NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » DROIT CIVIL » L enseignement La liberté de l'enseignementLa liberté de l'enseignement est-elle la moins aimée des libertés de l'expression?1. Une réponse affirmative s'impose. Contestée dans son principe, la liberté de l'enseignement l'a été, également, dans sa mise en ouvre. 1 La reconnaissance de la liberté de l'enseignement Aspects juridiques. ' Si la Ire République reconnut cette liberté, ce fut sans solennité, contrairement A ce que pouvait laisser espérer l'article 11 de la Déclaration de 1789 : - La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme. - Très te, les restrictions apparurent et le Directoire prépara l'élissement d'un monopole sous le Premier Empire. Parmi les textes constitutionnels, le plus explicite en ce domaine est celui du 4 novembre 1848, dont l'article 9 est ainsi libellé : - L'enseignement est libre. La liberté d'enseignement s'exerce selon les conditions de capacité et de moralité déterminées par les lois, et sous la surveillance de l'Etat. Cette surveillance s'étend A tous les élissements d'éducation et d'enseignement, sans aucune exception -2. Aucune des Républiques suivantes ne devait reprendre une telle formulation. Ce sont des lois qui ont fondé la liberté : la loi du 28 juin 1833 (dite loi Guyot) pour l'enseignement primaire, la loi du 15 mars 1850 (dite loi Falloux) pour l'enseignement secondaire et la loi du 12 juillet 1875 pour l'enseignement supérieur. D'autres textes de moindre portée sont venus confirmer le principe, ce qui a permis au Conseil constitutionnel d'y voir l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et de lui conférer valeur constitutionnelle3. Aspects politiques. ' Revendiquée par les catholiques et les libéraux dès la Restauration et surtout sous la Monarchie de Juillet, la liberté de l'enseignement apparut, aux yeux de beaucoup, comme une liberté consacrée par les conservateurs et les monarchistes. Dissociée des autres grandes libertés, elle est surtout présentée comme antirépublicaine. Les débats passionnés auxquels elle donna lieu sous la IIIe République opposèrent souvent - droite - et ce gauche -, ce qui lui conféra, pour de nombreux FranA§ais, une signification politique particulière. Le débat sur l'enseignement est assez spécifiquement franA§ais mASme si les arguments de fond présentent un intérASt beaucoup plus général. Aspects philosophiques. ' L'éducation des enfants appartient aux familles. Ce principe est largement admis dans nos sociétés, aussi bien par les croyants que par les non-croyants. Mais les conséquences que l'on en tire sont différentes. En effet, si l'on s'entend pour rejeter toute idéologie officielle et tout endoctrinement par l'Etat, les uns prônent une école laïque et neutre, se limitant A l'instruction profane. La rencontre d'enfants élevés dans des croyances différentes y sera enrichissante pour tous, l'éducation et l'instruction religieuse relevant des seuls parents. Les écoles publiques devront leur laisser toute latitude A cette fin. Un jour de congé par semaine, du temps libre durant la semaine précédant la communion solennelle, voire la mise en place d'une aumô-nerie dans les locaux scolaires accueillant les internes. En revanche, pour les autres, il est impossible et totalement artificiel de séparer instruction et éducation. Les arguments n'ont pratiquement pas varié. Comment enseigner une morale valable, sans référence aux principes religieux qui la fondent, demandaient les parlementaires catholiques en 1881 et 1882 ? L'instituteur va instruire des enfants, en grande majorité baptisés, six heures par jour pendant sept ans. S'il ne leur parle jamais de Dieu, ils s'habitueront A croire qu'il n'existe pas : - Votre école neutre deendra logiquement, forcément, l'école sans Dieu -, concluaient-ils. Cent ans plus tard, Mgr Plateau écrivait : - Qu'on le veuille ou non, toute structure éducative est porteuse d'une philosophie, d'une certaine conception de l'homme et de la société. Nier toute référence philosophique est aussi illusoire que se prétendre totalement apolitique. - L'école catholique est - celle où l'ensemble des actes éducatifs, enseignement, éducation du caractère et de la liberté, apprentissage de la e sociale, s'inspirent des valeurs évangéliques - dans le cadre d'une - communauté éducative -. La liberté ne peut AStre conA§ue comme une référence absolue, sans valeur supérieure4. Il n'y a pas une physique ou des mathématiques catholiques, expliquent les laïcs. Certes, répliquent les partisans de l'enseignement catholique, mais ceci est moins vrai de l'histoire ou de la philosophie et, de toute faA§on, il y a une manière chrétienne d'enseigner, quelle que soit la matière. Toutefois, mASme en admettant ce raisonnement, on peut encore diverger sur les conséquences A en tirer. Pour certains, il suffit A justifier le maintien, voire le développement d'un enseignement catholique, et devrait inciter tous les parents qui pratiquent cette religion A y envoyer leurs enfants. Pour d'autres, ce serait très dangereux. D'une part, parce qu'il faut habituer les jeunes A connaitre l'existence de différences dès leur enfance. D'autre part, l'école publique sera d'autant moins laïque ou anticléricale qu'elle accueillera des élèves issus de