Pas d'humanisme sans recherche des causes morales
Ce sont les causes morales qui mènent le monde humain, et notre premier effort - humaniste - devrait consister A les rechercher, A les identifier et A les penser. Si nous nous y refusons, nous les subissons, nous en sommes esclas, et nous cédons, sans en prendre nettement conscience, aux causes matérielles, fonctionnelles et productis ; nous nous laissons porter par elles et nous tombons dans cette aliénation où nous cessons d'assumer notre qualité humaine. Si, au contraire, nous remontons A ces causes morales et si nous en saisissons le principe, le ressort caché, non seulement nous nous libérons des conditionnements et nous nous accordons ac notre essence d'AStre réflexif, mais nous découvrons en mASme temps que c'est une certaine idée de l'homme qui constitue la première de toutes les causes morales agissant sur l'histoire des sociétés. Retrour notre qualité d'homme suppose ce moument singulier de l'esprit, un moument qui conduit précisément A admettre que c'est l'homme lui-mASme qui est l'unique objet d'interprétation.
Dans cette voie, le déclin de ce que l'on nomme si complaisam-ment l'- humanisme -, n'est nullement impule A des positions qui se seraient déclarées -anti-humanistes-. Certes, l'anti-humanisme a un sens et il a contribué en apparence A chasser toute référence A l'homme, comme l'ont fait depuis quelques décennies le structuralisme et le systémisme, bien que l'analytisme contemporain les prolonge. Mais tout prétendu anti-humanisme implique au fond un humanisme A l'enrs: il requiert du moins une définition de l'homme; il en est implicitement tributaire et ne s'en défera jamais. Si l'homme peut s'estimer nié ou bafoué, ce n'est donc pas au nom d'un -anti-humanisme-, mais c'est sans cesse au nom d'une -autre- conception de l'homme que celle dont on peut penser qu'elle le respecte et le protège. Il importe alors d'autant mieux d'instruire le procès des humanismes sous-jacents aux
données culturelles, et A la première d'entre elles: au droit lui-mASme. Car le regard ainsi porté sur la cause morale montre une dualité de lectures qui oscillent entre deux pôles opposés.
L'injustice virtuelle du droit
La meilleure méthode est de partir du droit. Le droit a son langage, centré sur la notion d'égalité, attaché au partage de biens ou d'émoluments, et tourné rs des relations d'interdépendance entre ces biens et entre les sujets qui se les disputent sur la scène judiciaire.
Or, comme tel, le droit véhicule une justice : la justice mASme qui répond par compensation ou rétribution A l'injustice. L'on sait qu'il n'y aurait pas de droit si le droit ne devait remédier A une injustice qui le précède. Le droit apporte en cela une réponse appropriée, et elle est en retour l'expression sans équivoque d'une exigence de justice. Il symbolise l'aspect volontaire, sensible et tangible de la justice qui lui est consubstantielle et dont il traduit jusqu'au terme la tendance fondamentale, une tendance qui manque des moyens nécessaires A s'imposer.
Mais tout problème n'est pas pour autant résolu. Le droit peut évoluer en effet rs l'injustice. Certes, il est déjA dans l'injustice lorsqu'il ose se proclamer comme pure forme sans contenu normatif de justice intrinsèque. Et il n'est nul besoin aujourd'hui de renir sur un demi siècle de littérature critique du kelsénianisme, dont la première oubliée est celle des pays hispaniques qui ont jadis supporté le poids du totalitarisme de la - théorie pure -. La séparation mASme d'une forme et d'un contenu va A l'encontre de l'épistémologie et de la logique de ce siècle : qu'il suffise A un plus général de rappeler Merleau-Ponty, Reale et Habermas.
