1 ' Le fondement de la règle
Au début du XXe siècle, la jurisprudence du Conseil d'état considérait qu'un -contrat de
fonction publique- liait les fonctionnaires A l'Administration : dans l'affaire Win-kell, en 1909', le Conseil d'état affirme que la grève constitue une rupture du contrat. Toutefois le doyen Hauriou, dans une note sous cet arrASt manifestait déjA son scepticisme A l'égard de cette solution que le Conseil d'état a aban
donnée totalement par la suite. Il a, en effet, affirmé que -la situation des fonctionnaires, telle qu'elle est fixée par les lois et les règlements, ne saurait AStre modifiée par des accords contractuels-2.
Et, depuis 1946, les statuts affirment expressément que les fonctionnaires sont dans une situation légale et réglementaire.
1. Pourtant, en apparence, l'entrée dans la fonction publique comprend évidemment un échange de consentements.
La nécessité de cette convergence de la lonté du futur fonctionnaire et de celle des
autorités administratives apparait nettement dans le déroulement mASme des concours d'entrée dans la fonction publique :
' l'autorité administrative met en concours un certain nombre de places;
' le candidat fait acte de candidature ;
' le jury propose la nomination d'une liste de concurrents classés par ordre de mérite et l'administration peut alors nommer tous ces candidats, ou ne nommer aucun d'entre eux, ou bien encore retenir une solution intermédiaire A condition toutefois de respecter le classement retenu par le jury;
' enfin la personne reA§ue A un concours n'est pas obligée d'accepter sa nomination.
2. Mais, du point de vue juridique, il n'y a aucunement contrat.
La nomination est un acte unilatéral de l'administration qui a des conséquences juridiques directes, tout en étant affecté d'une condition résolutoire qui est le refus éventuel du fonctionnaire.
Ce problème a été remarquablement analysé par Roger Bonnard3 qui explique ainsi le processus.
' -Si l'acte de nomination est un acte unilatéral, et si, par suite, la lonté de celui qui nomme produit A elle seule, immédiatement et définitivement l'investiture de la fonction, il en résulte les conséquences suivantes.
En premier lieu, c'est A dater de l'acte de nomination ou, tout au moins, A dater de la notification ou publication de cet acte, que le fonctionnaire est investi de sa fonction et devient par conséquent titulaire des droits et deirs que compte cette fonction. Dès ce moment, il peut donc receir des ordres de ses supérieurs hiérarchiques et, le cas échéant, AStre l'objet d'une répression disciplinaire.
En second lieu, l'acte de nomination, étant achevé, ne pourra pas AStre retiré par son auteur, A moins qu'il ne soit irrégulier. Il est maintenant de jurisprudence constante que l'acte unilatéral individuel ne peut pas AStre retiré par son auteur, sauf s'il est irrégulier et pourvu que le retrait intervienne dans le délai de deux mois imparti pour le recours pour excès de pouir. -
' Mais -si la condition résolutoire de l'acte de nomination se réalise, c'est-A -dire si le fonctionnaire oppose un refus A sa nomination, l'acte de nomination tombera, étant devenu sans objet, et avec effet rétroactif. Donc, tout en conservant l'idée d'acte unilatéral, nécessaire A raison de certaines décisions de la jurisprudence, mais en y ajoutant cette idée de condition résolutoire et en donnant ainsi
valeur juridique A la manifestation de lonté du fonctionnaire, on respecte le principe de l'acceptation lontaire de la fonction et la solution de la jurisprudence au sujet de refus de la nomination. On obtient ainsi une construction juridique cohérente de l'acte de nomination qui tient compte de tous les éléments de la question et s'accorde avec chacun d'eux-.
2 - Les conséquences de la règle
La situation du fonctionnaire, ses droits et obligations, sont fixés A l'avance par ie générale dans des lois et règlements. De plus, ces règles peuvent AStre modifiées unilatéralement, sans que le fonctionnaire puisse inquer des -droits acquis- au maintien du statut4.
Ce principe est toutefois assorti de garanties, puisque le fonctionnaire a le droit d'attaquer par la ie du recours pour excès de pouir les décisions administratives modifiant sa situation : mais il ne peut obtenir gain de cause que s'il y a irrégularité de la décision (autorité incompétente ou mesure rétroactive, par exemple), jamais en inquant une immuilité du statut des fonctionnaires. Cette possibilité de recours contentieux ouverte au fonctionnaire appelle quelques précisions :
' ces recours sont de la compétence des juridictions administratives;
' les fonctionnaires peuvent attaquer les mesures relatives A leur statut, A leurs intérASts de carrière, A l'exercice du pouir disciplinaire, mais ils ne sauraient contester l'organisation et le fonctionnement des services;
' le juge a largement ouvert la recevabilité de recours émanant des syndicats et des associations (par ailleurs expressément admise dans le statut général), mais sous réserve qu'il s'agisse de recours pour la défense d'intérASts collectifs (et non d'un intérASt strictement individuel);
' enfin une donnée originale du contentieux de la fonction publique est la possibilité, pour le fonctionnaire, de présenter une réclamation pécuniaire dans un recours pour excès de pouir5.