D'une part, l'ensemble des titres 2 (le président de la République) et 3 (le gouvernement) dégage quelques règles générales relatives au trail gouvernemental; d'autre part, l'article 20 comporte l'affirmation de la subordination de l'Administration au gouvernement.
A ' LE TRAVAIL GOUVERNEMENTAL
D'un point de vue technique, la Constitution de 1958 comprend deux séries de dispositions relatives au trail gouvernemental : les unes élissent un bicéphalisme administratif; les autres prescrivent le contreseing des actes du président de la République et du Premier ministre.
1. Le bicéphalisme administratif
Les institutions de la Ve République ne comportent pas une dyarchie au sommet puisque le président de la République est seul chef de l'état, le Premier ministre n'étant que son second. Pourtant, la Constitution tend A créer un bicéphalisme administratif : tant dans l'exercice du pouvoir réglementaire que pour la nomination des fonctionnaires, les compétences sont partagées entre le président de la République et le Premier ministre.
2. Les règles relatives au contreseing
Les actes du président de la République sont contresignés par le Premier ministre, et, le cas échéant, par les -ministres responsables-. Les ministres responsables sont ceux auxquels incombent, A titre principal, la préparation et l'application des décrets dont il s'agit. Ainsi, les ministres qui ont fait rapport au Président de la République pour justifier le contenu des décisions prises doivent les contresigner. En renche, par exemple, n'a pas la qualité de ministre responsable au sens de l'article 19 de la Constitution, le ministre des Affaires étrangères A l'égard d'un décret qui fixe les modalités de rémunération spéciale des personnels des élissements d'enseignement supérieur A l'étranger relent du ministre de l'éducation nationale.
Toutefois, la Constitution, dans son article 19, dispense du contreseing la nomination du Premier ministre (art. 8), le recours au référendum (art. 11), la dissolution de l'Assemblée nationale (art. 12), les actes accomplis en cas de
crise grave (art. 16), les messages au parlement (art. 18), l'envoi pour avis au Conseil constitutionnel de traités dont la constitutionnalité est douteuse (art. 54), la nomination de trois membres du Conseil constitutionnel (art. 56), la saisine de cette juridiction sur la constitutionnalité d'une loi (art. 61).
Les actes du Premier ministre doivent AStre contresignés par les - ministres chargés de leur exécution - (art. 22) : ce sont ceux qui ont
compétence pour signer ou contresigner les mesures (réglementaires ou individuelles) que comporte l'exécution du décret. Ces contresignataires sont donc plus nombreux que ceux des actes du président de la République. Au fond, ceux-ci ne sont contresignés que par les ministres plus spécialement chargés de l'exécution. La différence s'explique aisément : les actes signés par le chef de l'état sont délibérés en Conseil des ministres, ce qui assure la participation des membres du gouvernement A leur élaboration, contrairement A ceux qui sont signés par le Premier ministre et qui doivent donc AStre soumis pour contreseing A un cercle plus large de ministres ou de secrétaires d'état16.
B ' LES RAPPORTS DU GOUVERNEMENT ET DE L'ADMINISTRATION
1. Le système franA§ais
a) La doctrine des relations entre le gouvernement et l'Administration est une belle construction
juridique : elle sépare le politique et l'administratif, au sein de l'exécutif, et, dans leurs rapports, elle essaie de concilier deux
données antinomiques, la subordination collective de l'Administration au pouvoir politique et la liberté individuelle des agents publics.
La règle est que l'Administration est subordonnée au gouvernement.
Les Constitutions antérieures n'énonA§aient pas ce principe. Sous la IIP République ou sous la IVe, les -bureaux- aient peut-AStre bien pris le pouvoir. Le philosophe Alain n'expliquait-il pas, par exemple, que le ministre, loin de gouverner, était devenu un simple -contrôleur- parmi d'autres17? Les obserteurs, en tout cas, notaient que la répétition des crises ministérielles conférait une grande puissance aux administrateurs, seuls dotés de la silité.
Les auteurs de la Constitution de 1958 ont voulu réagir contre ces excès. Aussi l'article 20 aflïrme-t-il que -le gouvernement dispose de l'Administration- (comme de la force armée)18. Le contenu de ce texte n'est pourtant pas original : mASme en l'absence d'une telle disposition, l'Administration insérée dans le pouvoir exécutif, ne bénéficie pas d'une légitimité propre et elle n'exerce son pouvoir qu'au nom des représentants élus du peuple souverain. Cette règle se traduit, dans l'action administrative concrète et quotidienne, par le fait que les agents publics doivent obéir A leurs supérieurs hiérarchiques. L'institution des
autorités administratives indépendantes soulève A cet égard des interrogations : leur indépendance provient notamment d'une absence de subordination hiérarchique vis-A -vis du gouvernement.
