Les critères de choix de la cible, définis par le repreneur, sont à la fois assez larges pour ne pas chercher la « perle rare » et assez précis pour savoir ce qui sera systématiquement exclu du cadre des opportunités. Toutefois, le repreneur doit rester pragmatique et tenir compte des réalités du marché. Celui-ci se caractérise par une opacité qui s'explique par diverses raisons dont la principale tient au fait que les cédants décident tardivement de vendre leur entreprise.
En première analyse, le contexte des opérations de transmission/reprise s'explique par plusieurs facteurs parmi lesquels urent l'opacité et la confidentialité du
marché de la transmission des PME, une fiscalité pénalisante, la solbilité des repreneurs, l'absence de préparation de la transmission (ou sa préparation tardive) et les aspects affectifs.
L'opacité du marché
Il existe actuellement des milliers d'opportunités pour des candidats repreneurs qui voudraient gagner du temps, éviter les
risques inhérents à la création ex-nihilo et acquérir une affaire pour une somme inférieure à celle à engager pour créer de toute pièce une unité de taille able.
La rencontre difficile entre le cédant et le repreneur
Les opportunités ne manquent donc pas, mais l'information n'est pas ou est peu diffusée. Les entreprises saines sont rarement répertoriées contrairement aux entreprises en difficulté pour lesquelles on peut s'adresser aux tribunaux de commerce. Il existe sur les entreprises saines à reprendre un vérile réseau constitué de multiples sources, au sein duquel le prix et la qualité de l'information rient considérablement. En effet, le marché de la transmission/reprise reste opaque, mal organisé et d'un abord difficile. Ainsi, les diverses institutions chargées d'élir des relais entre cédants et acquéreurs, dont le rôle informatif mériterait d'être développé, sont nombreuses et d'une inégale efficacité (Larrerade Morel. 1996).
Un acquéreur nous a même déclaré que « quand vous habitez dans un quartier chic, vous voyez les propriétés se vendre, de nouveaux voisins aménager, sans qu'aucune annonce ne soit parue ; pour les entreprises, c'est le même phénomène : les firmes intéressantes se vendent toutes seules, par relations ».
Certains repreneurs ont détecté de réelles opportunités de reprises, intéressantes et renles, par le biais d'organismes d'appui. D'autres, au contraire, ont identifié leur entreprise par relations, plus ou moins personnelles.
Exemple : La détection grace à une bourse d'opportunités
Quand A. M. se décide à reprendre une entreprise, après une expérience en cabinet de conseils, il s'accorde six mois pour réaliser l'opération. Aussi « ratisse-t-il » de façon élargie. Ainsi :
- il parle de sa volonté d'acheter une firme à ses relations professionnelles, ses amis, sa famille;
- il se rend dans les CCI et chambres des métiers ;
- il épluche les bourses d'opportunités des diverses revues y afférant ;
- il se rend dans des clubs de repreneurs dans différentes régions de France ;
-il se renseigne auprès de banquiers, avocats, experts comples et cabinets de rapprochement
Au final, c'est grace à une annonce parue dans un magazine qu'il a détecté l'imprimerie dont il est aujourd'hui propriétaire.
Exemple : La détection par relations
B. T. est expert comple. Licencié pour diverses raisons à l'age de 52 ans, il se lance dans la reprise pour se constituer un trail, estimant qu'à son age, il lui serait difficile de trouver un emploi en cohérence avec ses envies et ses exigences en termes de niveau de vie. Il cherche auprès des différents relais possibles, et c'est par hasard, lors d'un mariage qu'il apprend que le frère d'un ami est lassé par la direction de son entreprise. La personne en question est, en réalité, un ancien camarade de classes d'école primaire ! Lié par ce passé, même si depuis, leurs relations aient été interrompues, une confiance instantanée s'est produite et la vente a été conclue très rapidement.
