La conception libérale, défiante A l'égard de l'exécutif (infra, p. 192), tend A réduire le plus possible l'interntion du pouvoir réglementaire dans le domaine des libertés publiques. Le
droit positif franA§ais ne s'est conformé A cette tendance que de faA§on très atténuée. Responsable du maintien de l'ordre et détenteur des pouvoirs de police administrati, l'exécutif a conservé, A ce titre, des compétences importantes en matière de réglementation des libertés. La Constitution de 1958 leur a donné un fondement nouau.
» Etendue.
a) A l'échelon national. Avant 1958, la
compétence réglementaire du chef de l'exécutif trouvait sa base dans la formule qui le chargeait de l'exécution des lois. A cette formule, le Conseil d'Etat rattachait le pouvoir de réglementer les libertés mASme en l'absence d'une loi. Il estimait, en effet, que l'exécution des lois en général n'est possible que si l'ordre est assuré. Prendre les règlements exigés par le maintien de l'ordre, c'est donc créer le cadre général nécessaire A l'exécution des lois particulières.
C'est ce raisonnement qui, dans l'arrASt du 8 août 1919, Labonne. GA, p. 216, conduit le Conseil d'Etat A affirmer la légalité du décret du 10 mars 1899, qui constitue le premier Code de la route, en dépit des limites que ce texte, en l'absence de toute loi sur la matière, apporte pour les automobilistes A la liberté de circulation. L'arrASt Dehaene du 7 juillet 1950, précité, s'inspire de considérations analogues A propos de la limitation apportée A la liberté de grè par voie réglementaire.
Dans la Constitution de 1958, la compétence réglementaire trou un fondement nouau : la limitation, par l'article 34, de la compétence législati aux - garanties fondamentales accordées pour l'exercice des libertés publiques - fait entrer dans le domaine réglementaire de l'article 37 tout ce qui, dans la réglementation des libertés, ne relè pas de cette catégorie (supra, p. 184). En pratique, cependant, l'interprétation de l'article 34 par le Conseil constitutionnel, très favorable A la compétence législati, n'a guère modifié les solutions antérieures, sauf sur un point : l'autorité réglementaire peut fixer elle-mASme les peines de simple police sanctionnant les interdictions qu'elle a édictées (ce, 12 février 1960, Société Eky, S, 1960, p. 131).
Sur le débat auquel a donné lieu cette solution, contestée par le Conseil constitutionnel, confirmée par le Conseil d'Etat et la Cour de cassation, infra, p. 216.
b) A l'échelon local. Certaines autorités de police, principalement le préfet et le maire, sont compétentes pour compléter, au vu des
données propres A leur circonscription, les règles posées A l'échelon national, ou pour les adapter A ces données, mais dans un sens nécessairement limitatif.
» Caractères. ' La compétence réglementaire, quelle que soit l'autorité qui l'exerce, est subordonnée, et contrôlée.
Elle est subordonnée. MASme lorsque l'exécutif prend, en matière de libertés, des mesures relevant du domaine réglementaire sur la base de l'article 37, ces règlements - autonomes - n'en sont pas moins subordonnés. S'ils portent sur une liberté définie, as doint respecter les - garanties fondamentales - dont la loi l'a dotée. S'ils portent sur une liberté dépourvue de statut législatif, ils doint respecter les règles constitutionnelles, les principes généraux du droit et la Conntion européenne des droits de l'homme.
La compétence réglementaire, en outre, est contrôlée : le juge administratif et accessoirement le juge pénal peunt, lorsqu'ils sont saisis, vérifier la légalité du règlement, et en sanctionner l'éntuelle illégalité.
Il en résultait que, contrairement A l'opinion courante, la compétence réglementaire pouvait, dans la mesure où elle était soumise au contrôle du juge, se révéler plus protectrice de la liberté que la compétence législati tant que celle-ci échappait A tout contrôle. L'expérience le confirme : des mesures antilibérales, prises par l'exécutif, ont pu AStre annulées par le Conseil d'Etat (19 octobre 1962, Canal, précité), mais se sont trouvées A l'abri de toute contestation lorsque le législateur les eût reprises A son compte (loi du 15 janvier 1963). L'extension du contrôle du Conseil constitutionnel et le déloppement du contrôle au niau européen ont mis un terme A cette situation, manifestement contraire aux principes de l'Etat de droit.
On obserra, A un autre point de vue, que c'est dans l'exercice de son contrôle sur les règlements de police que le juge a été amené, soit par interprétation de la loi, soit d'après son sentiment propre, A créer des règles dont il impose le respect A l'administration. Ces règles, inférieures A la loi, mais supérieures A toutes celles qui émanent d'un organe exécutif, sont un élément essentiel du statut des libertés, supra, p. 173.
En conclusion, le système franA§ais de répartition des compétences en matière de statut des libertés a connu, après 1958, une profonde et double évolution. A la souraineté absolue du législateur, traditionnelle depuis 1875, d'une part, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a mis un terme, en réintégrant au niau constitutionnel les principes fondamentaux des libertés, renant ainsi A la tradition de 1789, et rejoignant les solutions reA§ues dans la plupart des pays libéraux. Le progrès est considérable. Mais les textes qui l'ont permis ' Déclaration, Préambule de 1946, - principes fondamentaux des lois de la République - ' sont sount imprécis. D'où l'incertitude qui affecte encore certaines des solutions actuelles, et qui s'atténue ac les déloppements de la jurisprudence. D'autre part, la ratification par la France de la Conntion européenne des droits de l'homme aboutit A subordonner l'ensemble des compétences des autorités nationales au respect des règles internationales posées par la Conntion.