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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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Les prétendus privilèges de l'administration

A la suite de Maurice Hauriou, les juristes ont beaucoup insisté sur les prérogatives de l'Administration dont l'ensemble constitue la puissance publique : privilège de l'action unilatérale (pouir de faire naitre des droits ou des obligations sans le consentement de leurs sujets), de l'exécution provisionnelle c'est-A -dire de la poursuite de l'exécution nonobstant la contestation de la régularité de l'acte en justice, et aussi de l'exécution forcée (ou de l'exécution d'office). A vrai dire, il ne s'agit pas de vériles privilèges : le droit privé n'ignore ni l'acte unilatéral34 ni mASme l'exécution provisionnelle ou l'exécution d'office35 ; et surtout les solutions du droit administratif sont beaucoup plus complexes qu'il ne parait.

A ' L'EXéCUTION PROVISIONNELLE

Le privilège de l'exécution provisionnelle est souvent appelé -privilège du préalable-. Lorsque la régularité d'une norme administrative est contestée devant le juge, elle conserve sa valeur juridique pleine et entière : elle demeure obligatoire. En d'autres termes, l'introduction d'une instance contre un acte administratif ne suspend pas l'exécution des normes qu'il édicté. Cette règle ' l'absence d'effet suspensif de la saisine du juge administratif ' est formulée par l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953, notamment. La première, dans son titre III, chapitre II, section IV, intitulé : -De l'effet non suspensif des requAStes au Conseil d'état-, s'exprime en ces termes : -Sauf dispositions législatives spéciales, la requASte au Conseil d'état n'a point d'effet suspensif, s'il en est autrement ordonné par la section du contentieux ou par l'Assemblée plénière.- Le second, en son article 9, alinéa 1er, dispose que -le recours devant le tribunal administratif n'a pas d'effet suspensif, s'il n'en est ordonné autrement par le tribunal A  litre exceptionnel -.
Ce principe comporte trois exceptions : deux sont prévues par les textes, la troisième résulte de données plus générales.

1. Dispositions législatives spéciales suspendant l'exécution des normes administratives.
Quelques textes excluent l'exécution provisionnelle des normes dont la régularité est contestée. Les plus importants d'entre eux, ceux qui semblent AStre susceptibles des applications les plus fréquentes et les plus graves, relèvent du droit fiscal. La source de la réglementation en vigueur est essentiellement l'article 1666 du Code général des impôts dans la rédaction que lui a donnée une loi du 28 décembre 1959. Celui-ci comprend deux règles distinctes : institution d'un sursis de paiement caractérisé par l'auto-maticité de son octroi A  certaines conditions précises et, d'autre part, institution d'un sursis de la vente des biens du contribuable : ces conditions ne sont pas réunies36.

a) Sursis de paiement
' A la condition de déposer une réclamation contentieusc dans les formes fixées par le Code général des impôts, de formuler une demande expresse de sursis de paiement et de constituer des garanties propres A  assurer le recouvrement des impôts contestés, le contribuable est automatiquement dispensé pour un temps, de payer la part de ses impôts qu'il prétend irrégulière. Toutefois, si, lors de l'examen au fond de l'affaire, il apparait -un ajournement abusif du versement de l'impôt-, c'est-A -dire des manouvres dilatoires du contribuable, le tribunal peut -prononcer une majoration des droits contestés A  tort- dont la limite supérieure est fixée A  1 % par mois de retard. En revanche, le contribuable est assuré de récupérer les garanties qu'il a constituées s'il l'emporte lors du jugement de l'affaire au fond et, qui plus est, les sommes qui lui sont restituées sont créditées d'intérASts moratoires calculés au taux du droit civil.


b) Sursis de la vente des biens du contribuable

' - A défaut de constitution de garanties, le comple du recouvrement peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés, la vente ne pouvant AStre effectée jusqu'A  ce qu'une décision ait été prise sur la réclamation contenticuse soit par le directeur départemental, soit par le tribunal administratif.- Dans cette disposition, il ne s'agit plus d'un sursis de paiement. Le contribuable qui ne s'acquitte pas est en faute, ce qui l'expose A  payer des pénalités parfois fort élevées mais il n'en reste pas moins que le comple public est désarmé : il ne peut imposer l'exécution provisionnelle de la norme contestée avant la décision du juge.