La culture du secret
La culture d'entreprise française n'incite guère les chefs d'entreprise à divulguer leurs intentions concernant la vente de leur affaire. Un chef d'entreprise vit beaucoup sur la confiance qu'il inspire à son entourage. Or, déclarer qu'il souhaite transmettre son entreprise inspire naturellement la méfiance des différents partenaires (clients, fournisseurs, banques) qui peuvent supposer que son entreprise est en difficultés, pour autant qu'il n'ait pas pu, ou su, communiquer ses réelles motitions.
Exemple : La recherche d'un repreneur
J. D. a mis environ quatre ans pour trouver le repreneur actuel de son entreprise. Ayant dans un premier temps fait appel à certaines structures d'appui traditionnelles (clubs de cession/reprise, cabinets de transmission spécialisés dans la manutention - métier de son entreprise) mais sans succès avéré - les repreneurs potentiels se sont révélés insolbles ou finalement pas réellement motivés par une reprise - J. D. a décidé d'informer son banquier. Beaucoup plus efficace, bien que risqué, grace au « bouche à oreille » et à la confiance de sa banque, J. D. a ainsi été mis en relation avec un repreneur intéressé et la vente s'est conclue un an plus tard. Le repreneur est totalement étranger au secteur d'activités mais possède d'excellentes compétences en finance. Son seul intérêt, au départ, pour l'entreprise réside dans la renilité de l'affaire.
Cependant, outre la difficulté de trouver un repreneur fiable, la plupart des dirigeants n'est pas prête à transmettre, pour des raisons techniques et psychologiques.
Les freins à la transmission d'une entreprise
Les difficultés techniques
Dans la majorité des cas, un chef d'entreprise ne se pose le problème de sa succession qu'une seule fois dans sa vie. Il n'a donc, en règle générale, aucun savoir-faire en la matière. Or les difficultés qu'il peut rencontrer à ce niveau sont très nombreuses et s'il veut en limiter l'ampleur, il a tout intérêt à réfléchir de façon très approfondie sur la transmission de son affaire.
Les principales questions qui se posent au cédant concernent l'objet de l'opération :
. la détermination des biens à céder et du repreneur (transmission conjugale, familiale, par donation, donation-partage, succession ; vente, cession à un tiers, à des salariés) ;
. la recherche du repreneur (approche directe, intermédiaires professionnels, annonces) ;
. la
négociation (choix d'un ou plusieurs conseils, détermination du ou des cédants, droits du conjoint, élissement de promesses, conclusion du contrat de vente, location ou élissement d'une donation) ;
. le
financement (fixation du prix, paiement comptant, à terme, modalités du crédit, fiscalité) ;
. la situation du cédant (retrait immédiat ou progressif, passation de pouvoirs, présentation aux salariés, aux clients, emploi des membres de la famille) ;
. les formalités à remplir.
Elir l'inventaire de ses propres objectifs (conserver ou non le conuôle de l'affaire, garder ou non une activité dans l'entreprise, réaliser une plus-lue, privilégier la pérennité des emplois, améliorer l'outil de production, garder ou non la même culture d'entreprise) conditionnera le profil de l'acheteur.
D'autre part, le cédant se pose des questions très opérationnelles concernant l'éluation de l'entreprise qu'il vend, le financement de la reprise et les dispositions légales. Un outil
économique est extrêmement difficile à estimer de façon objective : son vérile prix n'est pas tant fonction de sa leur que de ce que le repreneur peut en faire ou plutôt de ce qu'il projette d'en faire.
Au fil des années, le cédant s'est forgé une idée généralement assez précise de la leur de l'outil qu'il souhaite vendre. Son opinion est fatalement empreinte de subjectivité car, pour lui, en souvenir du passé, la leur est chargée d'affectif. La fixation d'un prix négocié entre le vendeur et l'acquéreur est donc d'autant plus difficile à déterminer que tous les aspects affectifs du premier s'opposeront aux éléments rationnels du second.