Il s'agit plutôt ici de faire état d'un autre type de réduction, qui procède A la fois du kelsénianisme, du néo-kantisme ou néo-criti-cisme et de l'analytisme. La réduction visée est plus théorique encore, puisqu'elle accepte la présence d'une justice interne au droit, d'un contenu de sens inhérent A une forme qu'il détermine, mais elle en affirme l'autonomie. C'est ce qui aboutit A une proposition qui n'est pas plus tenable que la précédente et d'après laquelle si le droit exprime une justice spécifique, il n'est de justice qu'A trars l'expression que le droit lui procure ou qu'elle est susceptible de recevoir de lui.
Par lA , le droit ne serait plus A considérer comme la formulation d'une justice relati, mais comme l'incarnation d'une justice absolue, et absolue dans cette incarnation mASme, d'une absoluité qui lui serait immanente. Il substantialiserait, hypostasierait et réifierait la justice, par une confusion qui réitérerait A un autre degré le schéma réductionniste antérieur. Or, la justice du droit est une justice relati : elle relativise sans la contredire, mais en l'adaptant, la justice absolue dont elle participe, mais qui la dépassera toujours.
Il est significatif de cette réduction théorique, -positiviste-, qu'elle ne regarde en l'occurrence que l'égalité, que le partage et que la relation qui circonscrint le champ strict du droit. De fait, l'égalité, le partage et la relation y deviennent naturellement un -tout-: ils rendiquent leur suffisance. Mais l'interprétation de l'homme risque de se tourner contre l'homme mASme dès que l'homme en vient A se définir A partir de l'égalité, du partage ou de la relation, et non l'inrse; ce qui oblige A nier les termes de référence, ainsi que l'AStre, le sens et la valeur des sujets humains de l'égalité, du partage et de la relation.
L'injustice surgit sous la forme caractéristique d'un rapport de manque ou d'un rapport incomplet qu'entretiennent l'égalité, le partage et mASme la relation, A ce sujet humain, A son AStre, A son sens et A sa valeur. L'injustice dont le droit est porteur ne tient pas A un néant ou A une absence, mais A un AStre ou A une présence inachevés et refermés sur eux. L'égalité, le partage et la relation croient pouvoir s'affranchir d'un sujet préalable et valoir par eux-mASmes en dictant toute justice. Ils ne sont pas vides. Ils ont de l'AStre, du sens et de la valeur. Mais ils méconnaissent qu'ils ne sont pas l'AStre, ni le sens ni la valeur : ils ne font qu'en participer, et s'ils confondent ce dont ils sont dépositaires ac ce qui vient d'eux-mASmes, ils se substituent A la source du don reA§u de l'AStre, du sens et de la valeur. Sans doute est-ce la plus gra des injustices. L'on en connait les conséquences : ce seront les analyses de la trame textuelle et des signes dans l'oubli des signifiés renvoyant A un en-deA§A de leur lettre.
Une telle réduction est l'héritage de la théorie et de l'activité rationnelle et conceptualisatrice qui ignore la démarche radicale d'une enquASte philosophique, intellecti et idéalisante. Or, seule cette démarche philosophique permet de ne plus se contenter du concept de la justice qui habite le droit et de former l'idée de la justice dont cette justice procède : elle atteint l'idée d'une justice - absolue - ou - vraie -, parce qu'elle désigne l'inconditionné, l'unirsel ou ce qui constitue son unirs propre sans dépendre d'un autre élément ni d'une application ou d'une effectivité quelconque - en effet, elle ne -dépend pas-, et peu importe que le droit mASme ne puisse entièrement s'y soumettre ni la traduire dans sa partition. Cette idée a donc pour objet le sujet humain de l'égalité, du partage et de la relation, et en approfondissant l'AStre, le sens et la valeur de ce sujet, elle en perA§oit la dignité.
