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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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Retour des droits de l'homme?

Retour des droits de l'homme?
Décidément, les droits de l'homme n'ont pas de chance.
Depuis quelques années, un large mouvement de retour se dessinait vers ce qu'un siècle de domination idéologique du marxisme avait contribué à dévaloriser. Pourtant ce mouvement semble déjà donner quelques signes d'essoufflement et l'idée des droits de l'homme, malgré les célébrations rituelles et les publications inflationnistes, risque fort, à nouveau, d'être mise au nombre des accessoires désuets.
Pour dégager la logique, s'il en est une, de cette récente histoire d'une idée, il faut rappeler comment, autour de revues comme Esprit ou Libre, une réflexion sur la portée antitotalitaire de la référence aux droits de l'homme s'était esquissée à la fin des années 70. D'une rencontre, organisée par Esprit, autour du thème : « Les droits de l'homme sont-ils une politique ? », résultèrent plusieurs publications, notamment des articles de M. Gauchet1, C. Lefort2 ou P. Thibaud3, amorçant les principaux axes d'un débat.
Or, en ce débat sur la réactivation de la référence aux droits de l'homme, il est aujourd'hui possible de distinguer clairement deux phases :
1 / Dans un premier temps, un consensus s'est recréé, notamment à travers la réflexion sur le mouvement polonais et ses succès de l'été et de l'automne 1980, pour retrouver dans la référence aux droits de l'homme une composante légitime des démarches émanci-patrices ou revendicatrices : se dire « pour » les droits de l'homme et « contre » leurs transgressions redevenait rituel, là où, dans les décennies précédentes, la vulgate de la critique marxiste du droit comme simple fiction formelle destinée à garantir et à recouvrir les réalités de l'exploitation imposait au contraire à l'égard des principes de 1789 une pratique de la démystification et de la dérision. De ce consensus recréé, C. Lefort a largement contribué à légitimer les prétentions en montrant comment, contre la lecture que Marx avait faite des Déclarations dans La Question juive, le discours des droits de l'homme est irréductible à l'esprit de la « société bourgeoise » et en quoi de tels droits « s'avèrent constitutifs de l'espace social démocratique »*. Décapé d'une dimension idéologique à laquelle le commentaire de Marx avait cru pouir le réduire, le texte des Déclarations retrouvait sa jeunesse et était rendu à sa destination première : la défense de l'individu contre l'Etat - et la portée pratique antitotalitaire de la référence aux droits de l'homme était par là définitivement fondée2.
Il n'était cependant pas exclu de manifester, dès cette première phase, quelque inquiétude en soulignant que cette référence, dont la légitimité émancipatrice ne faisait plus question, ne saurait pour autant constituer à elle seule la clef du problème politique tel qu'il se posait après « l'effondrement du projet de société forgé au cours d'un siècle et demi de mouvement ouvrier ». « Les droits de l'homme ne sont pas une politique » - mise en garde discrète, mais ferme contre la tendance à considérer que l'appel aux « nobles principes » de 1789 pouvait tenir lieu d'alternative au totalitarisme. Argumentation limpide : que le thème des droits de l'homme serve légitimement et efficacement de cran d'arrêt à la résorption de la société dans l'Etat, cela n'implique effectivement pas que soit par là résolu le problème de ce que peut et doit être une société libérée de la menace totalitaire; car « une certaine manière de mettre en avant les droits de l'homme revient indirectement à légitimer l'ordre occidental éli » en laissant croire que, si communisme et fascisme sont écartés, tous les problèmes sont résolus - alors qu'en fait les problèmes n'ont pas même été posés : problèmes de l'injustice, de l'inégalité, de l'aliénation, - bref, « rien n'est réglé du problème social qui nous requiert », et, même si le discours des droits de l'homme devait faire efficacement obstacle au totalitarisme, resterait alors à affronter « la question d'une société juste, égale et libre ». Or, à l'endroit d'une telle question, la rhétorique des droits de l'homme, historiquement issue - on y reviendra - de la tradition individualiste du droit naturel moderne dans son effort pour construire la communauté à partir de l'individu et en faisant fond sur l'individu, n'est-elle pas condamnée par définition à se heurter à de sérieuses difficultés dès lors qu'elle aborderait le problème proprement politique, soit : le problème de l'organisation d'une collectivité, avec la reconnaissance qu'il implique d'une nécessaire négation, au moins partielle, de la souveraineté personnelle des individus ? En d'autres termes - et telle était l'interrogation majeure de cet article de M. Gauchet -, si l'on fait de la proclamation des droits de l'individu l'alpha et l'oméga du discours politique, ne se ue-t-on pas à purement et simplement désespérer du politique, tenu alors pour le lieu d'une inévile et fatale aliénation, et, belle ame ou, ce qui revient au même, conscience malheureuse, à dénoncer éternellement le « mal radical » inhérent à la forme même de la vie collective ? L'avertissement était donc nettement formulé, même si l'on pouvait envisager une autre conséquence, elle aussi possible, de la confusion entre droits de l'homme et politique. Car un tel usage des principes de 1789 pouvait aussi se retourner contre ces principes eux-mêmes : pour air ulu faire de leur affirmation une politique, ne se condamnait-on pas, à brève échéance, devant la constatation qu'ils laissent sans prise sur les problèmes concrets de l'organisation collective, à dénoncer une nouvelle fois l'insuffisance du thème des droits de l'homme et à le reléguer bien vite au magasin des instruments rélus du débat politique ? En ce sens il y avait donc, dans la façon dont était pratiquée le plus souvent la référence aux droits de l'homme lors de cette première phase de leur récente réactivation, le risque d'un brusque renversement : non pas seulement d'une lassitude, mais d'une déception.
2 / Comme chacun sait, l'histoire ne chôme pas et le signe qu'une seconde phase a commencé apparait à l'évidence à travers les réflexions suscitées, à partir de décembre 1981, par l'échec du mouvement polonais. Une démarche qui valait en 1980, lorsque l'exemple de Solidarité faisait croire à la possibilité d'une « reconstruction de l'autonomie sociale » sur la base de la référence aux droits de l'homme, ne devrait-elle pas déjà être révisée quand on constate - comme pense pouir le faire P. Thibaud dès mars 1983 - qu' « ont été déçues » les « attentes » suscitées par les divers mouvements orientés vers « la conquête de nouveaux droits » ? Une nouvelle critique du discours des droits de l'homme ainsi s'amorce qui, curieusement, éque certains accents de La Question juive pour ir dans l'inefficacité de ce discours l'effet d'une « idée trop abstraite » de l'homme et de ses droits. Ce retournement était en réalité largement prévisible. Il suffit, pour s'en convaincre, de se demander à proportion de quelles illusions les « attentes » de certains purent être ainsi « déçues ». P. Thibaud le reconnait lontiers : « Au moment où nous ans publié le numéro « Droit et politique » (mars 1980), il nous semblait qu'un nouveau rapport à la politique s'annonçait à partir de la référence aux droits de l'homme. » Et, de fait, on pouvait lire, dans ce numéro de mars 1980, qu' « à partir des droits de l'homme on peut fonder autre chose qu'une protestation : une pratique politique », bref que « les droits de l'homme peuvent inspirer une politique »'. Trois ans après, on constate que « les droits de l'homme sont utilisés dans une acception purement individualiste et largement apolitique », qu'ils « fondent les revendications que les modernes citoyens passifs adressent à leur Etat, au lieu d'engendrer une réflexion de la société sur ses institutions et sur ses normes »; et l'on conclut que la référence aux droits de l'homme permet seulement d'opposer à l'Etat une « liste de griefs », mais qu'elle ne fournit pas vraiment les moyens d' « inventer la politique ». Et d'ailleurs comment pourrait-on s'étonner de telles insuffisances si - appelant Péguy à la rescousse contre les « kantiens » qui « nous rappellent qu'un minimum d'humanisme abstrait est nécessaire pour penser les droits de l'homme » - on diagnostique dans la position, inhérente au discours des droits de l'homme, d'un « universel situé hors