Le problème de fond du droit de grè des agents publics est celui de sa compatibilité ac le principe de continuité des
services publics dans l'intérêt général, comme le montre son histoire moumentée.
A - L'ÉVOLUTION
Pendant longtemps, la grè a eu un caractère illicite. La jurisprudence est claire sur ce point. Dans l'affaire Winkell en 190913, le Conseil d'État considère que la grè est une rupture du contrat de
fonction publique. En 1937, dans l'affaire demoiselle Minaire14, le Conseil d'État indique que, par la grè, «les agents se placent eux-mêmes, par un acte collectif, en dehors de l'application des lois et règlements».
Le contexte
juridique change ac le préambule de la Constitution de 1946. En affirmant que «le droit de grè s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent», le constituant reconnait en même temps la licéité de la grè et la nécessité d'une réglementation par voie législati. Mais contrairement à ce qui était supposé, le législateur n'a pas défini la réglementation globale de la grè dans la fonction publique. Les statuts de 1946 et 1959 n'évoquaient pas cette question. Quant au nouau statut général, il se contente, dans l'article 10 de la loi du 13 juillet 1983, de réaffirmer que «les fonctionnaires exercent le droit de grè dans le cadre des lois qui le réglementent». Depuis 1946, le législateur est bien internu en la matière mais il ne s'agit que de lois partielles. En dehors de ces dispositions particulières, l'exercice du droit de grè fait l'objet, conformément à l'important arrêt Dchaene du Conseil d'État15 de mesures réglementaires très nombreuses.
B - LES LOIS RELATIVES A LA GRÈVE
Le législateur est internu soit pour interdire la grè à certaines catégories de fonctionnaires, soit pour poser des limitations générales.
a) En raison de la nature spécifique de leurs fonctions, dirses catégories de fonctionnaires n'ont pas le droit de faire grè, et en cas de violation de cette interdiction, il y a sanction sans garanties disciplinaires. Tel est le cas des C. R. S. (loi du 27 décembre 1947), de tous les personnels de police (loi du 28 septembre 1948), des personnels de l'administration pénitentiaire (ordonnance du 6 août 1958), des magistrats de l'ordre judiciaire (ordonnance du 22 décembre 1958), des agents des services de transmission du ministère de l'Intérieur (loi du 31 juillet 1968).
Une loi du 2 juillet 1964 avait posé l'interdiction de faire grè pour certains personnels de la navigation aérienne (les «aiguilleurs du ciel») mais ce texte a été abrogé en 198416; toutefois l'exercice du droit de grè est assorti pour ces agents de l'obligation d'assurer un service minimal17.
b) Une loi du 31 juillet 1963 relati à certaines modalités de la grè dans les services publics porte interdiction des grès tournantes, des grès sectorielles et aussi des grès inopinées par l'exigence d'un préavis de cinq jours, donné par l'une des organisations les plus représentatis sur le national. Elle précise en outre que le gréviste perd son droit au traitement et que toute interruption du
travail d'une durée inférieure à une journée entraine néanmoins le non-paiement d'un «trentième indivisible» de sa rémunération mensuelle. Sur ce dernier point, la loi du 19 octobre 1982 avait institué un système plus souple de retenues : 1/160e du traitement pour une heure au maximum, l/50f pour un temps compris entre une heure et une demi-journée, enfin l/30c pour un temps compris entre une demi-journée et une journée. Mais le système antérieur a été réli en 1987 pour les fonctionnaires de l'État18.
C - LES DISPOSITIONS REGLEMENTAIRES
En l'absence de la législation générale annoncée par le préambule de la Constitution de 1946, le Conseil d'État a admis, dans l'arrêt Dehacne de 1950, qu'il appartient au gournement «responsable du bon fonctionnement des services publics de fixer lui-même, sous contrôle du juge, en ce qui concerne ces services, la nature et l'étendue des limitations qui doint être apportées à ce droit comme à tout autre en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public».
La mise en vigueur de la Constitution de 1958 n'a pas modifié la position du problème, puisque le préambule de 1946 demeure un élément du
droit positif. Le juge a, en outre, estimé que la loi de 1963 ne constitue pas «la charte de la grè» qui eût interdit les interntions d'un pouvoir réglementaire autonome19. Il a aussi admis que l'article 34 de la Constitution qui précise que le parlement fixe les règles relatis aux garanties fondamentales accordées aux fonciionnaires ne modifie pas la répartition des compétences entre la loi et le règlement.
En application de la jurisprudence Jamart20, le pouvoir de réglementer la grè appartient aussi aux ministres et aux chefs de service21.
Un problème particulier se pose au sujet des services publics dotés de la personnalité morale, notamment les élissements publics. Le pouvoir hiérarchique ne s'exer-çant pas en principe sur ces organismes, c'est au directeur du service que revient le pouvoir de poser la réglementation22. Toutefois, certains textes attribuent au ministre de tutelle cette compétence23.
Le juge a dégagé des règles pour l'exercice du droit de grè, délimitant ainsi l'étendue du pouvoir des autorités administratis. La grè «politique» est interdite, et l'exercice du droit de grè doit se concilier ac le devoir de réser. Serait, en revanche, irrégulière une interdiction générale et absolue de la grè24. En effet, les mesures réglementaires doint avoir pour but d'assurer un fonctionnement minimal du service. En conséquence, l'interdiction du droit de grè est fonction des emplois et non des grades : peunt être touchés les agents chargés de fonctions d'autorité et ceux qui remplissent les taches d'exécution nécessaires au maintien des activités essentielles des services. Le juge contrôle aussi la nécessité d'assurer telle ou telle activité et la désignation du personnel indispensable25.
Enfin, le gournement peut user de ses pouvoirs de réquisition pour faire échec à la grè sous le contrôle du juge afin d'éviter que la réquisition soit un moyen de supprimer un droit constitutionnel26.
En définiti, le droit de grè fait l'objet d'une réglementation étendue et dirsifiée. En ce sens, on pourrait dire comme Jean Riro, qu'il «existe dans les services publics chaque fois que, ne pouvant nuire à personne, il n'est d'aucun secours pour ceux qui l'exercent»27. Mais il faut remarquer aussi que la grè est un phénomène de société et l'expression d'un rapport de forces qui échappe assez largement au droit. La réglementation est sount réduite à néant28 dans les faits.