Une fois le prix négocié, l'un des problèmes du repreneur consiste à rassembler la somme nécessaire. Toutefois, pour faciliter la tache de l'acquéreur, le vendeur peut effectuer certains aménagements et réaliser un « toilettage » de l'entreprise selon ses objectifs. Cette phase préalable à la cession fait l'objet d'études ci de réflexions systématiques qui pourraient déboucher, par exemple, sur une restructuration juridique permettant de simplifier la tache du repreneur, la mise en société si l'entreprise est de type individuel, la séparation des actifs immobiliers du patrimoine ou le fractionnement des activités. De plus, dans l'hypothèse où le repreneur choisi ne disposerait pas des ressources financières nécessaires à l'acquisition de la majorité du capital, le cédant dispose de la possibilité de créer une holding.
Exemple : La mise en filiale d'une agence
F. D. a toujours traillé dans une entreprise d'isolation de toitures de Toulouse. Petit à petit, il en était devenu le responsable. En réalité, cette firme disposait de deux sites : Toulouse et Marseille. L'unité de Marseille était gérée par le fondateur. Agé et en mauise santé, celui-ci décide de prendre sa retraite et de céder son bien à F. D.
Étudiant la proposition, F. D. se rend compte que l'entreprise dispose de très faibles capitaux propres et découvre surtout que l'ensemble de l'entreprise survit grace aux bons résultats du site de Toulouse. Il décide donc de ne racheter que cette unité. L'agence de Toulouse a alors été transformée en filiale de la société mère, basée à Marseille, pour faciliter le rachat.
Quand la transmission se passe hors du cadre familial, la mise au point d'un de succession comportant le désintéressement des héritiers est nécessaire, de même que l'abandon de programmes d'investissements importants qui pourraient se révéler incompatibles avec ceux du repreneur. Cependant, les investissements ne doivent pas être stoppés entièrement car, au cas où la vente prendrait plus de temps que prévu, l'entreprise, moins compétitive perdrait toute renilité.
Il de soi que toutes ces décisions ont des implications fiscales non négligeables, pas toujours aisées à comprendre. C'est pourquoi, dent ces problèmes techniques qui nécessitent du temps, des compétences et de l'expérience, il est recommandé au chef d'entreprise de s'entourer de conseils indépendants. Ces derniers permettront au cédant de se placer dans un contexte moins affectif et lui apporteront le fruit de leurs pratiques en la matière.
Les difficultés psychologiques ou émotionnelles
Outre le décès du propriétaire-gérant, les raisons qui poussent un dirigeant à vendre son entreprise sont nombreuses : désir de diversifier son patrimoine, souci de passer la main, retraite, age, absence de successeur direct, problèmes de santé, lassitude, conjoncture économique, divergence entre les actionnaires, souhait de réaliser une plus-lue. Selon les motitions pour se retirer de l'affaire, les cédants vivent d'un point de vite émotionnel différemment la transmission. Toutefois, d'une manière générale, les dirigeants sont attachés affectivement à leur entreprise.
Certains entrepreneurs acceptent difficilement une autre manière de gérer que la leur et ils peuvent créer autour d'eux une atmosphère qui rend toute évolution difficile. Pourtant, en matière de transmission, la pérennité de l'entreprise est l'élément le plus important pour le cédant. Cette situation découle directement du fait que les dirigeants de PME s'identifient très souvent et de façon très intense à leur entreprise. D'ailleurs, la succession d'un entrepreneur n'est pas exempte d'un certain aspect tragique et pathétique, étant donne la charge d'émotions qu'il a investie dans son affaire.
Exemple : La recherche d'un repreneur, personne physique et non personne morale
J. D. a toujours souhaité vendre l'ensemble de son entreprise. Il a naturellement porté son choix d'un repreneur vers un particulier pour ne pas voir l'objet de sa création entre les mains d'une firme - susceptible de le dépecer - et encore moins dans celles d'un concurrent. Le développement de son entreprise profitant à un concurrent serait réellement vécu pour lui comme un échec, même si celui-ci en offrait un prix supérieur aux 10 millions de francs qu'il s'était fixé. Il a créé son entreprise, par souci d'indépendance et, même si elle ne l'intéresse plus « officiellement », il a officieusement le désir qu'elle continue de vivre dans la même direction que celle qu'il a lui même amorcée, avec ses salariés, dans ses locaux et en utilisant ses machines.
