L'ensemble du système répressif, qu'il s'agisse de la procédure pénale ou des règles de fond, intéresse le problème de la sûreté. Il ne saurait AStre question, pourtant, de reprendre, dans un ouvrage consacré aux
libertés publiques, l'exposé exhaustif de disciplines qui exigent une étude distincte. On se bornera donc A l'examen de ceux de leurs aspects qui interfèrent plus directement ac la sécurité
juridique de l'individu aux dirs stades du processus de la répression.
E est cependant nécessaire de rappeler, au préalable, les deux schémas principaux selon lesquels peut AStre aménagée la procédure pénale. La procédure accusatoire est un débat entre l'accusateur et le prénu, chacun exposant ses arguments et présentant ses preus. Le rôle du juge se borne A trancher entre eux, au vu des éléments que lui présentent les deux parties. Le rôle d'accusateur peut AStre tenu, soit par la victime ou ses proches, soit par un représentant de la société, le ministère public. Dans la procédure inquisitoire, au contraire, c'est au juge qu'il appartient de mener l'enquASte, de convoquer les témoins, bref, de rechercher lui-mASme les éléments de preu qui emporteront sa conviction.
La procédure accusatoire est traditionnellement considérée comme la plus libérale. C'est celle de l'Angleterre. Elle donne A l'accusé le maximum de chances, et garantit au mieux l'impartialité du juge. Mais elle laisse au savoir-faire des parties et surtout de leurs avocats un rôle déterminant qui peut fausser la décision du juge dans un sens ou dans l'autre. La procédure inquisitoire impose A celui-ci une très lourde tache; elle exige de lui des qualités contradictoires : l'acharnement dans la recherche des preus et la sérénité dans la décision. Elle rend plus difficile la tache de la défense.
La procédure pénale franA§aise combine, depuis le Code d'Instruction criminelle de 1810, les deux techniques. L'aspect inquisitoire l'emporte dans l'enquASte, confiée A un magistrat, le juge d'instruction. Mais l'audience se déroule dans la forme accusatoire : l'accusation, représentée par le ministère public et éntuellement par la partie civile (la victime ou ses représentants) et la défense présentent leurs arguments devant la juridiction de jugement, distincte de la juridiction d'instruction.
Les deux phases sont dominées par le principe de la présomption d'innocence, énoncé A l'article 9 de la Déclaration : - Tout homme est présumé innocent jusqu'A ce qu'il ait été déclaré coupable. - Si son appbcation n'est pas toujours aisée, il n'en emporte pas moins des conséquences importantes : le prénu n'a pas A prour son innocence, c'est A l'accusation de faire la preu de la culpabilité; les droits de la défense doint AStre assurés ; le doute entraine l'acquittement.
Mais, avant l'entrée en scène du juge d'instruction, une phase préalable s'avère pratiquement inévile : VenquASte préliminaire, confiée A la police judiciaire, qui a pour but la recherche et la mise A l'abri des preus matérielles du délit, et surtout l'identification des auteurs éntuels.
On examinera successiment ces trois phases.
Il est essentiel de remarquer que, si tout procès pénal s'organise selon le mASme schéma et obéit aux mASmes principes, les règles qui les concrétisent, et les garanties qui en résultent, varient considérablement selon la nature de l'infraction, crime, délit ou contrantion. Or, les infractions les plus nombreuses et les plus courantes relènt des procédures les plus simplifiées ; d'où le scepticisme qui se déloppe dans l'opinion touchant la valeur protectrice de l'interntion du juge répressif, évidemment réduite dans la majorité des cas, et qui ne joue A plein qu'A l'égard des infractions les plus gras, c'est-A -dire les moins fréquentes.
L'enquASte préliminaire
A ce stade, c'est la police judiciaire qui intervient seule (supra, t. 1, p. 160), et elle dispose de pouvoirs dont l'étendue varie selon que l'infraction est flagrante, c'est-A -dire est en train de se commettre ou vient d'AStre commise, ou non flagrante, mais qui, dans les deux cas, sont considérables : instigations, perquisitions, saisies, convocation et audition de témoins et de suspects, et surtout garde A vue et mASme, en cas de flagrant délit, arrestation, toutes mesures ayant de gras répercussions sur la sûreté individuelle. Or, si la pobce judiciaire est placée sous la surillance du Parquet et le contrôle de la juridiction d'instruction, elle dispose, en fait, d'une grande liberté d'action. De plus, sa composition hétérogène ajoute A son indépendance vis-A -vis du juge : les fonctions d'officier et d'agent de police judiciaire se cumulent sount ac des fonctions de police administrati, et ce sont ces dernières qui déterminent le statut de leurs titulaires (supra, t. 1, p. 160). La confusion est portée A son comble lorsque c'est le préfet qui agit en tant qu'officier de police judiciaire (cpp, art. 30). Si l'on ajoute que la police pousse sount très loin le souci de l'efficacité, on mesure les dangers qui pèsent sur la liberté durant l'enquASte préliminaire. Sa réglementation n'atténue que partiellement ces dangers.
Sur l'enquASte préliminaire : Blonoet, L'enquASte préliminaire dans le nouau cpp, JCP, 1959, I, nA° 1513 ; Besson, La police judiciaire et le cpp, D, 1958, Chr., p. 129.
1A° La réglementation des pouvoirs d'enquASte. ' Les plus dangereux pour la sûreté sont les perquisitions, les saisies, et surtout la garde A vue.
a I Les perquisitions mettent en cause l'inviolabilité du domicile (infra, p. 78). Aussi ne peunt-elles AStre faites que par un officier de police judiciaire ' non un simple agent ', en présence de l'intéressé ou de deux témoins. De plus, des précautions sont prises pour que les secrets professionnels ou familiaux que peunt contenir les documents examinés ne soient pas divulgués. Enfin, les perquisitions et visites domiciliaires ne peunt avoir lieu qu'entre 6 heures et 21 heures : elles sont, en rtu d'une longue tradition, fondée sans doute sur le respect du sommeil, interdites la nuit, sauf quelques exceptions anciennes, notamment l'appel A la police depuis l'intérieur de l'immeuble, et d'autres, plus récentes, qui rompent ac une coutume bien élie : les crimes ou délits contre la sûreté de l'Etat, la fabrication, le stockage, ou l'usage collectif de stupéfiants (1. 31 décembre 1970).
