NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » DROIT CIVIL » La libertÉ d opinion La liberté d'opinion dans les rapports entre les particuliersCet aspect de la liberté d'opinion, souvent méconnu, est, en pratique, d'une extrASme importance. On l'a indiqué (supra, t. 1, p. 194), toutes les situations d'inégalité, en dépit du principe de l'égalité juridique des volontés, mettent celui qu'elles avantagent en mesure de peser sur la liberté de l'inférieur. Or, ces situations sont d'une extrASme fréquence : la dépendance économique, notamment, est le lot de tous les salariés, et laisse leur liberté d'opinion A la merci de l'employeur. Libéral, l'Etat ne peut se contenter de respecter lui-mASme les options choisies par les citoyens : la logique du système lui commande de mettre son autorité au serce de la hberté d'opinion de ceux qui, dans les rapports privés, se trouvent en situation de dépendance. 1A° La recherche de l'équilibre. ' Le meilleur exemple se situe sur le terrain du droit administratif. On a déjA rencontré le principe d'après lequel l'autorité de police doit, tant que la coexistence des opinions contraires peut AStre assurée sans atteinte A l'ordre public, empAScher que les uns puissent, par la olence, réduire les autres au silence. C'est l'une des significations, insuffisamment mise en relief, de l'arrASt Benjamin du 19 mai 1933 (infra, p. 365) : en annulant l'arrASté du maire de Nevers interdisant, sous la pression d'un groupe de protestataires, la conférence littéraire d'un écrivain d'extrASme-droite, le Conseil d'Etat a nettement affirmé que le maire, disposant de forces de police suffisantes pour éter tout heurt olent entre les partisans et les adversaires du conférencier, devait utiliser ces forces pour permettre aux uns d'écouter la conférence annoncée, et aux autres de faire entendre leur protestation, sans sacrifier aucune des deux tendances A l'autre. 2A° La protection systématique du plus faible. ' C'est principalement la dépendance économique qui est prise en considération. La hberté d'opinion du plus fort ne peut aller jusqu'A lui permettre d'abuser de sa position dominante pour imposer A celui dont il tient en main la situation matérielle un choix entre la fidélité A une opinion et la privation des moyens d'existence, pas plus que l'agent public ne peut subordonner au conformisme idéologique de l'administré les décisions que celui-ci attend de lui. Le droit fait, de ce principe, des applications multiples. a I Sur le terrain pénal, l'article 31 de la loi au 9 décembre 1905 punit - ceux qui par voie de fait, olence ou menace contre un indidu, soit en lui faisant craindre le perdre son emploi, ou d'exposer A un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé A exercer ou A s'abstenir d'exercer un culte -. Le texte se l'inégalité purement physique (voies de fait ou olence), mais c'est surtout A la dépendance économique qu'il entend remédier. b I En droit cil, on a rencontré (supra, 1.1, p. 175) la jurisprudence annulant la clause par laquelle un donateur ou un testateur subordonne sa libéralité A une condition portant atteinte A la liberté d'opinion du bénéficiaire, par exemple en lui interdisant d'épouser une personne d'une race ou d'une religion déterminées. Dans le mASme esprit, le refus par le mari, après le mariage cil, de tenir la promesse faite A la femme de procéder A la célébration du mariage religieux était considéré, avant la récente réforme du divorce, comme une injure grave justifiant celui-ci. c / Mais c'est surtout en droit du travail, dans les relations entre employeur et salariés, que se situent les principales applications de la protection de la hberté d'opinion, en vertu du principe formulé au Préambule de 1946 : - Nul ne doit AStre lésé dans son travail ou son emploi en raison de ses opinions. - L'opinion, dans le cas du salarié, se manifeste principalement sur le terrain syndical : le libre choix entre l'adhésion et l'abstention, et entre les divers syndicats, sont des principes fondamentaux du droit