Même si J. D. ne cède pas pour des raisons d'age, la connotation affective n'est pas exempte de la façon dont il a mené sa transmission.
Envisager la transmission de son entreprise, c'est réveiller l'idée désagréable - que l'individu préfère éviter - de l'inélucta-bililé de sa mort. En réalité la dimension psychologique de la transmission prend tout son sens dans la mesure où le cédant évoque un refus conscient, ou non conscient, de perdre un objet d'attachement central dans la construction de son identité personnelle et sociale, à savoir l'entreprise, La transmission correspond, en effet, le plus souvent au dénouement d'une histoire de vie qui s'accomne d'une perte d'identité, d'un amoindrissement de la reconnaissance sociale s'exprimant parfois dans une expérience de
crise douloureuse. L'entrepreneur qui cède son entreprise en abandonne, en effet, le contrôle, ce qui lui donne souvent le sentiment d'avoir perdu son identité et son statut social. La retraite peut être vue en nette opposition avec le désir, si caractéristique de l'entrepreneur, de déterminer son propre destin. Le fondateur de la firme s'identifie totalement à l'organisation qu'il a créée, parce qu'elle est centrale dans sa vie. Plus le dirigeant se sent impliqué, s'identifie à l'objet, plus il lui sera difficile de s'en dégager :
« En dehors de l'entreprise, je n'ai rien : pas de loisirs, pas de passion, pas de vie sociale. Mon entreprise a toujours été ma raison de vivre. Je me demande ce que je is faire maintenant » (un cédant).
C'est pourquoi la plupart des dirigeants reporte le moment, et surtout la préparation de la transmission. De par son implication constante et dévouée à l'entreprise tout au long de sa vie, le fondateur repousse la date de séparation de sa firme, car il aura l'impression de perdre une partie de lui-même. Or la préparation est la clé d'une transmission réussie. Souvent, le fait même de ne pas trouver de solution dans le cadre familial constitue déjà une première désolation.
Exemple : La déception de voir l'entreprise sortir du giron familial
Les sentiments éprouvés par J. D. vis-à-vis de son affaire semblent ambigus, voire contradictoires. Bien qu'ayant consacré une grande partie de sa vie professionnelle dans cette organisation qu'il a créée de toutes pièces, il pense ne pas y être trop attaché : il s'ennuie et souhaite changer de vie professionnelle.
Pourtant, pour lui, le repreneur idéal aurait été son fils, aujourd'hui agé de 27 ans. Mais ce dernier ne s'est jamais intéressé à l'affaire de son père, même pour des emplois d'été, et s'est dirigé dans une branche très différente. Il n'a nullement l'intention, ni les compétences, pour s'impliquer dans la gestion de l'entreprise créée par son père qui, de surcroit, selon lui, ne le laisserait pas suffisamment libre dans ses décisions. Si son fils héritait de la firme, J. D. pourrait continuer a suivre de près les évolutions de l'entreprise et aurait toujours la possibilité éventuelle de s'immiscer dans sa gestion. De plus, pour les partenaires extérieurs, l'entreprise passerait des mains du père à celles du fils, supposant, dès lors le même management, les mêmes orientations et un mode de fonctionnement identique.
Ainsi, J. D. reste naturellement affectivement très attaché à l'objet dont il est à l'origine.
Les différents freins de la transmission d'entreprise sont illustrés sur la ure suinte.
Le marché de la reprise est donc extrêmement complexe, car de nombreuses informations sont cachées. Pourtant, si les sources d'informations sont très nombreuses, elles sont critiquées dans deux rapports officiels :
. celui du Commissariat général du Plan ( 1996), coordonné par
B. Larrera de Morel ;
. celui de la commission des finances, de l'économie générale et du de l'Assemblée nationale (1999), présenté par le député Besson.