NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » DROIT CIVIL » Des droits de l homme à l idée républicaine La république comme idée de la raisonS'il est un usage bien éli dans la tradition kantienne, et ce jusque dans ses ures les plus contemporaines4, c'est celui qui consiste A distinguer soigneusement deux formes du savoir : l'entendement et la raison. C'est sans nul doute A l'aide de cette distinction qu'il convient de penser l'idée républicaine, en tant qu'elle apparait pour ainsi dire comme la solution d'une antinomie qui opposerait de faA§on idéal-typique la conception libérale (rejet des droits de créance) et la conception marxiste (suspension, au moins provisoire, des droits-libertés) des droits de l'homme. On rappellera donc brièment, pour la clarté de l'exposé, la signification précise de cette distinction, dont on ne pourra évidemment envisager ici toutes les implications philosophiques. ' D'une part, comme connaissance scientifique des objets de l'expérience, elle tente de rendre intelligible, A l'aide de règles ou de concepts, un nombre sans cesse croissant de phénomènes sensibles, empiriquement observables. Dans cette voie, qui est évidemment celle de l'entendement, notre connaissance reste sagement limitée aux deux conditions qui marquent notre finitude, savoir l'espace et le temps : elle ne cherche pas A dépasser ces cadres pour penser d'hypothétiques entités - surnaturelles - (extra-temporelles-et-spatiales). ' D'autre part, cependant, la pensée humaine ne peut s'empAScher ' selon un mécanisme complexe dont on laissera ici l'analyse de côté1 ' de franchir les limites de la connaissance scientifique : elle tente alors de s'éler jusqu'A la contemplation d'entités (Dieu, l'ame, ou encore, en l'occurrence, la constitution républicaine) qui sont par définition non visibles dans l'expérience, puisque non sensibles, extra-spatiales-et-temporelles. Ce faisant, la raison (et non plus l'entendement) produit des Idées (et non plus des concepts) dont la réalité objecti reste par essence problématique. Les Idées de la raison possèdent ainsi un double statut, l'un illusoire, l'autre légitime ou, comme dit Kant, non chimérique : l'illusion consiste A croire que les Idées, comme de simples concepts scientifiques, pourraient avoir leur vérité objecti dans l'expérience. Pour nous borner A un exemple parlant : c'est ce qui a lieu lorsqu'on prétend déceler dans le monde réel des signes (la beauté de l'unirs, la perfection de tel AStre naturel, etc.) qui prouraient empiriquement l'existence de Dieu, ou encore lorsqu'on croit pouvoir réaliser bit et nunc une constitution politique parfaite et engendrer ainsi une société intégralement rationnelle. Mais il ne s'ensuit pas que les Idées, faute de pouvoir s'incarner en totalité, soient pour autant vouées tout entières A l'illusion. Correctement pensées, elles dessinent un idéal, ou, si l'on ut, un principe régulateur pour notre réflexion sur le monde. Si nous reprenons les mASmes exemples : l'Idée de Dieu, c'est-A -dire, sur le théorique, l'Idée d'un AStre omniscient, va continuer, comme principe de la réflexion, d'animer l'activité intellectuelle des savants mASme les moins métaphysiciens et les plus athées ' la connaissance achevée du monde n'étant certes qu'une - Idée -, un idéal inaccessible pour l'homme, mais tel pourtant qu'il guide, A son insu ou non, les recherches de celui qui entreprend de faire avancer les connaissances en un quelconque domaine scientifique. De mASme, l'Idée d'une société libre, rationnelle et juste, où la loi régnerait absolument, autrement dit l'Idée républicaine, bien que manifestement vide, continue d'animer ceux que nous pouvons nommer - AStres moraux - ou - hommes de bonne volonté -, de leur servir A la fois de repère et de critère pour juger la réalité positi (historique). L'idée républicaine, telle qu'on peut en dégager le type idéal A trars sa manifestation historique dans la France de la seconde moitié du xixe siècle, se présente elle-mASme explicitement, nous l'avons vu, A trars la notion des droits-participations, comme a) une synthèse A la fois b) humaniste et c) antihistoriciste de l'antinomie présente au cœur de l'histoire des droits de l'homme (libertés-créances). Ces trois éléments se peunt en effet concevoir aisément comme indissolublement liés si on les envisage A partir de la distinction entre entendement et raison que l'on vient d'évoquer. a) L'antinomie des libertés et des créances peut AStre philosophiquement décrite comme procédant d'une confusion de l'entendement et de la raison politiques1 : ' ha thèse, libérale, devrait, pour AStre légitime, se borner A défendre le point de vue de l'entendement sur le droit, comme le fait au fond Tocqueville dans son argumentation contre l'inscription du droit au travail dans la constitution. Il est clair en effet, et il faut accorder ce point au libéralisme, que les créances, en lesquelles s'exprime, sur le juridique, l'exigence de justice sociale, ne sauraient jamais AStre autre chose qu'une Idée de la raison : elles ne sauraient en effet jamais appartenir réellement au droit positif (sinon dans la constitution soviétique !), leur réalisation parfaite étant par définition absolument impossible; ces droits de créance ' par exemple les prétendus droits A la santé, aux loisirs, A la culture, etc. ' relènt en effet, au moins pour une partie d'entre