de l'histoire » un symptôme d' « universalisme abstrait » incapable par définition de pénétrer la richesse et la complexité du réel2? A partir d'une telle affirmation, « théorique et stérile », de principes universels, le « débat » devrait alors se déplacer à nouveau, aujourd'hui, vers ce « travail de définition de soi à quoi sont uées les sociétés démocratiques », et pour cela, individualiste et apolitique, la référence aux droits de l'homme serait décidément trop courte. Soit, mais qui ne it qu'une telle déception face aux insuffisances de la revendication au nom des droits de l'homme est très exactement à la mesure de l'illusion qui a pu antérieurement faire croire que cette revendication pouvait suffire à alimenter l'invention du politique ? Que l'on finisse par s'aperceir que morale, droit et politique sont des domaines différents - et donc que, comme l'avait souligné M. Gauchet trois ans plus tôt, « les droits de l'homme ne sont pas une politique » -, c'est assurément un fait positif; en déduire cependant que le débat sur les principes du droit, trop « abstraits », ouvre moins de perspectives qu' « il y a trois ans », c'est commettre une double erreur :
- Une erreur théorique : cela suppose en effet que l'on attribue à l'affirmation traditionnelle des droits de l'homme la prétention de constituer par elle-même une politique - en vertu de quoi il est alors aisé de s'estimer ensuite déçu devant l'incapacité de telles revendications à « inventer la politique » et d'appeler à une nouvelle étape du débat : n'est-ce pas plutôt la confusion, que l'on n'a pas soi-même vérilement évitée, entre l'affirmation des principes du droit et la définition d'une politique, et l'erreur théorique qu'exprime cette confusion, qu'il faudrait d'abord analyser ?
- Une erreur stratégique : en raison du relatif pessimisme auquel donne lieu, quant à la portée de l'affirmation des droits de l'homme, une telle confusion, on revient paradoxalement à des positions proches des critiques rituelles qui dénoncent, aussi bien, comme on le verra, dans l'horizon du marxisme que dans une perspective néoconservatrice1, les droits de l'homme comme « droits abstraits » ou simplement « formels ». Comment ne pas perceir qu'on contribue ainsi à ressusciter une position qui, à force de dénoncer comme une abstraction inopérante l'affirmation de l'humanisme juridique, risque de se laisser piéger, comme le fut Marx, par l'idéologie, autrement dit de se laisser « faire prisonnier de la version idéologique des droits sans examiner ce qu'ils signifient dans la pratique, quel bouleversement ils apportent dans la vie sociale »2 ?
Un deuxième retour aux droits de l'homme parait donc nécessaire, moins enthousiaste, peut-être, que celui qui a ouvert les années 80 et risque de tourner dérisoirement court, mais plus attentif à la portée et au statut vériles de leur affirmation. Jl ne s'agit plus simplement, aujourd'hui, de se déclarer une fois encore « pour » les droits de l'homme : le consensus réapparu autour de la référence à de tels principes est un acquis sur lequel nul ne songe désormais, semble-t-il, à revenir - quand bien même se font jour certaines inquiétudes ou certaines déceptions à l'égard de la portée proprement politique de la rhétorique des droits de l'homme. Il s'agit en revanche d'interroger l'objet même de ce consensus: car si, de la référence aux droits de l'homme, on ne fait pas maintenant la matière d'une question, le risque est grand de ir ce mouvement de retour s'embourber dans l'idéologie ou même - selon un geste dont on vient de perceir l'esquisse - de, plus ou moins, se renier. C'est d'un tel point de vue qu'une interrogation philosophique - au sens d'une enquête sur les fondements ou les conditions de possibilité de telle ou telle prise de position - a pu nous sembler, à l'égard de cette réactivation de l'humanisme juridique, non seulement philosophiquement légitime, si philosopher a quelque chose à ir avec penser ce qui est, mais encore politiquement nécessaire, si l'on veut bien convenir que l'histoire contemporaine a trop souvent donné le spectacle de projets émancipateurs artant ou même se retournant en leur contraire pour que, cette fois, l'on ne s'épargne pas le temps d'une réflexion.



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