Le Parlement avait adopté en décembre 1976 une loi étendant le pouvoir de perquisition aux véhicules circulant ou stationnés sur la voie publique. Les officiers de police judiciaire, et, sur leur ordre, les agents, étaient autorisés A les fouiller en présence du conducteur, sans aucune restriction, en dehors de toute menace A l'ordre public et de toute procédure d'enquASte après délit. Le risque permanent d'inquisition arbitraire était flagrant. Le texte était typique des restrictions que le pouvoir inflige aux libertés en mettant en avant la saugarde de la
sécurité publique. Aussi le Conseil constitutionnel, par une décision du 12 janvier 1977 (AJDA, 1978, p. 215, et notre note), l'a-t-il déclaré contraire aux principes essentiels de la liberté individuelle, et de ce fait inconstitutionnel.
b j Les saisies. Confiées, elles aussi, aux seuls officiers de police, elles peunt porter sur tous les objets et documents en rapport ac l'infraction. Un inntaire doit en AStre dressé, et ils sont protégés par l'apposition des scellés. Ce pouvoir de saisie s'est révélé redoule lorsque les préfets, sur la base de l'article 30 cpp et en le détournant d'ailleurs de sa fin, l'ont utilisé contre la liberté de la presse (infra, p. 243).
c / La garde A vue. C'est le pouvoir reconnu A la police de garder dans ses locaux, au cours de l'enquASte, pendant une certaine durée, les personnes qu'elle désire interroger, soit comme suspects, soit mASme comme témoins. H s'agit donc d'une privation temporaire de liberté, décidée par les autorités de police, en dehors de toute interntion judiciaire : la menace contre la sûreté est évidente.
Longtemps simple pratique dépourvue de toute base légale, la garde A vue a été consacrée officiellement par le Code de Procédure pénale de 1958, qui l'a réglementée afin d'en prénir les abus. Ceux-ci sont particulièrement redoules : A ce stade, en effet, les personnes interrogées ne sont pas assistées d'un avocat. De plus, et surtout, l'interrogatoire des suspects est conduit le plus sount en vue d'obtenir un au, qui simplifie évidemment la tache des policiers chargés de recueillir les preus. Or, l'au peut AStre recherché, soit par l'épuisement physique et psychologique résultant d'un interrogatoire poursuivi sans répit pendant de longues heures par des policiers qui se relaient, soit par la menace, soit, A la limite, par la violence physique : on risque alors de retomber dans la vieille et atroce pratique de la torture, qu'on avait pu croire définitiment condamnée en 1789, qui a reparu, renoulée par les techniques scientifiques et poussée jusqu'A l'extrémité de l'horreur, ac le national-socialisme et la Gestapo, qui a contaminé A peu près tous les Etats modernes, et dont la France mASme a fait un large usage durant la guerre d'Algérie.
La torture est, bien entendu, interdite. Mais il arri trop sount qu'un procès pénal révèle, A tout le moins, des brutalités sur la personne du suspect.
Tout cela explique la réglementation assez stricte de la garde A vue :
' elle ne peut AStre décidée que par un officier de police, non par un agent ;
' elle ne peut excéder une durée de vingt-quatre heures, ac possibilité de prolongation de mASme durée sur autorisation écrite du procureur de la République. Le délai peut AStre porté A six jours en matière d'atteinte A la sûreté de l'Etat, et A quatre dans les affaires de drogue ;
' les motifs de la garde A vue, sa durée exacte, celle des interrogatoires et des pauses qui les ont séparés doint AStre mentionnés sur dirs documents signés par les intéressés. Ceux-ci peunt, au terme des vingt-quatre heures, demander A AStre examinés par un médecin.
On fait parfois grief au Code de Procédure pénale d'avoir légalisé la garde A vue au lieu de la proscrire. C'est méconnaitre la complexité du problème. La recherche des auteurs possibles d'une infraction ' toute la littérature policière, et de faA§on plus authentique la presse quotidienne en témoignent ' est sount d'une extrASme difficulté ; elle suppose une multiplicité d'opérations variées et coordonnées, notamment lorsque le délit n'est qu'un élément d'un ensemble : ainsi en matière de drogue, d'espionnage, de grande criminalité impule A des bandes organisées. Le maintien en liberté du suspect
' s'il est réellement l'auteur du délit ' lui permettrait de donner l'alerte A ses complices et de brouiller toutes les pistes. L'
efficacité de la répression impose donc l'existence de la garde A vue. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard qu'elle s'était instituée dans la pratique. L'ignorer eût été une hypocrisie. Lui donner une existence légale permettait, en la réglementant, d'en réduire les dangers. Le vrai problème qu'elle pose est ailleurs : non dans les textes, mais dans les faits : magistrats trop peu nombreux et trop surchargés pour exercer efficacement les contrôles que la loi leur confie, mentalité de certains policiers obsédés par la recherche de l'au au point d'AStre peu scrupuleux sur les
moyens de l'obtenir. C'est sur ces données qu'il faut agir si l'on ut réduire au minimum les
risques que présente pour la sûreté un procédé dont on peut regretter, mais non contester, la nécessité.
