NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » ECONOMIE GéNéRALE » Marché, économie et société Le marchÉ et ses enjeux
Qu'est-ce qu'un marché? Comment fonctionne-t-il? Est-il efficace? Trois questions qui correspondent à trois points de vue différents : empirique, théorique et doctrinal. LE MARCHÉ est depuis plus d'un siècle au centre de nombreux enjeux, les uns d'ordre théorique, les autres d'ordre doctrinal, voire idéologique. Malgré de multiples travaux et de nombreuses avancées théoriques, les débats suscitent encore des malentendus : certains se fondent sur la réalité empirique pour démontrer l'irréalisme des hypothèses formulées par les théoriciens ; d'autres invoquent les modèles conçus par ces mêmes théoriciens pour légitimer des positions doctrinales. Pour dissiper les malentendus, sans doute convient-il de distinguer les différentes approches. • Sur le empirique, un constat s'impose : le marché désigne une multiplicité de réalités. Le marché sert d'abord à désigner l'endroit où l'on se rend une fois par semaine, dans son village ou une grande ville, pour, selon le cas, s'approvisionner en légumes, fruits et fromages, ou ndre sa production. Ces marchés existent partout : dans les sociétés modernes et traditionnelles, dans les pays industrialisés ou en déloppement. Us ne fonctionnent pas seulement à une échelle locale : certains de ces marchés ont une stature nationale (Rungis, en banlieue parisienne), voire internationale (la Foire internationale de Paris). Il y a ensuite le marché de l'automobile, de la lunette, etc. : des marchés qui se donnent à voir à trars des lieux de nte (les concessions, les franchises, etc.), mais surtout l'agrégation de données statistiques (l'ensemble des ntes réalisées par les concessionnaires des différentes marques automobiles ou des opticiens, par exemple). De dimension nationale ou internationale, certains de ces marchés tendent à se mondialiser. Enfin, il y a les marchés financiers ou des matières premières : bien qu'ils consernt comme les autres une inscription géographique (la Bourse, le marché de Chicago pour les céréales, etc.), ils sont aussi les plus virtuels (les transactions se font sans que l'acheteur voie la marchandise). Ces marchés sont les plus concernés par la globalisation. Outre la localisation, un autre facteur de différenciation réside dans le degré d'intermédiation. Dans certains marchés, le client (ou le consommateur, l'acheteur, etc.) rencontre directement le producteur; dans d'autres (la grande majorité), il n'a affaire qu'à un intermédiaire : un grossiste, un concessionnaire, un agent de change, etc. On aborde là une évolution majeure de ces dernières années : la désintermédia-tion des marchés. Parmi les différents marchés décrits plus hauts, les premiers concernés ont été les marchés financiers à trars la désintermédiation bancaire (1). Inrsement, le déloppement des grandes surfaces (supermarchés puis hypermarchés) a signifié l'introduction de nouaux intermédiaires dans la chaine qui relie les producteurs aux consommateurs. Par-delà leurs spécificités, ces marchés présentent un dénominateur commun : ils contribuent à libérer les individus de la contrainte de produire eux-mêmes tous les biens et les services dont ils ont besoin. Les transactions au moyen de l'instrument monétaire dispensent l'acheteur et le ndeur de tous les rites qui caractérisent la relation non marchande. Dans sa célèbre Richesse des nations (1776), Adam Smith évoque longuement cette dimension : il y voit le point de départ de la division du travail, qu'il considère comme la principale source de richesse d'une nation. • Sur le théorique, la question centrale porte sur le fonctionnement du marché. En d'autres termes : sur la manière dont il parvient ou non à faire se rencontrer l'offre des producteurs et la demande des consommateurs autour d'un prix (ou d'un salaire dans le cas du marché du travail) qui satisfasse les uns (le consommateur ou l'employé) et les autres (le producteur ou l'employeur). Devant l'extrême dirsité des formes de marché, les théoriciens ont été confrontés à l'alternati suivante : ou bien tenter de comprendre la réalité à trars des modèles fondés sur des hypothèses, ou bien prendre acte de cette dirsité, en s'engageant dans une approche historique et ati. La première solution correspond à la démarche des économistes classiques et néoclassiques ; elle est à l'origine de la conception du modèle de concurrence pure et parfaite. Dans cette perspecti, le marché désigne la coordination de l'offre et de la demande par le prix ; la question du fonctionnement du marché amène