NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » DROIT CIVIL » La philosophie des droits de l homme La contestation de la philosophie des droits de l'homme
La négation des droits de l'homme : le totalitarisme. ' La d'une critique radicale. Certaines théories politiques ont procédé A une négation systématique de ces droits, en en rejetant tous les fondements, dont celui de la dignité de tous les AStres humains et de leur égale valeur. Ils ont, selon les cas, affirmé la supériorité absolue de l'Etat nation (fascisme), de la Race (nazisme), ou de la classe idéologique (stalinisme). Ils ont utilisé A l'égard des récalcitrants le mASme appareil répressif (primat du chef, parti unique, proande et police). Dans ce que l'on pourrait appeler sa - phase suprASme -, le totalitarisme tente d'aboutir A une dépersonnalisation de l'AStre humain, A 1' - homme sans ame - selon l'expression d'Hannah Arendt. Selon cet auteur, - le but d'un système arbitraire est de détruire les droits cils de la population tout entière, de telle sorte qu'elle finisse par AStre mise hors la loi dans son propre pays, au mASme titre que les apatrides et les sans-logis. La destruction des droits de l'homme, I'étouffement en lui de la personnalité juridique sont un préalable nécessaire A la complète domination de celui-ci -4'. Le but ultime sera de déposséder, par l'anonymat, l'homme, du sens de sa propre mort48, de le rendre superflu4". Négation des droits de l'homme, le totalitarisme l'est aussi de la dignité de la personne humaine. En revanche, d'autres critiques ont rejeté la conception que se faisait le xiie siècle de ces droits, sans pour autant cesser d'AStres humanistes. Elles n'ont pas réussi A étouffer un mythe et un vocabulaire. Elles ont probablement contribué A la coexistence, plus ou moins reconnue, de plusieurs philosophies des droits de l'homme assez distinctes de celle qui fut proclamée il y a deux siècles. 1 La diversité des critiques Chronologiquement, les premiers A dénoncer les droits de 1789 ont été les traditionalistes. Ils furent rejoints au xixa,¬ siècle par certains socialistes au premier rang desquels on trouve les marxistes. Puis, en retrait par rapport A ces critiques, on trouve la pensée dominante de la classe politique occidentale qui nuance, au nom du réalisme, la philosophie du xiie plus qu'elle ne la condamne. Les traditionalistes. ' Un an après le début de la Révolution franA§aise, en 1790, Burke, Anglais et protestant, manifestait dans ses Réflexions sur la Révolution franA§aise une ve hostilité A rencontre des philosophes parisiens. N'avaient-ils pas en contribuant A déclencher la première révolution philosophique moderne, méconnu le poids et la réalité de la tradition, le plus grand soutien de tout gouvernement? Quant aux principes abstraits et - métaphysiques - qu'ils avaient réussi A faire proclamer, seraient-ils d'une quelconque utilité pour la e quotidienne des FranA§ais?50. Les mASmes idées allaient AStre défendues en 1795 par Joseph de Maistre dans ses Considérations sur la France : - Il n'y a pas d'Homme dans le monde, devait-il écrire. J'ai vu des FranA§ais, des Italiens, des Russes, mais quant A l'homme, je déclare ne l'avoir jamais rencontré de ma e. - La position officielle de l'Eglise catholique avait, par avance, conforté ces opinions. Le 10 mars 1791, Pie VI avait promulgué le bref quod aliquantum. Tout en sant plus particulièrement les articles 10 et 11 de la déclaration, le pape dénonA§ait - cette liberté absolue qui accorde cette licence de penser, de dire, d'écrire et mASme de faire imprimer, en matière de religion, tout ce que peut suggérer l'imagination la plus déréglée; droit monstrueux qui parait cependant A l'Assemblée résulter de l'égalité et de la liberté naturelle A tous les hommes -". Il est vrai que le vote par l'Assemblée franA§aise, en 1790, de la Constitution cile du clergé avait contribué A tendre les rapports avec l'Eglise. Les exactions commises ensuite par les révolutionnaires, la