On présente parfois ce procédé comme une modalité du régime préventif. Il en est cependant bien distinct, et une
crise qui a opposé, en 1971, les autorités politiques et le Conseil constitutionnel a confirmé son autonomie par rapport aux techniques préventives.
a-s Le procédé
Dans ce système, l'exercice de la liberté est, comme dans celui de l'autorisation préalable, subordonné A une démarche faite par le particulier auprès de l'autorité publique : il doit l'avertir de l'action qu'il a décidé d'entreprendre dans des conditions de forme et parfois de délai que la loi a précisées. Mais, A la différence de ce qui se passe dans le régime préventif, l'autorité saisie n'a qu'un rôle passif. La déclaration ne lui confère aucun pouvoir de décision. Elle se borne A l'enregistrer, après en avoir vérifié la régularité, et A en donner le récépissé qui permet au requérant de prouver qu'il est en règle. Elle ne reA§oit qu'une information. La déclaration faite, le particulier agit comme il l'a décidé. Il s'agit pour lui d'une formalité A remplir, non d'une éventuelle barrière opposée A sa volonté.
a-s Les modalités de la déclaration
» Elles portent d'abord sur son contenu : la loi énumère les indications qu'elle doit comporter, et qui doivent, en cas de changements ultérieurs, AStre tenues A jour. Ces indications sont, selon les cas, plus ou moins détaillées.
La déclaration imposée pour la création d'un journal doit indiquer le titre, le mode de publication, le nom et l'adresse du directeur et ceux de l'imprimeur. Pour les manifestations sur la voie publique : nom et domicile des organisateurs, but, lieu, date et heure du rassemblement, itinéraire projeté.
» La procédure varie : parfois, un délai est imposé ' cinq jours au plus tard avant la date prévue en ce qui concerne les grèves dans les serces publics (1. 31 juillet 1963).
» Les effets.
a) La déclaration, en règle générale, conditionne la légalité de l'actité qui y est assujettie. Son omission ou son irrégularité entrainent, A l'encontre de leurs auteurs, des sanctions pénales (p. ex., pour la publication d'un périodique non déclaré, 1. 29 juillet 1881, art. 9), ciles (dissolution par le tribunal cil de l'association irrégulièrement déclarée, 1. 1er juillet 1901, art. 7), ou administratives (1. 31 juillet 1963, art. 6, pour les agents des serces publics ayant participé A une grève sans préas).
b) La déclaration, dans certains cas, peut conditionner non l'exercice de la liberté, mais l'extension des
moyens qu'elle peut utiliser. Ainsi, en matière d'associations, la déclaration préalable ne conditionne pas la légalité de l'association, qui peut se former sans aucune formalité, mais seulement l'octroi de la personnalité morale et de la capacité juridique qui en découle.
» Enfin, et ceci est essentiel pour la signification exacte du procédé, l'autorité A laquelle la déclaration doit AStre adressée est tantôt l'autorité administrative (associations, manifestations), tantôt l'autorité judiciaire (presse).
a-s La signification du procédé
» La déclaration, ensagée en elle-mASme, a, on l'a vu, une seule fonction : l'information de l'autorité publique. Parfois, l'information s'élargit : elle est destinée aussi aux tiers. En matière d'association, la déclaration est présentée par la loi comme un moyen de - rendre publique - l'association, et l'inopposabilité aux tiers sanctionne la non-déclaration des changements apportés par l'association A ses statuts ou A sa direction.
En tant que procédé d'information et de publicité, la déclaration est donc étrangère tant au système préventif qu'au système répressif. Mais elle peut, selon les cas, déboucher, soit sur l'un, soit sur l'autre.
» Elle facilite d'abord la prévention. Certes, le pouvoir d'interdiction est indépendant, en droit et en fait, de la déclaration. L'autorité de police peut interdire toute manifestation d'une liberté menaA§ant l'ordre public, de quelque faA§on qu'elle en ait été informée. Le pouvoir d'interdiction s'est affirmé notamment, on l'a vu, A propos des réunions, qui ne font l'objet d'aucune déclaration préalable. Mais il est édent que l'administration a d'autant plus de facilité pour interdire qu'elle est obligatoirement avertie de ce qui se prépare.
Le lien entre déclaration et interdiction est particulièrement
marqué dans le décret-loi du 23 octobre 1935 pour les manifestations sur la voie publique, qui rattache expressément la possibilité d'interdire A l'obligation de déclarer.
