NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » DROIT CIVIL » La philosophie des droits de l homme Le triomphe de la philosophie des droits de l'homme
L'expression prilégiée de la philosophie des droits de l'homme se situe A la fin du xiie dans les déclarations de droits. Intéressantes d'un point de vue formel, celles-ci le sont également par leur contenu et par les droits proclamés. 1 Les déclarations de droits - Considérons un instant les prétendus droits de l'homme, et cela sous leur forme authentique, sous la forme qu'ils possèdent chez ceux qui les ont découverts, les Américains du Nord et les FranA§ais -3. On peut noter l'hommage rendu A ces deux peuples par Marx, qui se livre par ailleurs A une critique sur laquelle il faudra revenir. Effectivement, et on ne le redira jamais assez, les droits de l'homme sous leur forme moderne apparaissent A une époque précise dans un contexte politique et géographique bien déterminé. Les droits de l'homme en Angleterre ' Aussi paradoxal que cela paraisse, ce n'est pas en Angleterre pourtant considérée alors, et notamment par les FranA§ais, comme la terre de la liberté, que l'on trouve de quelconques déclarations solennelles. La reconnaissance des libertés y était, et y reste, très étroitement liée A l'histoire du peuple anglais d'une part, A son empirisme d'autre part. Elles y ont été arrachées au pouvoir royal, lorsque les circonstances le permettaient et se trouvent énoncées dans un certain nombre de textes fameux : la Grande Charte de 1215, la Pétition des droits de 1627, le Bill des droits de 1688 et l'Acte d'élissement de 1701. On ne trouve cependant pas en Angleterre de grandes déclarations de principes, mais des procédures juridiques permettant de préserver tel droit ou telle liberté. Les textes précités n'ont et ne prétendent avoir aucun caractère transcendant. Ils n'ont d'autre ambition que de protéger les sujets britanniques A une certaine époque. A cet égard ils constituent les droits de l'Anglais, plutôt que les droits de l'homme. Ils s'imposent au roi et non au Parlement. Ceci n'a pourtant pas empASché l'Angleterre d'AStre prise en exemple par les libéraux du xiie siècle et au premier chef par les colons américains qui la combattaient. Les droits de l'homme aux Etats-Unis. ' Aux Etats-Unis, plusieurs raisons militaient en faveur d'une formulation des droits et libertés. Rappelons l'origine mASme de la plupart des colons. Habitués en Angleterre A jouir d'un minimum de droits, ils n'entendaient pas les perdre en émigrant en Amérique du Nord; d'autant moins que leur départ s'expliquait souvent par des persécutions religieuses résultant de l'insuffisance de la protection accordée par le droit anglais. Parmi les émigrés, on comptait de nombreux puritains. Quittant l'Angleterre après la disparition de Cromwell, ils répandirent largement leurs conceptions politico-religieuses en Amérique du Nord. Les puritains étaient attachés A une certaine forme de la liberté de conscience, chaque communauté étant libre d'administrer d'une manière indépendante et autonome ses affaires spirituelles. En glissant du terrain religieux au terrain politique, on aura tendance A ensager l'Etat de la mASme faA§on que l'Eglise, c'est-A -dire comme procédant d'un contrat conclu en vertu d'un droit naturel de l'homme. Les puritains étaient notamment persuadés que certains droits de la conscience humaine s'imposent A l'Etat. La conjonction de ces deux éléments devait conduire A la conction que les droits de l'homme représentent des valeurs transcendantes antérieures et supérieures A l'Etat. A cet égard, la Déclaration d'Indépendance du 4 juillet 1776 représente la première grande manifestation politique de ces principes : - Nous considérons, y est-il affirmé lorsque dans le cours des événements humains, il deent nécessaire pour un peuple de dissoudre les liens politiques qui l'ont attaché A un autre et de prendre, parmi les puissances de la terre, la place séparée et égale A laquelle les lois de la nature et du Dieu de la nature lui donnent droit, le respect dû A l'opinion de l'humanité l'oblige A déclarer les causes qui le déterminent A la séparation. - - Nous tenons pour édentes par elles-mASmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la e, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont élis par les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de gouvernement deent destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l'abolir et d'élir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l'organisant