La dignité du sujet humain apparait comme la vérité d'un sens et d'une valeur - absolus - dans l'AStre mASme, selon l'idéation métaphysique, et l'égalité de droit ne saurait plus se concevoir que comme une dérivation conceptuelle et générique de cette idée unirselle. Il faut en connir : c'est uniquement une justice référée A l'homme, axée sur sa dignité, qui peut justifier le droit. Le droit est -partie- par rapport A ce -tout-, comme le sont l'égalité, le partage et la relation par rapport A la dignité, une dignité qui peut progressiment révéler son unité indivisible et sa relationnalité ordonnée au don d'existence et non A l'échange en attente d'une contrepartie.
De l'humanisme de la nature A l'humanisme de lapersonne
Mais la dialectique de cette réflexion conduit A une ultime distinction. La perspecti humaniste peut se trour faussée si la distinction n'est pas assez précise entre théorie et philosophie, raison et esprit, concept et idée: égalité et dignité. Il est A craindre que l'homme theorico sensu, issu de la considération rationnelle et conceptuelle de l'égalité, du partage et de la relation, ne soit pris pour l'homme philosophico sensu S'il en était ainsi, l'unirsalité de l'idée philosophique serait envisagée A la faA§on de la généralité conceptuelle : elle ne saisirait rien d'autre qu'elle-mASme. La caractéristique, au contraire, de l'idée philosophique de l'homme, dans son unirsalité, est de ne pouvoir perdre la référence A l'AStre, A l'existence dont elle traduit l'intelligibilité sans prétendre s'y substituer. Mais cela oblige encore A quelque effort d'analyse.
Si l'humanité de l'homme, siège de sa dignité, devient le critère de la justice dominant le droit, cette humanité doit d'abord AStre traitée comme une unirsalité et non comme une entité générique et abstraite : elle est le fait de l'esprit, elle repose sur l'AStre en son indivisibilité, et elle n'est pas le produit de la raison ati et généralisatrice ; elle remonte A l'essence ou A la cause première, et non au principe théorique et commun. L'unirsalité ressemble par lA A une lumière qui passe par l'homme, mais qui n'émane pas de l'homme, et qui éclaire un spectacle extérieur A l'homme pour le faire AStre sous le regard de son esprit. Cette lumière pénètre l'esprit qui médiatise l'AStre, et elle désigne l'unité sous laquelle chaque AStre peut AStre compris selon l'esprit, dans son existence et dans ce sans quoi il ne serait pas ce qu'il est, avant d'AStre expliqué dans sa structure qui l'homologue A dirses séries admises selon la raison.
Dès que l'unirsalité s'élit ainsi, sa nature d'unité ou de totalité formelle permettant d'éclairer ou de penser les choses dans leur AStre se démontre sans peine. Elle ne saurait donc s'autonomiser, se refermer sur elle-mASme ou se déclarer suffisante. Elle est la condition de pouvoir penser l'AStre en tant qu'AStre, sa valeur, sa justice ou sa dignité. Elle ne les remplace pas. Si elle est assimilable A l'humanité de l'homme, A sa nature, elle n'autorise nullement A conclure que l'humanité ou la nature épuise l'AStre de l'homme : elle n'est qu'une fenAStre ourte pour l'esprit sur sa réalité. Elle correspond A l'AStre idéal ou A l'AStre dans l'idée ; mais l'AStre réel ou existentiel la déborde. C'est dire que cet AStre n'est plus pensable selon l'esprit. D'où la nécessité de dissocier le sujet humain et en quelque sorte le sujet personnel; le premier est saisi dans sa nature unirselle, source d'une
connaissance positi, le second est approché dans sa singularité existentielle, source d'une connaissance négati, la connaissance d'un réfèrent que l'on ne peut révoquer en doute ni éliminer et que l'on se bornera A affirmer et A reconnaitre dans sa présence.
L'idée de la justice prend successiment pour objet l'humanité du sujet, puis sa personnalité ; elle se représente la dignité de l'homme comme ayant son siège dans la personnalité, car la personnalité dépasse l'humanité, comme la totalité existentielle dépasse la totalité formelle.
