NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » DROIT CIVIL » La libertÉ de la vie privÉe Les nouvelles formes de protection de la vie privÉeLa loi du 17 juillet 1970, qui reconnait expressément le droit au respect de la vie privée, et les dispositions qu'elle adopte pour la protéger s'expliquent par un renouau des menaces dirigées contre elle. La loi s'efforce de les conjurer sur les deux terrains du droit civil et du droit pénal. La protection de la vie privée, face à ces procédés, recoupe d'autres éléments du droit des libertés publiques : - La sûreté, dans la mesure où les techniques d'espionnage pourraient permettre de tourner les limites posées par la procédure pénale aux instigations policières, et aussi d'ahmenter les fichiers informatisés à l'insu des victimes. Exemple de cette pratique : la décourte en 1973, dans les locaux du Canard enchainé, d'appareils destinés à enregistrer les conrsations de» collaborateurs du journal. La dst, soupçonnée d'être à l'origine de cette opération, a adopté, devant le juge saisi de l'affaire, une attitude de dénégation, puis de blocage de l'instruction, qui laisse er un doute sérieux sur son innocence. Un non-lieu a cependant été prononcé. Il a été confirmé en appel. - La liberté de la presse, celle-ci se retranchant derrière le « droit à l'information » pour étendre au maximum ses curiosités. - Le droit de chacun sur son image lorsque la violation de la vie privée prend la forme d'une photographie clandestine. On analyse parfois ce droit en terme de propriété, chacun se voyant reconnaitre la propriété de son image. Il apparait plutôt comme un prolongement du droit de chacun sur son propre corps, dont l'image est la représentation. Il exclut, d'une part, la prise clandestine de la photographie, d'autre part et a fortiori, sa publication. L'illégalité de la prise d'une photo sans le consentement du sujet a été consacrée a contrario par le Conseil d'Etat, qui a affirmé la régularité d'un arrêté municipal en tant qu'il interdisait aux photographes-filmeurs de photographier les passants contre leur gré (22 juin 1951, Daudignac, Gr. Ar., p. 361). La jurisprudence judiciaire, avant la loi de 1970, avait surtout mis l'accent sur le fait de la publication (cf. par exemple Cass. civ., 12 juillet 1966, D, 1967, p. 181), dans l'affaire, particulièrement odieuse, du jeune fils de Gérard Philippe : un photographe de presse s'était introduit, à l'insu de tous, dans la chambre d'hôpital où l'enfant se reposait au lendemain d'une opération, et la photo avait été publiée dans un hebdomadaire. Dans le même sens, à propos de la publication d'une photographie de Jean Gabin sur son lit de mort sans le consentement de la famille : tgi Paris, rèi.,~ D, 1977, p. 83, note Lindon ; la décision ordonne la saisie, en relevant l'atteinte à la vie privée. Cf. Stoufflet, Le droit de la personne sur son image, JCP, 1957, I, n° 1374. Le droit sur son image pose des problèmes plus difficiles dans le cas des photographies de groupes : chaque membre du groupe peut-il interdire que la publication permette d'élir sa présence à la réunion ? C'est, notamment, la question posée par les photos prises au cours d'une manifestation illégale, la police pouvant les utiliser pour individualiser et poursuivre les manifestants. Il ne semble pas que le droit sur l'image puisse aller jusque-là : on rra ci-après que, dans la loi de 1970, les photos prises dans un lieu public ne sont pas courtes par la protection légale, et que, même dans un lieu privé, les photos de groupe sont présumées consenties par les participants. - La liberté de l'expression de la pensée dans le cas des enregistrements clandestins : c'est alors l'article 11 de la Déclaration de 1789 (« Chacun peut parler librement ») qui est directement méconnu. La gravité de ces menaces et le danger qui en résulte pour l'ensemble des libertés justifiaient donc les noulles formes de protection instituées en 1970. 2° La protection par la voie pénale. - Les articles 368 et 372 du Code pénal, dans la rédaction qu'en donne la loi du 17 juillet 1970, répriment « l'atteinte à la vie privée d'autrui » sous les deux formes analysées ci-dessus : - d'une part, l'écoute ou la prise d'image « dans un lieu privé » sans consentement ; - d'autre part, l'utilisation et surtout la publication des documents ainsi réalisés (art. 368). La définition des infractions est particulièrement large : elle inclut, en ce qui concerne les paroles, l'écoute, l'enregistrement et la transmission, en ce qui concerne les images, la fixation et la transmission, le tout réalisé « au moyen d'un appareil quelconque». Cependant, l'article 371 prévoit la fixation par voie réglementaire d'une liste des appareils conçus pour réaliser ces opérations, et soumet à autorisation ministérielle la fabrication et le commerce de ces appareils. Le délit suppose-t-il l'emploi d'un appareil porté sur la liste, ou d'un appareil quelconque ? D'autre part, l'interdiction se limite aux seuls lieux privés, à l'exclusion des lieux publics. Enfin, les prises de son ou d'images faites au cours d'une réunion, au vu et au su des participants, sont présumées faites ac le consentement de tous. On s'était demandé si la prohibition de « l'écoute au moyen d'un appareil quelconque des paroles prononcées dans un lieu privé » ne permettait pas de sanctionner les écoutes téléphoniques ; mais les travaux préparatoires ne semblent pas autoriser cette interprétation. La loi a même envisagé, et condamné, le montage réalisé ac les paroles ou l'image d'une personne, publié sans consentement, sauf si le caractère de montage apparait évident. 