en la forme qui lui paraitront les plus propres A lui donner la sûreté et le bonheur. La prudence enseigne A la vérité que les gouvernements élis depuis longtemps ne doivent pas AStre changés pour des causes légères et passagères, et l'expérience de tous les temps a montré en effet que les hommes sont plus disposés A tolérer des maux supporles qu'A se faire justice A eux-mASmes en abolissant les formes auxquelles ils sont accoutumés. Mais lorsqu'une longue suite d'abus et d'usurpations tendant invariablement au mASme but, marque le dessein de les soumettre au despotisme absolu, il est de leur droit, il est de leur devoir de rejeter un tel gouvernement et de pourvoir, par de nouvelles sauvegardes, A leur sécurité future. - Néanmoins ce texte constitue seulement une proclamation et une justification, dépourvues de valeur en droit positif. La première manifestation juridique de la philosophie des droits de l'homme se trouve dans le célèbre Bill des droits qui précède le texte de la Constitution de la Virginie (1776). Six autres Etats américains feront précéder leur constitution d'une telle déclaration avant 1789*. Il s'agit lA de textes destinés A traduire le caractère transcendant des droits de l'homme dans la hiérarchie des normes. En revanche, la Constitution fédérale de 1787 n'est précédée d'aucune déclaration. Les droits et libertés sont, seulement, mentionnés dans les dix premiers amendements proposés au Congrès le 21 septembre 1789 et ratifiés le 15 décembre 1791. Ils seront suis par de nombreux autres. Mais leur inspiration est très différente de celle des déclarations. Ils n'entendent pas proclamer des droits car selon le Fédéraliste, c'eût été admettre que l'Etat avait le pouvoir de les nier. Ils ont un caractère procédural et sent, surtout, A définir leur portée dans les rapports entre l'Etat fédéral et les Etats fédérés. Seules les déclarations réalisées par ces derniers peuvent donc AStre considérées comme des précédents directs de la Déclaration franA§aise de 1789. L'originalité de la Déclaration de 1789. ' Cette possible filiation fut A l'origine d'une controverse qui eut son heure de gloire au début du siècle, opposant deux juristes réputés, l'Allemand Jellinek et le FranA§ais Boutmy. Selon Jellinek, la Déclaration de 1789 serait d'origine essentiellement germanique. Seule cette cilisation avait conservé l'idée de liberté indiduelle, reprise ultérieurement par la Réforme. Passée de l'autre côté de l'Atlantique avec le protestantisme, elle s'est traduite dans le droit public américain. La Déclaration franA§aise n'est qu'une copie de ces précédents, sans originalité ni dans le fond, ni dans la forme. A l'opposé, certains auteurs franA§ais dont Boutmy voulurent montrer que les principes de 1789 étaient A l'origine d'un monde nouveau. Leur genèse se serait réalisée au sein d'un peuple prédestiné par l'histoire. Ni l'une ni l'autre de ces thèses dont on trouve la source dans l'antagonisme politique et doctrinal franco-allemand n'est très convaincante! La Déclaration de 1789 eut inconteslement une portée universelle que n'avaient pas eue les déclarations américaines. Ceci s'explique par des considérations politiques. La France était, A la fin du xiie siècle, la première puissance politique - occidentale - pour des raisons démographiques, économiques et culturelles. Toute révolution en France ne pouvait manquer d'avoir des répercussions dans l'ensemble de l'Europe. La langue franA§aise était lue et comprise dans tous les milieux cultivés. Les constituants franA§ais avaient du reste nettement le sentiment d'agir pour tous les hommes. Ce type d'attitude n'est-il pas très fréquent de la part de la nation qui, se sentant culturellement dominante, pense avoir une vocation A traduire les aspirations humaines en termes universels? Cependant, la Déclaration de 1789 n'eut pas un tel retentissement uniquement parce qu'elle était franA§aise. La qualité formelle de sa rédaction y est pour beaucoup. Peut-AStre parce qu'elle fut l'ouvre de juristes pétris de culture littéraire. Il n'empASche que cette ouvre collective surprend par la concision du style et la force percutante de certaines formules. Ceci est d'autant plus étonnant que les nombreux projets de déclarations, qui l'ont inspirée, sont en général beaucoup plus ternes. Quant au contenu des déclarations franA§aise et américaine, il est assez largement able, sinon identique. Cela tient vraisemblablement A ce que les FranA§ais ont, effectivement, subi l'influence américaine. Ils ne s'en sont guère cachés et les discussions A l'Assemblée constituante en témoignent. Les Américains eux-mASmes se sont inspirés des conceptions anglaises que beaucoup d'entre eux revendiquaient mais également des idées franA§aises véhiculées A travers l'Europe et en Amérique du Nord. En fait, les unes comme les autres sont, d'abord, filles de l'esprit du xiie siècle et de son indidualisme. 