syndical, selon la formule du Préambule de 1946 : - Tout homme peut adhérer au syndicat de son choix. - Or, l'employeur a souvent tendance A ésectiuner de son entreprise les militants d'un syndicat déterminé, dont il redoute la combatité. D'où les dispositions destinées A garantir, contre cette tendance, la liberté syndicale : ' En matière d'embauchage, la loi du 27 avril 1956 (Code du Travail, art. L. 412-2) interdit A l'employeur de prendre en considération l'appartenance syndicale du candidat A l'emploi. ' En matière de licenciement, la possibilité reconnue A l'employeur de rompre le contrat A durée indéterminée sans avoir A donner les motifs de ce congédiement constituait, pour les travailleurs engagés dans l'action syndicale, une menace permanente. La jurisprudence tentait d'y parer par la théorie de la rupture abusive du contrat : elle réputait abusif le congédiement dont il apparaissait que les seuls motifs étaient l'opinion syndicale ou politique du salarié. Mais la charge de la preuve, toujours difficile en matière de motifs, incombait A celui-ci. La loi du 13 juillet 1973 a, sur ce point, amélioré la situation : le travailleur peut demander que les motifs lui soient indiqués par écrit, et il appartient au juge d'apprécier leur caractère a réel et sérieux -. L'abondance de la jurisprudence suffit A mettre en relief la réalité et la fréquence des abus impules aux employeurs en ce domaine. Or, la protection, malgré la loi de 1973, demeure imparfaite, dans la mesure où la seule sanction du congédiement irrégulier reste l'octroi de dommages-intérASts, non la reintégration du salarié dans l'entreprise, que le juge peut proposer, mais non imposer. Une indemnité, mASme substantielle, ne compense pas pour le salarié la perte de l'emploi, et l'employeur préfère acheter, par l'indemnisation, l'éction d'un salarié qu'il estime gASnant. La protection est plus sérieuse en ce qui concerne les représentants du personnel (membres du comité d'entreprise, délégués ouvriers, délégués syndicaux), qui sont édemment les plus exposés. Cf., sur cette protection, J. Rivebo et J. Savatier, Droil du travail, 1989, p. 218 et g. ' Il y a cependant une exception A ces règles protectrices ; lorsque l'entreprise poursuit un but proprement idéologique qui implique, de la part de ses collaborateurs, une adhésion sans laquelle ce but ne pourrait AStre atteint, le fait, pour l'un d'entre eux, d'adopter une attitude en contradiction avec l'idéal affirmé constitue une rupture du contrat pouvant justifier le licenciement. Cf. Despax, La e extra-professionnelle du salarié et son incidence sur le contrat de travail, JCP, 1963, I, n 1776. Pour l'application de cette règle aux enseignants des élissements privés, infra, p. 338. A j Les relations de travail peuvent AStre l'occasion d'une autre atteinte A la liberté d'opinion des salariés, du fait, non de l'employeur, mais du syndicat. Celui-ci, en effet, peut, comme tout groupement, céder A une volonté de puissance le conduisant A forcer l'adhésion des travailleurs. L'instrument le plus fréquent de cette pression se situe encore sur le terrain de l'emploi : le syndicat amène l'employeur A réserver A ses seuls adhérents l'accès A l'entreprise. C'est la clause, fréquente aux Etats-Unis, dite d'entreprise fermée (closed shop). La loi précitée du 27 avril 1956, en interdisant A l'employeur de prendre en considération, pour l'embauchage, l'appartenance syndicale, a entendu condamner cette pratique en mASme temps que les discriminations provenant du seul employeur. En pratique, le faible degré de syndicalisation du monde ouvrier franA§ais ne permet guère aux syndicats de forcer les adhésions. La clause d'entreprise fermée continue cependant, malgré sa prohibition légale, de s'appliquer dans le secteur des imprimeries de presse : un syndicat a pu obtenir de l'employeur le congédiement d'un salarié qui avait refusé de se plier A ses consignes (C. de Paris, 11 janer 1965, Roger c. Le Monde). |
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