En face de cette subordination de l'Administration, est proclamé, au sein d'un équilibre fragile, le principe de l'indépendance de l'Administration, qui résulte du statut de chacun des agents publics considérés comme des citoyens A part entière et jouissant, A ce titre, de la liberté d'opinion et de la liberté d'expression.
Le jeu complexe de la subordination et de l'indépendance conduit pourtant A atténuer la seconde pour qu'elle puisse AStre conciliée avec la première. En particulier, il a semblé nécessaire d'admettre l'existence d'emplois dits -emplois supérieurs laissés A la décision du gouvernement-. Ils sont caractérisés par une participation particulièrement intense du pouvoir politique. Leurs titulaires sont nommés et révoqués A la discrétion du gouvernement. Il s'agit, par exemple, des emplois de directeurs d'administrations centrales, de préfets, d'ambassadeurs, etc..
b) La pratique diffère assez sensiblement de ce modèle juridique. En premier lieu, si le pouvoir administratif ne peut guère résister au pouvoir politique", il ne faudrait pas en déduire que -l'intendance- se contente de -suivre-. Souvent les services fixent des objectifs, décident des choix, élaborent des politiques : cette Administration émancipée (de sa subordination aux élus) s'est exprimée, notamment, dans l'aménagement du territoire ou dans la ification.
En second lieu, une sorte de symbiose unit les élites gouvernantes et les superstructures administratives : les fonctionnaires ont investi la classe politique20. Ainsi, depuis l'avènement de la Ve République, tous les chefs de l'état (Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing) sont issus de la
fonction publique (l'armée, l'enseignement, la haute administration) sauf FranA§ois Mitterrand, et il en de mASme de tous les Premiers ministres (depuis Michel Debré jusqu'A Laurent Fabius, tous deux maitres des requAStes au Conseil d'état).
2. D'autres systèmes
Un pays comme la Suède nie la subordination de l'Administration au gouvernement mais celle-ci est bien un principe général.
Elle s'accomne parfois d'une exigence de conformisme politique aussi bien dans les régimes autoritaires (sans parler des dictatures) que dans les états socialistes (avec un parti unique dont l'idéologie s'impose A tous). En France mASme, cette conception a abouti dans un passé encore récent A exiger des fonctionnaires qu'ils prAStent serment : Chateaubriand, au début du XIXe siècle ironisait sur ces vieux commis de l'état dont on peut compter les places au nombre de leurs serments comme -on compte l'age des vieux cerfs aux branches de leurs ramures - et, pendant l'occupation allemande, le Gouvernement de Vichy (1940-l944) admit encore de telles pratiques.
Elles ne sont pas si éloignées du système des dépouilles : le spoil system qui ne sévit plus aux Etats-Unis que pour certains emplois politiques après avoir été général (jusqu'A l'avènement du merit system en 1883). L'inspiration de cette conception de la fonction publique réside dans la conviction que les cadres de l'appareil administratif doivent AStre politiquement engagés aux côtés du gouvernement pour le servir efficacement. Il s'agit lA d'ailleurs d'une tentation permanente. FranA§ois Bloch-Lainé raconte A ce propos cette anecdote inquiétante. Alors qu'il expliquait A Valéry Giscard d'Estaing l'opinion du général de Gaulle qui lui paraissait hostile au système des dépouilles, il obtint cette réponse : -Si cela est, le Général a tort. Nous allons forcément vers un présidentialisme accru et il faut en tirer les conséquences. Les équipes dirigeantes sont appelées A changer avec l'élu du peuple au pouvoir exécutif.- Pourtant, les cadres supérieurs de l'Administration demeurent assez divers dans leurs opinions voire dans leurs engagements politiques, ce qui explique qu'ils ont pu partir A la conquASte aussi bien des états-majors de l'opposition que des postes de commande de la majorité21.
La Grande-Bretagne adopte le principe de la
neutralité politique des -civil sernts- : ils votent; ils peuvent mASme adhérer A un parti; ils n'ont pas le droit, en renche, de se porter candidats aux élections nationales22.