Une fois la transition entre les deux dirigeants passée, le repreneur se trouve seul face A une entreprise déjA en fonctionnement.
Nous représentons la logique du schéma de reprise sur la ure suinte.
Les deux acteurs de la reprise préparent l'opération chacun de leur côté. Après la signature de la vente, une période de transition peut avoir lieu et ce n'est qu'A l'issue de cette phase que le repreneur reste le seul dirigeant de la firme.
C'est un nouveau départ pour l'entreprise : le repreneur insuffle des changements dans la firme qu'il a reprise. La transmission représente aussi une opportunité pour relancer la firme et lui donner de nouvelles orientations stratégiques.
Les décisions et choix du repreneur
Dès son entrée dans les murs, le repreneur mcl en place une série d'actions et de décisions lui permettant de s'imprégner du fonctionnement de l'entreprise. Bien que certains repreneurs pensent - qu'en premier lieu, il ne faut rien faire -.
81 % estiment qu'il est important qu'une césure soit opérée par rapport A la gestion précédente, pour que le nouveau management se démarque de celui de l'ancien dirigeant.
Il est d'ailleurs intéressant de noter que pour 38 % des repreneurs de notre enquASte, le moment effectif de la reprise correspond au moment de l'entrée dans les murs du repreneur (c'est-A -dire au début de la transition) et pour 37 % au départ du cédant1. La frontière est donc floue entre ceux qui se considèrent comme repreneur, malgré la présence encore effective de l'ancien dirigeant, et les autres.
Les choix politiques du repreneur
Le repreneur a déterminé et défini son champ d'action clans le de reprise : il cherche maintenant A le concrétiser. Selon la situation financière de la firme, il applique ou non son de redressement ou mcl en œuvre les décisions lui permettant de diriger la cible sur la voie qu'il a auparant envisagée.
Son principal souci consiste A se faire accepté par les acteurs concernés. Nous avons vu que la période de transition était propice A la rencontre des partenaires commerciaux et des sala-ries. Toutefois, dans certains cas. cet échange n'a pas eu lieu et c'est donc au repreneur de se présenter mais, cette fois, sans l'intermédiaire du cédant. Aussi, le repreneur doit prendre les mesures susceptibles de lui assurer son autorité.
Pour cela, il restaure, par exemple, les relations éventuellement interrompues et qui peuvent s'avérer intéressantes A eploiter. Cette restauration apparait le plus souvent comme une nécessité dans le cadre des reprises d'entreprises en difficulté, car il s'agit de conincre les acteurs (surtout les banquiers) qu'ils peuvent A nouveau faire crédit A la firme. Mais elle s'impose également lorsque le crédit et la crédibilité de l'entreprise reposent sur l'ancien dirigeant-propriétaire : les partenaires disparaissant avec ce dernier pour se diriger vers d'autres fournisseurs ou d'autres clients.
Exemple : Une affaire qui reposait sur le charisme du cédant
A. T. considère qu'il s'est trompé du tout au tout concernant l'opération de reprise qu'il a conduite. Il a racheté une entreprise en difficulté dans un secteur d'activité qu'il ne connaissait pas. La période de transition de six mois a été trop courte et insuffisante pour assurer le transfert complet du savoir-faire. Il a sous-estimé le poids de l'ancien dirigeant dans la firme qu'il a acquise. Compte tenu de son manque d'expérience dans le métier, les clients ont testé le nouveau dirigeant de l'entreprise qui ait l'habitude de les servir. Après trois commandes insatisfaisantes, les partenaires se sont tournées vers les concurrents.
Le repreneur n'est pas parvenu A remonter la perte de crédibilité de l'entreprise due, d'une part, au départ du cédant et, d'autre part, A un manque d'adapilité lors de son arrivée. L'entreprise a déposé le bilan deux ans plus tard. Elle a maintenant six mois pour faire ses preuves, mais la confiance des partenaires est perdue et pour redresser la pente, il faudrait pouvoir assurer aux fournisseurs, qu'ils seront réglés et aux clients, qu'ils seront livrés. Compte tenu de la situation, garantir de tels engagements n'est pas aisé.
Rassurer A l'intérieur de l'entreprise n'est pas une tache facile, surtout si la firme s'est trouvée engagée dans une procédure de redressement judiciaire, ou si le patron représentait la ligure centrale de l'affaire, A laquelle le personnel se trouit fortement attaché. Dans le contexte des PME, la gestion est souvent paternaliste. Les salariés sont appelés A accepter un nouveau dirigeant, mais le fait que le repreneur connaisse l'entreprise n'est pas forcément un antage, car des jalousies vis-A -vis de l'acquéreur peuvent se faire sentir. Quoi qu'il en soit, l'acheteur doit tout faire pour impliquer les salariés. .Ainsi en est-il de l'exemple suint.
