Sens de la démocratie économique
Les définitions de la démocratie
économique que donnent habituellement les économistes libéraux, socialistes et verts sont inadéquates ou particulières, voire les deux ; il arrive aussi qu'elles prilégient une seule des deux formes principales du pouvoir économique : la propriété et la gestion.
Les néo-libéraux assimilent la démocratie économique au -
capitalisme populaire -, qui cependant n'assure ni propriété démocratique ni gestion démocratique des entreprises. Comme l'a montré l'expérience thatchérienne en la matière, quand on diffuse plus largement la propriété des actions, on ne réduit pas pour autant la concentration de la propriété et du pouvoir économique. Et cette diffusion des actions ne démocratise pas non plus la gestion, puisque les décisions économiques cruciales restent prises par des
managers et technocrates sur la base de critères de renilité.
La pratique de l'étatisme socialiste a souvent donné A la démocratie économique un sens étroit : système institutionnalisant la réduction au minimum des différences socio-économiques, qui, selon la théorie marxiste, sont dues en - dernière instance - A la répartition inégale de la propriété privée. L'état devait donc soit redistribuer le revenu par l'impôt et les prestations sociales (social-démocratie), soit abolir la propriété privée des
moyens de production (- socialisme réel -). Mais, comme la propriété privée des moyens de production n'est qu'un aspect du pouvoir économique, ni la tentative d'amoindrir les effets de sa répartition inégale sur le revenu, ni mASme son abolition totale ne pouvaient suffire A éliminer les rapports de domination économique. Le résultat de l'abolition, on l'a vu au chapitre 2, a été tout autre : le pouvoir économique de l'élite capitaliste contrôlant le secteur privé en économie de
marché a été simplement remplacé par celui de l'élite du Parti contrôlant le secteur public en économie ifiée.
Aujourd'hui, après l'effondrement du - socialisme réel -, la plupart des - socialistes - autoproclamés ont abandonné toute sion d'une société sans marché, sans état et non capitaliste. Ils assimilent la démocratie économique au renforcement de la - société cile - dans le cadre d'une démocratie - radicale -. En outre, ils n'élissent plus aucune tension dialectique entre l'état-nation et la - société cile -. Le renforcement de la seconde n'a plus rien A voir avec le dépérissement du premier, il se seulement A contrebalancer, ou simplement A contrôler, le pouvoir de l'état dans le cadre d'un système d'économie de marché. Bref, l'idée d'une économie socialiste ifiée émergeant après une période de transition a été purement et simplement abandonnée par la plupart des - socialistes - actuels22.
Enfin, certains économistes verts identifient la démocratie économique A divers types de - propriété des salariés - et de - démocratie sur le lieu de
travail -23. Mais mASme quand ces formes d'organisation économique supposent une gestion et une propriété démocratiques, le pouvoir de gestion est défini étroitement : il n'est exercé que par les ouvriers et employés de l'entreprise, pas par toute la société. Si l'on ajoute que, dans ce type de démocratie économique, c'est toujours le marché qui, en définitive, détermine ce qu'il faut produire et comment, on voit que tout cela ne change pas fondamentalement la nature du système concurrentiel. Les économistes du courant central vert ont beau tenir un discours anticroissance, tant qu'ils acceptent comme naturels le système de l'économie de marché et sa dynamique - croitre ou mourir -, ils se rallient indirectement A l'économie de croissance. Ces propositions n'abolissent pas le pouvoir économique, elles cherchent seulement A le décentraliser ; et elles sont bien incapables (tout autant que les versions libérale et socialiste de la démocratie économique) de garantir que l'intérASt général prévaudra. Nous avons donc grand besoin d'une définition de la démocratie économique qui implique l'abolition du pouvoir économique.
Dans le projet de démocratie générale, la démocratie économique doit inclure l'abolition des rapports de domination économique. Si nous définissons la démocratie politique comme l'autorité du peuple (démos) dans le champ politique - ce qui suppose l'égalité politique, au sens de répartition égalitaire du pouvoir politique -, la démocratie économique est l'autorité du démos dans le champ économique - ce qui suppose l'égalité économique, au sens de répartition égalitaire du pouvoir économique. Nous parlons ici, bien sûr, du démos et non de l'état, car, si l'état existe, c'est que le corps cique est exclu de la politique et de l'économie. La démocratie économique s'inscrit dans un système social qui institutionnalise l'intégration de la société et de l'économie. On peut la définir comme une structure et un processus économiques qui, par la participation directe des citoyens A la prise de décision économique et A la mise en œuvre de ces décisions, assure une répartition égalitaire du pouvoir économique entre eux. En dernière instance, c'est donc le démos qui contrôle le processus économique, dans un cadre institutionnel de propriété démotique des moyens de production.
Si l'on admet cette définition de la démocratie économique, voici les conditions qu'une société doit satisfaire pour en AStre une :
1. Aucun processus économique institutionnalisé de nature oligarchique. Toutes les décisions macro-économiques, celles qui concernent la gestion d'ensemble de l'économie (niveau global de la production, de la
consommation et de l'investissement, durée du travail et des loisirs, technologie utilisée, etc.), sont prises par le corps des citoyens, collectivement et sans représentation - les décisions micro-économiques, sur un lieu de travail ou dans un ménage, étant prises par cette unité de production ou de consommation.
