La kula est pratiquée en Mélanésie, notamment par les habitants des iles Trobriands, au large de la NoulleGuinée. Elle correspond A  un système d'échanges cérémoniels de biens, sous forme de dons circulaires (- kula -) très codifiés. La kula se pratique ainsi : les habitants d'une ile A partent en pirogue rs une ile B amie. Ils emportent ac eux quelques cadeaux sans grande utilité ni grande valeur décorati, comme des brassards de coquillage. Arrivés sur l'ile B, ils vont offrir ces présents. Les habitants de l'ile B vont alors, en retour, offrir d'autres cadeaux symboliques. Cet échange signifie que de nouaux liens se sont créés entre les tribus denues amies. L'importance du cadeau détermine le prestige et la renommée du donateur. Elle crée aussi une relation de dépendance de celui qui reA§oit A  l'égard de son hôte, toujours plus généreux. Les habitants de l'ile A vont alors continuer leur tournée dans d'autres iles de l'archipel. L'année suivante, ce sera une expédition de l'ile B qui partira A  son tour en visite chez ses voisins pour recevoir de nombreux dons cérémoniels de la part de ceux qui lui sont désormais obligés.
La kula, qui semble avoir été déjA  pratiquée voilA  un millier d'années, poursuit aujourd'hui son existence dans les iles mélanésiennes. Elle porte toujours sur des biens sans valeur marchande ni utilitaire.

La monnaie, partout où elle existe, est une norme sociale et joue le rôle d'unité de compte. Mais monnaie et marché ne sont pas consubstantiels. Par exemple, l'impôt, dans nos sociétés, est payé en monnaie et non en courgettes ou en cacahuètes ! Il relè pourtant d'une logique de prélèment et redistribution, et non d'une relation marchande. Et la monnaie a existé dans des systèmes non marchands, comme les économies socialistes où elle servait d'unité de compte et d'intermédiaire sans que les prix soient fixés par le marché. Je ne comprends pas l'entAStement des économistes A  vouloir assimiler monnaie et marché.

SH : Votre perspecti conduit A  construire une typologie des relations d'échange et des modes de circulation des biens, pour interpréter les logiques économiques.
J.-M.S. : C'est effectiment un travail A  accomplir, dans la lignée des travaux de Max Weber, de Karl Polanyi ou des économistes dits - institutionnalistes - dynamisés aujourd'hui autour des concepts socio-économistes. K. Polanyi, par exemple, avait introduit une distinction entre commerce et marché. Durant l'Antiquité, avait existé un -commerce sans marché- dans les ports de commerce. Dans ce -commerce administré-, les prix n'étaient pas fixés par le jeu de l'offre et de la demande comme dans le commerce de foire. Ce travail entrepris par K. Polanyi doit AStre généralisé. D s'agit de montrer qu'il existe une pluralité de types de relations au sein de la catégorie générale de l'échange. C'est lA  un grand programme de recherche où l'histoire, l'anthropologie, la sociologie apportent de nouaux éclairages sur les relations économiques.