Accéder A la pensée de l'unirsalité, c'est accéder A la pensée de l'AStre et par lA A la pensée de sa valeur ou de son devoir-AStre. La réflexion sur la justice va au-delA des rationalisations de l'égalité, du partage et de la relation; elle entreprend de rechercher le sujet ontologique qui est proprement sous-jacent A ces éléments et qu'ils présupposent, sans s'arrASter A des définitions de théorie généralisa-trice qui déterminent le sujet par répercussion de l'égalité et de la relation. Et si elle essaye de percevoir ce sujet dans sa dignité, elle le définit alors sous deux angles complémentaires, car il se manifeste A la fois dans sa nature unirselle et dans son irréductibilité. Ces deux angles offrent une perspecti sur le mASme - tout - ontologique : sur le -tout- que signifie spontanément l'unirsalité au moyen de la pensée intellecti et idéati, et sur le -tout- auquel renvoie l'unirsalité : le -tout- de l'existence vivante.
La corrélation entre les deux est étroite. Pas d'unirsalité sans réfèrent de l'unirsalité au donné qui la transcende et qui vise l'AStre dans son existence vivante et comme strictement impensable. L'impensable est dans le pensable ; il est l'impensable du pensable, et le sujet, le quid ac lequel il coïncide, ce sujet qui exerce seul l'acte de l'existence et de la vie, ce sujet est le seul sujet d'AStre, le plus profondément - total -, vrai et digne.
La justice, sa lumière, fait ressortir cette gradation de la vérité. L'idée de la justice s'applique au sujet digne sous l'égalité. Elle y voit le -tout-, l'absolu. Mais chemin faisant ce tout ou cet absolu se reporte sur l'existence vivante. Si bien que chaque AStre humain en tant que vivant, et avant mASme d'AStre considéré comme conforme aux critères d'une humanité unirselle, peut appeler cette justice. Si bien, aussi, que tout ce qui appartient A la réalité de cette existence vivante a vocation A entrer dans l'unirsité humaine et doit A défaut demeurer dans le champ de la justice. C'est l'exemple du sacrifice, du don et du pardon, qui échappent A l'unirsalité, et a fortiori aux généralités juridiques, mais qui s'enracinent dans la singularité - que l'on ne peut positiment comprendre, mais dont le respect s'impose négatiment A partir des limites de l'unirsalité humaine elle-mASme, qui sont les limites de l'AStre (AStre réel) avant de se trour réduit A son intelligibilité (AStre idéal).
La tradition du
droit naturel a ici emboité le pas A celle de la loi naturelle, fondée sur l'unirsalité d'une nature ; et la composition de cette nature empirique et rationnelle permet de faire valoir une certaine dirsité de tendances sensibles et morales dont l'objet correspond A autant de biens ou de droits. Mais la nature n'est que l'expression de la personnalité existentielle et irréductible ; l'unirsel naturel ne fait que traduire l'unirsel personnel. Or, ce dernier possède l'AStre, comme principe ontologique informatif ou principe d'acte, tandis que la nature, comme ensemble de potentialités, participe simplement de l'AStre qui l'inspire ; elle - a - de l'AStre, mais elle n'-est- pas l'AStre. C'est dire que la vérité du juste, sa fin, sa valeur ou la dignité de l'homme se situent dans la personne intégrale conA§ue comme une totalité substantielle, mais se trount en partie seulement dans la nature dès lors que cette nature n'est qu'une totalité formelle, mASme si elle est participati. La nature unirselle, la dignité de l'humanité est encore un moyen, et ce moyen n'est juste que par emprunt A la justice inhérente A la personne. Dans la nature, en somme, le sujet humain est personne au sens de masque et de rôle A interpréter en acteur; il n'est pas vérilement personne ou auteur de ses actes dans son identité propre.