2. Aucune structure économique institutionnalisée incarnant des rapports inégaux de pouvoir économique. Les moyens de production et
de distribution sont propriété collective du démos et directement gérés par lui. Toute inégalité de revenu résulte donc d'un travail supplémentaire volontaire, au niveau indiduel. Ce travail supplémentaire - au-delA de celui qui est requis, pour
la satisfaction des besoins essentiels, de tout membre de la société capable de travailler - n'autorise qu'une consommation supplémentaire : aucune accumulation indiduelle de
capital n'est possible et aucune richesse accumulée par ce travail supplémentaire ne peut AStre transmise en héritage. Ainsi, la propriété démotique de l'économie constitue la structure économique de la propriété démocratique, et la participation directe des citoyens aux décisions économiques élit le cadre d'un processus de gestion de l'économie entièrement démocratique. Le démos deent l'unité authentique de la e économique, puisque la démocratie économique n'est réalisable aujourd'hui que si la propriété et la gestion des ressources productives sont organisées au niveau local. Donc, A la différence des autres définitions de la démocratie économique, celle que nous donnons ici prévoit expressément la négation du pouvoir économique et l'autorité du peuple dans le champ économique. Ainsi conA§ue, la démocratie économique est le symétrique de la démocratie politique, et, plus largement, le fondement d'une démocratie générale.
Historiquement, mASme quand la démocratie directe a été introduite dans le champ politique, elle ne s'est pas nécessairement accomnée d'une démocratie économique. Ainsi, dans l'Athènes classique, la question du pouvoir économique n'a jamais été une préoccupation publique, sauf au sens étroit de redistribution du revenu et de la richesse. Pour une raison édente : l'accumulation du capital n'était pas une caractéristique structurelle de la démocratie athénienne, donc du paradigme social dominant. Les questions d'allocation des ressources économiques ne relevaient pas de l'espace public (Aristote l'a dit explicitement24), sauf s'il était besoin d'instaurer des dispositifs de contrôle social pour réglementer le marché (qui était fort limité), ou s'il s'agissait de financer des dépenses - publiques -. Ne soyons donc pas surpris de l'observation de Hansen : - Les Athéniens s'étaient dotés d'un réseau complexe d'institutions politiques, mais, pour autant qu'on puisse tirer une conclusion de nos sources, il n'y avait pas d'organisation économique parallèle25. -
C'est seulement quand est apparue l'économie de marché, il y a deux siècles, que l'on s'est posé la question du mode de prise de décision pour les choix économiques importants (que produire, comment et pour gui ?) et celle, plus générale, de la répartition du pouvoir économique. Il est clair que les formes d'organisation économique qui ont prévalu depuis l'émergence de l'économie de marché - le capitalisme et l'étatisme socialiste - n'ont été que des versions de l'oligarchie économique : le pouvoir économique y a été concentré entre les mains des élites capitalistes et bureaucratiques respectivement.
Mais mASme quand les efforts socialistes pour réduire le degré d'inégalité dans la répartition du revenu et de la richesse ont réussi, ils n'ont jamais été associés A des tentatives sérieuses pour instaurer un système de répartition égalitaire du pouvoir économique en général. Donc, s'il y a eu institutionnalisation de la démocratie politique, il n'y a jamais eu d'exemple de démocratie économique institutionnalisée, au sens large que j'ai défini plus haut. Et cela mASme si, dans le type de société qui a émergé depuis l'ascension de l'économie de marché, un tournant très net s'est produit : l'économie est passée du champ privé A ce que Hannah Arendt a nommé le -champ social-, auquel appartient aussi l'état-nation. C'est en raison de ce tournant qu'aujourd'hui tout discours sur la démocratie qui ignore la question du pouvoir économique sonne creux. Parler d'égalité politique sans dire que sa condition est l'égalité économique est au mieux une absurdité et au pis une escroquerie. Si le déclin actuel de la - démocratie - représentative amène beaucoup de libéraux, de sociaux-démocrates et d'autres A rendre un hommage verbal A la démocratie directe, ils ne l'associent jamais - et ce n'est pas par hasard - A son complément nécessaire, la démocratie économique.
De ce point de vue, j'estime manifestement fausses des déclarations comme celle où Noam Chomsky qualifie les états-Unis de - société très libre, très démocratique, [où], A la différence de tant d'autres dans le monde, nous pouvons agir et parler de multiples faA§ons sans craindre d'AStre sanctionnés et punis par l'état26 -. Un tel jugement ne tiendrait, je pense, que si nous pouons séparer la liberté et l'égalité politiques de la liberté et de l'égalité économiques. MASme si l'on admet qu'un degré de liberté politique important a pu AStre assuré aux états-Unis au niveau législatif (avec de sérieuses réserves, édemment, sur la faA§on dont cette législation est appliquée dans le cas des minorités, etc.), le degré très élevé d'inégalité économique et de pauvreté qui caractérise ce pays par rapport A son niveau de
développement économique ne permet certainement pas de le classer comme - société très libre, très démocratique - !