2. Sursis A  exécution prononcé par le juge administratif
Une requASte principale tendant A  obtenir l'annulation d'un acte peut AStre accomnée d'une demande tendant A  suspendre l'exécution de celui-ci. Le juge administratif peut alors ordonner qu'il soit sursis A  l'exécution de l'acte contesté. Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de rappeler qu'une disposition législative spéciale affirmant l'absence d'effet suspensif d'un recours particulier n'exclut pas pour autant -un sursis A  l'exécution de la décision attaquée si son exécution [risque] d'entrainer des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requASte paraissent sérieux et de nature A  justifier l'annulation de la décision attaquée-37.
Le régime général du sursis A  exécution laisse au juge liberté de le refuser ou de l'accorder si deux conditions sont réunies, comme l'expose le Conseil constitutionnel en résumant une jurisprudence au demeurant assez claire et relativement sle. En premier lieu, est exigé le caractère sérieux des moyens articulés A  l'appui de la requASte principale. Le degré d'exigence requis demeure incertain. Mais, comme il s'agit seulement de déjouer les manouvres dilatoires, il suffit, scmble-t-il, que l'annulation ultérieure soit plausible en raison du caractère sérieux de l'un des moyens. Trois arguments peuvent étayer cette interprétation : exiger davantage, c'est-A -dire en fin de compte imposer au justiciable l'obligation d'apporter des éléments suffisants pour que sa requASte paraisse fondée, ce serait déformer complètement l'institution du sursis qui, au lieu d'AStre une mesure provisoire laissant ouverte la solution définitive, deviendrait une procédure accélérée de jugement de fond ; pratiquement, le dossier de l'affaire n'est d'ailleurs pas en état au moment où il est statué sur le sursis, donc il est matériellement impossible de se livrer A  un examen au fond de l'affaire; enfin, il est arrivé, fort rarement certes, que la décision dont il a été accordé sursis A  exécution, fût par la suite confirmée et non annulée38. En second lieu, il faut que l'exécution immédiate de la décision administrative risque de causer un préjudice difficilement réparable. La jurisprudence est évidemment très pragmatique, on a soutenu que lorsque n'est mis en cause qu'un intérASt purement privé le préjudice prévisible doit AStre irréparable mais cette thèse ne correspond pas A  la réalité qui est beaucoup plus nuancée39.
La jurisprudence actuelle correspond, dans son ensemble, A  ce schéma général qui appelle pourtant trois précisions.
1) Le caractère exceptionnel du sursis A  exécution (qui apparait clairement dans les textes) est encore accentué par le caractère discrétionnaire de la décision prise par le juge : mASme si les deux conditions d'octroi du sursis existent bien, la juridiction saisie peut refuser le sursis40, notamment si l'irrégularité qui semble vicier l'acte administratif en cause est un vice de forme ou de procédure qui peut AStre couvert et si, par conséquent, le dernier mot doit rester A  l'autorité administrative dont il parait alors peu justifié de retarder l'action.
2) Le juge ne peut accorder le sursis que si celui-ci présente une utilité : il faut que la décision dont l'exécution est suspendue soit -exécule-41, autrement dit qu'elle ne soit pas encore exécutée, qu'elle modifie la situation juridique des intéressés et qu'elle comporte des suites concrètes. Aussi le principe est-il l'exclusion du sursis des décisions négatives (qui sont des décisions de rejet ou de refus)42.
3) Les juridictions compétentes pour prononcer le sursis sont celles qui sont compétentes pour connaitre au fond de l'affaire principale. Cette règle parfaitement justifiée, aussi bien en première instance qu'en appel, a été perturbée dans le passé. Des textes avaient interdit aux tribunaux administratifs d'ordonner un sursis en matière d'ordre public (1953), puis (ce qui revient au mASme) pour tout ce qui concerne -le maintien de l'ordre, la sécurité et la tranquillité publique- (1969), enfin dans ces mASmes matières mais -A  l'exception de celles qui sont relatives A  l'entrée et au séjour des étrangers en France- (1980). Ces dispositions aboutissaient A  une absurdité : selon qu'une décision administrative relevait quant A  son annulation éventuelle du Conseil d'état ou des tribunaux administratifs, elle pouvait ou non AStre l'objet d'un sursis. Pour éviter cette incohérence, le Conseil d'état avait admis sa saisine directe pour une demande de sursis A  exécution d'un acte dont l'annulation ne relevait pas de lui en première instance. Fort heureusement un décret a réli une situation normale en abrogeant ces limitations A  la compétence des tribunaux administratifs (1983)42.
Des textes relativement récents ont institué des régimes particuliers du sursis A  exécution. Ainsi, une loi de 1976 relative A  la protection de nature impose au juge d'accorder le sursis A  exécution en l'absence de l'étude d'impact lorsque celle-ci est obligatoire et lorsque son absence est constatée selon une procédure d'urgence43. D'autre part, la loi du 2 mars 1982 sur la décentralisation ésectiune l'exigence d'un préjudice difficilement réparable pour suspendre l'exécution d'une décision d'une autorité décentralisée et impose au juge d'accorder le sursis si les moyens A  l'appui de la requASte principale sont sérieux, dans le cas où la demande émane du préfet.
Du fait de ces élutions, si le sursis A  exécution reste exceptionnel, il revASt une portée pratique que les juristes ne pouvaient mASme pas envisager jusqu'aux années 1960.