Il reste que la justice n'est pas le droit et que la dignité de l'un doit s'ordonner A l'égalité de l'autre, afin que l'un puisse au mieux promouvoir l'autre, mais dans le respect de critères spécifiques et d'exigences qui l'incarnent dans une communauté.
L'humanisme de l'Un et du Différent
L'humanisme de la justice s'en tient A cette vérité d'une dignité de l'existant, de chaque existant et de la totalité de son AStre. Il incite A souscrire A un principe parénétique : il conseille l'attitude A adopter, mais il ne peut l'imposer, car elle relè d'une liberté individuelle d'appréciation morale.
Ce principe est orientateur et il montre la direction ; pour autant, aucune solution A caractère social et donc
juridique ne saurait s'en déduire, qui exigerait un minimum de sens de l'égalité. Certes, la dignité y triomphe. Mais si cette dignité manifeste l'AStre pur, recueilli dans son existence nati, comme absolu de l'homme, une telle dignité comme un tel AStre ne sont que présumés. Et, dans cet esprit, la présomption attachée A la personne signifie que tout homme mérite d'AStre considéré a priori en tant que personne, sans qu'il y ait A se demander si effectiment son mode d'AStre vérifie un tel AStre présumé : sans qu'il y ait A savoir si sa nature s'accorde ou non A ce qu'un jugement unirsel commande.
L'humanisme regardé ainsi part d'une connaissance, la plus haute qui soit, la connaissance de l'esprit, par l'esprit, dont l'homme a l'intuition et qui le reconduit A son AStre de personne. LA est d'ailleurs l'humanisme non anthropocentrique qui devient compatible ac les religions monothéistes et révélées, religions du Dieu personne au cœur de liiomme, et dont la vérité n'est pas jalousement enfermée dans le secret des initiations de groupes, en interprètes élus d'une nature immuable.
Cet humanisme engage seul A la tolérance. Son langage part des personnes pures pour aller, selon le mécanisme présomptif, aux personnes pures. Et il révèle, non le souci de l'égalité, du partage et de la relation correspondante, mais la préoccupation de la dignité impliquant le don de soi, le don de sa propre existence A l'existence de l'autre en tant qu'autre, mASme si cet autre est effectiment indigne et n'entre pas dans les catégories de ce que l'unirsalité et la généralité ont fait de sa dignité A présumer dans sa simple existence. Cet humanisme exclut l'échange et suppose le don d'AStre comme étant l'unique dialogue ac l'autre traité dans son altérité présumée.
Il en résulte une obligation de ne pas faire, de ne pas porter atteinte A la réalité supposée qui exprime la totalité, l'Un du Différent dans son existentialité. Cette obligation ne vaut toutefois qu'A un éthique où chaque personne est réceptrice dans sa singularité ; elle n'a pas de portée juridique, dans un ordre où la référence la plus élevée touche une nature commune. Mais le droit n'a de sens que dans son prolongement, et il requiert une ourture A la possibilité de cette obligation et de sa mise en œuvre ; il n'est droit que s'il ne s'ampute pas de ce qui le fait droit, de la justice qu'il va ramener aux proportions connant A ses critères d'égalité et de sanction ; il n'est droit que s'il ne contredit pas ou ne nie pas cette obligation qui le dépasse et qui elle-mASme le laisse vivre comme tel (-Rends A César -).
C'est d'ailleurs une plus vaste question de connaissance qui se pose. Certaines démarches ont beau AStre métaphysiciennes, elles tournent parfois court et ne se satisfont que d'impuissantes rASries dans l'abandon du droit et de toute éthique sociale A leur destin volontaire, légaliste et -positif-. Or, il est aisé de s'en démarquer en rappelant que l'obligation d'abstention invoquée implique une connaissance, bien qu'elle soit indirecte et négati du point de vue du contenu irréductible de son objet. Elle repose sur une connaissance ultime de l'AStre A trars l'étant, sur une connaissance du singulier A trars le ressemblant ou A trars l'unirsalité : sur une connaissance de la personne A trars la nature humaine.
