Bien entendu, le cocontractant a droit au paiement de sa créance21 : ce dernier s'effectue dans des conditions particulières au
droit administratif. Parfois, il peut prétendre, en plus, A des indemnités (pour -l'équilibre financier- ou -l'équation financière- du contrat) lorsque les présions normalement faites lors de la conclusion du contrat ont été déjouées, ce qui conduit A ensager essentiellement deux jurisprudences. Sans doute la première (la jurisprudence du fait du prince) correspondait-elle A un changement des circonstances de droit, c'est-A -dire de l'ordre
juridique : il s'agissait de répondre en quelque sorte A l'aléa administratif. La seconde (la jurisprudence de Hmprésion) correspondait en revanche A l'aléa économique, autrement dit A une modification des circonstances de fait. Mais cette symétrie ne correspond plus A l'état actuel de la jurisprudence.
1. La jurisprudence du fait du prince
L'autorité publique contractante modifie les conditions d'exécution d'un contrat (changement dans les impôts, modification des règles de circulation, etc.) : elle doit indemnité. La règle est absolue quand la mesure prise est une mesure indiduelle, c'est-A -dire propre au cocontractant (voir les -ordres de serces- dans les marchés de
travaux publics, le relèvement autoritaire des
salaires du personnel de l'entreprise, et, surtout, les modifications unilatérales du contrat, etc.). Les solutions sont moins nettes si la mesure prise est une norme générale : l'indemnité est le plus généralement refusée. Le trait le plus important de cette jurisprudence du fait du prince est que son application entraine une indemnisation intégrale du cocontractant mais que les cas d'application restent assez restreints22.
2. La jurisprudence de l'imprésion
Cette jurisprudence de l'imprésion prolonge celle des sujétions imprévues qui est très ancienne et qui concerne les travaux publics : lorsque l'entrepreneur se heurte A de graves difficultés matérielles et lorsque celles-ci n'étaient pas prises en compte dans le contrat (par exemple, la structure du sous-sol), il peut demander une indemnité.
Plus généralement, dans le cas de Y imprésion, lorsque les cocontractants n'ont pas pu raisonnablement prévoir des faits indépendants de leur volonté qui aboutissent A un vérile bouleversement du contrat, l'Administration est tenue de verser une indemnité essentiellement temporaire. Celle-ci n'est perA§ue que tant que durent les circonstances qui la justifient et si ces dernières deennent permanentes, les parties doivent conclure un nouveau contrat ou demander au juge de résilier l'ancien.
Les décisions de justice conduisent A souligner quatre points.
1. Pour qu'il y ait indemnisation, il doit s'agir de faire face A des aléas extraordinaires, c'est-A -dire d'événements entrainant un bouleversement de l'économie du contrat; les aléas ordinaires constituent des
risques normaux dans l'actité économique et ne justifient pas l'application de cette jurisprudence.
2. L'intérASt du serce, et, mASme, dans certains cas, le principe général de la continuité du serce public expliquent que le cocontractant ne soit pas libéré de son obligation et, simultanément, que l'Administration contractante qui, par hypothèse, n'est pas responsable des événements, doive néanmoins participer aux charges nouvelles.
3. Si le rélissement de l'équilibre financier s'effectue par un partage entre les cocontractants, cette espèce de solidarité entre les parties connait des limites : en cas de déséquilibre grave persistant, l'Administration peut refuser de le compenser, et provoquer alors la résiliation du contrat qui peut également AStre demandée par son partenaire23.
L'imprésion fait alors place A la force majeure : il s'agit d'un fait qui ne pouvait AStre prévu ni empASché par les parties, qui est totalement indépendant de leur volonté, et qui rend l'exécution du contrat absolument impossible. Dans ce cas, l'administration ne peut prendre de sanctions pour inexécution, et le cocontractant est libéré de son obligation d'exécution24.
4. Dans l'hypothèse où le bouleversement des conditions d'exécution du contrat est provoqué par une autorité administrative qui n'est pas partie, la jurisprudence de l'imprésion peut s'appliquer en raison d'un aléa administratif (cl non économique)25.
Deux affaires bien connues illustrent ces données.
' L'affaire du Gaz de Bordeaux16. Du fait de la guerre (1914-l918), de l'invasion, de la hausse brutale du prix du charbon A partir duquel le gaz de lle est fabriqué, -la Comnie est fondée A soutenir qu'elle ne peut AStre tenue d'assurer aux seules conditions prévues A l'origine le fonctionnement du serce-. Le prix du charbon avait été multiplié par trois en moins de deux ans et le Conseil d'état estime que, faute d'un arrangement amiable, le concessionnaire a droit A une indemnité dont le montant sera fixé par le juge.
' L'affaire des tramways de Cherbourg27. L'entreprise concessionnaire des tramways était restée déficitaire pendant six ans malgré les efforts de la lle et aucune solution ne semblait ensageable. Le Conseil d'état affirme alors que dans un cas comme celui-ci -où les conditions économiques nouvelles ont créé une situation définitive qui ne permet plus au concessionnaire d'équilibrer ses dépenses avec les ressources dont il dispose-, les parties peuvent demander au juge la résiliation de la concession. En effet, -le concédant ne saurait AStre tenu d'assurer aux frais des contribuables- par le versement d'une indemnité d'imprésion, -le fonctionnement d'un serce qui a cessé d'AStre able-.