Sur les procédés susceptibles d'AStre utilisés, et leurs dangers : M. Rous-selet. Les ruses et artifices de la police au cours de l'enquASte préliminaire, JCP, 1958, I, nA° 1419 ; A. Mellob, La torture, 1949. Sur la garde A vue : Quéhiaux, La garde A vue, thèse, Paris, 1965.
d I Le problème des contrôles d'identité. Est-ce A l'enquASte préliminaire et aux activités de la police judiciaire, qu'il faut rattacher la possibilité, pour le personnel de police, de demander A une personne de justifier de son identité ? L'hésitation tient au fait que cette pratique, consacrée par une ordonnance du 2 février 1961 en cas de recherches judiciaires, était largement utilisée par la police administrati dans son action prénti, utilisation que la Chambre criminelle de
la Cour de cassation avait estimée légale - dans certaines circonstances - (5 janvier 1973, Friedel, infra, p. 56). La loi du 2 février 1981 avait repris l'ensemble du problème. Elle confiait les vérifications aux officiers et aux agents de la police judiciaire, en cas de recherches judiciaires, mais aussi - pour prénir une atteinte A l'ordre public -. L'interpellé pouvait élir son identité - par tout moyen -. Le refus de se prASter A la vérification était sanctionné pénalement. La loi du 10 juin 1983, tout en maintenant les contrôles en cas de recherches judiciaires, avait limité les contrôles exercés A titre préntif aux situations et aux lieux - où la sûreté des personnes et des biens se trou immédiatement menacée -. La loi du 3 septembre 1986 revient aux dispositions de 1981 (contrôles préntifs en cas de menace A l'ordre public, - notamment A la sécurité des personnes et des biens -).
Les modifications législatis liées aux alternances politiques n'ont, en ce domaine, eu qu'une incidence limitée sur la pratique. Cf., sur la loi de 1983, C. cass., 4 oct. 1984, D., 85, p. 54, qui en donne une interprétation très restricti. Sur les lois de 1981 et 1986 : ce, 19 janvier 1981, Rec, p. 15 ; ce, 26 août 1986, Rec., p. 120.
La gravité de la question tient moins au contrôle opéré sur place qu'A la possibilité, si la justification d'identité parait suspecte, de conduire l'intéressé dans un local de police et de l'y retenir le temps nécessaire pour vérifier ses affirmations. On débouche ainsi sur une forme d'internement administratif. Sur cet aspect du problème, cf. infra, p. 56.
2A° Les pouvoirs de police judiciaire du préfet. ' Attribuer au préfet, représentant direct du gournement, entièrement soumis A son autorité, les pouvoirs les plus étendus en matière de pobee judiciaire, lui permettre d'ordonner des perquisitions, des saisies, des arrestations, c'était non seulement, au point de vue de la théorie constitutionnelle, aller contre le principe de la séparation des pouvoirs, mais aussi, en pratique, exposer les individus A l'arbitraire de l'exécutif. D'où les protestations des libéraux contre l'article 10 du Code d'Instruction criminelle qui avait consacré cette solution. On a vu (supra, p. 30) l'aboutissement tardif, et provisoire, de ces protestations. La loi du 25 mars 1935 en a cependant retenu quelque chose : en restituant au préfet les pouvoirs qui lui avaient été ôtés en 1933, elle en limite l'étendue, actuellement définie par l'article 30 du Code de Procédure pénale.
Ces limites concernent :
' la nature des infractions : les pouvoirs du préfet ne jouent qu'A l'égard de celles qui intéressent la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat. C'est seulement en cas de guerre ou de tension extérieure qu'ils peunt, comme autrefois, s'étendre A toutes les infractions ;
' les circonstances : seule l'urgence justifie l'action du préfet supposée plus rapide que celle de l'autorité judiciaire ;
' la durée : quarante-huit heures après le début des opérations, le préfet doit se dessaisir, et transmettre l'affaire A l'autorité judiciaire.
LA encore, ce sont moins les textes qui prAStent A la critique que les pratiques auxquel les ils sernt d'alibis alors mASme qu'elles les méconnaissent : ainsi des saisies de journaux {infra, p. 243) ; ainsi des mesures de garde A vue prises A l'occasion du déplacement de personnalités officielles franA§aises ou étrangères A l'égard de personnes jugées susceptibles, au vu de leurs opinions, et sans aucun commencement de preu, de compromettre leur sécurité. Cf. J. Soubeyrol, L'article 30 du Code de Procédure pénale, Mélanges Laborde-Lacoste, 1963.
L'INSTRUCTION
La procédure d'instruction, obligatoire en matière de crimes, facultati pour les délits ordinaires, simplifiée A l'extrASme pour les délits flagrants, exceptionnelle pour les contrantions, est confiée en premier ressort A un magistrat du siège, le juge d'instruction, saisi soit par le procureur de la République, soit par la partie civile, et en seconde instance, A la chambre d'accusation, section de la cour d'appel. Essentiellement inquisitoire (supra, p. 32) elle fait cependant une place assez large aux droits de la défense. Elle a un double objet, d'une part, la recherche des preus, pour laquelle le juge d'instruction dispose de pouvoirs analogues A ceux de la police judiciaire, mais beaucoup plus larges : interrogatoire de l'inculpé, audition de témoins, saisies, perquisitions, et surtout mise en détention, pouvoirs qu'il exerce lui-mASme ou qu'il délègue A des officiers de police judiciaire par des décisions appelées commissions rogatoires. D'autre part, il appartient au juge d'instruction, en tant que juridiction, de décider, en prenant une ordonnance de non-lieu ou une ordonnance de renvoi, si les charges sont trop légères pour justifier une poursuite, ou si, au contraire, l'inculpé, qui devient alors l'accusé, doit AStre renvoyé devant la juridiction de jugement. S'il s'agit d'un crime, c'est la chambre d'accusation qui décide du renvoi devant la cour d'assises.
On conA§oit donc l'importance que présente, pour la sûreté, la stricte réglementation de l'instruction. Les problèmes essentiels qu'elle soulè, de ce point de vue, concernent l'indépendance du juge d'instruction, le caractère secret de la procédure, et surtout les mesures de sûreté qui peunt AStre prises A l'égard des prénus, dont la plus gra est la mise en détention provisoire.