Bien sount, malheureusement, les uns recourent A l'unirsalité, mais ils retombent dans l'essentialisme qu'ils déclaraient fuir ou dépasser ; les autres, en réaction, parviennent A identifier l'alté-rité, mais c'est une occasion pour eux de rejeter l'unirsalité (signi-ficatiment jugée trop hellénique); et, du mASme coup, ils sont conduits A ésectiuner le droit ou A le réduire A une dimension ritualiste et A le pétrifier dans des dogmes positivistes ; et il est inévile que l'altérité ne débouche alors sur aucune connaissance intelligible, et qu'elle entraine une éthique personnelle sans aucun lien ni ac l'éthique sociale ni ac le droit et ne se nourrissant que de simple critique et d'un vague apophatisme; la seule justification en est théologique, si la personne est radicalement coupée du Tout Autre et si elle ne s'incarne pas dans une nature. Mais pareille justification (de style bubérien ou lévinassien) peut-elle éliminer la preu de cette incarnation qui s'exprime dans la métaphysique de l'existence ? Ce qui renforce le statut de l'obligation tournée rs le différent est son substrat cognitif, A rencontre d'un non-cognitivisme et d'un émotionnalisme qui ont déterminé la méta-éthique et l'analytisme contemporains. Et ce substrat cognitif permet de découvrir que le droit se rattache A la connaissance immédiate de l'unirsalité qui est inséparable de cette connaissance médiate du singulier; il n'en est pas une conséquence déductiment dégagée, mais une transposition.
L'humanisme du Multiple et du MASme
Le passage au droit
marque la transition entre l'unirsalité qui est le propre de l'idée philosophique et la généralité du concept théorique. La généralité rassemble des éléments qui présentent tous le mASme caractère abstraitement saisissable; aussi peut-elle leur assigner des effets de droit, dont le premier est tiré d'un système de protection et de sanction.
La vérité rationnellement connaissable dont part ainsi le droit vise une dignité de nature - ce qui n'empASche pas cette dignité d'AStre imputée A l'arrière- A la personne que capte l'esprit idéatif et dont la nature est la manifestation. Il s'agit d'une vérité dont la structure conceptuelle et générique entraine la formulation d'un principe cette fois constitutif de solutions juridiques applicables A un groupe. Ce principe repose sur l'humanité ou sur la nature humaine telles que les élabore la rationalité juridique, et il s'adresse A tous en société dès que se présente une situation objecti et concrète de non conformité au modèle imposé. En réalité, la théorie juridique travaille A l'origine sur un donné philosophique de nature en se détournant, sans la contredire, d'une pensée du singulier personnel, et en aménageant la pensée de l'unirsel pour la faire évoluer rs une pensée du général.
La multiplicité humaine n'est autre que la dirsité des statuts génériques, des séries qui surgissent A l'intérieur d'une catégorie d'origine unique, mais qui a évacué toute référence A une altérité quelconque. Le Multiple est certes alors l'expression de l'Un, mais chacune de ses composantes est le domaine du MASme. L'homme juridique comme l'homme d'une éthique sociale n'est défini que par un genre auquel il appartient ac d'autres, sans que son unité puisse ouvrir au respect de sa différence.
Ce respect ne peut AStre requis qu'au titre d'une obligation d'éthique personnelle issue du principe antérieur. Le respect auquel contraignent de leur côté l'éthique sociale et le droit s'attache moins A la dignité en elle-mASme qu'A la dignité au sein d'une égalité, c'est-A -dire au sein d'un rapport de ressemblance entre deux termes.
Cette égalité ne préjuge en rien philosophiquement de la dignité des sujets qu'elle relie, mais juridiquement elle devient une base. L'on change de degré, et l'on passe de la justification ou de la justice, au fondement, A l'assise. Philosophiquement, l'égalité du droit est seconde par rapport A la dignité ; mais juridiquement il sera nécessaire en méthode de la tenir pour première, de manière mASme A en tirer les sujets, car les sujets n'existent selon le droit qu'en tant qu'ils entrent en relation d'égalité.