méconnaissance flagrante des principes qui venaient d'AStre proclamés amenèrent une double réaction d'hostilité : philosophique, dans la mesure où les nouveaux principes étaient dénoncés comme étant A l'origine de ces errements, mais également politique. Les légitimistes confondirent au xixe siècle leur lutte en faveur d'un rélissement de la monarchie et une dénonciation des droits de l'homme62. Les critiques traditionalistes ne furent pas seulement émises par des écrivains catholiques au nom de la condamnation d'une fausse conception de la liberté. Le penseur voltairien Rivarol, lui, dénonA§ait la souveraineté populaire et la revendication d'égalité au nom de l'ordre. Pour d'autres raisons encore, certains socialistes s'en prirent A la Déclaration de 1789. Les marxistes. ' Marx aborde la critique des - droits de l'homme - par l'intermédiaire de - la question juive -. Depuis 1816, les Juifs étaient, en Prusse, exclus des fonctions publiques et relégués, dans le domaine du droit public, A un statut subalterne. Bruno Bauer avait, en 1842-l843 proposé une solution inspirée de l'hégélianisme de gauche. Pour résoudre le problème juif, il fallait mettre en place l'Etat laïque. Marx rejette radicalement cette solution. L'Etat soi-disant laïque et démocratique de Bauer laisse subsister un antagonisme fondamental entre la e au sein de la communauté politique où l'homme se considère comme AStre communautaire, et la e dans la société cile où il exerce son actité comme homme privé. Ce dédoublement dans lequel les libéraux voient la condition juridique de la liberté humaine est goureusement condamné : - Nous constatons que les droits dits de l'homme, les droits de l'homme, par opposition aux droits du citoyen, ne sont rien d'autre que les droits du membre de la société bourgeoise, c'est-A -dire de l'homme égoïste, de l'homme séparé de l'homme et de la collectité -. Les définitions de la liberté et de la propriété y sont égoïstes car - le droit humain A la liberté n'est pas fondé sur la relation de l'homme A l'homme, mais au contraire sur la séparation de l'homme d'avec l'homme. Il est le droit A cette séparation, le droit de l'indidu limité, limité A lui-mASme -!65. - Aucun des droits dits de l'homme ne dépasse donc l'homme égoïste, l'homme tel qu'il est comme membre de la société bourgeoise, c'est-A -dire un indidu replié sur lui-mASme, sur son intérASt privé et sur son bon plaisir privé et séparé de la communauté. Loin qu'en eux l'homme soit conA§u comme un AStre générique, la e générique, la société apparait au contraire comme un cadre extérieur aux indidus, comme une limitation de leur autonomie primitive. Le seul lien qui les unit, c'est la nécessité naturelle, le besoin et l'intérASt privé, la conservation de leur propriété et de leur personne égoïste -. L'émancipation qui ne pouvait résulter de la révolution politique, Marx la voit dans la révolution sociale, radicale, ouvre du prolétariat. A partir de 1848, Marx se réclame de la science. La révolution prolétarienne perd toute consonance - morale -. Le prolétariat a un rôle historique A jouer. Produit de l'économie capitaliste, il est la seule classe que la bourgeoisie produit et reproduit nécessairement. Dans la première phase - socialiste - qui suivra la prise de pouvoir, celle de la dictature du prolétariat, le droit restera dans sa teneur, comme tout droit, un droit de l'inégalité. Il se distinguera néanmoins des droits bourgeois par sa finalité : rélir l'égalité réelle. Ainsi dans la deuxième phase, celle de la société communiste, l'homme indiduel sera enfin apte A coïncider avec son AStre générique. Chacun recevra selon ses besoins. L'homme deendra nature et la nature humaine. L'avènement de cette société future suscitera encore bien des interrogations. Aucune société ne prétend avoir atteint ce stade. En revanche les - démocraties socialistes - estiment AStre sur la voie de l'édification du communisme. Elles justifient, par lA mASme, les profondes différences