Nous présentons les principaux rôles des expatriés et impatriés dans les
organisations internationales, avant d'analyser les enjeux et
risques de ce type de politiques dans le développement et la gestion des entreprises.
Les rôles des expatriés et des impatriés
Les expatriés et les impatriés constituent, pop l'entreprise, des ressources stratégiques au service de son développement et de son organisation. Ils sont souvent un apport en termes d'élargissement de compétences et de fonctions au sein de leur
entreprise d'accueil et farisent le développement des relations entre le siège et ses filiales.
Les principales fonctions confiées aux cadres expatriés dans le cadre de leurs missions consistent généralement A :
» contrôler et coordonner les activités de la filiale étrangère (mise en place d'indicateurs de performance compatibles avec les valeurs du groupe) dans un souci de cohérence et d'harmonisation.
» transférer le sair faire (technique et managérial) de la société mère vers la nouvelle filiale.
» aider au développement
organisationnel des unités d'affaires par un soutien financier, logistique et technique.
» soutenir le développement de nouveaux
marchés grace A l'expérience internationale de ses cadres expatriés et l'organisation de synergies entre les firmes.
» assurer une interface entre la société mère et les différentes unités d'affaires, en créant un lien continu entre les entités.
» transférer la culture organisationnelle du siège (croyances, valeurs, normes) vers les unités locales.
Les impatriés sont également appelés A jouer des rôles spécifiques au sein de l'entreprise d'origine. Ils permettent en particulier aux directions centrales de :
» améliorer de
la communication (et la collaboration) entre le siège et_ses filiales.
» apprendre A connaitre les marchés locaux dans lesquels l'entreprise intervient et souhaite se développer.
» sensibiliser le groupe aux pratiques commerciales et aux règles en vigueur dans certains pays cibles qui présentent des caractéristiques distinctives.
» prendre conscience de la réalité multiculturelle de l'entreprise par le contact avec des collaborateurs de profils différents et parlant pour la plupart une langue étrangère.
» Air une expérience concrète de la faA§on de se comporter et de réagir face A des acteurs de cultures différentes.
Expatriés et impatriés sont par conséquent des agents de liaison, dont l'intégration au sein d'une nouvelle entité (siège ou filiale) contribue A améliorer les relations entre les différentes composantes du groupe. Ils permettent de rendre compte de la complexité des entreprises multinationales et mondiales, et d'améliorer les interdépendances stratégiques entre le(s) siège(s) et les différentes unités d'affaires.
Repères : La politique de mobilité internationale chez Alcatel
Type de mobilité internationale Affectation - internationale -
Durée de 1 A 3 ans, gérée A partir du pays d'origine, généralement suivie du retour A l'unité initiale A la fin de la mission
Missions de courte durée
Projets de 3 A 12 mois, indemnité journalière et logement
Transfert International - sur proposition d'Alcatel
Commence en tant qu'affectation avec transformation en contrat local avant la fin de la
cinquième année
Transfert International - sur demande de l'employé
Position proposée selon les conditions locales, aide A la re-localisation
Expatrié
Postes traditionnellement basés dans les marchés émergeants, sans limitation de durée, gérée A partir du pays d'origine (sans unité d'affectation) - aujourd'hui l'exception et non plus la règle. - Euro Commuter - (Mobilité Européenne)
Pays d'origine européen, travaillant régulièrement dans un autre pays européen, rôle international. Voyage d'affaires (frais de transport, logement, imposable dans le pays d'origine)
Programmes d'échange
Expérience internationale de 6 A 24 mois, proposée aux employés A fort potentiel, échange de salariés sur postes équivalents
Rémunérations - Primes A la Mobilité Salaire de base
Rémunération, fonction de l'évaluation du poste A pourir
Conditions d'expatriation
Analyse des écarts - coût de vie (par remboursements, bilans)
Motivations
Primes A la mobilité, dans certains pays - primes - d'endurance -
Intéressement
Traitement d'égalité entre tous types d'expatriation
Accepilité
Accord préalable de l'employé sur l'ensemble des termes et conditions.
Source : Kiernan (2001), - Alcatel et la mobilité internationale -, Caree Développent International Mobility - Mars 2001.