eux, de la catégorie du bonheur, et ce dernier, entendu comme la satisfaction complète de tous nos désirs, est évidemment une Idée dont la présentation exhausti est (malheureusement) exclue : les droits de créance, s'ils peunt AStre nommés - droits -, ne peunt l'AStre qu'au sens du droit naturel, demeurant, comme tels, irréductiblement A distance du droit positif. Mais le libéralisme va plus loin (ce par quoi une thèse légitime rse dans l'erreur, plus précisément dans l'illusion) et absolutise de faA§on positiviste le point de vue de l'entendement lorsqu'il déclare absurde et chimérique, parce que vide, l'idée des créances, sans percevoir que ces dernières peunt reler du droit naturel et non pas simplement, comme le croit la tradition libérale, de la moralité (charité publique). L'Idée républicaine, pour sa part, fournit clairement la solution de l'antinomie : elle est indissolublement, mais sans confusion métaphysique, politique de l'entendement (ce par quoi elle intègre le libéralisme) et politique de la raison (ce par quoi elle assigne A l'Idée socialiste des créances la place qui lui revient : celle d'une tache infinie, ou, si l'on préfère, d'un principe de la réflexion). b) La référence A cette Idée républicaine renferme donc bien aussi une référence aux valeurs qui sont celles de l'humanisme moderne depuis l'AufklA rung, puisqu'elle renvoie A la supposition que l'espace public ' la res-publica ' se fonde idéalement sur la possibilité d'une communication rationnelle entre les hommes. Bien plus, elle affirme l'uni té, au moins en droit, de l'humanité, par opposition A la barbarie qui, quelque forme qu'elle prenne, revient toujours A penser l'humanité comme essentiellement divisée (que ce soit en races, en classes ou mASme en cultures hétérogènes). Le - droit A la différence -, il faut apparemment le rappeler dans un contexte philosophique où la raison semble AStre denue - l'ennemi le plus acharné de la pensée -, n'est pas sans équivoques ; il peut fort bien signifier, par exemple si on le pense dans le cadre d'une cosmologie antique, finalisée et hiérarchisée, la reconnaissance de divisions essentielles au sein de l'humanité, thème dont il est alors difficile de prévoir les différents usages politiques possibles (l'esclavage, dont on a parlé au début de cet essai, n'étant en la matière qu'une des multiples éntualités). La présupposition (transcendantale) qu'une communication est toujours en droit possible au sein de l'humanité ' présupposition permanente dans toute la tradition critique jusqu'A Habermas1 et qui n'exclut en aucune faA§on le respect pour les différences, mais au contraire les requiert ', nous n'ignorons certes pas qu'elle fait, aujourd'hui encore, l'objet de critiques qui ' le fait ne manque pas de comique ' se présentent comme le dépassement de positions métaphysiques éculées et comme l'extrASme pointe de l'actualité philosophique. Disons-le nettement : les critiques - généalogiques - de l'humanisme moderne et de la raison sont un lieu commun de la philosophie depuis près de deux siècles ! On en trourait plus que des prémices, non seulement chez Heidegger, Nietzsche ou Kierkegaard, mais bien aussi dans toute la pensée romantique allemande, par exemple dans les très remarquables critiques de l'idéalisme que l'on doit A Jacobi ou A Schelling. Prétendre qu'on découvre seulement aujourd'hui le caractère douteux et oppressif des grands systèmes ou, comme on dit, des - grands récits -, que, pour la première fois, il s'agit de battre en brèche les idoles de la métaphysique rationaliste (le déterminisme historique, le primat de la conscience, ou de la subjectivité, les prétentions identitaires du dogmatisme, etc.) relè d'un programme qui ne s'explique que par l'indigence où semble s'AStre parfois plongée la philosophie franA§aise. Déclarer, comme le faisait par exemple M. Foucault (en cela représentatif, assurément, de toute une génération de philosophes), que - la recherche d'une forme morale qui serait acceple par tout le monde ' en ce sens que tout le monde devrait s'y soumettre ' me parait catastrophique - est A vrai dire tout A fait étrange : s'il s'agit en effet de critiquer le dogmatisme moral, la - moraline - dont parle Nietzsche, sous ses dirses formes (de la Terreur jacobine aux ures les plus insidieuses du contrôle social), l'entreprise est certes louable, mais : i) elle n'est nullement noulle (après tout, Hegel fut le premier et peut-AStre le plus brillant critique du terrorisme moral), et surtout : 2) elle n'implique en aucune faA§on que l'on renonce A l'exigence de communication, dont on voit mal, si l'on pense qu'aucun n'en est exclu a priori, comment elle pourrait se garder de toute référence A l'unirsel. Bref, dans cette voie, la porte qu'on enfonce ou bien est largement ourte, ou bien est A soigneusement fermer. Mais s'il s'agit vraiment d'en finir ac l'idée d'unirsalité, ac l'idée qu'en droit, sinon en fait, une communication peut s'élir entre les hommes A propos de certaines valeurs principielles, alors il faut connir que s'impose un renoncement A toute référence A des droits de l'humanité (lesquels impliquent bien, en effet, un minimum d'unirsalité et de subjectivité, qu'on les pense comme on voudra) et que, peut-AStre sans le vouloir, on ouvre ainsi une autre porte : celle de la barbarie. |
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