Un modèle de démocratie économique
Cette section se propose d'esquisser A grands traits les conditions dans lesquelles une démocratie générale pourrait fonctionner dans le monde actuel. Bien qu'il incombe A de futures assemblées de citoyens de concevoir la forme concrète d'une démocratie générale, il me parait important de démontrer que ce type de société est non seulement nécessaire, mais aussi réalisable. D'autant plus important qu'aujourd'hui la -gauche- autoproclamée a abandonné toute sion d'une société qui ne serait pas fondée sur l'économie de marché et la -démocratie- représentative: elle les considère désormais comme naturelles et récuse tout projet alternatif, qui lui parait - utopique -, au sens négatif du terme. En fait, c'est son propre projet - une démocratie - radicale - dans le cadre jugé naturel de l'actuelle économie de marché internationalisée - qui est parfaitement irréaliste. Il est utile de le prouver, et j'ai essayé de le faire dans la première partie de cet ouvrage. Mais il est tout aussi important de montrer comment - en gros - une société alternative fondée sur une démocratie générale pourrait essayer de résoudre les problèmes socio-économiques de base, ceux que doit affronter toute société disposant de ressources limitées, et non censée vre une - post-pénurie - imaginaire. Cette tentative de préciser les choses pourra aider les partisans du projet démocratique A se faire une idée plus concrète de la société qu'ils souhaitent et A répondre A ceux qui les qualifient d'- utopistes -.
Le type de démocratie économique présenté ici ne part pas du postulat que Hannah Arendt appelle la - fiction communiste - : - La société n'a qu'un seul et mASme intérASt. - Sur la base de cette - fiction -, on a pu imaginer que la - main insible - dans une économie de marché ou la ification dans une économie socialiste d'état allait satisfaire l'intérASt général. Mais ce postulat évacue un fait essentiel : l'actité sociale est la résultante des intentions de nombreux indidus27. Je propose donc d'assumer explicitement la diversité des AStres humains (qui rend le consensus impossible) et de l'institutionnaliser, par un système associant des procédures de ification démocratique et des bons utilisables sur un marché artificiel. L'objectif, c'est de réaliser une allocation des ressources qui garantirait A la fois le libre choix indiduel et la satisfaction des besoins essentiels de tous les citoyens.
La démocratie économique proposée ésectiune aussi le mythe de la phase du - communisme sans entrave -. Elle pose le problème en ces termes : comment, dans une société de pénurie où les ressources restent limitées et inférieures aux besoins, peut-on trouver une méthode d'allocation qui permette d'atteindre l'objectif sé ? Soit dit en passant, il n'est pas fortuit que certains libertaires modernes, partisans de la - politique de l'indidualisme -, jugent nécessaire, pour attaquer la démocratie, de recourir d'une part au mythe du communisme sans entrave, d'autre part A une distorsion du concept de démocratie, qui impliquerait selon eux une - domination - - celle de la majorité sur la minorité. L'intention est claire : la première idée rend la démocratie économique superflue, la seconde la démocratie directe indésirable28.
En bref29, la grande caractéristique du modèle proposé, qui le différencie aussi des modèles de la ification socialiste, est la suivante : il présuppose explicitement une économie sans état, sans argent et sans marché, qui exclut d'emblée l'accumulation privée de richesse et l'institutionnalisation de prilèges pour certaines composantes de la société - et cela sans faire l'hypothèse d'un état mythique d'abondance et sans sacrifier la liberté de choix.
Mais la concentration du pouvoir économique et l'interdépendance internationale ont atteint aujourd'hui un tel degré que mASme imaginer une forme de société radicalement différente, fondée sur la démocratie économique, est devenu difficile. Une telle société est-elle réalisable de nos jours ? Comment concevoir un système d'allocation des ressources qui serait compatible avec la démocratie économique? Des questions d'une telle ampleur appellent manifestement un important travail de recherche collectif. Je n'avancerai que quelques hypothèses sur les lignes directrices de l'entreprise. La théorie ne peut qu'explorer des possibles : c'est la praxis sociale qui donnera un contenu concret A la nouvelle forme d'organisation de la société. Je vais tenter d'esquisser une sion nouvelle de la démocratie économique - et de faire aussi certaines propositions précises sur la faA§on dont une économie démocratique pourrait fonctionner. A€ ce double niveau, la perspective que je présente ici est un modèle économique original, qui prilégie le démos.
Comme pour la démocratie directe, la démocratie économique aujourd'hui n'est réalisable qu'au niveau de dèmoi confédérés. Elle implique la propriété démotique de l'économie : les moyens e production doivent appartenir A chaque démos. C'est un système qui diffère radicalement tant des deux grandes forces de concentration du pouvoir économique (les économies de
croissance capitaliste et - socialiste -) que des divers types de capitalisme collectiste, dans le style - contrôle ouvrier - ou sous les formes plus modestes que proposent les sociaux-démocrates post-keynésiens30.
Voici les conditions préalables de la démocratie économique que nous allons esquisser :
» l'indépendance économique du démos : il compte d'abord sur ses propres forces ;
» la propriété démotique des ressources productives ;
» l'allocation confédérale des ressources.
L'indépendance économique du démos
- Compter sur ses propres forces - ' l'indépendance économique ' s'entend ici comme un principe d'autonomie. Il n'est pas synonyme d'autosuffisance : dans les conditions actuelles, celle-ci n'est ni réalisable ni souhaile. La déclaration de Cocoyoc des pays non alignés (1974) donne une bonne définition de ce concept : - indépendance en
ressources humaines et naturelles, ainsi que dans le choix des objectifs et dans la prise de décisions31 -. Donc, mASme si l'indépendance économique passe par une utilisation maximale des ressources et des sources d'énergie locales, ne la confondons pas avec l'autarcie et concevons-la toujours dans un cadre confédéral. Puisque le contrôle démocratique direct de l'économie et de la société n'est possible aujourd'hui qu'au niveau local, l'indépendance économique locale est édemment indispensable A l'autonomie politique et économique.