qui séparent leur conception des droits de l'homme de celle des démocraties libérales. La première volonté, clairement affichée, est de rendre les droits proclamés dans les constitutions libérales, plus réels. Marx avait en effet dénoncé le caractère formel des libertés - bourgeoises -. Du fait des inégalités sociales, seuls les bourgeois peuvent utiliser les droits proclamés théoriquement pour tous. - Qu'est-ce que la liberté d'un chômeur américain? -, selon la fameuse question de Vichynski. La constitution soétique entend garantir concrètement tous les droits qu'elle énonce dans les articles 33 et suivants". Plusieurs articles comprennent un premier paragraphe, dans lequel le droit est énoncé, sui d'un second, précisant les modalités de sa mise en ouvre : - Ce droit est garanti par - Cette rédaction ne suffirait cependant pas A assurer l'originalité de la constitution soétique par rapport aux constitutions libérales. Ces dernières ont, en effet, de plus en plus tendance A prévoir aussi les garanties des droits proclamés, mASme si elles le font de faA§on moins systématique. De mASme on ne peut pas opposer la société soétique et les sociétés libérales sur la seule base des olations de droits plus nombreuses dans les premières que dans les secondes. Ceci supposerait l'absence de divergence de principes. Or tel n'est pas le cas. La conception soétique des droits, libertés et devoirs fondamentaux des citoyens est foncièrement différente de celle des démocraties libérales. Les droits et libertés y sont conA§us comme des droits orientés. Ils n'ont aucunement pour but de permettre A chacun de mener sa e selon ce que lui dicte sa conscience, mais de favoriser sa participation A la construction de la société socialiste. Les principes de la transformation sociale occupent la première place. C'est en fonction d'eux que les droits doivent AStre compris. Ainsi, l'article 39, après avoir mentionné que les citoyens en -jouissent dans toute leur plénitude -, ajoute que cet exercice - ne doit pas porter préjudice aux intérASts de la société et de l'Etat, aux droits des autres citoyens -. Plus clairement encore, l'article 50 est ainsi libellé : - Conformément aux intérASts du peuple et afin de consolider et de développer le régime socialiste, les libertés de parole, de la presse, de réunion, de meeting, de défilé et de manifestation de rue sont garanties aux citoyens de I'urss - C'est au Parti communiste qu'incombe la mission de veiller A l'usage correct des libertés : - Le Parti communiste de l'Union soétique c'est l'élément central de son système politique et de toutes les organisations tant sociales que d'Etat - (art. 6). Sans mASme porter un jugement de valeur sur la pratique soétique en matière de liberté, il faut constater qu'elle s'inspire de principes très différents de ceux des démocraties occidentales. Sans en admettre toutes les conséquences, celles-ci ont d'ailleurs été influencées par certains aspects de la critique marxiste. Les réalistes. ' Les marxistes n'ont pas été les seuls A dénoncer les conséquences d'une pensée libérale, issue elle-mASme de la pensée du xiie. De nombreux juristes occidentaux ont rejeté la notion mASme de droits subjectifs ou, plus simplement, le caractère trop absolu et abstrait des droits de 1789. Leur caractère trop formel a été reconnu. Des solutions ont été proposées. Cependant, l'ampleur des critiques formulées A l'encontre de la philosophie des droits de l'homme, leur sévérité, jointe aux infortunes du contexte international, ont été jusqu'A faire douter certains du maintien mASme des principes. Ce courant pessimiste fut très marqué par le contexte européen des années 30. L'Union soétique avait tourné le dos au libéralisme, avec le stalinisme dont on ne mesurait pourtant pas encore toute l'horreur. L'opinion publique franA§aise fut plus sensible A l'évolution politique de ses proches voisins touchés par le fascisme, le nazisme, le salazarisme ou le franquisme. Très différentes, toutes