NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » LA CONSTITUTION » Le gouvernement Article 2iLe Premier Ministre dirige l'action du Gouvernement. Il est responsable de la Défense Nationale. Il assure l'exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois cils et militaires. Il supplée, le cas échéant, le Président de la République dans la présidence des conseils et comités prévus A l'article 15. Il peut, A titre exceptionnel, le suppléer pour la présidence d'un Conseil des Ministres en vertu d'une délégation expresse et pour un ordre du jour déterminé. 144. L'article 21 donne l'esprit de la fonction, il ne fait pas la somme de ses attributions (supra, articles 8, 2e alinéa, 12, 1er alinéa, 16, 1er alinéa, et 19; infra, articles 29, 1er et 3e alinéas, 33, 2e alinéa. 39, 1er alinéa, 45, 2e alinéa, 49, 1er, 3e et 4e alinéas, 50, 54, 61, 2e alinéa, et 89, 1er alinéa). A cette liste, déjA dense, il faut ajouter tous ceux des actes du président de la République pour lesquels le contreseing du Premier ministre est obligatoire (supra, article 19), ainsi que toutes les compétences attribuées collectivement au gouvernement qui ne s'exercent qu'autant que son chef y participe (supra, article 11, 1er alinéa; infra, articles 36, 1er alinéa, 38, etc.) ou au moins ne s'y oppose pas (infra, articles 41, 43, 44, etc.). Ainsi, mASme lorsqu'il n'est pas explicitement cité, le Premier ministre dans la Constitution, comme Dieu dans le monde selon Kierkegaard, est présent partout incognito. 145. Dans le discours de présentation du projet constitutionnel devant le Conseil d'Etat, Michel Debré a dit du président de la République qu'il était la clé de voûte des institutions. L'image, séduisante, a fait florès. Techniquement, elle est fausse : la clé de voûte, c'est-A -dire le .point géométrique où s'équilibrent des forces antagoniques, c'est le Premier ministre; le chef de l'état, dans la métaphore architecturale, serait plutôt la flèche de l'édifice. C'est en effet le Premier ministre qui est, juridiquement, A l'articulation entre tous les pouvoirs : entre le président et le gouvernement, entre l'exécutif et le législatif, entre le politique et l'administratif C'est lui encore qui est, politiquement, au centre des relations entre la majorité, dont il est le chef, et l'opposition, dont il est la cible, entre le pouvoir qu'il doit incarner et l'opinion qu'il doit convaincre La cohabitation peut enfermer le président dans une sorte de parenthèse. Aucune situation ne peut diminuer la place du Premier ministre, sans lequel, formellement, rien ne peut se décider ou se faire. 146. N'excluons pas, mASme, de lui découvrir des dimensions insoupA§onnées, celles que peut révéler la cohabitation longue. Parce que c'est son intérASt, tout Premier ministre respecte le président hostile et veille A ne lui disputer réellement aucune des compétences que lui confient le texte ou l'usage. Jusqu'A présent, cet intérASt du chef du gouvernement a toujours duré plus que la cohabitation qui, en conséquence, a pu s'achever sans anicroches. Démonstration : le voyage de Lionel Jospin au Proche-Orient, en février 2000, a rappelé l'inanité de la notion de domaine réservé (supra, article 5). En vérité, la Ve République ne fonctionne de manière A peu près harmonieuse que dans le déséquilibre : déséquilibre au profit du président en période normale, au profit du Premier ministre en période de cohabitation. Mais, hors l'appel aux FranA§ais, le système n'organise aucun mode de sortie des blocages, au cas où, l'équilibre politique s'étant éli, aucun des deux ne voudrait plus s'incliner devant l'autre. Si, demain, surgissait un désaccord de fond, substantiel, sur l'Europe, la politique étrangère ou la défense, le président n'aurait pas les moyens d'imposer son point de vue A un Premier ministre qui aurait décidé de ne plus le ménager, mais le chef du gouvernement pourrait ne pas non plus disposer du pouvoir de l'emporter sur le chef de l'état. On dit les FranA§ais favorables A la cohabitation. C'est faux. Ils ont appris A ne plus la craindre, mais la preuve qu'ils ne l'aiment pas c'est, alors qu'ils avaient le choix de la poursuivre s'ils le voulaient, qu'ils y ont toujours mis fin A la première occasion, au moins jusqu'ici. Et ils ont eu bien raison. 