Mais ce n'est pas seulement pour des raisons d'autonomie
- pour reprendre le contrôle de ses affaires - qu'il est nécessaire de compter sur ses propres forces. C'est aussi parce que la tendance lourde historique A l'abandon de l'indépendance économique locale a eu d'importantes conséquences négatives aux niveaux macro-économique, culturel, enronnemental et social.
Au niveau macro-économique, les forces du marché ont condamné au chômage, A la pauvreté et mASme A la famine des millions de gens dans le monde entier. Le marché est le maitre de leur destin dès l'instant où ils ont perdu leur indépendance économique. Aujourd'hui, pour organiser la production et le travail, pour couvrir les besoins en biens et serces, et mASme pour assurer les serces sociaux (éducation, santé, etc.), les économies locales dépendent de centres extérieurs. Afin d'attirer des investisseurs, elles leur offrent des incitations très onéreuses en fermant souvent les yeux sur les retombées écologiques de leurs investissements, lesquels ne maximisent nullement l'emploi local et induisent une importante hémorragie de revenu. L'Organisation mondiale du commerce a rendu presque impossible l'indépendance agricole, ce qui a détruit les moyens d'existence de millions d'agriculteurs dans le monde entier et transformé l'agriculture en une actité encore plus intensive en produits chimiques, dominée par les grandes firmes de l'agro-alimentaire. En revanche, en - comptant sur ses propres forces -, on utilise au maximum les ressources et les sources d'énergie locales, ce qui permet de maximiser l'emploi local et, a les effets du - multiplicateur -, le revenu local.
Au niveau culturel, l'abandon de l'indépendance économique a conduit au démantèlement des liens et des valeurs sociales qui unissaient les communautés, ou mASme des cultures entières. Les valeurs du marché - compétitité et indidualisme - ont remplacé les valeurs communautaires ' solidarité et coopération. Elles ont transformé les AStres humains en citoyens passifs et en consommateurs.
Au niveau enronnemental, l'abandon de l'indépendance économique a conduit A l'irrationalité d'un système qui doit compter pour son fonctionnement quotidien sur le transport des biens et des personnes A très longue distance, avec toutes les conséquences sur l'enronnement qu'impliquent ces mouvements massifs32. L'indépendance économique est donc une condition nécessaire (mais non suffisante, certes) pour créer un ordre mondial écologiquement durable. Le seul moyen d'inverser le processus de surproduction et de surconsommation qui est l'effet principal de l'économie de croissance et la cause principale de la menace écologique, c'est aujourd'hui l'indépendance économique des dèmoi.
Enfin, l'abandon de l'indépendance économique s'est aussi accomné de coûts socio-économiques importants, qu'ont particulièrement soulignés les économistes verts33. La dision du travail déqualifie, la spécialisation rend vulnérable, le libre-échange crée la dépendance. Bref, en renonA§ant au principe - compter sur ses propres forces -, on prend un rage A cent quatre-ngts degrés qui éloigne de l'autonomie indiduelle et sociale.
La démocratie économique est donc impossible sans une
décentralisation radicale du pouvoir économique qui permette de mettre en œuvre ce principe. Mais, pour décentraliser radicalement, il faut abandonner le type de développement qui, historiquement, a confondu le Progrès avec la croissance et l'
efficacité économique. L'abandon de l'indépendance économique locale a été, de fait, un sous-produit inéle de la naissance de l'économie de marché. Les forces A l'œuvre dans cet abandon (la dision du travail, la spécialisation, l'exploitation de l'avantage atif dans le cadre du libre-échange) découlaient nécessairement de la nature expansionniste du système de l'économie de marché et de sa dynamique - croitre ou mourir -. De mASme, l'adoption de l'idée de Progrès par le marxisme a conduit A l'économie de croissance - socialiste -, où l'immense concentration du pouvoir économique entre les mains des bureaucrates contrôlant la ification centrale a détruit toute possibilité d'indépendance locale.
Aujourd'hui, une forme de décentralisation est en cours au sein de l'économie de marché internationalisée. Elle est due A des changements technologiques. Certaines phases du processus de production (voire, pour certains produits, sa totalité), accomplies jusqu'ici dans des pays capitalistes avancés, sont délocalisées A la semi-périphérie (Mexique, Corée, Taïwan, Europe méditerranéenne) ou A la périphérie (Thaïlande, Malaisie, Chine, Europe de l'Est). Les firmes transnationales ont désormais les moyens technologiques de transférer du centre A la périphérie certaines composantes de la production, pour minimiser ses coûts (dont les coûts enronnementaux). Mais cette décentralisation est physique et non économique : le pouvoir économique reste au centre métropolitain. La dynamique mASme de la phase néo-libérale - libération des
marchés des - contraintes - que leur a imposées l'état dans la phase étatiste de la marchéisation - concentre encore davantage le pouvoir économique dans les métropoles. C'est ce que j'appelle la décentralisation dépendante, partie intégrante du processus actuel de concentration du pouvoir économique dans les centres métropolitains, qui implique une reproduction de la dision hiérarchique du travail et des relations de domination/dépendance.
