NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » DROIT CIVIL » Les rassemblements sur la voie publique Les manifestations et cortÈgesCe sont, comme les réunions, des rassemblement organisés ayant un but défini, mais qui, contrairement à elles, se déroulent sur la ie publique. C'est surtout à partir du début du XXe siècle que la manifestation, notamment à l'occasion du 1er mai, devint une forme d'expression collective de l'opinion. Cette orientation nouvelle s'amplifia entre les deux guerres. Le décret-loi du 23 octobre 1935 confirma l'élution : alors que, jusque-là, la manifestation relevait de la seule police générale et de la tolérance de l'autorité, le statut qu'elle a reçu consacre son importance et fonde sa légabté. On ne trouve pas, dans le décret-loi du 23 octobre 1935, la consécration d'une « bberté de manifestation », difficile à formuler, d'ailleurs, en raison de l'affectation de la ie publique à la circulation. Mais la réglementation imposée, malgré l'intitulé du texte (« décret portant réglementation des mesures relatives au renforcement de l'ordre public »), demeure relativement libérale : elle soumet les manifestations non traditionnelles à une déclaration préalable et organise le pouir d'interdiction des autorités de police générale. Telle quelle, cette réglementation n'a pas freiné l'élution : si les manifestations traditionnelles, et notamment les processions, ont tendance à disparaitre avec les réformes de la liturgie religieuse, par contre, la liturgie de la contestation politique fait une place croissante aux manifestations : avec leurs rites (slogans scandés en chour), leurs symboles (ban-derolles), elles tendent à devenir une des formes les plus classiques de l'expression des opinions, inoffensives lorsqu'elles servent d'exutoires à des mécontentements catégoriels, efficaces, par contre, lorsqu'elles poursuivent un but précis et mobilisent des foules : à deux reprises, en 1984 et en 1986, elles ont amené le Gouvernement à retirer un projet de loi, et entrainé la démission d'un ministre (loi sur l'enseignement privé, supra, p. 324, projet Devaquet de réforme de l'enseignement supérieur, novembre 1986). Le caractère pacifique des manifestations se trouve parfois compromis par l'action de groupes dits « autonomes », qui utilisent la manifestation organisée par d'autres pour la détourner de son caractère et déclencher la violence. Le pouir, à la suite du défilé du 1er mai 1979 à Paris, dont le déroulement paisible avait été compromis par des éléments incontrôlés, a vivement réagi en annonçant que seules seraient désormais « autorisées » les manifestations dont il aurait la certitude qu'elles ne dégénéreraient pas en émeutes. L'avertissement, entaché d'une grave erreur juridique - les manifestations ne sont pas soumises à autorisation, mais peuvent seulement être interdites, infra. p. 373 -, ne fait que reprendre, sous une forme apparemment comminatoire, la jurisprudence classique relative aux interdictions, infra, p. 372. 1° La déclaration préalable. - Elle doit être adressée entre le quinzième et le troisième jour précédant la manifestation à l'autorité qui détient, dans la commune, la police générale de l'ordre public, maire ou préfet. Elle indique le but, le lieu et l'itinéraire éventuel, la date et l'heure et les noms et adresses des organisateurs. Elle doit être signée par trois d'entre eux. L'autorité qui la reçoit doit en donner immédiatement un récépissé. Sont toutefois dispensées de déclaration « les sorties sur la ie publique conformes aux usages locaux » : la déclaration, qui n'a pour but que d'informer l'administration, est, en ce qui les concerne, inutile, puisqu'elles se répètent à date fixe et que leur périodicité est bien connue. La distinction entre les manifestations traditionnelles et non traditionnelles est d'origine jurisprudentielle. Le Conseil d'Etat en a fait d'abord application aux manifestations extérieures du culte (19 février 1909, abbé Olivier, qui, à propos des cortèges funèbres, éque « le respect des habitudes et des traditions locales » ; 1er mai 1914, abbé Didier, Ree., p. 515), à propos du pouir d'interdiction des maires, plus limité qu'à l'égard des manifestations non traditionnelles. Le décret-loi a étendu la distinction des seules processions religieuses à toute» les « sorties conformes aux usages locaux » et l'a appliquée à la procédure de la déclaration. 