à celle des conditions nécessaires à son équilibre (à cet égard, l'apport de Keynes consiste dans l'idée que la cause du déséquilibre se situe du côté de la demande et non de l'offre). La seconde solution correspond à l'approche des socio-économistes et des anthropologues. Dans cette perspecti, le marché n'est pas considéré comme une donnée mais comme une construction sociale qui fonctionne grace à des institutions (Etat, conntions, règles, contrats, etc.). Dès lors, il s'agit de mettre en évidence les conditions qui ont permis à tel ou tel marché de voir le jour. A l'approche modélisatrice est traditionnellement reproché le caractère irréaliste des hypothèses (les agents, qu'il s'agisse d'entreprises ou d'individus, sont supposés parfaitement informés ; leurs choix sont cohérents par rapport à leurs préférences). C'est oublier la finalité de la démarche : simplifier la réalité pour permettre une formalisation mathématique. La critique adressée par les économistes stricto sensu à l'approche socio-économique consiste à en souligner le caractère hétérodoxe, autrement dit, non strictement économique. Quoique sount opposées, ces deux manières d'analyser le fonctionnement du marché ont permis chacune d'importantes avancées théoriques. Depuis le modèle de l'économie pure et parfaite, l'approche modélisatrice a permis de dégager l'existence d'autres modèles de marchés : des marchés monopolistiques ou oligopolistiques aux marchés contesles (2). L'approche socio-économique a, quant à elle, permis la formulation de dirses théories : la théorie de la régulation, la théorie institution-naliste, etc. • Sur le doctrinal, la question centrale a longtemps été de savoir si l'économie de marché était plus efficace que l'économie ifiée. Depuis la chute du système socialiste, elle est aujourd'hui de savoir si l'interntion de l'Etat est requise pour mieux articuler la logique marchande à la logique sociale. Dans cette perspecti, on distingue, schématiquement, quatre courants : la tradition critique d'inspiration marxiste qui identifie le marché au capitalisme ; la tradition social-démocrate pour qui l'interntion de l'Etat est nécessaire afin de réguler l'activité économique ; la tradition libérale, confiante dans la capacité du marché à coordonner l'offre et la demande; enfin, le courant ultralibéral favorable à un démantèlement des obstacles au libre fonctionnement du marché. On assimile sount le modèle de concurrence pure et parfaite aux positions ultralibérales. C'est oublier que les économistes qui ont fondé leur théorie sur ce modèle étaient loin de tous partager de telles positions. C'est le cas de Léon Walras (1834-l910). Bien que son modèle de l'équilibre général revient à montrer que le mécanisme de libre concurrence conduit l'économie à son optimum, il était favorable à la nationalisation de certaines ressources naturelles et au déloppement d'une économie sociale. Inrsement, les tenants de l'ul-tralibéralisme (Friedman, Hayek, etc.) ne se réfèrent pas au modèle de la concurrence pure et parfaite. Autant d'exemples qui montrent que la démarche théorique ne préjuge en rien des positions doctrinales.
Pour expliquer le fonctionnement d'un marché, les économistes mettent classiquement en avant le rôle du prix. Celui-ci permet d'équilibrer l'offre et la demande : lorsque la demande est supérieure à l'offre, les prix montent jusqu'au moment où la demande parvient au niau de l'offre. Le renchérissement du produit attire de nouaux producteurs dont la production fait baisser les prix. Voilà pour la théorie. La réalité est un peu plus complexe. Le prix constitue certes un élément prépondérant dans le fonctionnement des marchés. En témoigne, par exemple, la «guerre des prix» que se livrent les constructeurs sur le marché automobile, ou tout simplement l'obligation faite aux commerçants de les afficher. Reste que d'autres variables interviennent dans la décision d'achat. Il y a d'abord les motivations propres à chaque acheteur qui peunt le conduire à acquérir un bien à un prix plus élevé. Il y a ensuite la nature de la relation entre le ndeur et l'acheteur : au client fidèle, le premier «fait un prix». Il y a, enfin, les enjeux de la communication inscrite au cœur du rapport marchand. Cet aspect a été mis en évidence par des études anthropologiques de marchés africains. Le marché se révèle alors autre chose qu'un simple lieu de coordination par les prix : pour les habitants de villages reculés, il est un lieu où l'on prend des noulles des uns et des autres. Des biens qui, eux, n'ont pas de prix. |
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