Exemple : Une participation au capital des cadres de l'entreprise
Nous avons déjA parlé de cette tannerie du Sud-Ouest de la France qui a été acquise pour un montant de 14 millions de francs par un repreneur extérieur A la firme qui ne connaissait pas le secteur. Terriblement attiré par le produit, il a décidé de se lancer dans l'affaire malgré les avis contraires de son entourage (famille, amis, conseillers, banquiers). Il a commencé par intéresser les cadres de la cible et les faire participer au capital. Leur accord constituait pour lui une preuve que l'entreprise était intéressante et que l'affaire méritait d'AStre tentée. L'engagement financier de ce personnel qui connaissait très bien l'entreprise, aux côtés d'un repreneur, qui leur était inconnu, représentait, en outre, l'assurance que la reprise deit AStre réalisée.
Les
moyens pour rassurer restent une question d'appréciation personnelle et dépendent ant tout du style propre du repreneur. Notons qu'une période dans l'entreprise ant l'engagement de la reprise se révèle, si cela est possible, bénéfique, et assure au protagoniste une meilleure
connaissance de la communauté humaine que la firme représente. La démonstration des compétences du repreneur ne contribue qu'A asseoir la légitimité de ce dernier.
Rassurer A l'extérieur est aussi important surtout si l'affaire se trouve dans un état difficile ou si son objet repose sur la personne de l'ancien propriétaire. Le repreneur ne doit donc pas négliger les acteurs externes intervenant dans la vie de l'entité, dont, particulièrement, les organismes financiers, les clients et les fournisseurs.
Au-delA de ses compétences, le repreneur apporte également A l'affaire convoitée des relations nouvelles, qui ne peuvent que lui AStre bénéfiques (clients nouveaux, fournisseurs A moindres coûts). Il ne s'agit pas de remettre en cause les relations existantes, mais dantage de consolider la situation de l'entreprise, voire de l'orienter vers la croissance.
Les premières actions réalisées par le repreneur, qui correspondent donc aux premières phases du changement, ont surtout consisté A réorganiser la structure de la firme et A diversifier la clientèle.
Tableau 7.2 - Les principales actions du repreneur au début de la reprise
Diversifier la clientèle 62%
Réorganiser la structure de l'entreprise 49%
Poursuivre la politique du cédant 34%
Mettre en place une démarche qualité 32%
Proposer la nouvelle stratégie aux salariés 27%
S'occuper de l'image de marque de la cible 23%
Diversifier la production 15%
Se séparer du banquier du cédant 14%
Déménager 10%
Le succès d'une reprise repose non seulement sur la qualité du diagnostic, mais aussi et d'abord sur les qualités personnelles du repreneur. Il est important que ses compétences et sa légitimité soient admises par le personnel. Le repreneur doit savoir donner aux salariés confiance en lui-mASme cl ne pas apparaitre comme le - casseur - de l'entreprise. Sur le stratégique, il lui appartient d'informer ses collaborateurs sur ses intentions afin d'éviter que se prolonge une période d'incertitude et d'inquiétude de nature A nuire A la bonne marche de l'entreprise.
La notion de changement pour le repreneur
Le concept de reprise d'entreprise fait référence A une logique de changement créatrice dans la mesure où elle entraine automatiquement un changement pour l'entreprise reprise (au niveau du management, de son organisation, de ses objectifs, de ses finances), pour ses acteurs (un changement de direction provoque inévilement des modifications de plusieurs ordres) et pour le repreneur, qui obtient un nouveau statut, des responsabilités renouvelées et remet souvent son existence en cause. L'ampleur du changement pour l'individu dépend de sa situation de départ.
- L'AStre humain n'aime pas le changement et, dans une organisation, le dirigeant ne peut se permettre d'ignorer les mesures d'accomnement du changement. -
Mintzberg, 1986.