ces idéologies avaient au moins en commun de rejeter le dogme libéral. Elles correspondaient bien A une - Décadence de la liberté -»-. La Libération aurait pu AStre source de plus d'optimisme. Elle le fut partiellement. Mais d'autres inquiétudes remplaA§aient les précédentes. L'extension soétique sembla un temps inélucle. Surtout, les guerres coloniales entrainèrent un cycle terrorisme-répression très défavorable aux libertés. En effet les démocraties libérales avaient déjA été contaminées par l'antagonisme entre partisans des régimes totalitaires et adeptes des démocraties populaires dans l'entre-deux-guerres. De nombreuses dispositions peu libérales furent alors adoptées. A peine débarrassé des dispositions plus ou moins imposées par l'occupant nazi, notre pays redécouvrait, avec les guerres d'Indochine et d'Algérie, les atteintes aux libertés indiduelles et collectives et les législations et juridictions d'exception'0. L'Angleterre elle-mASme ne fut pas A l'abri des retombées des mASmes événements. Quant aux Etats-Unis, ils succombèrent aussi aux tentations autoritaires notamment avec le maccarthysme. Les entorses aux droits étaient justifiées par le souci de contrecarrer efficacement les menées soétiques. Les démocraties libérales n'allaient-elles pas y perdre leur ame? Des auteurs appartenant A divers courants de pensée n'hésitèrent pas A le prétendre. Tout en prédisant ou en constatant l'inexorable déclin des libertés, ils essayaient de lui trouver des explications autres que conjoncturelles. On évoqua alors la montée du nationalisme, le développement des partis de masse disciplinés liés A l'avènement du suffrage universel dans une société manquant de maturité, la persistance de mentalités autoritaires, l'existence de groupes privés se permettant olences et séquestrations interdites A l'Etat. Indépendamment de ces phénomènes politiques, on évoqua l'évolution des techniques facilitant l'intrusion dans la e privée des citoyens. Enfin n'y avait-il pas une incompatibilité irréductible entre l'esprit de liberté reposant sur la notion de responsabilité indiduelle et la mise en place d'une société d'assistance ? Perdant le sens de l'effort et de la responsabilité indiduelle, les foules occidentales n'allaient-elles pas réclamer A leur tour du pain et des jeux? Toutes ces réflexions suscitèrent une contradiction. On constata que la montée du totalitarisme n'était pas irréversible. L'Allemagne et l'Italie étaient redevenues démocratiques. Plus près de nous, le Portugal, l'Esne, la Grèce ont adopté les principes du libéralisme. Sans AStre suffisant, le reflux se constate périodiquement dans d'autres parties du monde. Le Brésil, l'Argentine, puis l'Uruguay ont organisé des élections libres, ainsi que les Philippines. La contestation se fait jour au Chili, de mASme qu'en Pologne. Les totalitarismes de gauche ou de droite n'étouffent jamais complètement l'esprit de liberté. On remarque encore que si de trop nombreux pays du Tiers Monde connaissent des dictatures plus ou moins rigides, ou le totalitarisme, il n'y a lA aucun déterminisme absolu. Certains d'entre eux, et pas nécessairement les plus riches, sont soucieux de respecter la dignité de leurs ressortissants, sans renoncer, plus que les autres, aux nécessités du développement. Quant aux démocraties libérales, elles sont, avec la fin des guerres coloniales, revenues A un plus grand respect du droit. Des législations récentes montrent que la protection des libertés contre les dangers du progrès technique est possible en trouvant des moyens appropriés pour le maitriser. Démocratie sociale et libérale peuvent également AStre réconciliées. En fait, c'est probablement l'usage des libertés qui posera des problèmes plus difficiles A résoudre que la reconnaissance de leur garantie. Peut-AStre faut-il en chercher la cause dans l'insuffisance de certaines des philosophies des droits de l'homme qui coexistent aujourd'hui.
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