicaine, surtout lorsqu'elle veut intégrer la modernité, refuse en fait, plus ou moins consciemment, la coupure entièrement admise par les Anglo-Saxons - et par les libéraux franA§ais entre liberté antique et liberté moderne ' pour demeurer indissolublement attachée au modèle antique, qui était A peu près intégralement celui de Rousseau. A travers l'inspiration rousseauiste, c'est donc l'inspiration antique qui dominerait la tradition républicaine3. Cette conclusion, outre que ' répétons-le ' elle conduirait A notre sens A relativiser très largement l'actualité de l'idée républicaine1, nous parait contesle pour deux raisons ' ou, si l'on préfère, l'idée républicaine nous parait doublement appartenir A la modernité : |