Le processus de gestion des cadres expatriés
Le choix du recours A des cadres expatriés
Le choix de recourir A des cadres expatriés est une'solution alternative A celui de recruter sur place des cadres locaux. Bien que la plupart des entreprises s'accordent A dire qu'il vaut mieux chercher sur place des responsables pour leurs filiales internationales, le recours A des
managers expatriés n'est pas prASt de disparaitre. A€ titre d'exemple, de grandes comnies comme Shell qui disposent pourtant d'un réserir de cadres locaux important, font énormément appel au personnel expatrié, en ayant enyé plus de 5 000 responsables dans le monde, situés dans une centaine de pays (Hsieh et al., 2000). L'expatriation est donc un enjeu essentiel pour les firmes qu'il convient de bien comprendre, pour en saisir l'intérASt mais également ses limites. L'expatriation est tout d'abord un moyen pour l'entreprise de marquer sa présence dans les différentes filiales, en diffusant ses valeurs A l'ensemble des unités. La présence de cadres issus du siège permet d'assurer un contrôle étroit du siège sur les activités de l'entreprise. v
L'expatriation est aussi un moyen de transférer des compétences et sair faire du siège vers les filiales, en offrant A chaque unité le mASme niveau d'expérience et de professionnalisme. Cette politique peut notamment s'avérer utile, quand les compétences locales sont moins qualifiées que celles du siège. De plus, l'expatriation est un moyen de valoriser les
ressources humaines de l'entreprise : soit en exprimant la confiance du groupe A l'égard de ses managers expérimentés, soit en farisant le développement professionnel de cadres A haut potentiel. Dans ce second cas, l'expatriation devient un moyen pour les Direction des Ressources Humaines de promouir certains cadres A haut potentiel, en leur permettant d'accéder (rapidement) A des postes A responsabilité.
Exemple
A€ l'instar d'autres grandes entreprises, le groupe pétrolier Total, fusion de Total Fina et d'Elf (en 2000). quatrième producteur mondial d'hydrocarbures et cinquième chimiste a développé un suivi très organisé pour les cadres expatriés A haut potentiel, L'entreprise emploie pour cela des gestionnaires de carrières. Rattachés transversalement A la DRH centrale, ces responsables sont chargés de détecter les hauts potentiels et d'aider les salariés A changer de fonction (mobilité fonctionnelle) ou de pays (mobilité internationale) Cette fonction clé répond A plusieurs préoccupations : faire partager la mASme culture du métier, harmoniser les pratiques de
travail de l'entreprise, former certains employés des filiales locales, renforcer le contrôle des activités A l'étranger. Mais l'entreprise cherche surtout A fidéliser les cadres A haut potentiel pour qu'ils puissent faire carrière au sein du groupe. Le groupe entend ainsi encourager la mobilité internationale de ces cadres, afin de leur offrir des perspectives de carrières prometteuses. L'expatriation est donc un moyen pour des cadres talentueux d'accéder A un niveau d'autonomie et de responsabilités qu'il aurait été difficile d'obtenir A age et A expérience équivalente dans son propre pays. Cette expérience doit par la suite leur permettre de prendre des responsabilités importantes au sein du Groupe.
En dépit de ses avantages, l'expatriation n'est pas sans poser des problèmes A l'entreprise! Les
salaires des expatriés, les indemnités et avantages associés A leur fonction (logement, assurance, formation) sont très souvent supérieurs A un demi - million de dollars par an (Mckinsey, 1997). Les coûts peuvent parfois atteindre le million de dollars, si on prend en compte le temps et l'investissement passés dans la sélection des candidats, les visites effectuées et la gestion des transferts. Cette option crée également des problèmes d'un point de vue managérial. Elle peut AStre perA§ue par les acteurs locaux comme une main mise du groupe sur leur organisation, en réduisant fortement leur autonomie de décision. Ce ressenti peut dès lors se traduire par un manque de loyauté des acteurs locaux A l'égard d'une filiale considérée comme - étrangère - A la culture du pays. Elle peut également entrainer une démotivation des cadres locaux qui ient, dans la décision d'expatrier, l'impossibilité pour eux d'atteindre les postes- clés occupés par les expatriés. Une expatriation mal gérée peut, de ce fait, aboutir A un clivage entre les cadres locaux et étrangers. Sur un autre , l'expatriation pose aussi des problèmes personnels pour les cadres expatriés (gestion des risques, incertitude) et leur famille (difficultés A s'adapter aux codes et pratiques du pays), en venant perturber leur style et mode de vie. L'adaptation A un environnement peu familier et parfois hostile peut ainsi conduire certains expatriés A quitter leur fonction. '
L'expatriation est donc une décision qui doit AStre mûrement réfléchie par la direction de l'entreprise, compte tenu des problèmes que pose ce type de politique. Le choix de cette politique doit en effet s'apprécier au regard de ses avantages mais aussi de ses limites. Il est par conséquent proposé de er cette option par rapport au choix de recruter des cadres locaux.