Un exemple clair de décentralisation dépendante est le - principe de subsidiarité - adopté par l'Union européenne, pour apaiser les craintes des peuples d'Europe que l'on dépouille mASme des possibilités d'autodétermination minimales dont ils disposaient. Ce principe, qui exige que les décisions soient prises au niveau le plus bas possible, décentralise essentiellement les décisions politiques. Les principales décisions économiques, elles, restent prises au centre par les élites politiques et économiques. Ce sont les zones métropolitaines qui déterminent l'importance et le contenu du développement des zones périphériques, tant au niveau micro-économique qu'au niveau macro-économique. Au niveau - micro -, parce que le capital multinational nécessaire au développement périphérique ent des zones métropolitaines. Au niveau - macro -, parce que les aires économiquement les plus puissantes sont en mesure, a les institutions de l'Union européenne (et particulièrement la Banque centrale européenne), d'imposer directement leur volonté aux plus faibles.
A€ l'inverse de ce type de décentralisation, il y a la décentralisation indépendante : elle ne peut AStre fondée que sur l'interdépendance horizontale de dèmoi qui, économiquement, comptent sur leurs propres forces. Les rapports économiques entre les dèmoi confédérés doivent donc AStre structurés de faA§on A renforcer l'aptitude de chacun A l'indépendance : il s'agit d'un contexte de soutien collectif et non, comme aujourd'hui, de domination-dépendance. On ne peut l'instaurer qu'au sein d'un processus de ification démocratique confédéral. L'indépendance économique signifie, dans ce cadre-lA , que les besoins essentiels définis démocratiquement sont A couvrir autant que possible localement, mASme si le niveau de satisfaction doit AStre le mASme dans toute la confédération. Les échanges entre les dèmoi membres d'une confédération sont nécessaires et souhailes, car en comptant sur ses propres forces on ne satisfera jamais tous les besoins. Mais qui contrôle ces échanges ? Tel est le vrai problème. Est-ce le démos lui-mASme, comme cela se passait, par exemple, dans les lles libres médiévales34? Ou est-ce le - marché -, c'est-A -dire ceux qui, en raison de leur pouvoir économique, sont en position de le dominer -l'élite économique ?
L'un des problèmes importants que pose l'indépendance économique est celui de la taille de l'unité de base. Quelles doivent AStre les dimensions du démos ? Elles doivent assurer la abilité de l'indépendance économique tout en restant compatibles avec les démocraties directe et économique. Pour la abilité économique, on ne peut donner aucune réponse générale a priori, étant donné l'importance de facteurs comme l'accès aux matières premières, le climat, la géographie, etc. Mais il est révélateur qu'au début des années 1990 70% des pays de moins de cent mille habitants étaient classés par la Banque mondiale parmi les pays - A haut revenu - ou - A revenu moyen-supérieur -35. Ce qui montre que la aille n'est pas un déterminant exclusif ni mASme décisif de la abilité économique, pour peu, bien sûr, qu'elle dépasse un seuil minimal (trente mille) qui permette de satisfaire localement beaucoup, voire la plupart des besoins essentiels.
C'est donc la compatibilité avec les démocraties directe et économique ' la possibilité concrète de prendre des décisions en assemblée générale - qui doit AStre le grand critère pour déterminer la taille du démos indépendant. Sur ces bases, on pourrait définir le démos comme l'unité économique la plus appropriée pour constituer le noyau d'une démocratie générale. Il faudra probablement morceler en plusieurs dèmoi de nombreuses lles modernes, étant donné leur gigantisme. Il ne s'agira pas, toutefois, d'une décentralisation physique immédiate - elle n'est manifestement ensageable qu'A long terme -, mais d'une décentralisation institutionnelle, réalisable rapidement.
La propriété démotique des ressources productives
La question de la propriété - qui possède et gère les ressources productives? - ne doit pas AStre confondue avec celle de l'allocation des ressources - le mécanisme par lequel on répond aux interrogations fondamentales : que produire, comment et pour qui ? Les deux formes modernes de propriété des ressources productives sont la capitaliste et la socialiste, et les deux principaux mécanismes d'allocation des ressources sont le marché et la ification. L'expérience historique nous a offert toutes sortes de combinaisons entre les systèmes de gestion/propriété et les modes d'allocation des ressources, des firmes nationalisées dans un système d'économie de marché aux firmes capitalistes dans une économie ifiée.
Il ne faut pas confondre non plus la propriété et le pouvoir de gestion. Et je ne pense pas seulement A l'argumentaire bien connu sur le divorce entre propriété et gestion dans les sociétés anonymes géantes d'aujourd'hui, possédées par les actionnaires mais dirigées par des managers et technocrates. Ce célèbre - divorce - n'en est d'ailleurs pas un, puisque, en un sens ' le plus important de notre point de vue ', actionnaires et managers/technocrates partagent des motivations communes : faire des profits et reproduire des relations hiérarchiques qui excluent la grande majorité des salariés de toute prise de décision réelle. Je pense plutôt au cas où une firme appartient A ses salariés, mais est malgré tout gérée et contrôlée de fait par des technocrates, managers et autres (par exemple, la coopérative ouvrière type Mondragon*). LA , il pourrait y avoir un divorce réel entre les intérASts de ceux qui possèdent la firme (les ouvriers) et de ceux qui la dirigent (les managers, etc.) : mASme si la renilité est un objectif commun, la hiérarchie n'en est probablement pas un. Ce conflit d'intérASts a un impact réel, que reconnaissent mASme les partisans des coopératives ouvrières : - Beaucoup de coopératives ont en fait souffert d'une mauvaise gestion, essentiellement due au manque de discipline : les ouvriers des ateliers ignorent les ordres de la direction36. -
Le système capitaliste de propriété, c'est la propriété privée des ressources productives, généralement associée A un système de marché qui les alloue A divers usages. Avec ou sans le marché, la propriété privée des ressources productives signifie que la gestion va serr des intérASts particuliers (ceux des actionnaires, des directeurs ou des ouvriers) et non l'intérASt général. Et quand cette propriété privée s'accomne d'une allocation par le marché, le résultat est inélement l'inégalité, la concentration du pouvoir politique et économique, le
chômage et le mal-développement, le développement - inapproprié -37. Enfin, la dynamique - croitre ou mourir - qui se développe nécessairement dans ce cadre inspire des efforts systémiques pour asserr la nature, donc amène A dégrader l'enronnement. Ce système est manifestement incompatible avec une démocratie générale.
