Dans la réalité, les décisions juridiques ne procèdent pas d'un seul syllogisme simple mais d'un ensemble plus ou moins complexe de syllogismes. Le syllogisme décisif repose sur toute une série de syllogismes préparatoires sous-jacents, apparents ou implicites. Dans cette chaine de syllogismes successifs, chacun est composé de prémisses dont la majeure est la règle de droit, et la mineure est la situation de fait. Mais, pour chacune d'elles, la mineure est constituée par la conclusion du syllogisme précédent, qui devient en conséquence une simple
donnée factuelle, bien qu'elle ait un support juridique.
Ainsi, si on prend le cas d'une personne (X) qui, en circulant en voiture A un endroit où la vitesse était limitée A 40 km/h en a blessé une autre (Y) qui trarsait normalement la chaussée, sachant que le véhicule de X a laissé sur la chaussée 40 m de traces de freinage, le syllogisme conduisant A condamner X A réparer le préjudice subi par Y en application de l'article 1382 du Code civil1 se décompose en un enchainement de syllogismes successifs, représenté ci-dessous :
SYLLOGISME NA° 1 :
Prémisses :
' majeure : La vitesse était limitée A 40 km/h = Droit.
' mineure : X circulait A vi allure (preu par présomption de fait) : la longueur des traces de freinage permet d'en induire une vitesse importante = Fait.
' Conclusion : X n'a pas respecté la limitation de vitesse.
SYLLOGISME NA° 2 :
Prémisses :
' majeure : La violation d'une limitation de vitesse est une faute = Droit.
' mineure : X n'a pas respecté la limitation de vitesse = Fait.
' Conclusion : X a commis une faute.
SYLLOGISME NA° 3 : Prémisses :
' majeure : Une blessure constitue un dommage réparable = Droit.
' mineure : Y a subi une blessure = Fait.
' Conclusion : Y a subi un dommage.
SYLLOGISME NA° 4 : Prémisses :
' majeure : La faute ne donne lieu A réparation d'un dommage que si ce dommage a été causé par cette faute = Droit.
' mineure : Le dommage subi par Y a été causé par la faute de X.
' Conclusion : La faute de X donne lieu A réparation du dommage.
SYLLOGISME NA° 5 :
Prémisses :
' majeure : art. 1382 C. civ. : - Tout fait quelconque de l'homme, qui cause A autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, A le réparer - = Droit.
' mineure ." X a causé par sa faute un dommage A Y = Fait.
' Conclusion : X doit réparer le dommage subi par Y.
Il est fréquent, d'autre part, que, dans la réalité, ces raisonnements soient inrsés et que des juristes partent de la conclusion A laquelle ils ulent parnir pour la légitimer par un raisonnement rigoureux en remontant A ses prémisses nécessaires. Il s'agit alors de syllogismes - ascendants - ou - régressifs -'.
L'avocat qui défend une thèse, le notaire et l'administration qui cherchent A atteindre un résultat déterminé, recherchent les éléments de fait et les règles de droit susceptibles de leur permettre de justifier cette thèse ou de parnir A ce résultat.
De mASme, on prétend sount que nombre de juges commencent par déterminer - intuitiment - la solution qui leur parait équile ou opportune, et ne cherchent qu'ensuite A la légitimer en motivant leurs décisions sous un - habillage logique -2.
Ils sont d'autant plus enclins A le faire quand les données de fait et de droit sont incertaines.
Sount, en effet, les prémisses du raisonnement
juridique n'ont pas la certitude des prémisses d'un raisonnement scientifique. Quant aux faits, on ignore sount ce qui s'est réellement produit. La preu en est sount approximati et peut laisser er des doutes. Leur qualification peut AStre incertaine parce qu'elle repose sur des analogies, c'est-A -dire sur des similitudes, et non sur des identités. Quant aux règles de droit applicables, leur choix et leur interprétation ouvrent aussi la voie A de nombreuses hésitations, soit parce qu'il n'y a pas de règle de droit qui vise précisément les faits considérés, soit parce que ceux-ci peunt simultanément se rattacher A des règles différentes ou mASme contradictoires, soit encore parce que le sens de la règle applicable est controrsé.
Ainsi, en droit, ce n'est pas tellement la correction formelle des déductions qui fait difficulté. C'est le choix des prémisses qui prASte A discussion.
La règle de
droit positif ne procède pas que de la seule raison logique. Elle déri de choix philosophiques, moraux, techniques. Elle est le fruit de l'arbitrage constant entre des intérASts opposés. Elle est largement déterminée par les phénomènes sociaux, l'état antérieur du droit et son environnement juridique actuel. Ainsi, le contenu de la règle de droit et les techniques qu'elle met en ouvre dépendent des choix ou des dosages opérés entre des valeurs dirses.