3° La protection par le juge civil. - Si les atteintes à la vie privée visées par la loi de 1970 n'étaient pas, avant sa publication, pénalement punissables, elles n'en étaient pas moins considérées, par la jurisprudence civile, comme des fautes engageant la responsabilité de leurs auteurs sur la base de l'article 1382 du Code civil. Fréquemment saisies d'actions en dommages-intérêts par les victimes d'indiscrétions de presse, les juridictions civiles avaient reconnu très largement leur droit" à réparation, au titre du dommage moral. Les principales affaires jugées concernent des dettes du cinéma ou de la chanson, dont la vie privée avait fait l'objet de reportages indiscrets sount assortis de photos prises clandestinement. Les juges ont eu à se demander, dans certains cas, si le consentement donné antérieurement par les plaignants à des reportages exactement semblables, mais utiles à leur publicité, ne les privait pas du droit à réparation. Ils ont sount tenu compte de cette circonstance pour réduire l'indemnité, mais sont demeurés, en général, très fermes sur le principe de la nécessité du consentement, même dans le cas des dettes. Le problème s'est également posé à propos de personnalités relevant de l'histoire : dans quelle mesure les droits de la science historique autorisent-ils la divulgation de faits relatifs à la vie privée ? Cf., sur ces dirs problèmes, la note de M- Mimin sous l'arrêt précité de la Cour de cassation dans l'affaire Philippe, et C. Paris, 15 nombre 1966, Gunter Sachs, D, 1967, p. 182 ; les conclusions de l'avocat général Cabannes dans l'affaire Tennenbaum (Jean Ferrat), C. Paris, 15 mai 1970, D, 1970, p. 466 ; et la note de Mme Foulon-Piganiol, D, 1966, p. 566. C'est cette base que la loi du 17 juillet 1970 est nue apporter, en même temps qu'elle élargit les pouvoirs du juge du fond. Celui-ci peut désormais, outre la réparation pécuniaire, « prescrire toutes mesures telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée ». Ces mêmes mesures peunt, en cas d'urgence, être ordonnées par le juge des référés. La protection ainsi assurée est efficace. Les mours d'une certaine presse la rendaient nécessaire. Il reste que les pouvoirs ainsi confiés au juge pourraient prêter à des abus, et compromettre la liberté du journaliste et de l'écrivain authentiques, s'ils débordaient le cadre dans lequel la loi les enferme : Or, postérieurement à la loi du 17 juillet 1970, l'article 809 du nouau Code de Procédure civile les a étendus de manière générale : le juge des référés, sur la base de ce texte, peut toujours prescrire les mesures nécessaires pour prénir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. Le problème se pose de savoir si l'article 809, en matière de protection de la vie privée, autorise le juge à aller au-delà dn but précis, et relatiment limité - " faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée » - que lui assignait la loi de 1970. La jurisprudence est divisée. Cf. pour un exemple d'interprétation élargie, tgi Paris (référés) 24 février 1975, D, 1975, p. 438 : dans cette affaire qui mettait en cause le Pr Leprince-Ringuet à propos d'une déclaration publique, le juge a assimilé à l'atteinte à la vie privée « l'atteinte intolérable à la personnalité » que constituait l'article incriminé, et ordonné la saisie. Autre exemple de ce danger : tgi Nancy, réf., 15 octobre 1976, JCP, 1977, n° 18526, note LlNDON, qui ordonne la mise sous séquestre, à la demande du président de la République, d'un jeu de sectiunes le caricaturant, sur la base de l'atteinte au droit à l'image et au nom (le jeu était intitulé : Gissectiune). Ce serait une voie dangereuse si la jurisprudence y persévérait : ici encore, la protection de deux libertés contradictoires ne peut se réaliser que par des compromis faisant leur part à l'une et à l'autre (supra, t. 1, p. 196). En sens inrse, cf. une interprétation nettement restricti dans tgi Bayonne, 29 mai 1976, JCP, 1976, n° 18495, et la note. Sur la loi du 17 juillet 1970, cf. les études de R. Lindon, JCP, 1970, I, n° 2357, et J. Pradel, D, 1971, Chr., p. 111. Les difficultés d'application apparaissent dans les deux ordonnances rendues, en sens opposé, par le TGI de Paris (réf.) le 12 nombre 1976 (affaires Marthe Richard et Roger Borniche, D, 1977, p. 233. note J. P. Ancel). La jurisprudence est particulièrement abondante. Cf., pour des exemples récents, la rubrique « Droits de la personnalité » de MM. Lindon et Amson, D., 1987. Sommaires commentés, p. 137 et s. |
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