NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » DROIT CIVIL » La libertÉ d opinion La liberté d'opinion des citoyens et l'administrationC'est d'abord dans les rapports des particuliers avec l'administration que leur liberté d'opinion appelle une protection particulière. Il est tentant, en effet, pour tout pouvoir, de réserver ses faveurs A ses partisans, et de les refuser aux adversaires. MASme un Etat libéral est accessible A cette tentation. D'où la nécessité de reconnaitre, et d'organiser, la non-discrimination des administrés en fonction de leurs opinions dans leurs relations avec les services publics : c'est la traduction normale du principe fondamental de la neutralité idéologique de l'administration. Mais la non-discrimination n'est pas toujours adaptée A la protection de la liberté d'opinion. Imposer a tous la mASme règle, ce peut AStre blesser profondément ceux auxquels leurs convictions interdisent de la respecter. Le respect de la liberté d'opinion se traduit donc tantôt par une attitude de non-discrimination, tantôt, A l'opposé, par une attitude discriminatoire de la part de l'administration. A) La neutralité par la non-discrimination selon les opinions Qu'il s'agisse de ses activités de police ou de la gestion de ses services publics, l'administration ne doit pas prendre en considération les opinions des administrés pour en tirer A leur égard des conséquences favorables ou défavorables : l'égalité devant la loi, qui exclut, en principe, toute discrimination, interdit plus strictement encore celles qui sont fondées sur les idéologies. C'est ce que rappelle l'article 2 de la Constitution en excluant toute distinction entre les citoyens. Ceci suppose, d'une part, que les services soient aménagés par la loi de telle sorte que leur accès n'entraine aucune contrainte pour aucune famille d'esprits, d'autre part que les agents publics s'interdisent toute discrimination A base idéologique. 1A° L'aménagement du service. ' Nombre de services publics, aux origines de la IIIe Répubbque, gardaient, dans leur organisation, la trace de la reconnaissance par l'Etat de la place de la reUgion dans la vie nationale. MASme purement extérieurs, ces signes pouvaient AStre ressentis comme une gASne pour les non-croyants ; d'où, A partir des années 1880, une série de mesures élissant la neutralité religieuse des organes publics : suppression, par la loi constitutionnelle du 14 août 1884, des prières publiques prévues par la Constitution de 1875 A l'occasion de la rentrée du Parlement ; suppression des crucifix dans les locaux publics, notamment dans les palais de justice ; abolition, dans les cimetières, des distinctions entre les diverses confessions (1. 5 avril 1884, art. 97). De la mASme époque date la règle fondamentale de la neutralité de l'enseignement public (infra, p. 340) : A partir du moment où l'instruction primaire devenait une obligation pour tous les enfants, il était nécessaire qu'en fût exclue toute pression idéologique sur l'esprit des élèves. 2A° Le comportement des agents publics doit procéder de ce mASme esprit de non-discrimination. La jurisprudence administrative rappelle fréquemment - le devoir de stricte neutrabté qui s'impose A tout agent collaborant A un service public -, et considère comme une faute disciplinaire tout manquement A ce devoir. La loi du 1er juillet 1972 transporte l'obligation de neutralité sur le terrain pénal, en érigeant en délit le fait, pour un agent, de prendre en considération l'appartenance d'une personne A un groupe ethnique, A une nation, A une race ou A une reUgion pour lui refuser le bénéfice d'un droit auquel elle pouvait prétendre. Le détournement de pouvoir, d'autre part, permet de sanctionner les actes dictés par des considérations partisanes et non par l'intérASt général. Le Conseil d'Etat est allé plus loin encore, en interdisant A l'administration, non seulement de tenir compte des opinions, mais encore de chercher A les connaitre : il a annulé un arrASté préfectoral élissant le modèle des fiches de renseignements A remplir dans le département par les clients des hôtels, motif pris de ce que la fiche comportait une rubrique religion (CE, 9 juillet 1943, Ferrand, Rec, p. 176). Il est vrai qu'A l'époque où l'arrASt a été rendu, l'indication de la religion pouvait faciliter l'application de la législation antisémite en vigueur pendant l'occupation, et que ce motif a pu influencer la décision du Conseil d'Etat. Mais, aujourd'hui encore, la rubrique o religion - ne ure pas sur les questionnaires