Les objectifs
Les objectifs de la PAC présentés dans le traité sont organisés autour de la modernisation de l'agriculture, et ses principes définissent un marché unifié mais protégé du marché mondial.
L'article 33 (ex art. 39) du traité de Rome affiche cinq types d'objectifs.
- La politique agricole commune a pour but :
a) d'accroitre la
productivité de l'agriculture en développant le progrès technique, en assurant le
développement rationnel de la production agricole ainsi qu'un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main-d'œuvre ;
b) d'assurer un niveau de vie équile A la population agricole, notamment par un relèvement du niveau individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture ;
c) de siliser les marchés ;
d) de garantir la sécurité des approvisionnements ;
e) d'assurer
des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs. -
Certains objectifs s'intègrent dans des préoccupations macroéconomiques - réduction du déficit extérieur et sagesse en matière de prix -, tandis que d'autres tiennent plus A la spécificité des problèmes agricoles (sécurité de l'approvisionnement et protection du niveau de'vie de la population agricole). Mais, dans cette énuméra-tion, le troisième objectif - siliser les marchés - a une place A part, puisqu'il n'implique pas une aide permanente A l'agriculture. Le quatrième objectif - garantir la sécurité des approvisionnements - renie au double enjeu d'un déficit commercial agricole : d'une part, la réduction de ce déficit permet d'améliorer la balance commerciale ; d'autre part, l'écation de la - sécurité - sous-entend que l'Europe doit réduire sa dépendance alimentaire par rapport au reste du monde pour affirmer son indépendance politique.
Mais c'est la combinaison des trois autres objectifs, pour une part contradictoires, qui est la plus problématique. Remarquons, au préalable, que la réalisation du premier objectif - modernisation de l'agriculture et obtention de gains de productivité - passe par la réduction de l'emploi agricole. La PAC a ainsi, en filigrane, comme objectif une sévère diminution de l'emploi agricole, qui soulève bien évidemment des résistances sociales et politiques. On peut donc imaginer un - triangle d'incompatibilité - de trois objectifs (. 27).
On it que le maintien de l'emploi est un obstacle A la réalisation des autres objectifs. Si l'on souhaite combiner la protection de l'emploi agricole et des prix A la
consommation faibles (A), alors on ne peut pas protéger le revenu de l'agriculteur. Si on associe maintien de l'emploi et maintien des revenus agricoles (B), cela se paie nécessairement par des prix très élevés. D'où le premier constat : seule la modernisation de l'agriculture et les gains de productivité qui en résultent sont de nature A permettre une augmentation du revenu des agriculteurs et/ou des baisses de prix.
Reste le partage entre consommateurs et producteurs. Un premier choix (C) aurait consisté A limiter le soutien du revenu des agriculteurs par une politique très productiviste dont les bénéfices auraient été essentiellement attribués aux consommateurs par une baisse des prix. Cette politique aurait eu un double effet néfaste et difficilement supporle sur l'agriculture : baisse des effectifs et pression sur le revenu.
C'est en fait le deuxième choix (C') qui a été fait : il consiste A combiner une modernisation mesurée avec un soutien des revenus des agriculteurs ; cette politique implique donc le sacrifice d'un des objectifs, celui de prix raisonnables pour les consommateurs.
Les principes
Les quatre principes de la politique agricole commune sont la libre circulation des produits, l'unicité du marché, la préférence communautaire et la solidarité financière. Ils définissent une politique de soutien indirect des revenus agricoles par les prix.
Le libre circulation constitue la base du marché commun agricole : aucun obstacle - ni droits de douane ni contingentements - ne doit entraver le marché des produits agricoles européen. Il existe toutefois des clauses de sauvegarde qui restaurent, pour une période déterminée, une protection. De plus, les - mesures d'effet équivalant - A des mesures restrictives sont, comme pour les produits industriels, interdits.
L'unicité du marché découle, pour partie, du principe précédent : la libre circulation des produits est censée engendrer, de faA§on mécanique, une unicité du marché. Mais elle comporte une autre dimension : l'unicité du prix provient en fait de la régulation des marchés des produits agricoles dans le cadre des - organisations communes de marchés - (OCM) ; en particulier, certaines OCM ont pour cation de définir et de gérer des prix communautaires, essentiellement des minimums et des maximums, qui résultent de décisions politiques. Ces prix, définis au terme de longues négociations - les - marathons agricoles - -, sont exprimés dans une unité de compte européenne. Toutefois, des années 1960 aux années 1980, les dévaluations et les réévaluations n'ont pas été immédiatement répercutées sur les prix agricoles intérieurs (hausse de prix dans les pays ayant dévalué et baisse dans les pays ayant réévalué) ; cela a abouti A une remise en cause du principe d'unicité des prix et du principe de libre circulation, les produits étant affectés aux frontières de - montants compensatoires monétaires - positifs ou négatifs (ir annexe I).
La préférence communautaire est une expression détournée pour exprimer le
protectionnisme agricole européen. Selon ce principe, les acheteurs sont - libres - de s'approvisionner dans la Communauté ou A l'extérieur, mais les mécanismes communautaires leur enlèvent tout intérASt financier A acheter leurs produits A l'extérieur de la Communauté. Les marchés sont protégés du marché mondial dans le but de se mettre A l'abri des fluctuations du marché et surtout de garantir un prix aux agriculteurs européens.
Enfin, le principe de solidarité financière signifie que les dépenses de l'agriculture sont communautarisées dans le cadre de l'instrument financier de la PAC - le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) -, qui fait partie intégrante du budget des Communautés. Celui-ci est financé par des ressources propres constituées de prélèvements agricoles, des droits de douane et un pourcentage de la TVA perA§ue dans chaque état. Le principe de la solidarité financière signifie qu'il n'existe pas d'égalité nécessaire pour chaque état membre entre les ressources tirées du budget agricole et ses contributions. Les sommes allouées au FEOGA - section garantie - (le - G - de FEOGA) servent A financer les dépenses d'intervention (achats aux producteurs et stockage) et de restitution aux exportateurs, ainsi que les montants compensatoires monétaires (MCM). Il n'intervient pas directement mais utilise les relais nationaux. Le FEOGA comprend une autre section, la - section orientation - '(le - O - de FEOGA) qui gère la politique structurelle et utilise autour de 5 % des ressources. En principe, elle aurait dû constituer un élément de la politique agricole commune, avec un double objectif de modernisation de l'agriculture et de réduction des disparités régionales. En effet, on n'attend pas tout de la politique des prix. A€ l'origine, en 1972, les objectifs de la politique structurelle sont de trois types : faciliter la libération des terres en incitant les travailleurs agés A quitter leur terre (indemnité viagère de départ, IVD), améliorer la productivité et fariser la formation. Dans les années ultérieures, la politique vise les zones défarisées (1974-l975) et les régions méditerranéennes dans la perspective de l'entrée de pays du Sud dans la Communauté (1978) et l'amélioration des méthodes de commercialisation (1977). Au cours des dernières années, l'écart entre la politique de soutien des revenus et la politique structurelle s'est nettement atténué (ir infra).