NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » POLITIQUE éCONOMIQUE » La transition : comment passer à la démocratie générale ? Les limites des stratégies du style de vie et de l'action directe
Le problème immédiat qui se pose aux partisans d'une démocratie générale, c'est d'élaborer une stratégie de transition : comment parnir à une situation où le projet démocratique deviendrait le paradigme social dominant ? Ce chapitre propose une démarche politique et économique pour créer le cadre institutionnel d'une démocratie générale. Elle repose sur une noulle forme de politique et, parallèlement, sur le passage graduel de ressources économiques (travail, capital, terre) hors de l'économie de marché. Laissons donc de côté les démarches (comme celle de la « société civile » dans ses différentes rsions) qui s'inscrint d'emblée dans le cadre institutionnel existant - l'économie de marché et la « démocratie » représentati. Parmi les théories s'inter-rogeant sur le moyen de changer radicalement la société, les principales, que proposent certains courants radicaux au sein des mouments rt et libertaire, répondent aujourd'hui : « par le style de vie» ou «par l'action directe». J'ai déjà analysé ailleurs1 les limites de ces deux réponses, et je me limiterai ici à résumer mon raisonnement. J'appelle « militants du style de vie » tous ceux qui s'engagent dans des activités où des institutions économiques et politiques alternatis sont créées pour elles-mêmes (dans l'espoir qu'elles induiront le changement social « par l'exemple », en modifiant les valeurs), et non dans le cadre de la construction d'un nouau moument antisystémique, doté d'une vision précise d'une société future et d'une stratégie pour la concrétiser. Ces militants ont raison, bien sûr, d'élaborer des solutions de rechange au sein du cadre institutionnel existant. Surtout si l'on se souvient que le déloppement inégal du niau de conscience dans la population est le problème principal de toute stratégie antisystémique, de tout effort pour remplacer le système de l'économie de marché et de la « démocratie » représentati par de noulles institutions démocratiques. Les changements systémiques du passé ont toujours eu lieu dans une situation où seule une minorité de la population avait déjà rompu ac le paradigme social dominant, ce qui a permis à dirses élites d'utiliser l'issue révolutionnaire pour créer de noulles formations sociales hété-ronomes. La question de fond est claire : comment un changement systé-mique - qui présuppose une rupture ac le passé, tant au niau subjectif, dans les consciences, qu'au niau institutionnel - peut-il être réalisé d'en bas, par une majorité de la population, ce qui rendrait possible l'abolition démocratique des structures de pouvoir? Une des réponses pourrait être : en répandant un nouau style de vie. Mais cette méthode est, à elle seule, totalement inefficace pour opérer un changement de système. Elle peut aider à créer une culture alternati dans de petites fractions de la population, elle peut remonter le moral aux militants qui ulent un changement immédiat dans leur vie, mais, dans le contexte actuel de concentration massi du pouvoir, elle n'a aucune chance de susciter la majorité démocratique nécessaire pour changer de système social. Il est trop facile de marginaliser les projets qu'inspire la stratégie du style de vie, ou, comme on l'a vu tant de fois, de les absorber dans les structures de pouvoir existantes ; et leur impact sur le processus de socialisation est minime, pour ne pas dire nul. De plus, puisqu'elles sont généralement ciblées sur des problèmes précis qu'elles n'intègrent pas à un politique de transformation globale de la société, ces stratégies ne contribuent pas à créer la conscience antisystémique nécessaire pour passer à un autre système. Enfin, le changement de système social ne pourra jamais se produire hors du champ politique et social central. Les structures et rapports de pouvoir existants ne seront éliminés ni « par l'exemple », ni par l'éducation et la persuasion. On ne peut détruire un pouvoir qu'ac du pouvoir. J'estime qu'il n'y a qu'un seul moyen de se doter d'une position de force compatible ac les objectifs du projet démocratique : élaborer un d'ensemble pour transformer radicalement les structures politiques et économiques au niau local. C'est à peu près pour les mêmes raisons que l'action directe, sous ses dirses formes, ne peut pas créer une conscience alternati. Si le « moument » antimondialisation, par exemple, qui est aujourd'hui la forme principale d'action directe, est bien plus politisé et radicalisé que beaucoup d'activités de « style de vie », il n'en souffre pas moins de faiblesses du même ordre. Il est déjà difficile de le considérer vraiment comme un moument puisqu'il est composé d'éléments hétérogènes qui vont d'organisations réformistes (ONG, Verts du courant central, syndicats, etc.) à des courants révolutionnaires antisystémiques. On aurait encore plus de mal à le qualifier de « moument antisystémique », puisque la plupart des militants qui y participent n'ont pas d'objectifs antisystémiques clairs : de toute évidence, ils ne cherchent pas à changer de système, mais à «résister» à la mondialisation, dans le (vain) espoir d'imposer l'instauration de contrôles sociaux efficaces sur l'économie de marché internationalisée, afin de protéger l'environnement et le travail. Il en va donc des activités du « moument » antimondialisation comme de celles des militants du style de vie : elles n'ont aucune chance de servir de stratégie de transition rs un autre système, sauf si elles s'intègrent à un moument politique de masse qui se fixe cet objectif. L'antimondialisation peut tout au plus faire de la résistance à la mondialisation et obtenir certaines réformes - mais en aucun cas un changement de système. Un moument de résistance ne peut jamais créer la conscience antisystémique nécessaire à un tel changement puisque sa nature même lui impose de se doter d'une plate-forme consensuelle, qui représente nécessairement le plus petit dénominateur commun entre les rendications des dirs courants dont il est composé. 11 est donc plus que vraisemblable, étant donné la structure actuelle du « moument » antimondialisation, que son programme politique sera réformiste. Enfin, gardons-nous d'oublier les paramètres que fixe le cadre institutionnel. Puisque le consensus néo-libéral et la forme actuelle de mondialisation ne relènt pas d'un simple « changement de politique », comme on se l'imagine trop sount à gauche, mais bel et bien d'un changement structurel imposé par l'internationalisation de l'économie de marché, les traits fondamentaux de la mondialisation néo-libérale - à commencer par les marchés ourts et flexibles, qui en sont des éléments cruciaux - ne disparaitront jamais dans le cadre institutionnel actuel. Une économie de marché aujourd'hui ne peut être qu'internationalisée, car la croissance (donc la renilité) des firmes transnationales qui contrôlent l'économie mondiale repose sur l'extension de leurs marchés au monde entier. Mais si l'économie de marché est nécessairement internationalisée, il faut bien que les marchés soient le plus ourts possible - et le plus flexibles. Par conséquent, tant que le système de l'économie de marché et de la « démocratie » représentati se reproduira, les réformes (qu'elles viennent d'« en haut » ou d'« en bas ») n'apporteront que des victoires éphémères, des conquêtes sociales rérsibles, pas très différentes des « acquis » du consensus social-démocrate qui sont aujourd'hui systématiquement démantelés2. |
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