Un autre problème relatif A l'instruction, très discuté il y a une vingtaine d'années, a perdu son actualité. On avait pensé, A la suite de recherches scientifiques, que certaines substances avaient la propriété de mettre celui qui les avait absorbées dans un état hypnotique tel qu'il en vint spontanément A révéler, en réponse aux questions A lui posées par le juge, la vérité sur son comportement. D'où le surnom de sérum de vérité donné au plus connu de ces produits, le penthotal.
Le recours A de tels procédés contre la volonté de l'intéressé est, en toute hypothèse, inadmissible ; il constituerait une atteinte A l'intégrité corporelle qui est une des composantes de la liberté de la personne physique (infra, p. 93). MASme si le sujet est consentant, le résultat reste inquiétant : l'au n'est jamais une preu formelle ". fait dans de telles conditions, il demeure suspect, car il peut procéder d'intentions refoulées qui ne se sont jamais traduites en actes. Ces techniques n'ont reA§u que des applications exceptionnelles, et dans le cadre de l'expertise médicale, non de l'instruction elle-mASme. Il n'en est plus question aujourd'hui.
1A° L''indépendance du juge d'instruction. ' Bien que magistrat du siège, le juge d'instruction était, dans l'exercice de ses fonctions, largement dépendant du ministère public, et, A trars celui-ci, du gournement. Dans les tribunaux importants qui comptent plusieurs cabinets d'instruction, c'est le procureur qui répartissait les dossiers entre eux. Il pouvait retirer une affaire A celui auquel il l'avait confiée. Enfin, c'est le procureur général qui était chargé de suriller les juges d'instruction du ressort de la cour d'appel. Situation facheuse, car, par l'intermédiaire du Parquet, c'est le gournement qui pouvait internir dans la conduite de l'instruction pour freiner le zèle jugé inopportun d'un juge ou l'orienter de préférence rs tel suspect. Le Code de Procédure pénale a sensiblement atténué cette dépendance : c'est au président de la chambre d'accusation qu'est confiée la surillance des cabinets d'instruction du ressort ; le juge d'instruction, dans la conduite de son information, n'est plus tenu d'obéir aux réquisitions du procureur ; enfin, il ne peut plus AStre dessaisi d'un dossier que par le président du tribunal.
Ces solutions avaient été largement modifiées par la loi du 2 février 1981. Elle renforA§ait considérablement les pouvoirs du président de la chambre d'accusation ; il pouvait, en matière criminelle, provoquer le dessaisissement du juge d'instruction au profit d'un magistrat de la chambre, et, en toute matière, - contrôler le cours des informations -, convoquer les juges d'instruction, prendre
connaissance de leurs dossiers. Les juges d'instruction se trouvaient, de ce fait, soumis A un pouvoir quasi hiérarchique. Mais l'abrogation de cette loi a entrainé la remise en vigueur des dispositions antérieures (1. du 10 juin 1983).
2A° Le secret de l'instruction. ' Le principe est traditionnel, le Code de Procédure pénale l'a réaffirmé. H n'en fait pas moins l'objet de vis critiques.
Le secret n'existe pas A l'égard de l'inculpé : son avocat est, tout au long de l'instruction, habilité A prendre connaissance du dossier, qui doit comprendre toutes les pièces de la procédure. Par contre, il existe A l'égard des tiers, et de la presse. Celle-ci lui oppose le droit A l'information. Elle n'est pas seule A attaquer la règle : certains, au sein mASme de la magistrature, font valoir que le gournement, par l'intermédiaire du Parquet, peut A tout moment AStre informé de la
marche de l'instruction. Pourtant, la règle du secret est, beaucoup mieux qu'une instruction conduite sous le contrôle de l'opinion, en accord A la fois ac la présomption d'innocence, ac l'indépendance du juge, et ac les nécessités pratiques : ac la présomption d'innocence, car le public, informé des soupA§ons successifs du magistrat instructeur, risquerait fort, en rtu du prorbe - pas de fumée sans feu -, de considérer comme suspects tous ceux qui en font l'objet, mASme si un non-lieu vient les disculper ; ac l'indépendance du juge, car la pression de l'opinion ' on ne le voit que trop, mASme ac la règle du secret ' risque de peser très lourd sur ses décisions ; ac les nécessités de l'enquASte, enfin, car sa
publicité donnerait aux vrais coupables toutes facilités pour se dérober A la Justice. Quant au droit A l'information dont se prévaut la presse, il a des limites : il n'est pas évident que le compte rendu quotidien des démarches du juge réponde A un vérile besoin du public ; et mASme si ce besoin existait, mériterait-il d'AStre encouragé et déloppé ? La règle ne parait donc pas, au contraire, aller contre les exigences de la sûreté. Le vrai problème tient A la faA§on dont elle est appliquée, et parfois tournée, notamment par les indiscrétions de presse. Elle appelle sans doute, pour garder son efficacité tout en faisant sa part A ce que peut avoir de légitime le droit A l'information, un certain nombre d'aménagements et d'adaptations.
Cf. P. Naut, Le juge d'instruction et son secret, D, 1977, Chr., p. 161.
3A° La détention provisoire. ' De tous les pouvoirs reconnus au juge d'instruction, le plus gra est le droit de prir de leur bberté ceux dont il estime la mise en détention nécessaire A la marche de l'enquASte, en décernant contre eux un mandat d'arrASt complété, lorsqu'il s'agit seulement d'un délit, par une ordonnance de mise en détention.
La mise en détention des suspects, prévue par le Code d'Instruction criminelle sous le nom ' qu'elle a gardé jusqu'A 1970 ' de détention prénti, avait fait l'objet de réformes libérales en 1865, et dans la loi du 7 février 1933. Celle du 25 mars 1935 amorA§a le retour A la rigueur. Le Code de Procédure pénale de 1958, en sens inrse, mit l'accent sur le caractère - exceptionnel » que devrait conserr la mesure, mais cette réaction n'eut que peu d'effet sur une pratique qui tendait A en faire, au contraire, la situation normale du prénu. D'où la réforme opérée par la loi du 17 juillet 1970.