Quant au système - socialiste - de propriété, c'est une - propriété sociale - des moyens de production, qui peut exister soit au sein du marché, soit dans le cadre d'une économie ifiée. Historiquement, elle a pris deux formes principales : a) les entreprises nationalisées ; b) les entreprises collectisées et autogérées.
Dans les entreprises nationalisées, il existe un divorce réel entre la propriété et la gestion. La propriété et le pouvoir décision-naire appartiennent officiellement A la société dans son ensemble, mais la gestion effective de la production incombe A des élites technocratiques (en économie de marché) ou bureaucratiques (dans un système ifié), qui prennent toutes les décisions économiques importantes, en général dans leur propre intérASt. Telle est la vérité, que ces entreprises opèrent dans un système d'économie de marché (où elles sont en général indistinguables, quant A leurs objectifs réels, des firmes capitalistes normales) ou dans un système d'économie ifiée - socialiste - (elles sont alors dirigées par l'élite du Parti a sa mainmise sur l'appareil d'état, dans le cadre d'un contrôle bureaucratique vertical). Les entreprises nationalisées sont donc incompatibles avec la démocratie.
Quant A l'entreprise collectisée et autogérée, elle appartient, en totalité ou en partie, A ses ouvriers et employés. Historiquement, nous trouvons ce type de propriété tant dans une économie de marché (les coopératives Mondragon) que dans une économie ifiée - socialiste - (les entreprises autogérées yougoslaves). La faiblesse principale de ce système est claire : plus ces entreprises autogérées sont indépendantes les unes des autres et de la société en général, plus elles ont tendance A satisfaire l'intérASt -particulier - de leurs salariés contre l'intérASt général des citoyens. Si les industries nationalisées servent essentiellement les intérASts particuliers des technocrates ou des élites du Parti qui les gèrent, les entreprises autogérées servent d'abord ceux de leur personnel. De plus, pour survre dans un monde concurrentiel, elles doivent en général utiliser les mASmes méthodes de production que les firmes capitalistes (méthodes qui peuvent AStre aliénantes, dommageables A l'enronnement, passer par des réductions de personnel, etc.). Les entreprises collectisées et autogérées sont aussi amenées A rivaliser entre elles pour les ressources productives (la terre, le travail, etc.), sur un mode tout A fait semblable A la
concurrence entre firmes capitalistes. Enfin, cette démarche autogestionnaire ne peut pas assurer l'autonomie du travailleur en tant que citoyen. Si certaines formes d'autogestion soutenues par des syndicalistes et par des courants du mouvement vert peuvent instaurer des procédures démocratiques au sein de l'entreprise (ce que nous appelons la - démocratie dans le domaine social -), elles ne font rien pour promouvoir la démocratie en général. Ces expériences d'autogestion, comme le souligne Murray Bookchin, relèvent souvent de l'- exploitation économique avec la complicité des travailleurs38 - : elles ne peuvent pas libérer de la tyrannie de l'usine et du travail rationalisé. Les entreprises collectisées autogérées sont donc elles aussi incompatibles avec la démocratie générale, notamment économique.
La démocratie économique exige donc, de toute édence, un nouveau type d'entreprise, caractérisé par une forme de propriété sociale qui garantisse une propriété et une gestion démocratiques des ressources productives. C'est Y entreprise démotique, fondée sur la propriété démotique. Ce type de propriété aboutit A la politisation de l'économie : c'est la vraie synthèse de l'économie et du corps politique, et on ne peut la réussir que dans le cadre institutionnel d'une démocratie générale. Un cadre qui, par définition, exclut tout divorce entre la propriété et la gestion, et garantit que l'objectif sera l'intérASt général. Comme on le verra dans la section suivante, c'est en effet l'ensemble du démos qui prend les décisions économiques, dans les assemblées de citoyens où les indidus déterminent, en tant que citoyens et non comme membres de catégories professionnelles (ouvriers, techniciens, ingénieurs, agriculteurs, etc.), les options macro-économiques fondamentales qui vont influencer leur e. Tout en participant ainsi aux décisions du démos sur les objectifs globaux de la ification, les indidus prennent part aussi, en tant que travailleurs (au sens large de membres des diverses catégories professionnelles), dans leurs assemblées de lieu de travail, A un processus d'application/modification du démocratique et A la gestion de leur propre lieu de travail. Le processus de ification démocratique reposerait donc sur une boucle de rétroaction permanente, un feed-back continu d'informations circulant des assemblées démotiques et confédérale vers les assemblées des lieux de travail, et ce versa. Enfin, la gestion des entreprises pourrait AStre supersée par une sorte de conseil de surveillance nommé par l'assemblée du lieu de travail. Ce conseil de surveillance devrait comprendre des professionnels disposant de
connaissances spécialisées, et ses membres seraient A tout instant révocables par l'assemblée du lieu de travail ; il serait contrôlé aussi, indirectement, par les assemblées démotiques. L'assemblée du lieu de travail est donc A la fois une institution de la - démocratie dans le domaine social - et, par sa participation au processus de ification démocratique, l'un des piliers de la démocratie économique. C'est pourquoi les assemblées de lieu de travail, conjointement avec les assemblées citoyennes et dans le cadre d'une distinction claire et nette des responsabilités et des fonctions, constituent le noyau dur de la démocratie générale.