3. Résistance passive des administrés
La résistance violente A  l'exécution d'une norme publique (qu'elle soit régulière ou irrégulière) est toujours considérée comme illicite par le droit franA§ais. Elle est qualifiée par le Code pénal de délit de rébellion. En revanche, la résistance passive est licite car le juge pénal refuse toute sanction A  un acte irrégulier. Lorsque l'exception d'irrégularité d'un acte administratif est soulevée devant lui par un administré qui a refusé d'obéir A  l'administration et qui est poursuivi, de ce fait, en justice, ou bien le juge examine lui-mASme la régularité de l'acte en cause (le juge de l'action est alors le juge de l'exception); ou bien il renie la question au juge compétent.


B ' L'EXéCUTION FORCéE


Le principe se dégage d'une jurisprudence très connue dont la première place revient A  l'arrASt célèbre -Société Immobilière de Saint-Just- et aux conclusions de Romieu45. Si l'arrASt a perdu beaucoup de son intérASt en raison de son ancienneté, les conclusions du commissaire du gouvernement, en revanche, méritent toujours d'attirer l'attention : elles constituent un exposé particulièrement clair, vigoureux et complet des données du problème et de ses solutions.
L'exécution forcée de ses actes est interdite A  l'Administration avant l'intervention du juge, explique Romieu. C'est -un principe fondamental de notre droit public que l'Administration ne doit pas mettre d'elle-mASme la force publique en mouvement pour assurer manu militari l'exécution des actes de puissance publique, et qu'elle doit s'adresser d'abord A  l'autorité judiciaire, qui constate la désobéissance, punit l'infraction et permet l'emploi des moyens matériels de coercition. Le mode d'exécution habituel et normal des actes de puissance publique est donc la sanction pénale, confiée A  la juridiction répressive-. Romieu lui-mASme confirma cette position cinq années plus tard A  l'occasion de l'affaire -dame de Suremain-46. -En principe, l'exécution d'office par la ie administrative n'est pas possible () Cette règle générale s'impose pour garantir les particuliers contre les abus qu'entrainerait trop souvent l'exécution d'office.- En effet, -l'exécution d'office par l'Administration elle-mASme, "par défaut", sans jugement, sans garanties A  la défense () outre qu'elle n'est pas conforme A  nos habitudes, peut, dans certains cas, fariser l'arbitraire et couvrir les illégalités-47. Mais le principe de l'illicéité de l'exécution forcée administrative doit AStre assorti d'exceptions. D'une part, une disposition législative peut autoriser expressément l'Administration A  employer la force publique sans habilitation judiciaire préalable ; d'autre part, en dehors des textes, Romieu notait qu'exceptionnellement l'exécution d'office est licite, premièrement, s'il y a urgence, s'il s'agit de faire face A  une nécessité publique, de prévenir un péril imminent, deuxièmement, s'il n'y a pas de sanctions pénales pour les infractions A  la décision et si, par suite, l'exécution administrative est seule possible48.