La loi procède de l'idée que, pour pouvoir réduire l'application de la mise en détention de l'inculpé, il faut la remplacer dans sa fonction par des procédés aussi efficaces, mais moins attentatoires A la liberté. Elle crée donc, sous le nom de mise sous contrôle judiciaire, une technique destinée A se substituer A la mise en détention, ce qui lui permet, non seulement d'en modifier le nom ' la détention prénti devient détention provisoire ' mais surtout de la réglementer de faA§on beaucoup plus libérale.
a Le contrôle judiciaire. Il a pour but d'éviter que l'inculpé puisse, en brouillant les pistes ou en disparaissant, se soustraire A la justice, tout en lui épargnant la prison. La mise sous contrôle judiciaire est décidée par ordonnance du juge d'instruction, lorsque la peine encourue est, au minimum, une peine d'emprisonnement correctionnel (l'amende ne la justifie pas), et si le magistrat estime la mesure nécessaire A la poursuite de l'instruction, ou A la sécurité publique. L'ordonnance fixe, en fonction des données propres A chaque cas d'espèce, les mesures appropriées dont la loi propose toute une gamme : restrictions A la liberté de déplacement du prénu ' interdiction de quitter un certain territoire, ou mASme son domicile, confiscation du passeport, du permis de conduire, etc. ', A ses fréquentations ' interdiction d'entrer en contact ac certaines personnes '», A sa vie professionnelle si le délit se rattache A celle-ci. Elle fixe également les contrôles auxquels il devra se soumettre ' obligation de se présenter A certaines autorités selon une périodicité déterminée. Elle peut mASme, dans certains cas (drogue, alcoolisme), lui imposer un traitement de désintoxication. Enfin, le prénu peut AStre contraint de déposer un cautionnement calculé d'après ses ressources, A titre de garantie du respect de ses obligations, et aussi, accessoirement, du paiement éntuel des dommages-intérASts A la partie civile.
Le respect des obligations imposées au titre du contrôle judiciaire est sanctionné pénalement. Ces obligations peunt d'ailleurs AStre, soit allégées, soit renforcées au cours de l'instruction.
Le système est très souple. On a voulu l'individualiser au maximum. Mais cette individualisation, qui demande une étude approfondie de chaque cas, est difficilement compatible ac le nombre croissant des dossiers confiés au juge d'instruction et la surcharge de travail qui en résulte.
LA aussi, le problème du nombre de magistrats et des
moyens mis A leur disposition, c'est-A -dire le problème des crédits, commande l'efficacité des réformes : inscrites dans les textes, elles ne réussissent pas A passer dans les faits.
b La mise en détention. Provisoire, et non plus prénti : le législateur a voulu, en changeant le nom, changer la portée de l'institution, et souligner son caractère exceptionnel qui la rend toujours susceptible d'AStre remise en question.
Décidée par le juge d'instruction, elle est soumise :
' d'une part A des conditions de forme, particulièrement strictes en matière correctionnelle : motivation précise obligatoire, avis du procureur, observations du défenseur ;
' d'autre part A des conditions de fond : la peine encourue doit AStre au minimum de deux ans de prison. Surtout, elle doit apparaitre soit comme l'unique moyen d'éviter que l'inculpé entra l'instruction en faisant disparaitre les preus ou en faussant les témoignages, soit comme nécessaire A l'ordre public, ce qui englobe A la fois le maintien de l'inculpé A la disposition de la justice, sa protection éntuelle contre la colère populaire ou celle de la victime, et la préntion de noulles infractions commises par lui ;
' enfin, A des conditions de durée, tout au moins en matière correctionnelle : quatre mois au maximum, ac renoullement possible par ordonnance motivée pour une durée égale. En matière criminelle, la durée n'est pas limitée. Mais, dans les deux domaines, la mise en liberté peut internir A tout moment, soit A l'initiati du juge d'instruction, soit sur demande de l'inculpé ou de son avocat. Le refus, dans ce cas, doit AStre motivé. H est susceptible d'appel.
La loi du 30 décembre 1987 avait transféré A la Chambre d'accusation la décision de mise en détention. Mais la loi du 13 janvier 1989 a reporté au 1er septembre 1989 l'entrée en vigueur de cette disposition, dont l'anir reste incertain.
Tant qu'elle se poursuit, la détention provisoire est subie dans une maison d'arrASt, en principe dans un quartier séparé de celui des condamnés, et sous un régime moins sévère, comportant notamment le droit de recevoir des visites et la libre communication ac son avocat.
Si une condamnation intervient, le temps passé en détention provisoire est imputé sur celui de la peine. Si au contraire l'affaire se termine par un non-lieu ou un acquittement, la loi du 17 juillet 1970 prévoit la possibilité d'indemniser celui qui a été détenu A tort ; mais les conditions de l'indemnisation sont strictes : caractère - manifestement anormal et d'une particulière gravité - du préjudice causé par la détention, procédure complexe devant une commission spéciale composée de trois membres de la Cour de cassation, statuant sourainement par une décision non motivée.