2 Les droits proclamés Le contenu de la Déclaration de 1789. ' La Déclaration de 1789 contient une philosophie de V - association politique -. Toute société est fondée sur une constitution, ce qui suppose que la garantie des droits soit assurée et la séparation des pouvoirs déterminée (art. 16). La garantie des droits nécessite l'entretien d'une force publique (art. 13) aux dépenses de laquelle tous les citoyens doivent contribuer en raison de leurs facultés. Cette règle vaut d'ailleurs pour l'ensemble des dépenses publiques. Il ressort clairement de ces quelques principes que - le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme - (art. 2). Quels sont ces droits? - la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance A l'oppression -, ajoute le mASme article 2. En fait, le dernier ne correspond pas vérilement A un droit. Quant au principe d'égalite, sans constituer vérilement l'un des droits, il est inséparable d'eux. En effet, - les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits -, est-il écrit dès l'article 1. Il en découle des conséquences juridiques précises. Les droits proclamés sont valables pour tous les citoyens qui peuvent concourir A la formation de la loi (art. 6) et sont - également admissibles A toutes dignités, places et emplois publics selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents - (art. 6). Ils sont également soumis - en raison de leurs facultés - A l'impôt auquel ils doivent consentir. Tous les citoyens sont donc également libres. La liberté est définie par l'article 4. Elle - consiste A pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas A autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mASmes droits -. Certaines applications du principe de liberté sont mentionnées explicitement : ainsi, la liberté d'opinion, de conscience et de religion A l'article 10 et la libre communication des pensées et des opinions, incluant la liberté de la presse, A l'article 11. Aucune liberté n'est illimitée. Pour éter les abus, il faut déterminer des bornes. Elles seront fixées par la loi égale pour tous et A la formation de laquelle tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement ou par leurs représentants, - la loi est l'expression de la volonté générale - (art. 6). - Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut AStre empASché, et nul ne peut AStre contraint A faire ce qu'elle n'ordonne pas - (art. 5). Toutefois la loi elle-mASme n'est pas sans limites; elle - n'a le droit de défendre que les actions nuisibles A la société - (art. 5). Garantie de la liberté du citoyen, la loi l'est également de sa sûreté. Quelques formules au moins aussi célèbres que les précédentes en déterminent les principes fondamentaux : - Nul homme ne peut AStre accusé, arrASté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu'elle a prescrites - (art. 7). Tout homme est - présumé innocent jusqu'A ce qu'il ait été déclaré coupable - (art. 8). La loi ne doit élir que des peines strictement et édemment nécessaires et nul ne peut AStre puni qu'en vertu d'une loi élie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée (art. 8). Enfin l'article 17 consacre la propriété privée : - La propriété étant un droit inolable et sacré, nul ne peut en AStre privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige édemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. - Cet article, le dernier de la Déclaration sera ultérieurement l'un des plus contesté. Il découle pourtant, tout comme les autres, de l'esprit du xiie siècle. Les caractères de la Déclaration de 1789. ' Les caractères de ce texte peuvent AStre regroupés autour de quatre idées : ' La transcendance : elle est particulièrement marquée dans le Préambule. L'Assemblée nationale n'a pas l'intention de faire ouvre créatrice. Elle - reconnait et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre SuprASme, les droits de l'homme et du citoyen -. Elle expose dans une - déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme -. Il importe que cette déclaration - constamment présente A tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs -. De tels droits sont nécessairement universels. ' L'universalisme : les droits proclamés sont ceux de l'Homme et du Citoyen et non ceux des seuls citoyens franA§ais de 1789. Ils valent pour tout AStre humain. ' L'indidualisme : seul l'indidu est titulaire de droits. Aucun groupe n'est mentionné dans la déclaration, A l'exception de la Nation détentrice de la souveraineté. Communes ou paroisses, régions ou pronces, corporations ou organismes professionnels, n'apparaissent pas. Il n'est fait aucune allusion A la famille et les droits de réunion ou d'association ne sont pas reconnus. Ces omissions sont volontaires. On craint que les groupes n'étouffent l'indidu et, suivant le raisonnement de Rousseau, ne gASnent la formation de la volonté générale. L'indidu, AStre générique et non - situé -, se voit conférer des droits abstraits. ' L'abstraction : l'Assemblée nationale expose les principes de Liberté, d'Egalité, de la Sûreté et du droit de propriété. Ceux-ci ne sont soumis A aucune finalité. Chacun utilise sa liberté et sa propriété comme il l'entend. Une seule limite : ne pas nuire au droit égal d'autrui. Par ailleurs, ce sont les principes qui sont reconnus et non les moyens ou procédures qui permettraient de les mettre en ouvre. Ceci a permis d'opposer l'esprit abstrait du FranA§ais A l'esprit concret des Anglo-Saxons. Il ne faut peut-AStre pas généraliser, mais le domaine des droits de l'homme en serait certainement une bonne illustration. Cet argument s'ajoute probablement A ceux qui ont été précédemment avancés pour expliquer le succès de la Déclaration de 1789. Les Anglais n'avaient jamais songé A exporter leur conception des droits de l'homme. Les Américains, beaucoup plus isolés dans le contexte du xiie, ne le pouvaient guère. Le fédéralisme adopté par les Etats-Unis conférait une moindre portée aux déclarations, nécessairement diverses des Etats particuliers, et un caractère plus - procédural - aux amendements4. Les autres déclarations révolutionnaires. ' Les autres textes franA§ais de 1793 (déclarations girondine et montagnarde) et de 1795 (an III) n'acquirent pas une grande notoriété, peut-AStre parce que la Révolution s'enlisait dans les contradictions A l'intérieur et les guerres extérieures. La Déclaration montagnarde de 1793 est la seule qui mérite plus d'attention, compte tenu de l'interprétation qui en fut donnée par la suite. On la présente, en effet, comme annonA§ant les idéologies socialistes. En fait, la philosophie qui l'inspire est très proche de celle des constituants de 1789. Le peuple franA§ais est censé y - exposer - dans une - déclaration solennelle - les droits - naturels -, - sacrés et inaliénables - de l'homme - en présence de l'Etre suprASme -. Certes l'égalité est proclamée avant la liberté, la sûreté et la propriété (art. 2). Mais cette dernière est proclamée dans des termes assez proches de ceux utilisés en 1789 : - Le droit de propriété est celui qui appartient A tout citoyen de jouir et de disposer A son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie - (art. 17). - Nul ne peut AStre privé de la moindre portion de sa propriété sans son consentement, si ce n'est lorsque la nécessité publique légalement constatée l'exige, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité - (art. 19). On peut aussi faire valoir que - la loi ne reconnait point de domesticité - (art. 18). De mASme - les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister A ceux qui sont hors d'état de travailler - (art. 21) ou - l'instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre l'instruction A la portée de tous les citoyens - (art. 22). Cependant, ces quelques articles, dont certains étaient déjA en substance dans la Constitution de 1791, correspondent plus A une sion sociale que socialiste, au sens que l'on donnera ultérieurement A ce mot. Leur inspiration peut aisément AStre décelée dans la morale chrétienne ou la philosophie du xiie siècle. Ils ne sauraient faire oublier les très nombreuses ressemblances. Enfin les caractères de la Déclaration de 1793 sont très proches de celle de 1789 mASme si le ton est moins percutant. Peut-AStre la déclaration jacobine est-elle un peu moins indidualiste et abstraite, mais elle est tout autant transcendante et universaliste. Les déclarations de la fin du xiie siècle semblent traduire de faA§on omparable une philosophie commune. Cette impression est partiellement exacte. Elle ne saurait dissimuler que la philosophie des droits de l'homme, élaborée A cette époque, est profondément ambiguA«. |
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