La liberté syndicale, qui a précédé, avec la loi du 21 mars 1884, la liberté d'association, procède de la mASme inspiration initiale et reflète, mais de faA§on encore plus accusée, la mASme évolution du pur droit des rapports privés vers le droit public.
Les composantes sont les mASmes (supra, p. 380) : liberté de création du syndicat, liberté de l'action du syndicat, liberté des individus vis-A -vis du syndicat. Mais, sur ces trois terrains, les solutions du
droit positif divergent. Celles qui régissent les syndicats relèvent du Code du trail (livre IV, titre 1er, art. L. 410-l et s.) et leur étude est inséparable de l'ensemble du droit du trail. On ne les envisage ici que pour situer la liberté syndicale dans sa principale application ' le syndicalisme des salariés ' par rapport A la liberté d'association.
1A° La liberté de création du syndicat. ' Il n'est pas exact, on l'a vu, que - tout homme - puisse défendre ses droits par l'action syndicale, selon la formule qui, dans le Préambule de 1946, élève au niveau constitutionnel la liberté syndicale. Le syndicat ne peut s'assigner d'autre but que la défense des intérASts professionnels : aussi ne peut-il se créer qu'au sein d'une profession et grouper que des personnes engagées dans cette activité professionnelle. La forme syndicale, si elle s'étend A toutes les professions, est donc exclue pour la défense des intérASts extra-professionnels.
Dans le cadre ainsi délimité, la liberté de création est totale, sous la seule réserve du dépôt, A la mairie, des statuts et des noms des dirigeants, solution intermédiaire entre l'absence de toute formalité qui s'applique aux associations simples, et la déclaration préalable, A laquelle le dépôt des statuts n'est pas pleinement assimilable.
La liberté de création entraine une conséquence capitale : le pluralisme syndical, caractéristique du syndicalisme ouvrier dans les démocraties occidentales. Si les syndicats sont, A peu d'exceptions près, regroupés, au niveau national, dans de grandes unions ' les centrales syndicales ', qui sont les vériles moteurs de leur action, ces unions reflètent des idéologies différentes, et leurs rapports, qui oscillent entre l'unité d'action et le conflit larvé ou ouvert, sont un des éléments essentiels du mouvement syndical.
2A° La liberté de l'action syndicale.
a / Elle se heurte, quant A son but. A une limite : la finalité professionnelle que la loi lui assigne. A la différence des autres associations, la poursuite d'un but politique n'est pas compatible avec la forme syndicale. La règle, qui méconnait la croissante imbrication de l'économique et du politique dans les sociétés industrielles, est d'une application difficile ; elle est pratiquement abandonnée en ce qui concerne les grandes centrales, elle est source de conflits nombreux au niveau des entreprises.
6 / Les
moyens de l'action syndicale. Il en est de communs A tous les syndicats : tous, A la différence des associations, possèdent, du seul fait de leur création, la personnalité morale, et une loi du 12 mars 1920 leur a donné une capacité totale. Mais les moyens d'action les plus efficaces sont réservés aux seuls syndicats représentatifs : la représentativité, consacrée par une décision administrative ou juridictionnelle, confère A ceux qui en bénéficient des attributions exclusives en ce qui concerne notamment la réglementation de la profession par la convention collective, la participation A un nombre croissant d'organismes publics et l'activité syndicale dans le cadre de l'entreprise (1. 27 décembre 1968) par la création de sections, la désignation de délégués, et la négociation d'entreprise.
c / Les limites de l'action syndicale. En dehors de la limitation résultant du but professionnel qui lui est imposé, l'action syndicale s'exerce sous un régime exclusivement répressif : elle n'a d'autres bornes que le droit pénal commun. La police municipale n'a de prise sur elle que lorsqu'elle emprunte, pour s'exercer, les formes de la réunion ou de la manifestation. Enfin, le syndicat échappe A toute dissolution par l'autorité administrative : le principe de la dissolution par le juge civil s'applique A lui de faA§on plus stricte encore qu'A l'association ordinaire.
3A° La liberté vis-A -vis du syndicat. ' La liberté de l'adhésion reste le principe fondamental en matière syndicale comme en matière d'association. Le syndicat est la mise en ouvre collective de libertés individuelles. Mais la liberté de l'adhésion risque de se heurter A la pression de l'employeur, tenté de refuser l'accès de l'entreprise A des militants engagés ou de les en éliminer. Elle peut également AStre menacée par la volonté de puissance du syndicat lui-mASme, qui cherche A forcer l'adhésion. On se trouve, dans les deux cas. en présence du problème général de la protection de la liberté dans les rapports entre personnes privées, supra, t. 1, p. 194.
a / La prise en considération par l'employeur de l'appartenance syndicale pour l'embauche est interdite par la loi du 27 avril 1956. La protection contre le licenciement fondé sur le mASme motif est assurée dans le cadre général de la législation sur le licenciement (1. 13 juillet 1973) ; elle est renforcée en ce qui concerne les trailleurs exerA§ant des fonctions de représentation du personnel dans l'entreprise.
6 / Vis-A -vis du syndicat, la liberté de l'adhésion est garantie A la fois par le caractère facultatif de l'appartenance syndicale, et par le pluralisme, qui permet de choisir son syndicat. Comme pour les associations, la loi frappe d'inefficacité les clauses des statuts limitant le droit, pour les adhérents, de se retirer quand ils le veulent, et la loi précitée du 27 avril 1956 interdisant A l'employeur toute prise en considération de l'appartenance syndicale vise, par-delA l'arbitraire patronal, les conventions par lesquelles un syndicat obtiendrait de l'employeur que l'accès de l'entreprise soit réservé A ses seuls adhérents.
Pour une étude d'ensemble : J. Rivero et J. Satier, Droit du trail, 1989, p. 116 et s.