des opérations de recensement. Cf., dans le mASme sens, la loi du 6 janvier 1978, supra, p. 70. B) La neutralité par la prise en considération de l'opinion La non-discrimination, qui a pour but d'assurer le respect de la liberté d'opinion, peut, dans nombre de cas, se retourner contre son but. Il arrive en effet, sur le terrain religieux notamment, que l'ignorance par le législateur des exigences propres A telle ou telle confession mette ceux qui y adhèrent dans l'impossibilité, s'ils veulent se conformer A la loi, de respecter les obligations que leur foi leur impose. Dans ce cas, l'administration a non seulement le droit, mais encore le devoir, en vertu du principe de neutralité qui lui interdit toute atteinte aux consciences, de prendre en considération l'option idéologique de l'administré. Si, en appliquant A tous la mASme règle, l'Etat met ceux auxquels leurs opinions interdisent de se plier A cette règle dans l'obligation de choisir entre la loi et leur conscience, la liberté est compromise. C'est pourquoi la loi, d'une part, la jurisprudence et la pratique, d'autre part, adaptent les solutions qu'elles consacrent aux impératifs des consciences. Mais cette prise en considération n'est possible que dans certaines limites. 1A° La loi. ' Deux séries de dispositions législatives manifestent de faA§on particulièrement nette le souci de différencier les règles en fonction des opinions : le régime des aumôneries dans les éhssements publics, et le statut des objecteurs de conscience. a I Le refus de connaitre les options rebgieuses de ceux qui vivent avec une certaine permanence dans le cadre d'un éfis-sement public pourrait les mettre dans l'impossibilité de pratiquer les obbgations découlant de leur foi. C'est pour éviter cette atteinte aux consciences que la loi de séparation des Eglises et de l'Etat (infra, p. 181), après avoir prohibé les subventions aux cultes, réserve la possibibté d'inscrire au budget les dépenses relatives A des services d'aumônerie et destinées A assurer le libre exercice des cultes dans les élissements publics, lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. Il faut ajouter A la liste l'armée et la marine. Dans toutes ces situations, la règle générale de non-subvention fléchit en faveur des cultes qui comptent des fidèles dans l'élissement, ce qui impose la connaissance des confessions représentées. Cf., en ce qui concerne l'application particulièrement importante de l'institution de l'aumônerie dans le cas des élissements d'enseignement, infra, p. 345. b I L'objection de conscience. Le service militaire, dans la mesure où il est une préparation A la guerre, a posé, dans la plupart des pays, un problème A ceux qui estiment, en conscience, que mASme la légitime défense ne justifie pas l'emploi des armes contre d'autres hommes. Leur attitude les exposait, en France, A la sanction pénale rigoureuse qui frappe l'insoumis ou le déserteur. La loi du 21 décembre 1963, après une longue période d'hésitation, a pris en considération cette option, et tenté d'aménager, pour les objecteurs de conscience, une forme de service national qui ne les contraignit pas A - l'usage personnel des armes -. Les difficultés d'application de la loi, et les critiques qu'elle a soulees, en ont entrainé la modification par une loi du 8 juillet 1983, qui définit le droit positif. La loi de 1963 autorisait ceux qui se déclarent, en raison de leurs opinions philosophiques ou rebgieuses, opposés en toutes circonstances A l'usage personnel des armes A adresser une demande d'exemption A une commission juridictionnelle, chargée d'apprécier la sincérité des motifs invoqués. Le choix leur était offert entre un service militaire dans une formation non armée et un travail d'intérASt général dans une formation civile. Dans les deux cas, la durée du service était doublée par rapport A celle du service militaire. Les décisions de la Commission pouvaient AStre déférées au Conseil d'Etat par un recours en cassation. La loi, tout en admettant le principe de l'objection de conscience, s'efforA§ait, avec une certaine maladresse, d'en limiter l'application, en imposant, pour les demandes, des délais rigoureux, en prévoyant, pour leurs auteurs, outre la pénalisation que constitue le doublement du temps de service, l'interdiction d'accéder A certains emplois publics et ' disposition paradoxale ' en interdisant toute publicité destinée A la faire connaitre. De plus, la rification par la Commission du caractère |
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