L'allocation confédérale des ressources
Ce troisième préalable pose que, dans une démocratie générale, le mécanisme qui décide de l'allocation des ressources rares ne doit pas opérer au niveau démotique mais confédéral - au niveau de la confédération des démoi. Dans les sociétés actuelles, en effet, de nombreux problèmes ne peuvent AStre résolus au niveau local (l'énergie, l'enronnement, les transports, les communications, les transferts de technologie ' pour n'en citer que quelques-uns).
Mais, outre les impératifs de coordination, une autre question se pose : quel est le mécanisme qui pourrait assurer une allocation juste et efficace des ressources, tant A l'intérieur du démos qu'entre les dèmoi ? Je vais en proposer un, conA§u pour remplacer le jeu du marché et la ification centralisée.
Le premier est A rejeter parce que le système de l'économie de marché, instauré il y a deux cents ans, n'a cessé depuis lors de concentrer le revenu et la richesse entre les mains d'une petite fraction de la population mondiale, donc d'opérer une allocation distordue des ressources de la ète. Pour une raison simple : en économie de marché, les décisions d'allocation cruciales (que produire, comment et pour qui ?) sont prises en fonction du pouvoir d'achat des catégories en mesure de payer ce qu'elles demandent. Puisque la dynamique de l'économie de marché crée inélement un contexte d'inégalité, le projet de satisfaire les besoins humains par le marché se heurte A une contradiction fondamentale - entre la satisfaction potentielle des besoins essentiels de toute la population et la satisfaction réelle des désirs solvabies d'une partie de la population.
Le système de la ification centralisée est meilleur que celui du marché pour assurer l'emploi et satisfaire les besoins essentiels des citoyens (A un niveau élémentaire, certes). Mais il est aussi A rejeter : il induit des irrationalités (qui ont fini par précipiter sa chute), il se révèle inefficace pour répondre aux besoins non essentiels et il n'est absolument pas démocratique.
Le système d'allocation que propose le projet de démocratie générale se fixe un double objectif :
» Répondre aux besoins essentiels de tous les citoyens. Les décisions macro-économiques de base doivent donc AStre prises démocratiquement.
» Assurer la liberté de choix. C'est donc A l'indidu de prendre les décisions importantes dans sa e (choisir son travail, les produits qu'il veut consommer, etc.).
Tant les décisions macro-économiques que les décisions indiduelles des citoyens sont mises en œuvre dans le cadre d'une combinaison de ification démocratique et de - marché - artificiel. Le système se compose donc de deux éléments de base :
» L'élément -ification -. Il nécessite l'instauration d'un processus de feed-back de la ification démocratique : une boucle de rétroaction entre les assemblées de lieux de travail, les assemblées démotiques et l'assemblée confédérale.
» L'élément - marché -. Il passe par la création d'un - marché - artificiel qui assurera une vraie liberté de choix sans exposer aux effets néfastes des marchés réels.
En un mot, l'allocation des ressources économiques est réalisée d'abord en fonction des décisions collectives des citoyens, telles qu'elles s'expriment dans les s démotique et confédéral, puis en fonction de leurs choix indiduels, tels qu'ils s'expriment A travers un système de bons.
Le diagramme qui suit illustre le fonctionnement de ce modèle d'organisation sociale, dont voici les principaux postulats :
» L'assemblée démotique - Vekklèsia athénienne - est le corps délibérant ultime qui élabore les politiques dans chaque communauté autocentrée.
» Les dèmoi sont coordonnés par des conseils administratifs régionaux et confédéral, composés de délégués mandatés, révocables et qui se succèdent par rotation (assemblées régionales/ assemblée confédérale).
» Les ressources productives appartiennent A chaque démos et sont louées au personnel de chaque unité de production par un contrat A long terme.
» L'objectif de la production n'est pas la croissance, mais la satisfaction des besoins essentiels du démos, et des besoins non essentiels que des membres du démos souhaitent satisfaire et pour lesquels ils sont prASts A accomplir un travail supplémentaire.
Le critère général d'allocation des ressources n'est pas l'efficacité telle qu'on la définit aujourd'hui - en termes étroitement techno-économiques, sur la base de la capacité du système A satisfaire les besoins solvabies. Il faut redéfinir l'efficacité, lui donner le sens nouveau d'- efficacité dans la satisfaction des besoins humains -.