La difficulté du problème posé par la mise en détention du prénu est évidente. LA encore, il s'agit d'une mesure qui, toute contraire qu'elle soit A la présomption d'innocence, répond dans bien des cas A une nécessité pour la conduite de l'instruction ou la sécurité publique, mais n'en est pas moins chargée de dangers lorsqu'elle tend A se généraliser. En privant de sa liberté un individu qui sera peut-AStre reconnu innocent, elle compromet sa vie familiale, professionnelle, et sa réputation : l'acquittement ou le non-lieu n'effaceront pas la défiance qu'éille dans nombre d'esprits celui - qui est allé en prison -. Le danger s'accroit ac la durée, qui n'est pas limitée, on l'a vu, en matière criminelle, et que l'encombrement des juridictions, les lenteurs de la procédure, peunt prolonger au-delA de toute mesure, jusqu'A réduire le détenu an désespoir. Ce n'est pas un hasard si les suicides dans les prisons sont, sount, le fait de détenus provisoires. Autre danger : les conditions matérielles de la détention ne permettent pas toujours la stricte séparation des condamnés et des détenus provisoires : d'où, pour ceux-ci, et notamment pour les plus jeunes, des contacts qui peunt les transformer en professionnels du crime. Enfin, on a sount dénoncé la tendance des tribunaux répressifs A fixer la durée de la peine d'emprisonnement d'après celle de la détention provisoire, mASme lorsqu'elle pourrait AStre moindre, pour éviter chez le condamné un légitime sentiment de révolte.
Or, la mise en détention représente, pour le juge d'instruction, la solution la plus facile, et celle qui lui procure le maximum de garanties. Il est tentant pour lui, surtout lorsqu'il est surchargé, d'en faire un usage systématique.
Que la tentation ne soit guère écartée, c'est ce que prount les chiffres : au 1er janvier 1970, les détenus A titre provisoire représentaient 33 % du total de la population pénitentiaire en France. Il est probable, d'ailleurs, que cette
donnée purement matérielle et le souci de désencombrer les prisons n'ont pas été étrangers A la réforme de 1970. Sur l'efficacité de la réforme, les chiffres n'incitent pas A l'optimisme : au lor avril 1988, le pourcentage des prénus par rapport aux condamnes s'élevait A 40,3 A°0 du total de la population pénitentiaire LA encore, les moyens matériels, les habitudes et les mentalités trahissent une volonté libérale qui n'arri pas A passer des textes dans les faits.
Vers une réforme de l'instruction ? ' Le régime de l'instruction a, de longue date, soulevé des critiques, et subi des réformes (cf. J. Pradelle, Z)., 1989, Chr., p. 1). Les critiques se sont aggravées ces dernières années, et les alternances politiques ont multiplié les réformes, adoptées ou projetées. La - solitude du juge d'instruction - est sount dénoncée : confier A un magistrat unique les pouvoirs considérables qui font du juge d'instruction, selon une formule courante encore que discule, - l'homme le plus puissant de France - parait A beaucoup dangereux, surtout lorsque la fonction est confiée, comme c'est sount le cas, A un débutant sans expérience. Seul, il devient facilement, pour peu que l'affaire intéresse les médias, l'objet de commentaires critiques ou élogieux, propres A troubler sa sérénité : on lui reproche, s'il parle, son indiscrétion, s'il se tait, son mutisme. Pire : dans les affaires de grand banditisme, il est exposé A la vindicte des tueurs ; deux juges d'instruction ont été assassinés ces dernières années. D'où le projet de confier l'instruction A une commission de trois juges travaillant en équipe. Il n'a pas abouti, mais il n'est pas exclu qu'il soit repris. Autre problème : l'accumulation des dossiers dans les cabinets d'instruction, et les lenteurs qui en résultent, particulièrement gras pour les détenus en attente de jugement. Il est probable que. dans les mois qui viennent, l'institution fera l'objet de noulles et profondes réformes.
LE JUGEMENT
C'est, bien entendu, pour le prénu, l'acte crucial, celui qui décide de son innocence ou de sa culpabilité, et qui, dans ce cas, fixe la peine. D'où son importance du point de vue de la sécurité juridique.
1A° Les organes de jugement. ' Le principe de la collégialité, qui apporte A l'accusé une garantie dans la mesure où il fait, de la décision, le résultat d'une discussion, non l'expression d'une volonté unique, est écarté pour les contrantions : le tribunal de police ne compte qu'un seul juge. H l'a été aussi par la loi du 29 décembre 1972 pour un certain nombre de délits mineurs, que le président du tribunal correctionnel peut faire juger, soit par le tribunal dans sa formation ordinaire ' trois juges 'a– soit par un juge unique. Mais l'extension de cette possibilité A tous les délits ' sauf les délits de presse ', adoptée par le Parlement, a été déclarée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel dans une décision du 13 juillet 1975 (AJDA, 1976, p. 44, et notre note).
La décision n'aboutit cependant pas A conférer le caractère constitutionnel au principe de la collégialité considéré en lui-mASme ; elle se fonde, en effet, sur un autre principe, celui de l'égalité des citoyens devant la justice, qui serait violé si les mASmes infractions étaient jugées par des
juridictions composées selon des règles différentes. Elle semble donc autoriser le jugement par juge unique, dès lors qu'il s'appliquerait A toutes les infractions de la mASme catégorie.
Compte tenu de cette décision, la formation collégiale reste la règle pour les délits.
Le jugement des crimes relè de la cour d'assises, et fait internir, A côté des trois magistrats qui la composent, les représentants de l'opinion publique : le jury, composé de neut citoyens tirés au sort pour chaque session, sur une liste dressée annuellement.
L'institution du jury, conforme au principe démocratique, n'échappe cependant pas A la critique. On fait valoir, pour la contester, la dirsité des rdicts, pour des crimes identiques, d'un département A l'autre, d'une session A l'autre, voire, au cours d'une mASme session, d'un accusé A l'autre, parfois en fonction de la couleur de sa peau : le racisme n'est malheureusement pas toujours absent des rdicts populaires. On évoque aussi la facilité ac laquelle les jurés se laisseraient impressionner, dans le sens de l'indulgence ou de la sévérité, par les circonstance- du moment, par l'opinion, la presse, ou l'habileté pins ou moins grande de l'avocat. Mais leur indépendance, du moins, ne peut AStre suspectée. L'institution est trop ancrée dans les mœurs, trop liée A la tradition libérale, pour que sa suppression puisse AStre sérieusement envisagée. Sur la composition du jury appelé A juger les crimes terroristes, où les jurés sont remplacés par des magistrats professionnels, supra, p. 29.