A l'opposé, une conception positiviste, et hostile A la reconnaissance d'un mode de pensée métaphysique, fera triompher l'égalité sur la dignité : c'est ainsi qu'elle prônera (de Rawls A Dworkin), que ce soit sur le rsant rationaliste ou sur le rsant empiriste, mais toujours en réaction A la
philosophie classique, la suprématie du -pacte social-, dont les obligations juridiques sont issues, entre loyaux sujets qui se définissent comme co-partenaires d'un jeu d'application ; c'est en ce sens qu'elle invoquera la référence dite démocratique au consensus, aux vérités -raisonnables- (Locke) qui se décident conformément au pacte fixant l'égalité première et reflétant un genre dominant : pacte entre des élus ou destiné A des initiés ; pacte d'exclusion, s'il méconnait une source plus haute dans la dignité des personnes ; pacte de discrimination, s'il aboutit A la production consensuelle de la justice autour des membres d'un club ou des sympathisants d'un lobby
L'égalité qui est retenue par le droit se constate en tout cas sous deux aspects.
- L'égalité apparait d'abord en ceci que le droit regarde les sujets génériquement. Or, la généricité étend l'unirsalité de la forme au contenu afin de gommer la différence. Non qu'elle soit contestée; mais elle est déplacée en marge du juridique, qui procède concep-tuellement, et donc sériellement. Le droit se soumet en effet A une logique de l'identité qui repère et hiérarchise des genres A l'intérieur desquels chaque unité se définit A la ressemblance des autres
Si, par exemple, la personne a pu AStre philosophiquement désignée comme le sujet de vie qui justifie le besoin alimentaire ou l'aspiration morale inscrite dans une nature, le raisonnement juridique tiré d'une exigence d'égalité oblige A ratifier deux conclusions, deux conclusions qui prennent la forme de -présuppositions- A admettre du point de vue personnaliste.
D'une part, le besoin ou l'aspiration est A reconnaitre chez tous, y compris chez ceux qui ne lui offrent pas de support naturel correspondant, par manque ou par excès de capacités, chez le plus faible ou chez le plus fort, en dépit d'une statistique de raison qui reproduit un ensemble mais qui ne perA§oit aucun individu, a fortiori aux extrASmes, en dehors de ce qui le rattache A lui.
D'autre part, le besoin ou l'aspiration est A présupposer sans qu'il y ait A s'enquérir de son usage effectif, qui peut AStre de n'en pas faire usage, selon une liberté qui s'enracine dans la personne sous la nature. C'est que la personne - agit - la nature et que la nature est ainsi agie et finalisée par l'élan volontaire qu'elle lui communique. Tout existant humain sera donc déclaré porteur de ce besoin ou de cette aspiration de nature et sera de mASme A respecter dans la mesure où il ne voudrait pas s'en prévaloir: si, subjectiment, le besoin ou l'aspiration est un droit, il ne s'élit comme tel qu'eu égard A sa source dans la personne, et non eu égard A son fondement immédiat dans des potentialités de nature; ce
droit subjectif implique précisément dans la personne la liberté de n'AStre pas exercé au nom d'une faculté de don qui ne passe guère par la loi d'égalité de nature. Le droit se borne A expliciter des conditions offertes par une nature, mais sans jamais préjuger, s'il ut demeurer -juste-, de la personne qui la dépasse, car ces conditions de nature appelées A denir conditions de droit visent A promouvoir l'AStre personnel, et l'égalité qu'elles réclament entend contribuer A l'épanouissement de sa dignité.