Pour préciser le sens du mot - besoins -, procédons A deux distinctions : l'une entre besoins essentiels et non essentiels; l'autre entre besoins et - satisfacteurs - (la forme sous laquelle les besoins sont satisfaits ou les moyens de les satisfaire). La première, entre besoins essentiels et non essentiels, est nécessaire parce que ces deux secteurs fonctionnent selon des principes différents. Dans celui des besoins essentiels, tout se passe sur la base du principe communiste : - De chacun selon ses capacités A chacun selon ses besoins. - Mais l'actité du secteur des besoins non essentiels est fondée sur un -marché- artificiel qui équilibre l'offre et la demande, d'une faA§on qui assure A la fois la souveraineté des consommateurs et celle des producteurs. Quant A la distinction entre besoins et - satisfacteurs -, elle sert A garantir la liberté de choix, mASme pour la satisfaction des besoins essentiels.
Donc les citoyens déterminent eux-mASmes, démocratiquement, ce qui constitue un besoin ' essentiel ou non. Puis le niveau de satisfaction des besoins est fixé collectivement, et cette décision est mise en œuvre au moyen d'un mécanisme de ification démocratique. En revanche, pour tous les besoins, essentiels et non essentiels, les - satisfacteurs - sont déterminés sur la base des préférences que révèlent les consommateurs par l'usage qu'ils font des bons qui leur sont attribués en échange de leur travail, - essentiel - et - non essentiel -. Tous les bons sont émis nominativement : on ne pourra pas les transformer, comme l'argent, en instruments d'échange généralisé et d'accumulation de richesse.
Les bons essentiels (BE), attribués en échange d'un travail essentiel (c'est-A -dire du nombre d'heures de travail exigé de chaque citoyen, dans un emploi de son choix, pour que les besoins essentiels de la confédération soient satisfaits), servent A la satisfaction des besoins essentiels. émis au nom de la confédération, ils confèrent A chaque citoyen un droit de satisfaction, A un niveau donné, pour chaque type de besoin essentiel, mais sans spécifier la nature du - satisfacteur - : la liberté de choix est ainsi assurée. Le mécanisme des BE sera aussi le système de sécurité sociale le plus exhaustif qui ait jamais existé puisqu'il couvrira tous les besoins essentiels (suivant la définition qu'en aura donnée l'assemblée confédérale) - et pas seulement pour ceux qui sont capables de travailler, mais aussi pour ceux qui n'en sont pas capables. Les objectifs de production globale nécessaire pour satisfaire les besoins essentiels confédéraux sont fixés par l'assemblée confédérale, mais ce sont les assemblées des lieux de travail qui déterminent le niveau de la production de leurs unités et la répartition entre les divers produits, sur la base des objectifs élis par le confédéral et des préférences exprimées par les citoyens quand ils font usage de leurs bons pour chaque type de biens et de serces.
Les bons complémentaires' (BC), attribués en échange d'un travail non essentiel, sont utilisés pour satisfaire des besoins complémentaires (consommation non essentielle) et des besoins essentiels au-delA du niveau fixé par l'assemblée confédérale. Les BC, A la différence des BE, sont émis au nom de chaque démos, pour permettre un choix plus large au niveau local. Le travail des citoyens au-delA du nombre d'heures - de base - est volontaire et leur donne droit A des BC qui peuvent serr A la satisfaction des besoins non essentiels. Dans le système proposé, les - prix - des biens et serces non essentiels, au lieu de refléter des pénuries liées A une structure déformée des revenus et des fortunes (comme dans le système de l'économie de marché), indiquent les pénuries par rapport aux désirs des citoyens et servent donc de guides pour l'allocation démocratique des ressources. Les - prix - ne sont pas la cause du rationnement -comme dans le système du marché -, mais sa conséquence : ils se voient chargés d'équilibrer la demande et l'offre sur un - marché - artificiel qui assure une authentique souveraineté tant aux consommateurs qu'aux producteurs. Les - prix - formés de cette faA§on et un indice de - désirabilité - fondé sur les préférences des citoyens quant au type de travail qu'ils souhaitent faire déterminent un taux de rémunération -subjectif- du travail non essentiel. Il remplace avantageusement le taux - objectif - suggéré par la théorie de la valeur-travail, qui, outre ses problèmes internes, ne peut pas assurer la liberté de choix. Le taux de rémunération du travail non essentiel ' celui qui détermine le nombre de bons complémentaires que reA§oit un citoyen pour ce travail ' devrait ainsi traduire les préférences des citoyens comme producteurs et comme consommateurs.
Quel sera l'effet du système proposé sur la répartition du revenu ? La dision entre travail essentiel et travail non essentiel créera inélement une certaine inégalité, mais elle sera très différente, en qualité et en quantité, de celle d'aujourd'hui. En quantité, parce qu'elle sera minime par rapport aux immenses inégalités actuelles. En qualité, parce qu'elle sera liée au travail volontaire et A lui seul, et non, comme A présent, A une fortune accumulée ou héritée. En outre, elle ne sera pas institutionnalisée, ni directement ni indirectement, puisque le - plus - de revenu et de richesse ' dû A un travail supplémentaire - n'entrainera aucun - plus - de pouvoir économique ou politique, et ne sera pas transmis A des héritiers mais A la communauté.
De cette brève description du modèle de démocratie économique, il ressort clairement que le projet de démocratie générale appelle une future
économie politique internationale, qui dépasserait celles du socialisme d'Etat et de l'économie de marché internationalisée. Cette nouvelle économie politique internationale devrait édemment comprendre, en plus du système d'échanges -intérieurs- entre les dèmoi d'une confédération, un système d'échanges - extérieurs - entre confédérations39.