En toute hypothèse, la déclaration permet A l'administration, informée, de prendre les mesures propres A prévenir tout trouble, par exemple en organisant un serce d'ordre ' ce qui peut, tout A la fois, serr le maintien de l'ordre et faciliter l'exercice de la liberté ' ou, en cas de grève d'un serce public, en prévoyant les solutions de rechange propres A sauvegarder le minimum nécessaire.
Déclaration et régime préventif : la crise de 1971. ' L'administration a essayé de greffer, sur le système de la déclaration, une technique de prévention plus directe. Elle a tenté d'utiliser, A cet effet, le seul pouvoir que le procédé lui laisse : la délivrance du récépissé au déclarant. Le préfet de police, sur instructions du ministre de l'Intérieur, l'a refusée A une association que celui-ci estimait subversive. Saisi d'un recours contre ce refus, le tribunal administratif de Paris en a prononcé l'annulation, confirmant ainsi le caractère lié de la
compétence administrative pour la délivrance du récépissé, que le Conseil d'Etat avait déjA affirmé (ta, Paris, 25 janer 1971, Dame de Beauvoir, et sieur Leiris, AJDA, 1971, p. 229 ; ce, 24 octobre 1930, Prunget, liée, p. 865). Ainsi s'est trouvée renforcée la distinction entre les procédés préventifs et la déclaration.
Battu sur le terrain jurisprudentiel, le ministre a cherché une revanche sur le terrain législatif : le Parlement adoptait le 30 juin 1971 un projet de loi modifiant les dispositions de la loi du 1er juillet 1901 sur la déclaration des associations. Le préfet se voyait autorisé, s'il concevait des doutes sur la légalité de l'association, A surseoir A la délivrance du récépissé, et A saisir, par l'intermédiaire du procureur de la République, le président du tribunal de grande instance statuant en référé : celui-ci devait, dans les cinq jours, ordonner, soit la délivrance immédiate du récépissé, soit le sursis : dans ce cas, le tribunal était appelé A statuer dans les deux mois sur le fond, c'est-A -dire sur la légalité de l'association.
La procédure de la déclaration, par cette voie, aurait abouti A un contrôle préventif de légalité par le juge judiciaire.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision précitée du 16 juillet 1971, a jugé que ce contrôle était contraire aux principes fondamentaux de la loi de 1901, donc inconstitutionnel (supra, p. 187) : c'est une nouvelle confirmation de l'autonomie du procédé de la déclaration par rapport aux techniques préventives.
» La déclaration, A l'opposé, peut préparer l'action répressive. C'est le cas lorsqu'elle est adressée au Parquet (presse), ou doit lui AStre communiquée par l'autorité administrative qui l'a reA§ue. Elle permet alors l'identification immédiate, en cas de délit, des personnes pénalement responsables, qu'il serait, A défaut, moins facile de connaitre.
» Ce chapitre a distingué, pour en faire l'analyse, les divers procédés de réglementation des libertés. Mais il faut bien comprendre que le régime de chaque liberté les combine, et que c'est leur dosage, variable pour chacune d'elles, qui détermine le droit positif.
Le régime répressif est prédominant pour les libertés intellectuelles (presse, cultes), et les
libertés collectives (réunions, associations, syndicats, grèves). Il s'accomne souvent, dans ces domaines, d'une déclaration préalable (presse périodique, associations désirant acquérir la personnalité, syndicats, grève des serces publics).
L'autorisation préalable, en dehors de son application en matière cinématographique, pour les émetteurs de radiotélésion, et pour certaines actités des associations, trouve son domaine d'élection dans les polices spéciales qui régissent les libertés économiques et professionnelles et diverses formes de la circulation. Mais le régime répressif s'exerce aussi A l'égard des infractions commises en ces matières.
L'interdiction, enfin, peut intervenir A l'égard de toute manifestation d'une liberté quelconque lorsqu'elle risque de troubler l'ordre public, qu'elle soit ou non soumise A déclaration, et quelles que soient les sanctions pénales prévues ; elle peut mASme, on l'a vu, frapper une actité qui a bénéficié d'une autorisation préalable. C'est la place faite A chacun de ces éléments dans le statut d'une liberté déterminée qui permet d'en mesurer le caractère plus ou moins libéral.