La sélection des cadres expatriés
Dans les grands groupes, l'expatriation est traditionnellement réservée aux cadres expérimentés dont les compétences managériales doivent contribuer A exercer un contrôle plus étroit des activités. Le profil recherché est par conséquent des responsables de haut niveau, ayant déjA dirigé des centres de profit et dotés d'une expérience A l'international.'Mais la mobilité internationale des cadres peut également concerner des collaborateurs plus jeunes, appelés A un brillant avenir au sein du Groupe. Elle touche, dans ce cas, principalement des personnes A haut potentiel (Bournois, Roussillon, 1998), célibataires de préférence ou mariés sans enfant, qui présentent un esprit tourné vers l'international (ouverture d'esprit, capacités managériales, gestion du stress)'. Ces jeunes cadres sont généralement enyés A l'étranger, pour acquérir une première expérience internationale et développer leurs facultés d'adaptation A un environnement nouveau et peu familier. L'expatriation est par conséquent un moyen de révéler des personnes talentueuses et autonomes, capables de se remettre en cause face A des situations nouvelles ou imprévues (Cerdin, 1999). Elle constitue d'ailleurs un passage quasi-obligé pour les personnes souhaitant accéder rapidement A des postes de responsabilités au sein du Groupe (Renaud, 2003 ')» La mobilité internationale intervient en effet A différents stades de la progression de carrières et s'impose donc comme un des facteurs clés de la labé-lisation du cadre A haut potentiel puis de son élution vers le statut de cadre diri-géant. Elle est un moyen d'apprécier les qualités de résistance physique, physiologique et professionnelle face A des changements facteurs de
stress et d'anxiété.' Le choix d'affecter un cadre A l'international est donc rarement le fruit du hasard. Il s'appuie sur des critères de sélection précis et stricts.
Les risques de l'expatriation et la gestion du rapatriement
La réussite d'une expatriation ne va pas de soi et dépend de la capacité du cadre expatrié A s'adapter A différents environnements de nature différente. Cerdin et Peretti (2000) en distinguent trois principaux. La première dimension concerne l'environnement professionnel et vise A étudier l'attitude et le comportement du cadre expatrié dans le cadre de son nouveau travail. Le second porte sur l'environnement social et culturel et la manière dont le cadre va réussir A s'exprimer et communiquer avec la population locale. La troisième dimension concerne l'environnement général (sociétal) et la faA§on dont le cadre et sa famille nt s'adapter aux conditions de vie du pays d'accueil.
Les raisons des échecs des mutations internationales
Les dernières enquAStes menées sur le sujet sont explicites : entre un tiers et un quart des salariés ayant opté pour des mutations internationales éprouveraient des difficultés A s'adapter A un contexte culturel non familier et quitteraient leur poste avant la fin de leur contrat souvent de trois ans (Adler, 2001 ; Harreau, 2000 ; Bross, Matte, 1997). Des études réalisées aux états-Unis montrent d'ailleurs que le taux d'échec des mutations internationales sans préparation est d'environ 25 % et peut parfois aller jusqu'A 40% des effectifs transférés (Nancy, Ghandar, 1990). Les taux d'échecs s'avèrent particulièrement élevés pour les entreprises américaines en aison A leurs homo-logues européens, et concernent principalement les expériences menées dans les pays en ie de développement. Les facteurs d'échecs A une mutation internationale sont donc nombreux. (Stone, 1991 ; Tung, 1987 ; Holmes, Piker, 1980).
Les risques qui peuvent naitre de mutations internationales, sont d'autant plus difficiles A anticiper et A gérer qu'ils sont précisément le produit de fondement cultu-rels. Ces problèmes peuvent prendre différentes formes :
- un problème de
leadership (ou de positionnement) au sein de l'entreprise, où
l'individu n'arrive pas A s'imposer auprès de ses collègues locaux qui refusent de
collaborer - activement - avec lui ;
- un problème de socialisation vis-A -vis de la population du pays d'accueil, où
l'individu ne parvient A s'insérer dans l'environnement culturel et social du pays et reste pour l'ensemble de ses interlocuteurs, un vérile - étranger -, avec un réel risque de marginalisation ;
un problème de résistance (physique, psychologique et culturel) A de nouvelles croyances, valeurs et normes culturelles qui imposent un changement radical dans la faA§on de gérer l'espace, le temps et ses relations avec les autres.