familles chrétiennes et comprendra des enseignants eux-mASmes chrétiens. Une évolution très nette s'est d'ailleurs produite depuis cent ans. Presque personne ne croit plus A l'existence possible d'une école parfaitement neutre. Par ailleurs, la majorité de nos compatriotes croient moins au rôle déterminant de l'école dans la transmission des valeurs. Les livres, les journaux, la télésion, le cinéma ont une influence au moins aussi grande sur les jeunes. La famille, surtout, joue un rôle apparemment essentiel. Aussi la majorité des catholiques envoie-t-elle ses enfants dans les écoles publiques. En revanche, les écoles privées sont fréquentées par de nombreux jeunes issus de familles incroyantes ou peu croyantes. Certains parents se présentent, en effet, selon une formule contemporaine, comme des - consommateurs d'écoles -. Ils choisissent l'école privée parce qu'elle assure, A leurs yeux, une éducation plus complète. Un meilleur encadrement, un plus grand dévouement des enseignants, la prise en compte plus réelle de chaque enfant sont les arguments avancés pour justifier leur choix. Cette image de marque est, de plus en plus, mise en valeur par les écoles privées. Elle explique qu'on y trouve nombre d'enfants de parents séparés ou divorcés, de mASme que des jeunes handicapés physiques ou mentaux. Finalement, l'émulation et la concurrence seraient bénéfiques car elles contraignent le secteur public A s'adapter. Aspects économiques. ' Les écoles privées sont, aussi, dangereuses, répliquent les laïcs, car elles sont sources de gaspillage. Au lieu de concentrer les moyens financiers sur l'amélioration du serce public, on les gaspille en entretenant une concurrence artificielle. Les militants laïcs les plus extrémistes vont encore plus loin en reprenant une formule très usitée au début du siècle : - les fonds publics A l'école publique, les fonds privés A l'école privée -. Ce slogan est jugé inacceple par les partisans de l'école privée. L'argent public est celui des contribuables. Les parents choisissent l'école que fréquenteront leurs enfants. L'Etat doit intervenir proportionnellement A ce choix (système dit de la proportionnelle scolaire). N'est-il pas paradoxal que le slogan précédent soit souvent avancé par des marxistes ou des socialistes qui rejettent d'une faA§on générale la reconnaissance d'une liberté sans que celle-ci soit accomnée des moyens matériels nécessaires A sa mise en ouvre? Veut-on ne faire de la liberté de l'enseignement qu'une liberté formelle ? C'est alors que l'école privée deendrait une école - de classe - réservée A ceux qui ont les moyens de la financer. Aspects sociaux. ' L'école privée a, en effet, souvent été accusée de favoriser la ségrégation sociale. On a récemment évoqué le fait qu'elle ne scolarisait que 2 % d'enfants d'immigrés alors que l'enseignement public en accueillait 7 %. Ceci tient, selon les responsables de l'enseignement privé, A l'imtation de leurs élissements très forte dans les académies de Rennes et de Nantes où les immigrés sont fort peu nombreux. On y accueille des jeunes de tous milieux, ce qui ne serait plus le cas si l'Etat supprimait son aide. Il semble, d'ailleurs, que les élissements religieux d'enseignement privé ne soient pas homogènes. La motivation religieuse et une large ouverture sociale dominent dans les régions où elle est traditionnellement et fortement imtée. Sans disparaitre, elles coexistent dans les autres régions avec la recherche d'une école de meilleure qualité. Enfin, et sans qu'il faille généraliser, la motivation sociale serait plus forte notamment dans certains élissements de la région parisienne. La facilité des déplacements, la présence d'une forte population scolaire non francophone, ou A problèmes dans certains quartiers, pousseraient certains parents A chercher une solution dans un enseignement privé qui n'est pas nécessairement confessionnel. Ce problème est sérieux. Il a suscité de nombreux débats A l'étranger et spécialement aux Etats-Unis avec la pratique du bussing consistant A transporter des enfants blancs vers des écoles noires et réciproquement pour éter la ségrégation raciale. Notons cependant que les solutions nécessitent un dépassement de l'opposition public-privé. Car s'il est exact que des parents croient trouver une solution en mettant leurs enfants dans des écoles privées, ils peuvent également changer de domicile. La ségrégation sociale affecte aussi l'enseignement public. Il y a une très grande diversité de - public scolaire - lorsqu'on passe d'une école de camne A classe unique A une école située dans un quartier - bourgeois -, et, de celle-ci A l'école d'un grand ensemble de banlieue. C'est probablement lA que se situent les problèmes les plus préoccupants pour l'avenir. L'école facilitant le brassage social est largement un mythe. On évoqua fréquemment, au début du siècle, le thème des deux jeunesses, grandissant sans se connaitre, élevées selon des principes différents, voire opposés. Il y a probablement aujourd'hui plusieurs jeunesses, élevées dans des ambiances très diverses et les ségrégations les plus graves n'opposent plus principalement les élèves du public, et du privé, surtout depuis que l'Etat accorde une aide A l'enseignement privé.
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