Le principe du double degré de juridiction s'applique en matière de contrantions et de délits, l'appel étant porté devant la chambre des appels correctionnels. Par contre, il est écarté en matière criminelle : la seule voie de recours ourte contre les arrASts de la cour d'assises est le pourvoi devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.
2A° La procédure. ' Elle est essentiellement accusatoire (supra, p. 32). La
publicité de l'audience, le caractère oral des débats, la règle selon laquelle le défenseur doit prendre la parole le dernier, après l'accusation, sont autant de garanties pour l'accusé.
Ces garanties n'ont pas toujours la mASme valeur. Devant le tribunal de police, le débat est simplifié A l'extrASme, et l'encombrement du rôle aboutit parfois au mASme résultat devant le tribunal correctionnel. A la limite, les règles procédurales se réduisent A de simples rites privés de sens et d'efficacité. Or, les affaires jugées dans ces conditions représentent, dans l'ensemble de l'action répressi, la part la plus large. D'autre part, il peut arrir que la faA§on dont le président conduit les débats, et notamment procède A l'interrogatoire de l'accusé, trahisse une préntion A l'égard de celui-ci. Enfin, il est certain que la relati solennité de l'audience, le langage propre au monde judiciaire déconcertent et paralysent le prénu et les témoins qui, de par leur situation dans la société, en ignorent tout. C'est le cas, notamment, des travailleurs immigrés. Du moins la désignation d'un interprète pour ceux qui ne connaissent pas suffisamment le franA§ais est-elle de droit. Mais il reste beaucoup A faire pour rendre plus effecti la protection de tous, et surtout des humbles, par l'appareil judiciaire. Le problème avait pris, A la fin de 1976, une particulière acuité en ce qui concerne la procédure des flagrants délits, notamment devant le tribunal de Paris (cf. C. Hennion, Chronique des flagrants délits, 1976), où l'encombrement du rôle rendait impossible tout débat sérieux et transformait le magistrat en un distributeur automatique de peines. Ce n'est pourtant pas le souci de porter remède A cette situation qui a entrainé, dans la loi du 2 février 1981, la suppression de la procédure des flagrants délits, c'est, A l'opposé, la volonté d'accélérer encore le cours de la justice ; volonté légitime en elle-mASme, dans la mesure où cette accélération évite au prénu l'attente prolongée du jugement et la détention provisoire, volonté dangereuse lorsqu'elle en vient A remettre en cause les garanties fondamentales sans lesquelles la justice n'est plus qu'un réflexe augle de défense sociale. La procédure dite de saisine directe par laquelle la loi du 2 février 1981 a remplacé celle des flagrants délits prAStait, de ce point de vue, le flanc A la critique. Elle permettait au procureur de la République de décider sourainement qu'une information n'était pas nécessaire et de saisir immédiatement le tribunal, qui statuait le jour mASme, ce qui réduisait les droits de la défense A un minimum symbolique. L'abrogation de la loi du 2 février 1981 par la loi du 10 juin 1983 a entrainé le remplacement de la saisine directe par une procédure de ution immédiate : le procureur, en cas de flagrant délit, garde le pouvoir d'envisager de faire juger le prénu séance tenante, mais l'accord de l'intéressé, donné en présence de son avocat, est nécessaire, et les droits de la défense sont mieux respectés.
3A° La peine. ' Quelle qu'elle soit, elle se répercute de faA§on plus ou moins gra sur un des droits fondamentaux de l'homme : sur la propriété ac l'amende, sur la liberté ac la prison, et A la limite sur la vie ac la peine de mort. C'est pourquoi un ouvrage consacré aux libertés pubbques ne peut ignorer les problèmes qu'elles posent et les débats qu'elles suscitent.
a / De ces débats, le plus gra porte évidemment sur la peine de mort. Seule pourrait en justifier le caractère inhumain la certitude que, par son effet dissuasif, elle prévient des crimes de sang, et en sacrifiant une vie, en sau d'autres. Mais cette preu n'a jamais pu AStre apportée, de telle sorte que la peine de mort n'apparait plus aujourd'hui que comme la survivance légalisée d'un réflexe primitif de ngeance collecti. De larges secteurs de l'opinion y restent pourtant attachés : ils voient en elle une sorte de symbole de la lutte contre la criminalité. Le Parlement, après avoir longtemps hésité, s'est enfin résolu, sur les instances du garde des Sceaux Robert Badinter, A voter l'abolition de la peine de mort, remplacée par la détention A perpétuité (loi du 9 octobre 1981). On ut espérer que cette réforme, grace A laquelle la France a rejoint le groupe des Etats libéraux qui l'avaient devancée dans cette voie, répond trop directement A une certaine idée de l'homme, de sa dignité et de sa fin pour qu'il soit possible de la remettre en cause. Elle ne pourra l'AStre, en toute hypothèse, du fait de la signature par la France le 28 avril 1985 du protocole nA° 6 A la Conntion européenne des droits de l'homme interdisant la peine de mort, avant un délai de cinq ans.
6 / L'amende pose des problèmes plus terre A terre : on peut lui reprocher de peser de faA§on inégale sur celui qu'elle frappe, selon ses charges et sa fortune ; les - jours-amendes -, par lesquels le juge peut remplacer l'amende classique (1. 10 juin 1983), doint tenir compte de ces éléments.
c / C'est la prison, c'est-A -dire la privation de liberté, qui suscite aujourd hui les débats les plus gras. Ils portent A la fois sur les conditions matérielles de la détention, sur sa fonction, et A la limite sur son principe mASme.