147. Pour en rester au texte de l'article 21, le Premier ministre dirige le gouvernement, il ne le résume pas, et sa signature ne peut remplacer celle d'un ministre. Mais c'est lui, au nom de son pouvoir de direction, qui convoque les réunions préparatoires ou décisionnelles, tranche les désac* cords, fréquents, entre ministres, indique A chacun d'eux.les contraintes budgétaires qu'il lui impose et, d'une manière générale, se comporte en chef de l'équipe gouvernementale. Le vocabulaire politique évoque constamment les arbitrages du Premier ministre. Le terme est aussi fréquent qu'impropre : le chef du gouvernement n'est jamais le tiers neutre par rapport A un différend ; il est toujours celui qui, devant assumer la totalité des positions gouvernementales, a le pouvoir de décision. Nul, sur un terrain de sport, ne confondrait arbitre et capitaine. En politique, si. 149. L'exécution des lois est son devoir, le pouvoir réglementaire et le pouvoir de nomination sont ses moyens. Ce devoir est énoncé en termes généraux. étymologique-ment, c'est lui qui définit le pouvoir exécutif, dont le Premier ministre se trouve ainsi, constitutionnellement, le seul attributaire. Mais, d'une part, son rôle normatif ne se limite pas A la seule exécution des lois puisqu'il peut prendre des règlements autonomes (infra, article 37). D'autre part, l'exécution des lois implique des attributions générales (assurer l'ordre public, le bon fonctionnement des serces publics) qui peuvent exister mASme sans texte, comme l'ont reconnu le Conseil d'état depuis longtemps (13 mai 1960, SARL restaurant Nicolas, p. 324) et le Conseil constitutionnel plus récemment (87-l49 L). Quant aux moyens, réserve est faite des prilèges présidentiels (supra, article 13) mais, cela dit, le Premier ministre est détenteur de droit commun du pouvoir réglementaire, sous condition de contreseing (infra, article 22). A contrario, personne d'autre, notamment pas les ministres ni les autorités administratives indépendantes, ne peut AStre titulaire d'un pouvoir réglementaire général. Pour les nominations, lorsqu'on retire celles qui exigent la signature présidentielle ou celles pour lesquelles la compétence du Premier ministre est liée, ne surnagent que quelques désignations importantes, par exemple A la tASte de certains des nombreux organismes relevant de Matignon ou, plus importante encore, la désignation des membres franA§ais de la Commission européenne, qui, en principe, ne relève que du chef du gouvernement. Délégataire, il l'est du président de la République de manière inconditionnelle en ce qui concerne les conseils et comités de défense (supra, article 15), conditionnelle pour le Conseil des ministres puisque la suppléance, exceptionnelle, doit AStre expresse et sur un ordre du jour limité. Les présidents n'en ont fait usage, A ce jour, que pour des raisons de santé (quatre fois) ou, une fois seulement, en raison d'un long déplacement A l'étranger. 151. Bien que la Constitution ne le prévoie pas, la pratique a imposé la possibilité de nommer un Premier ministre par intérim. C'est le cas lorsque le chef du gouvernement doit s'absenter assez loin et assez longtemps pour le justifier. 11 y faut un décret du président de la République, contresigné par le Premier ministre, qui fixe la durée de l'intérim A celle de l'absence, ce qui dispense d'avoir A prendre un second décret pour y mettre fin. Généralement, l'intérim est assuré par le premier des ministres dans l'ordre hiérarchique ou, si celui-ci est également indisponible, par l'un de ceux qui suivent. Sous la seule réserve de l'éphémère, l'intérimaire dispose de toutes les compétences du titulaire (infra, article 49). 152. Au total, grisante par sa variété, frustrante par sa subordination, la fonction de Premier ministre est A la fois ingrate et recherchée. Contrairement A presque tous les autres systèmes parlementaires, ce n'est pas le chef de la majorité qui deent Premier ministre (mASme en cohabitation, comme l'a prouvé la nomination d'Edouard Balladur - supra, 65), c'est celui qui est nommé Premier ministre qui deent chef de la majorité (supra, 66). 11 est seul maitre A bord mais, normalement, après l'armateur, qui fixe la destination, choisit la cargaison, recrute l'équie et peut A tout moment réorienter le capitaine ou le changer. Le Premier ministre, disait le général de Gaulle, est lA - pour durer et pour endurer -. Endurer car il est le plus exposé, durer car il doit le faire aussi longtemps que sa capacité de résistance le permet, et A condition de ne pas faire d'ombre A l'astre qui lui a donné e. L'hôtel comme tremplin vers le palais, Matignon comme étape sur la route de l'Elysée, ce fut vrai pour Georges Pompidou uniquement (et encore lui fallut-il attendre près d'un an, aucun chef du gouvernement en fonctions n'étant, A ce jour, parvenu A se faire élire A la tASte de l'Etat), puisque Jacques Chirac, seul autre ancien Premier ministre A devenir président, a dû patienter sept ans entre les deux rives de la Seine. On peut gager que cela ne tient pas aux personnes mais plutôt aux périodes : dans celles de grande croissance, on peut suffisamment - réussir - comme chef du gouvernement pour AStre choisi afin de diriger l'Etat. En période de difficultés économiques graves et durables, l'exercice récent de la fonction, plus qu'un atout, peut AStre un handicap pour franchir la dernière marche du pouvoir. Matignon donne donc des ailes présidentielles A qui y pénètre, que la gestion gouvernementale se charge généralement de rogner. Sauf si la croissance économique a le bon goût d'AStre au rendez-vous, vous qui sez le palais, étez donc l'hôtel. |
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