Romieu opposait d'ailleurs ces deux sortes d'exceptions : -Tout le monde reconnait qu'il est de l'essence mASme du rôle de l'Administration d'agir immédiatement et d'employer la force publique sans délai ni procédure, lorsque l'intérASt immédiat de la conservation publique l'exige : quand la maison brûle, on ne va pas demander au juge l'autorisation d'y enyer les pompiers. - Au contraire, s'agissant de l'exécution administrative justifiée par l'absence de sanction, il importe qu'elle -soit réservée strictement au cas où elle est indispensable, que son domaine soit nettement circonscrit, que les conditions de son existence mASme soient fixées avec précision, afin qu'elle ne dégénère pas en simple ie de fait49-. En somme, dans le premier cas, l'exécution administrative semble toujours possible parce qu'il s'agit d'une nécessité inélucle de tout ordre juridique; mais, dans le second cas, elle n'est régulière que sous réserve de conditions très strictes; le système contraire fondé sur l'idée que -la loi étant incomplète, il n'appartient A  personne d'y suppléer- est d'ailleurs parfaitement défendable.
Ces exceptions sont illustrées par la jurisprudence50 mais, dans l'état actuel du droit, elles demeurent de vériles exceptions, juridiquement, comme l'a montré Romieu, et aussi statistiquement, comme le révèle la pratique contentieuse. Seule l'urgence peut revAStir une certaine importance. Les dispositions législatives spéciales sont assez rares ; elles concernent surtout le domaine de la salubrité publique ; elles renient très souvent A  l'urgence (ce qui en réduit évidemment la portée). Bien que la question ait pu AStre posée, il semble évident qu'une disposition réglementaire ne suffirait pas A  étendre le champ de l'exécution forcée mASme depuis l'institution, en 1958, d'un domaine réglementaire autonome. En effet, une telle disposition porterait atteinte aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques.
Quant aux lois imparfaites (dépourvues de sanctions), elles sont exceptionnelles : statut des congrégations, réquisitions de logements, monopole de la radiodiffusion et de la télévision. De plus, le Code pénal couvre un champ immense par son article R. 26, 15e : -Seront punis d'amende ceux qui auront contrevenu aux décrets et arrAStés légalement faits par l'autorité administrative.- La jurisprudence admet d'ailleurs que, faute de sanctions pénales, l'existence de sanctions administratives peut suffire A  exclure l'exécution d'office. Enfin, on peut légitimement s'interroger sur l'application de la Constitution de 1958 en la matière : puisque les contraventions sont désormais du domaine réglementaire, l'autorité administrative peut toujours compléter une loi dépourvue de sanctions en décidant que la désobéissance A  ce texte sera sanctionnée par une peine contraventionnelle (A  la condition qu'elle ne soit pas privative de liberté). Dès lors, logiquement cette exception énoncée par Romieu au début du siècle comme une anomalie dont le champ devait AStre très limité, pourrait avantageusement disparaitre51.
Enfin, quand elle est illicite, l'exécution forcée est une ie de fait (en dehors des circonstances exceptionnelles)52.



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