- Mais l'égalité juridique postule ensuite le rapport débiteur-créancier où chacun se trou sur un pied analogiquement semblable A l'autre. L'égalité s'affirme alors comme ce tiers-arbitre de la position de chacun (v. tant d'interprétations, spontanément retrouvées par Kojè, mais dans la ligne d'une vieille tradition continuée aussi par Villey, D'Ors, Perelman ou D'Agostino A partir du vieux schéma aristotélicien qui s'est répandu au moyen age et a d'ailleurs imprégné les livres de droit des trois monothéismes).
Le but et la fin. L'égalité pour la dignité d'exister
S'il n'est pas de droit A défaut de pouvoir faire entrer le sujet dans un genre ou une série préconstituée, il n'est pas de droit non plus sans possibilité d'intégrer ce mASme sujet dans la catégorie des débiteurs ou des créanciers, ou, plus processuellement, dans celle des défendeurs ou des demandeurs dans le litige déféré au juge - le juge qui aura la mission de - dire - quel est - le sien -, le - propre -, la part égale de chacun, en prononA§ant l'éntuelle restitution de l'enrichissement indu (mASme s'il est fictif, concernant la responsabilité pour homicide). Le droit regarde le sujet humain en référence au bien, au dû, au droit dont il est porteur, en égalité de traitement ac tous ceux qui relènt du mASme genre naturel et positif que le sien ; mais il ne saurait le considérer comme sujet de l'égalité sans l'envisager en mASme temps comme créancier ou débiteur potentiel et muni d'une action pour judiciaire de rendication ou de défense.
Mais, de mASme qu'il est injuste que le sujet humain ne soit défini qu'A partir de l'égalité de statut qui lui est conférée en quelque nomenclature générique, ce qui élimine d'emblée l'homme éthique du don et du pardon, lequel passe pour un anormal, ce qui ésectiune l'homme trop faible ou l'homme trop fort, le pauvre ou le créateur, de la mASme manière il serait plus injuste encore de ne définir ce sujet humain qu'en fonction de son aptitude A AStre soit créancier soit débiteur. Or une tendance bien avérée de philosophie jusnaturaliste incline en ce sens typiquement positiviste d'assimilation de la personne A la nature, de la dignité A l'égalité, de la relation de don d'AStre ou relation pour (-vor-) A la relation d'échange ou relation de (-from-), de l'esprit A la raison. Elle renrse la réflexion en proposant (très humiennement et nietzschéennement) un critère utilitaire et pratique et positif de la vérité et de la valeur, un critère qui se reporte de faA§on réductrice sur la personne.
Cette intolérance caractéristique A l'existence reproduit l'intolérance légaliste A l'égard d'une loi de nature ; elle consiste A nouau A promouvoir la partie A la place du tout. Et c'est pourquoi d'ailleurs elle se rallie aux mASmes culpabilisations qui frappent la démarche métaphysicienne tournée rs le sens du singulier vivant. Elle s'engage aussi plus généralement dans les mASmes discours effectivistes vantant les résultats de toute action pour en apprécier les fins. L'-éthique de la responsabilité- (ou de la renilité) n'est pas loin, et le glissement de la nature dans le fait quantifié et statistique est assuré. C'est oublier que l'égalité du droit n'atteint jamais en substance les fins de nos actes, qui tiennent A la justice de source personnelle qui les inspire. Cette égalité n'est qu'un but du droit qui ne s'applique qu'aux modalités des fins de justice et qui ne se le représente que comme un ensemble de moyens A organiser et A structurer de faA§on A les rendre utilisables.
Le plus grand danger que fait en effet courir ce langage A la justice et au respect de la dignité de la personne, saisie en son irréductible acte de vie, vient sans cesse de l'attitude réductionniste confondant l'apparence naturelle ou légale ac l'AStre personnel. Un danger qui s'accroit quand on traite le problème de l'égalité comme étant le seul, en refoulant celui de la détermination du sujet, ou n'acceptant de le poser qu'en conséquence du précédent.