Exemple
Prenons le cas d'une mutation de responsables allemands appartenant A une entreprise de mécanique vers une filiale imtée en Inde, au début des années quatre-vingt-dix. Cette expérience d'expatriation fut un échec principalement pour des raisons d'incompréhension culturelle cl d'adaptation A l'environnement local. Elle conduit au développement de préjugés entre les groupes d'acteurs en présence. Les Allemands eurent en effet du mal A se défaire d'une image rigide et dominatrice. Les Indiens furent taxés de manque d'autonomie et de responsabilités dans leur travail. La raison de cet échec provient principalement d'un manque d'adaptation A la culture et aux pratiques du pays d'accueil. On peut dans le cas présent identifier comme principal élément de fracture culturelle qui conduisit au retour (et au remplacement) de près la moitié des responsables allemands en l'espace de deux ans, le problème du rôle, de la position et de la contribution de l'individu dans l'entreprise. Dans le cadre de la gestion des activités, si la notion de fonction et de taches était naturelle pour les
manager allemands, elle est apparue comme un élément dévalorisant pour une majorité des salariés indiens. Alors que pour l'allemand, la réalisation professionnelle (et sa gratification) reposait avant tout sur l'accomplissement de la tache, les collaborateurs indiens perA§urent cette demande comme une marque d'irrespect. Le statut de l'action en Inde est en effet dévalorisé au profit d'une position plus métaphysique (spiritualisme), où la réflexion doit l'emporter sur l'exécution. Selon cette vision de l'organisation qui sépare réflexion et action, aborder le travail sous l'angle des taches, c'est considérer son interlocuteur comme un exécutant, une personne de position inférieure. C'est également créer un lien entre action et performance que l'Indien traduira comme une position intéressée centrée sur le profit. Or pour l'Indien, l'action doit avant tout s'insérer dans une vision globale et collective au service de la communauté.
Si ces problèmes existent quel que soit le cadre expatrié, les réponses A apporter se révèlent d'autant plus difficiles, lorsque le cadre en question aborde et analyse sa situation de manière erronée. Plusieurs facteurs peuvent en effet contribuer A transformer une situation normale (bien que délicate) en une position inconforle, source de frictions et de malentendus (cf. leau) :
La gestion du rapatriement des cadres internationaux
Au-delA de la capacité des salariés A s'adapter A un nouvel environnement, une autre raison d'échecs en matière de mutation internationale peut venir de la difficulté de la personne A se - réadapter - aux conditions de son entreprise (culture, ambiance, conditions de travail), ire de son pays d'origine (habitudes, comportements, conditions de vie). En effet, les écrits portant sur les politiques de rapatriement font référence A 'deux types de problèmes vécus par les employés, lorsqu'ils sont de retour au sein de leur pays d'origine. On distingue d'une part, les problèmes professionnels (relatifs A l'emploi occupé par le cadre A son retour) et d'autre part, les problèmes personnels (liés A la situation familiale du cadre). Le rapatriement ne conduit donc pas nécessairement A une réintégration aisée du personnel expatrié dans son ancienne organisation. Le changement de contextes (réorganisation interne, nouveaux salariés, nouvelles références), les élutions du
marché du travail et de l'emploi, les habitudes prises par l'expatrié et sa famille sont autant d'éléments qui peuvent rendre le retour du salarié expatrié excessivement difficile? Il peut par conséquent arriver que le retour dans le pays d'origine soit vécu comme une désillusion et ne permette pas au salarié de se réinsérer facilement dans son environnement antérieur, tant d'un point de vue professionnel que personnel.
Facteurs d'échecs des mutations internationales
Approche opportuniste de la mutation, sans prise en compte des réelles conséquences de cette décision sur le développement personnel et familial (réactions et adaptation de la famille au fait de rester dans le pays d'origine ou de suivre le salarié dans sa mutation)
Conscience limitée de la réalité du choc culturel (minimisation du facteur culturel et humain) et de ses conséquences en matière de gestion relationnelle et humaine
Absence de sensibilité culturelle et d'ouverture sur l'autre (fort attachement A sa culture d'origine)
Priorité accordée aux compétences techniques au détriment des compétences managériales et interpersonnelles
Principaux problèmes liés au rapatriement
» Mauvaise préparation ou anticipation du retour de l'employé.
» Réadaptation familiale difficile pour des raisons psychologiques (envie de rester),
matérielles (problème du logement) ou financières.
» Difficulté A se réhabituer A la culture du pays et de son entreprise d'origine.
» Sous-utilisation de l'expérience acquise A l'étranger.
» Perte d'une partie de son ancienneté ou de sa position au sein de son entreprise (redistribution différente des sectiunes de pouir).
» Modification de la situation de l'emploi (insécurité, précarité, élution des compétences) au cours de la période, nécessitant un changement d'orientation professionnelle.