Ceci étant, bien qu'ayant déjA implicitement et immédiatement ci-dessus considéré les organisations comme allant de soi, donc définies, par exemple en les citant et en en donnant des exemples, une démarche plus élaborée et A objectif scientifique exige que nous précisions ce A quoi ce volume va s'artacher. Qu'est-ce donc que l'objet de la présente étude ? Qu'est-ce qu'une organisation ? Intuitiment, dans le langage courant, le terme évoque automatiquement A notre époque et dans notre environnement qui est celui des sociétés industrielles déloppées de l'ouest, un certain nombre d'images. A€ cette question beaucoup auront tendance A répondre en citant un exemple : telle ou telle
entreprise privée, une unirsité, une unité d'études et de recherche, l'église, l'armée, etc. viennent immédiatement A l'esprit. Le concept d'organisation est bien présent dans le répertoire de termes apparemment généralement partagés que nous utilisons quasi quotidiennement.
Cependant, ce concept est-il réellement partagé, est-il bien commun ? Les exemples cités pour presque tous, constituent bien sans doute des organisations. Mais si la question est poussée plus avant et si une autre liste d'exemples est fournie, les avis, A un certain point, vont dirger. Par exemple, A quel niau dans les cas suivant a-ton ou cesse-t-on d'avoir affaire A une organisation ?
» ethnie,
» famille,
» tribu,
» club de vacances,
» classe d'étudiants,
» partie de sectiunes,
» groupe de personnes dans un ascenseur,
» groupe de personnes devant une vitrine,
» groupe de personnes,
» groupe de personnes devant une vitrine et regardant un match de football.
De plus, en langue franA§aise, le terme d'organisation est équivoque : il a plusieurs significations, proches mais distinctes. C'est par exemple un construit considéré comme un objet (une organisation), un acte, une action (l'organisation de quelque chose) et un discours, une méthodologie (des procédés d'organisation).
Si la conception intuiti de l'organisation n'est donc pas suffisante, il convient peut-AStre de recourir aux définitions proposées par des spécialistes. En effet, la plupart de ceux qui se sont penchés sur l'étude des organisations en ont proposé une définition. Quelques-unes peunt AStre présentées ici :
» - La forme sociale qui par l'application d'une règle et sous l'autorité de leaders, assure la coopération des individus A une œuvre commune, dont elle détermine la mise en œuvre et répartit les fruits - ;
» - une unité sociale ac un but - ;
» - la coordination rationnelle des activités d'un certain nombre de personnes en vue de poursuivre des buts et des objectifs implicites communs - (par une division du
travail et des fonctions et par une hiérarchie du travail et des responsabilités) - ;
» - des unités sociales essentiellement destinées A atteindre certains buts - ;
» un système de relations interpersonnelles structurelles ;
» des systèmes ourts, consistant dans les activités entrelacées d'un certain nombre d'individus ;
» des systèmes d'activités dirigées rs un but et maintenant leurs frontières'" ;
» les organisations n'existent pas. Elles sont un mytiie, seuls existent des événements liés ensemble par des cercles de causalité18 ;
» - un système ourt, téléologique, holistique et homéostatique, A entropie négati -.
Ces définitions vont donc du plus simple au plus complexe, du plus concret au plus abstrait et leur juxtaposition pose plus de problèmes qu'elle n'en résout. Pour tenter d'y voir plus clair, deux attitudes sont possibles. La première consiste A essayer de lister un certain nombre d'éléments explicitement ou implicitement présents dans un certain nombre des définitions proposées par les spécialistes qui constitueront les conditions nécessaires d'existence d'une organisation. C'est celle suivie notamment par Khandwalla20, qui repère comme constitutifs de l'organisation les éléments suivants :
» une hiérarchie ;
» des règles, procédures contrôles et techniques ;
» des communications formalisées ;
» une spécialisation des rôles ;
» l'emploi de personnel qualifié ;
» des objectifs spécifiques.
Cette approche présente l'inconvénient de ce que, plus l'on ut AStre clair, plus il faut qualifier étroitement les composants et les définir ac précision, et plus l'on est amené A formuler des exceptions. A€ l'inrse, pour éviter cet écueil plus l'on ut rester dans un cadre assez large, moins il y a de moyen sûr d'identifier ce qui appartient ou non A la catégorie - organisation -.