Au premier point de vue, deux tendances s'opposent : celle qui voit, dans la privation de la liberté, l'essentiel de la peine et qui juge inadmissible de l'aggrar en infligeant aux détenus un régime pénitentiaire inhumain, et celle qui s'indigne contre les efforts actuels pour humaniser la vie carcérale et dénonce -< les prisons trois étoiles -. Plus gra, et plus complexe est le débat sur la finalité de la mise en détention : protection de la société par la mise hors d'état de nuire de criminels irrécupérables ? Redressement et rééducation permettant la réinsertion des délinquants dans la vie ? Le choix entre ces buts met en jeu des données que les sciences de l'homme maitrisent encore mal : y a-t-il ou non des criminels irrécupérables ? Où commence, dans l'état mental du criminel, l'état pathologique qui relè du traitement plutôt que du chatiment ? Plus profondément, le choix met en cause l'idée ' optimiste on pessimiste ' qu'on se fait de l'homme, de sa nature, de sa fin. Quel que soit le choix, d'ailleurs, il laisse entier le problème des méthodes : est-il possible, et par quels moyens, de rééduquer le détenu et d'assurer son reclassement social ?
Quant A la mise en cause du principe mASme de la détention et de sa légitimité, elle se heurte A une objection majeure : la difficulté de trour des solutions de remplacement dans les conditions présentes de la vie sociale.
Les orientations du
droit positif reflètent ces débats. Un point est certain : la nocivité, sans aucune contrepartie, des courtes peines oVemprisonnement, dont l'expérience prou qu'elles ne sont guère dissuasis et que, loin de permettre une action de redressement, elles ont l'inconvénient de mettre en contact ac des criminels confirmés des débnquants mineurs, ce qui n'est pas fait pour les amender. C'est pourquoi la loi du 11 juillet 1975 (art. 19 et s.) a prévu des - substituts aux courtes peines d'emprisonnement -, telles que retrait du permis de conduire, confiscation de véhicule, interdiction de port d'armes, retrait du permis de chasse, interdiction de certaines activités professionnelles, etc.
En ce qui concerne les peines de longue durée, l'orientation de la doctrine officielle dans le sens de l'humanisation de la condition des détenus et de leur rééducation a été abandonnée en 1978 au profit du souci de la sécurité. L'humanisation inspirait, d'une part, dirses mesures concernant l'aménagement de la vie dans les prisons, d'autre part, les dispositions, que la loi précitée du 11 juillet 1975 a encore étendues, relatis aux autorisations de sortie et aux libérations conditionnelles. Les premières se heurtent malheureusement A des difficultés matérielles de mise en œuvre : vétusté des locaux, formation insuffisante du personnel pénitentiaire. Les secondes suscitaient l'hostilité de certains courants d'opinion, qui mettaient en relief le pourcentage inévile, et d'ailleurs limité, des échecs pour attaquer le système lui-mASme. Ces courants, déjA perceptibles en 1975, avaient inspiré la création dans les prisons, par un décret du 23 mai 1975, des quartiers - de sécurité renforcés - ou - de plus grande sécurité -, au régime particulièrement rigoureux. Surtout, la loi du 22 nombre 1978 leur a donné satisfaction par deux séries de mesures. D'une part (art. 1er modifiant les art. 720-2 et s. du Code de Procédure pénale) les détenus, durant une période dite - période de sûreté - dont la durée varie selon le délit et la gravité de la condamnation, ne peunt bénéficier d'aucune des mesures qui en atténuent la rigueur, notamment permissions de sortir et libérations conditionnelles. D'autre part les articles 2 et suivants de la loi réduisent, notamment en matière de permissions de sortir, les pouvoirs des juges de l'application des peines, soupA§onnés d'un excès d'indulgence, en associant A leurs décisions le procureur de la République et le chef de l'élissement, au sein d'une - Commission de l'application des peines -. De cette politique de rigueur, la loi - Sécurité et liberté - a marqué l'apogée. Mais la tendance s'est inrsée après les élections de mai 1981. Le retour A la conception libérale qui prévalait avant 1978 s'est affirmé ac la suppression des quartiers de haute sécurité (d. 26 février 1982), l'humanisation du régime des prisons (d. 28 janvier 1983) et l'abrogation de la loi - Sécurité et liberté - : la loi du 10 juin 1983 prévoit notamment la possibilité, si le condamné en est d'accord, de substituer pour lui, A l'emprisonnement, l'exécution de travaux d'intérASt général non rémunérés, hors du milieu carcéral.
L'effort d'humanisation ainsi repris après le renrsement de tendance de 1978 est d'autant plus méritoire qu'il n'est guère soutenu par une opinion publique soucieuse avant tout de sécurité. La police, dans le mASme sens, dénonce volontiers I* s indulgence - des magistrats. Les chiffres réduisent cette critique A l'état de mythe ; les condamnations, leur proportion par rapport au total des infractions poursuivies, et leur gravité, se maintiennent, depuis des années, A un niau A peu près constant, sans qu'aucune tendance A la baisse soit perceptible. Bien plus : le nombre des détenus ne cesse de croitre : il atteignait, au 1" avril 1988, 52 510 pour 30 000 places. Pour faire face A cette surpopulation, qui entraine inévilement des révoltes répétées, un ambitieux programme de constructions avait été prévu en 1986. Les noulles prisons auraient été construites et mASme gérées par des entreprises privées. Cette privatisation de la fonction pénitentiaire, justement critiquée, a été écartée, mais le problème de la surpopulation carcérale demeure. L'augmentation du nombre des prisons ne peut suffire A le résoudre. Il en rejoint d'autres : les excès du recours A la détention provisoire, la lenteur de l'instruction, l'utilisation insuffisante des peines de substitution, et, plu6 profondément, l'option pour une certaine politique pénale. Entre une répression augle dominée par la peur et un laxisme qui refuserait de prendre en compte les nécessités de la sécurité, la voie médiane, celle d'une humanisation lucide et mesurée, est la seule qui soit compatible ac les impératifs de l'Etat libéral.