NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » POLITIQUE éCONOMIQUE » La régulation des réseaux de services publics Services publics et construction européenne
L'emprise de l'Etal sur le fonctionnement des économies (en termes de niveau et de modalités) traverse l'histoire du capitalisme, marquée par des jeux complexes et changeants de tensions entre sphère économique et sphère politique. Rien de surprenant alors que l'interprétation théorique du rôle de l'Etat couvre un champ épistémologique très large, qui s'étend de l'économie du bien-être à l'économie des conventions, en passant par les approches contractuelles, où l'Etat n'est in fine pensé qu'à la lumière du marché (Voisin 1994), en tant que substitut de celui-ci en cas de défaillance des mécanismes marchands, ou mieux en tant que complément de son jeu. Rien d'étonnant, en outre, que ces justifications fassent l'objet de critiques diversifiées. Pourtant, un certain nombre d'auteurs souligne que le secteur public n'a plus aujourd'hui de raison d'être, d'abord, parce qu'il est inefficace du point de vue organisationnel, les dérives des droits de propriété publics, en l'absence de sanctions marchandes, rendant les organisations publiques incapables de satisfaire l'intérêt général (Alchian, 1969) ; en outre, il parait inadapté à la nouvelle donne économique et technologique, d'autant qu'il serait, par nature même, incompatible avec la construction européenne. A l'édence, la théorie des biens publics résiste mal à l'épreuve des faits, échouant, en particulier, à rendre compte de la réalité de l'interventionnisme public et de ses limites. D'une part, le fonctionnement des marchés et des économies (globalisation, interdépendance, concurrence exacerbée) oblige les Etats à reconstruire leur avantage compétitif, à la fois en termes d'infrastructures (accroitre la productité des réseaux, développer les marchés de capitaux), de régulation macro-économique (alléger les finances publiques par les privatisations), de réglementation (organiser la concurrence à partir d'une redéfinition de son droit et le fonctionnement des marchés), de production (par exemple en favorisant les alliances stratégiques). D'autre part, le progrès technologique modifie les modes d'organisation productive et la nature des relations existant entre eux. La technologie change à la fois la fonction de production et la nature de la relation marchande. L'entreprise, organisée en réseau intégré, tend à se " désintégrer " en plusieurs niveaux productifs obéissant à des logiques économiques distinctes (infrastructures matérielles, intelligence de commande, prestations finales) ; parallèlement, les nouvelles techniques contribuent à laminer les rendements d'échelle dégagées au niveau des infrastructures (cf. les téléphones mobiles qui se substituent aux réseaux publics) et les progrès informatiques, en élargissant la gamme des serces, suscitent le développement de la concurrence au sein d'un même réseau (cf. télécommunications) et avec elle la différenciation des prix. Enfin, se pose la question de savoir s'il y a vraiment incompatibilité entre une conuration économique de marché, telle que l'Union Européenne, qui abolit toute forme d'entraves à la libre circulation des biens et des agents économiques, et des serces publics qui, par essence, mobilisent des notions marquées au sceau de la nation, telles que celles de souveraineté, de citoyenneté, et de solidarité. Les conséquences économiques et les enjeux sociaux que représente l'avenir des serces publics, dans le contexte de l'intégration communautaire ont alimenté, depuis les débuts de la construction européenne, un débat récurrent, largement idéologique, et à bien des égards obscur3. Il est manifeste, en particulier, que les rapports entre le serce public et les règles de concurrence imposées par le droit communautaire sont encore largement vécus sur le mode du conflit de pensées entre ceux qui font ure de défenseurs du bien commun et les chantres de la concurrence à tout prix. On doit, cependant, préciser que la relation entre la crise du serce public et les incidences de la construction européenne est plus complexe qu'il n'y parait, au moins au premier abord. I.'Kurope, en effet, est loin d'être le seul facteur explicatif des bouleversements qui affectent l'organisation et le fonctionnement des grands serces publics nationaux. Un certain nombre de rapports, en particulier celui de Denoix de Saint-Marc (1996) souligne l'importance des raisons - largement indépendantes des effets de l'intégration européenne - qui ont conduit à une transformation profonde des modes de gestion des actités économiques d'intérêt général, depuis une dizaine d'années ; parmi celles-ci, la mondialisation, la rigueur budgétaire et monétaire, et surtout les progrès technologiques ont été des facteurs, à la fois de redéfinition des missions et de restructuration des modes de gestion des serces publics. Autrement dit, on assiste à une mutation généralisée de l'intervention économique des pouvoirs publics dans un contexte où la construction européenne est un élément, parmi d'autres, du contexte économique et politique (à preuve, les changements analogues qui se sont produits dans la plupart des grands Etats industrialisés). Il est toutefois manifeste que la construction européenne a joué un rôle important sur la dynamique des serces publics, ne serait-ce qu'à cause de la forte variabilité des positions des instances communautaires à l'égard des serces publics, au cours des ngt dernières années. On est, en effet, d'abord passé d'une phase d'indifférence " normale " au regard du principe de neutralité du régime de propriété du capital, principe posé par l'article 222 CE, (de longues années sans mesures normatives, sans décisions jurisprudentielles), à une période de surveillance et môme d'injonction, dans laquelle la référence concurrentielle s'est faite dominante". La troisième phase est, au contraire, marquée par la reconnaissance des impératifs liés à l'exercice d'une mission de serce public, reconnaissance pouvant aller jusqu'à l'acceptation de dérogations à l'application mécaniste des règles de concurrence. Elle résulte, pour une large-part, de deux arrêts essentiels de la Cour qui assignent à la Commission des limites (présentes dans le traité lui-même), en l'occurrence les arrêts Corbeau 1993 et Commune d'Almelo 1994. La période actuelle réalise, inconteslement, comme le dit Kovar (1996) " un pas dans le bon sens vers une dérégulation réglée ". Soulignons, en outre, que cette évolution de la jurisprudence s'est trouvée en phase avec celle des autres institutions. Parlement européen. Conseil et même Commission, notamment avec la " Communication sur les serces d'intérêt économique ". Toutefois, ce rééquilibrage des forces entre concurrence et intérêt général, entre marché et serces publics, reste très incomplet et appelle, à bien des égards, la circonspection. |
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