Les définitions proposées ci-dessus sorties de leur contexte et énoncées sèchement n'apportent en fait guère plus d'aide que la conception courante de sens commun. Pour chacun des auteurs, la définition qu'il a proposée s'inscrit dans un cadre théorique préexistant, déloppé par lui-mASme pour l'occasion et qui lui est largement spécifique. Pour la comprendre il faut alors avancer ac l'auteur dans la connaissance de ce cadre.
C'est d'ailleurs ce que nous ferons tout au long de cet ouvrage mais ac de multiples théoriciens différents.
Cependant, l'énumération qui précède ne nous semble pas inutile. Elle est totalement arbitraire, car les auteurs cités ont été choisis par tirage au hasard de leurs ouvrages dans une bibliothèque constituée en fonction de nos besoins, nos préférences et de nos moyens. De nombreux chercheurs importants qui seront passés en revue plus tard ne sont pas cités. Néanmoins leur lecture met en évidence un certain nombre de thèmes, de questions récurrentes. Elle interroge, d'ailleurs, plus qu'elle n'apporte de réponses : unités, liens, activités sociales, buts, frontières, durée, etc. demandent A AStre définis. Toutes ces questions, ou certains aspects d'entre elles, sont parmi celles que se sont posées les théoriciens de l'organisation, nous les retrourons tout au long de l'ouvrage elles aussi. Un autre - tirage au hasard - dans les les des matières des ouvrages traitant des organisations dont sont issues les définitions proposées plus haut ferait apparaitre une liste de thèmes proche de celle qui suit :
» unité / organisation / système,
» but / création / émergence,
» liens / interactions,
» division / regroupement / coordination
» membres / limites,
» durée / permanence.
Une seconde approche, pour, d'une part éviter le problème que nous nons d'illustrer quand il est tenté de fournir une définition qui soit A la fois claire, complète et cohérente de l'organisation, et d'autre part tirer cependant quelques bénéfices de l'approche précédente, nous amène A renoncer A la présentation d'une telle définition. Il s'agira alors de proposer plutôt une explication élémentaire de la présence du phénomène
organisationnel et d'en tirer quelques conséquences. Suivant Crozier1 nous dirons que l'organisation est une réponse au problème de l'action collecti. Dès qu'une activité ne peut AStre menée A bien par un individu unique, isolé, par le seul exercice de ses propres capacités, se pose alors le problème de l'action collecti, dont l'organisation est la réponse.
Faute d'une définition précise, cette approche en termes de solution de problème emporte cependant quelques conséquences immédiates. Elle nous dit notamment ce qu'est concrètement l'organisation : puisque solution au problème de l'action collecti, elle devient ainsi, suivant la formule de Mintzberg22, la somme totale des faA§ons de diviser le travail entre ses membres et de celles de coordonner les résultats des taches ainsi découpées. Les deux questions rémanentes que vont adresser les théoriciens sont ainsi définies en termes simples : celle de la division du travail, du qui doit faire quoi ? Et celle de la coordination des taches et des modes de la coopération, du pourquoi, du dans quel but et comment ?
ConA§ues ainsi, dans la plupart des cas de la vie courante, la réalité de l'existence des organisations ne nous parait pas poser de question. Elles font partie de notre environnement quotidien et banal. Nous tenons pour acquise leur existence. Cela est le cas, du moins, jusqu'A ce que quelque chose ne fonctionne pas conformément A nos attentes. Alors, mais alors seulement, l'organisation nous pose problème23. Par ailleurs, l'existence de l'organisation est bien une réponse au problème de l'action collecti, mais elle n'est pas une réponse simple, elle ne va pas de soi. Une organisation est un construit social et n'est pas une
donnée naturelle24. Elle est elle aussi un problème A expliquer. Son apparition n'est nullement spontanée, loin de lA , comme nous le rrons plus tard au chapitre 10. Il faut par ailleurs souligner que l'existence des organisations est problématique aussi pour une autre raison. Leur survie est en effet toujours menacée et remise en question. Certes il existe des organisations centenaires et plus, mais force est de considérer qu'il y en a peu, et qu'elles ont sount subi de multiples transformations au cours de leur existence. Par ailleurs, les statistiques de survie qui sont parfois tenues pour une des catégories importantes des organisations, les entreprises, nous montrent qu'elles disparaissent facilement et sount très tôt26.