La résistance au changement de la part des cadres, actionnaires et du personnel de la société est A atténuer rapidement pour que la transaction de reprise, qui répond A une stratégie bien définie, soit un réel succès, sauve l'organisation et maintienne l'emploi. Mais, une fois que l'éventuel repreneur a tout étudié, pour passer A l'acte, lui aussi est amené A surmonter sa résistance au changement :
» tout d'abord, la résistance au changement duc aux habitudes et A l'inertie dans les raisonnements et les comportements est particulièrement importante lorsque l'individu a consacré l'essentiel de son engagement passé A une carrière de salarié, sans n'avoir jamais envisagé de reprendre une entreprise (dissonance, modèle familial) ;
» ensuite, la résistance an changement provenant de la peur de quelque chose d'inconnu s'explique par l'incertitude liée A un projet particulier ou A la méconnaissance de la réalité de la reprise et de la direction d'une PME :
» la résistance au changement liée A l'irréversibilité perA§ue de la nouvelle situation créée amène, dans certains cas, l'individu A estimer que si son projet venait A échouer il lui deviendrait impossible de trouver un quelconque emploi. Un échec, mASme s'il n'est pas immédiat, serait alors considéré connue catastrophique par l'individu :
» enfin, la résistance au changement consécutive A la perception de coûts d'opportunité et/ou de coûts irréversibles importants, entraine le repreneur A renoncer A une situation gratifiante, A accepter de consacrer moins de temps A sa famille et A ses loisirs, A engager l'essentiel de son patrimoine et A réduire son train de vie
Exemple : Les participants A un club de repreneurs
Lors de notre enquASte, nous avons assisté A des réunions d'un club de repreneurs affilié A une chambre de commerce et d'industrie. Plusieurs catégories de repreneurs sont présents dans ce type de réunions.
On trouve des repreneurs fermement décidés A reprendre, mais qui ne savent pas où s'adresser et cherchent une cible depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. Sont également impliqués d'éventuels acquéreurs qui sont plus lA pour voir. Certains d'entre eux ont émis l'idée de reprendre depuis plus de quinze ans. Il est mASme permis de se demander s'ils souhaitent réellement reprendre. En réalité, ils hésitent A franchir le pas, non parce qu'aucune entreprise ne les a jusqu'alors intéressés, mais parce qu'ils auraient A changer de situation personnelle et professionnelle.
D'ailleurs, quelques-uns tentent leur chance uniquement après un élément déclencheur modifiant leur vie personnelle (un divorce par exemple). Leur équilibre social étant perturbé, ils décrètent que le moment est venu de risquer également leur vie professionnelle.
Le fait que la cible change de dirigeant implique que des modifications vont se produire dans l'organisation et dans la gestion.
Le changement initié par le repreneur
Dans le cadre d'une reprise, le changement de dirigeant s'opère dans l'optique de la pérennité de la vie de la firme : il y a donc rupture (de gestion) et continuité (de l'entreprise). L'appréhension de ces caractéristiques touche A l'identité de la cible.
Rupture et continuité : l'ambilence du changement
Les ruptures font partie de la vie de l'entreprise : disparition d'un dirigeant ou cassure due A un événement imprévisible du marché ou de la concurrence, dépôt de bilan.
Si certaines ruptures sont difficiles A prévoir, celles consécutives A la transmission de l'entreprise saine peut AStre anticipée : le cédant devrait penser suffisamment A l'ance la transmission de sa firme pour prévenir l'opération et déterminer au préalable qui sera son successeur (un membre de sa famille, un salarié de son affaire, une autre entreprise ou un tiers). La préparation de l'opération joue en effet un rôle déterminant pour le trail du repreneur et donc pour l'avenir de la firme. Le changement est nécessaire mais il n 'a de sens que par rapport A l'idée de la continuité (Koenig, 1993).
Or, dans le cadre d'une reprise par une personne physique, le changement de dirigeant (correspondant A une rupture par rapport A l'ancienne direction) est nécessaire, voire vital, pour la continuation de la vie de l'entreprise qui est reprise.
Plus le changement est volontariste, plus il est accepté par les individus et entrainera dantage la reprise vers le succès. Or l'opération se caractérise par une dualité en matière de changement : d'une part, il est initié par le repreneur qui est alors identifié comme promoteur principal (approche volontariste) et, d'autre part, mASme dans une organisation A capacité de changement élevée, la réaction ambiguA« des salariés conduit A ce que l'opération soit aussi étudiée selon une approche déterministe. La capacité de changement est vue comme étant élevée par le dirigeant, mais perA§ue comme faible par les salaries de par leur réticence compréhensible.
Le changement dans une opération de reprise concerne surtout le dirigeant et, par conséquent,
le management qui entraine inévilement des modifications de l'identité de la firme (méthodes de trail, organisation, management). Les nouvelles orientations que donne le repreneur A la cible peuvent AStre mal perA§ues par les salariés.