2° L'aménagement du pouir d'interdiction. - Ce pouir, inhérent, d'après la jurisprudence Benjamin, à l'exercice de la police générale, n'avait pas besoin d'un texte spécial pour s'appliquer aux manifestations. Le décret-loi de 1935 ne fait qu'en confirmer l'existence de principe, mais il y apporte certains aménagements destinés à en faciliter l'exercice. a I Procédure. La déclaration préalable, si c'est le maire qui l'a reçue (communes non dotées d'une police d'Etat), doit être transmise par lui au préfet, dans les vingt-quatre heures. L'interdiction peut être prononcée par le maire ; dans ce cas, il en transmet le texte avec celui de la déclaration, et le préfet peut, soit annuler la décision municipale, soit, si le maire n'a pas cru deir interdire, prononcer lui-même l'interdiction. Dans les communes où la police du maintien de l'ordre appartient au préfet, celui-ci statue directement. Dans tous les cas, l'arrêté d'interdiction doit être immédiatement notifié aux signataires de la déclaration. b / Conditions de fond. L'article 3 du décret-loi reprend le principe qui régit toutes les décisions de police générale : l'interdiction peut être prononcée si la manifestation est « de nature à troubler l'ordre public ». Lr. jurisprudence applique les règles communes à toutes les interdictions : elle vérifie la réalité du trouble allégué et la possibilité pour l'autorité de police d'y faire face par des moyens moins radicaux que l'interdiction. On retrouve ici la solution antérieure à 1935 : les interdictions sont beaucoup plus suspectes aux yeux du juge lorsqu'elles frappent une manifestation traditionnelle, peu susceptible a priori de proquer des troubles puisqu'elle est passée dans les habitudes locales, que lorsqu'elles portent sur une manifestation non traditionnelle. Pourtant, l'interdiction d'une manifestation traditionnelle est légale lorsque des circonstances particulières rendent sérieuse la crainte de la ir susciter un désordre. En ce qui concerne les manifestations traditionnelles, cf. pour un exemple d'annulation : CE, 3 décembre 1954, Rastouil, Rec., p. 638 (procession considérée comme traditionnelle à Limoges, bien qu'elle n'ait plus eu lieu depuis plusieurs années) ; en sens inverse : 21 janvier 1966, Legastelois, AJDA, 1966, p. 435 (interdiction légale, malgré le caractère traditionnel, étant donné les nouvelles conditions de la circulation). Pour des manifestations non traditionnelles : 2 juillet 1947, Guiller, Rec, p. 293 (procession non traditionnelle légalement interdite, la menace de troubles étant réelle) : 5 mars 1948, Jeunesse indépendante chrétienne, Rec, p. 121 (interdiction d'une cérémonie religieuse non traditionnelle sur une place publique annulée : pas de menace à la tranquillité publique). 3° Le rapprochement de la déclaration et du pouir d'interdiction amène certains auteurs à analyser le régime des manifestations comme un régime d'autorisation préalable. L'analyse peut s'appuyer sur certains abus de langage administratif, telle autorité indiquant, dans un communiqué de presse, qu'elle a cru deir « autoriser » une manifestation, et aussi sur le fait qu'à la suite de la déclaration, une négociation s'engage parfois entre les organisateurs et l'administration, celle-ci leur demandant des modifications d'horaire ou d'itinéraire, que la menace d'interdiction en cas de refus les oblige à accepter. Pourtant, cette analyse ne rend pas compte de la situation réelle ; elle fausse, pour les manifestations qui y sont soumises, la portée de la déclaration ; celle-ci faite, les organisateurs n'ont pas à attendre une réponse positive : si l'administration reste silencieuse, la manifestation peut air lieu. C'est seulement l'interdiction qui la rend illégale. Pour un exemple particulièrement frappant de la confusion commise par certaines autorités entre autorisation préalable et interdiction, cf. supra p. 371. |
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