A) Les composantes de la liberté d'association
Comme la plupart des autres, la liberté d'association englobe, sous une formule unique, plusieurs éléments distincts :
- la liberté, pour les particuliers, de créer des associations, ou d'y adhérer sans que le pouvoir puisse mettre obstacle à leur initiati : c'est, on l'a vu, une liberté individuelle s'exerçant collectiment ;
- la liberté, pour les associations une fois créées, de délopper leurs activités et d'accroitre leurs ressources : c'est, à proprement parler, non une liberté de la personne, mais une liberté du groupe ;
- la liberté des individus au sein de l'association, et au besoin contre elle : c'est un problème qui se rattache aux conflits de libertés entre
personnes privées - ici, la personne physique des adhérents, et la personne morale qu'est l'association.
De ces trois aspects de la liberté, le second n'a retenu l'attention des auteurs de la loi que sur un point : fidèles au libéralisme économique, ils ont limité strictement la capacité des associations, pour éviter l'accumulation entre leurs mains, de patrimoines de mainmorte soustraits au jeu des échanges. Mais, dominés par la tradition individualiste héritée de 1789, ils se sont moins préoccupés de la liberté du groupe constitué que des libertés individuelles qui sont à l'origine de sa
constitution : le titre de la loi - « loi sur le contrat d'association » - est révélateur de cette perspecti, et c'est elle qui domine la définition de l'association.
B) Définition de l'association
D'après l'article 1er de la loi de 1901, « l'association est une conntion par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d'une façon permanente leurs
connaissances et leurs activités dans un but autre que celui de partager des bénéfices ».
Cette définition fait apparaitre quatre éléments.
1° Le premier est le caractère de contrat reconnu à l'association. Par là, se manifeste l'individualisme plus haut signalé : la loi ne retient que l'acte d'association, la mise en ouvre commune, par des individus, de leur liberté ; elle ignore le résultat de cet accord de volontés, c'est-à-dire l'institution à laquelle il donne naissance. Elle réduit l'association à l'acte qui la fonde.
Encore l'analyse qu'elle donne de l'acte est-elle généralement contestée par la doctrine : la plupart des civilistes ne voient, dans le contrat, qu'une forme particulière de la catégorie plus large des accords de volontés. Alors que chacun des deux contractants poursuit un but différent et que le contrat fonde pour eux des situations juridiques distinctes - créancier pour l'un, débiteur pour l'autre -, dans l'association, tous les adhérents poursuint le même but, et l'acte entraine les mêmes droits et les mêmes obligations pour chacun ; accord de volontés, par conséquent, mais non pas contrat : acte collectif, selon les uns, acte-union, selon la théorie allemande de la Vereinbarung.
Cf. sur ce problème : ROUJOU DE Boubée, Essai sur l'acte juridique collectif, 1961.
Il faut donc corriger la définition législati : l'association est une institution qui a, à son origine, un accord de volontés. Il reste cependant que la notion de contrat a dominé l'élaboration de la loi, et explique nombre des dispositions qu'on retroura par la suite.
2° Le second élément - inhérent d'ailleurs à la notion de contrat - relè de l'évidence : c'est la pluralité des participants et la « mise en commun » de leurs activités ou connaissances, qui font, de la liberté d'association, une liberté collecti.
3° La permanence distingue l'association de la réunion. Elle n'est pas absolue : une association peut être fondée pour une durée limitée, par exemple jusqu'à ce qu'ait été atteint le but qu'elle se propose ; de plus, les associés peunt toujours y mettre fin. Mais, tant qu'elle existe, elle crée entre eux un lien permanent, qui demeure en dehors même de leurs réunions.
4° Le but de l'association n'est défini par la loi que de façon négati : il doit être autre que de partager des bénéfices. C'est la distinction des personnes morales a but lucratif, dont les sociétés sont le principal exemple, qui poursuint la réalisation et le partage d'un bénéfice, et des groupements à but non lucratif. C'est pourquoi le texte envisage la mise en commun par les associés de « connaissances ou d'activités », mais exclut celle de biens.
Sur la distinction : Kayser, Associations et sociétés, thèse, Nancy, 1928.
Il ne s'ensuit pas que le but de l'association doi être nécessairement désintéressé : les associés peunt se grouper pour défendre leurs intérêts communs, notamment leurs intérêts extra-professionnels, les intérêts professionnels relevant, normalement, de la forme syndicale, encore que celle-ci ne soit pas obligatoire dans ce domaine : le CNPF, groupement de défense des intérêts patronaux, est une association de la loi de 1901. Il y a des associations de consommateurs, de locataires, etc. Les associes peunt aussi rechercher un avantage matériel (p. ex. les associations mutualistes), ou leur agrément. Mais la poursuite et le partage du profit leur sont interdits : c'est pourquoi, en cas de dissolution, ils ne peunt se partager l'actif de l'association.
Pourtant, si la recherche du profit ne peut être le but de l'association, elle ne lui est pas interdite en tant que moyen au service de sa finalité désintéressée. Nombre d'associations sont contraintes de se livrer à une activité économique, inhérente à leur mission (par exemple, nte des objets produits par des jeunes ou des handicapés dans un centre de formation professionnelle). Elles s'intègrent, ac les mutuelles et les coopératis, au secteur dit de Yêconomie sociale, et sont, à ce titre, soumises à certaines règles du droit commercial.
Cf. notamment, sur ce problème, F. Bloch-LaWÉ et J.-M. Garrigou-Lagrance, Associations et déloppement local. 1988, et le rapport du cnva. Pour une vie associati mieux reconnue dans sa fonction économique, 1988.
La liberté d'association, comme la liberté de réunion, peut donc être mise au service de la liberté intellectuelle (associations politiques, religieuses, philosophiques, culturelles), mais dépasse celle-ci : les associations peunt poursuivre des buts désintéressés (ouvres sociales), ou intéressés, recoupant l'intérêt général (associations de défense de l'environnement, associations sportis), ou propres à leurs seuls adhérents (associations d'anciens élès, d'anciens combattants). Le libéralisme de la loi de 1901 se manifeste dans cette indifférence à l'égard du but poursuivi : dans la catégorie du « non lucratif », les associés peunt choisir n'importe quelle finalité. Le législateur leur laisse l'entière maitrise de la liberté qu'il consacre, sous la seule réser indiquée infra, p. 388.