NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » DROIT CIVIL » Droits de l homme et démocratie Droits-libertés et droits-créances : - démocratie politique - et - démocratie sociale -
L'analyse de l'histoire intellectuelle des droits de l'homme fait en effet apparaitre un premier problème, portant sur la détermination mASme des droits de l'homme. Si la portée politique de ce problème est rarement perA§ue, les données historiques en sont du moins bien connues et il suffira ici de les équer brièvement1. Car celles-ci insistaient avant tout, et presque exclusivement, sur les libertés fondamentales garanties aux citoyens et opposables A l'Etat, dont elles traA§aient donc les limites. Les droits proclamés en 1789 étaient donc des droits-libertés définissant pour l'individu des possibilités intellectuelles (liberté de pensée, liberté d'expression, liberté de culte) ou physiques (liberté du travail, liberté du commerce, liberté de réunion). La portée politique de leur proclamation s'en dégageait A l'évidence A travers l'indication de la fonction de la loi : - La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles A la société -, c'est-A -dire les actions qui interdiraient A quelqu'un l'usage d'un de ses droits (art. 5). ' ce qu'explicite mieux encore l'article 9 de la Déclaration de 1793 : - La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l'oppression de ceux qui gouvernent. - Certes la Constitution de 1791 équait bien, on l'a souvent noté, la nécessaire organisation de - secours publics - par l'Etat - pour élever les enfants abandonnés, soulager les pauvres infirmes et fournir du travail aux pauvres valides qui n'auraient pu s'en procurer - ' en quoi l'on a parfois perA§u, comme en germe, le principe d'un autre type de droits, définissant non des pouirs d'agir, opposables A l'Etat, mais des pouirs d'obliger l'Etat A un certain nombre de services, autrement dit des droits de créance de l'homme sur la société. Mais si la Constitution de 1791 inscrivait la reconnaissance de ces obligations dans les - dispositions fondamentales garanties par la constitution -, elle n'en faisait pas pour autant des droits de l'homme, pour l'énumération desquels elle se bornait A reprendre, A titre de Préambule, la Déclaration de 1789 qui ne mentionnait rien de tel. Ces données historiques rappelées, il importe de souligner très fortement la signification et l'enjeu politiques de cette élution perceptible dans le discours des droits de l'homme. Il ne suffit pas en effet de noter ' ce qu'a fait M. Villey2 ' la prolifération croissante des droits ainsi proclamés : l'élution n'est pas seulement quantitative, elle est de nature. Brièvement dit : l'apparition progressive, A côté des droits-libertés, de créances dont le contenu et le nombre sont indéfinissables a priori et peuvent donc varier A l'infini1, introduit d'importantes modifications dans la conception des rapports entre société et Etat. La proclamation des droits-libertés participait A l'évidence d'une théorie des limites de l'Etat, conA§u comme devant se borner A garantir aux citoyens le maximum de possibilités d'action compatibles avec l'existence d'une société. La considération des droits-créances implique au contraire que l'on attende de l'Etat la capacité de fournir des services, et par conséquent que l'on accepte un accroissement de son pouir afin qu'il soit A mASme de répondre A des demandes dont on pose qu'elles sont justes. Il est donc clair qu'A travers la référence privilégiée A l'un ou A l'autre de ces deux types de droits, ce sont deux conceptions de la loi et de la démocratie qui sont en jeu : ' D'un côté, une conception purement négative de la loi, qui se borne, on l'a dit, A interdire toute tentative (de l'Etat, de groupes ou d'individus) pour interdire au citoyen de jouir de ses libertés dans les limites de leur compatibilité avec celles d'autrui : une loi qui interdit d'interdire, et dont la fonction a pour enjeu la démocratie politique. En effet, selon les termes de la Déclaration de 1793, c'est seulement si les membres de la société sont des - hommes libres - (art. 27) que - la souveraineté réside dans le peuple - de faA§on effective : pour que tous les citoyens concourent également A la formation de la loi ' principe de la souveraineté du peuple, donc de la démocratie politique ', il est requis que, comme membre du souverain, chacun puisse former et exprimer sa lonté avec - une entière liberté - (art. 26), donc que la loi protège les droits naturels de l'homme comme tel. ' Lorsqu'en revanche s'introduit la considération des droits sociaux, on attend de l'Etat que par ses lois il intervienne dans la sphère sociale, notamment pour assurer une meilleure répartition des richesses et corriger les inégalités : la fonction, dès lors positive, de la loi est de participer A l'engendrement d'une démocratie sociale tendant non plus seulement vers l'égalité politique (- le droit égal de concourir A la formation de la loi -), mais vers l'égalisation au moins partielle des conditions. En conséquence, si, A l'horizon de la défense des droits-libertés, il y a la représentation d'un Etat minimum se bornant A protéger l'autonomie des citoyens, l'horizon de la défense des droits-créances semble A chercher du côté d'un Etat-Providence capable de contribuer, par des prestations positives, A la naissance de cette - sécurité matérielle - garantie A chacun. Que tel soit aussi l'enjeu d'une relecture critique, au sens qui vient d'AStre indiqué, de la tradition des droits de l'homme (interroger le débat, qui s'exprime en elle, entre libéralisme et socialisme), on l'accordera peut-AStre d'autant plus lontiers si l'on prASte attention A un second problème qui a marqué l'histoire intellectuelle des droits de l'homme : avant mASme qu'apparaisse le problème des créances (donc de leur inscription parmi les droits de l'homme), s'est posé, dès l'émergence politique de ce discours, le problème du rôle de l'Etat dans le processus de réalisation des droits ' problème qui est ensuite venu interférer, il importe de ir comment, avec celui de l'intégration des droits-créances pour déterminer deux pratiques très différentes, ire antagonistes de la référence aux droits de l'homme. |
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