Les réactions des salariés face au changement initie du repreneur dépendent de la situation initiale de la firme. Le repreneur d'une entreprise en difficulté, apparait en effet comme une chance de continuité de la firme alors que les salariés pensaient qu'elle fermerait. A€ la différence d'une transaction portant sur un actif quelconque (immeuble ou terrain) où l'on échange une quantité précise contre un prix, la reprise d'une affaire en difficulté concerne une collectivité d'hommes qui. au fond, troque des perspectives quasi certaines de disparition A brève échéance contre des espérances de redressement assorties d'un prix A payer, au moins provisoirement, sous la forme de licenciements partiels. En renche, pour le repreneur, s'intégrer dans une structure saine en fonctionnement s'avère plus délicat, car les salariés s'identifient A leur entreprise.
Les implications du changement d'identité du A une reprise d'entreprise
- L'entreprise constitue une société particulière avec sa structure, ses règles du jeu, ses normes et ses leurs, ses rASves et ses idéaux, ses passions et ses luttes mais aussi ses compétences et ses faiblesses propres -
Evrard, 1996.
Les AStres humains qui composent la firme lui fabriquent une histoire marquée par des épisodes critiques (affrontements, projets, réalisations, crises, succession). Chacun identifie l'organisation, et l'identité permet que chacun y adhère. L'identité se caractérise par deux facettes : l'imaginaire
organisationnel et les productions symboliques (règles informelles),
L'imaginaire organisationnel nous intéresse particulièrement, car il représente les images autour desquelles se réalise l'insertion psychologique de l'individu dans l'entreprise (l'image que le salarié a de son entreprise, des qualités idéales qu'il faut pour réussir dans l'entreprise et de la structure des pouvoirs du groupe auquel appartient l'individu). Or, si l'un des éléments se trouve louché, amputé ou modifié, c'est la représentation psychologique de l'entreprise pour l'individu qui est affectée. Il perd ses repères avec toute modification du mode de fonctionnement. L'identification de la personne A l'image interne de l'entreprise (en particulier en contexte de PME) l'apaise, la motive, la conforte dans ses engagements. A€ l'inverse, une hostilité continue ou un refus permanent de l'identification créent chez les personnes un sentiment insoutenable de frustration.
Pour que la reprise soit une réussite, il est nécessaire que le repreneur soit accepté, et que les salariés de l'entreprise n'aient pas une réaction trop violente par rapport au changement de dirigeant qui esl opéré.
Le particulier reprend une entité déjA en fonctionnement Les problèmes organisationnels surgissent aussi bien du fait de son arrivée que du changement de techniques de production, de nouveaux canaux
de distribution ou encore de nouvelles méthodes de gestion. Tout dépend du degré de réorganisation nécessaire faisant suite A la reprise et de la faA§on dont la transition entre le cédant et le repreneur s'est déroulée. En effet, la plupart des opérations de reprise se réalise dans le plus grand secret et le personnel apprend le rachat tardivement.
Au niveau organisationnel. donc collectif, la crainte se traduit par une baisse de l'engagement des salariés envers l'entreprise, par des conflits de pouvoirs, des comportements néfastes au trail et des relations tendues avec le repreneur.
Au niveau individuel, un mauis management de la reprise provoque des difficultés psychologiques liées A un fort sentiment de stress, dont l'origine se situe sur le de la crainte du salarié quant A la continuation de son emploi, A la reconnaissance de ses compétences ou A la sauvegarde de ses acquis Le sentiment de trahison est très fort ; les salariés se sentent abandonnes par leur dirigeant et, par manque d'information, des rumeurs apparaissent avec effet d'amplification. La peur du changement est très intense.
Les employés sont attachés A leur entreprise, leur trail, leurs collègues, leur routine, leur performance, leur évolution de carrière Faisant partie de l'entreprise cible, ils sont susceptibles de tout perdre. Il n'est d'ailleurs pas abusif de les er A un enfant qui serait changé d'environnement A cause d'une séparation de sa mère. En fait, les salariés sont conscients de ce qu'ils vont perdre mais n'ont pas suffisamment d'informations sur ce qui les attend. Ils entrent dans une période d'insilité.
L'enjeu est de taille, car, en général, et c'est surtout vrai pour les PME, les salariés sont attachés A leur ancien dirigeant. Ils connaissent ses qualités, ses défauts et, ensemble, ils ont développé l'entreprise. Des liens presque filiaux les unissent. C'est cette identité que le repreneur reconstruit par sa disponibilité, sa compréhension, sa capacité d'écoute et le respect du trail précédemment accompli. Une stratégie de changement qui ne réussit pas A traduire ses intentions en objectifs précis et en résultats éluables, risque de n'entrainer qu'une adhésion verbale de surface. De plus, outre sa rémunération, un individu trouve une motition particulière dans son trail pour pouvoir s'y investir et l'accomplir avec professionnalisme. Le changement doit donc AStre positif pour lui. en termes de motition, pour qu'il y adhère.