Le temps est non seulement une dimension fondamentale de l'expérience humaine mais aussi une
donnée structurante de toute organisation sociale. L'ordre temporel qui a été éli par la révolution industrielle est aujourd'hui désilisé". Ce dernier était organisé autour de deux piliers fondateurs :
- une norme temporelle encadrée par deux unités de référence: la durée quotidienne du travail, et la durée hebdomadaire; l'une et l'autre ayant pour butoir, le repos de fin de semaine et les congés payés ;
- une interntion de la puissance publique qui édictait une norme temporelle collecti. Cette dimension collecti de la règle créait un -repère identitaire-, un référentiel commun A tous. Ce lien
juridique qui organisait le temps de travail, créait un sentiment d'appartenance, faA§onnait en quelque sorte une solidarité naturelle entre les travailleurs, tous soumis A la mASme contrainte de temps.
Le changement que l'on obser aujourd'hui, du fait du processus de fléxibilisation en cours, tend A briser le rapport identitaire qui faA§onnait l'unirs du travail. Le choc des temporalités renvoie A la question de l'arbitrage entre des rapports au temps difficilement réconciliables :
-il y a des conflits de temps long qui théoriquement échappent A la responsabilité de la Direction des Ressources Humaines mais dont les conséquences sont immédiatement perceptibles dans la vie de l'entreprise. Ces conflits de temps longs questionnent en premier lieu, le cycle de vie et renvoient A la question de l'aménagement du temps de travail (A) ;
- plus délicat encore A appréhender est le conflit de temps court qui se vit dans le quotidien de l'organisation. La question centrale étant l'unité de temps A prendre en compte. Entre l'année, le mois, la semaine, la journée, il est difficile de trour un consensus sur un débat trop sount idéologique. Cette question s'inscrit dans le débat sur la réduction du temps de travail (B) ;
- enfin, la question du conflit temps long / temps court au sein des entreprises, est un élément central de la gestion des ressources humaines (C).
A - L'aménagement du temps de travail
Pour bien mesurer les enjeux que représentent la question de l'aménagement du temps de travail, il est important de prendre la mesure de la dimension psychologique et sociologique qui pèse sur la conception du cycle de vie (I), de replacer le débat dans le contexte précis de la vie du salarié dans l'entreprise (2) et de repenser cette problématique de manière plus élargie en l'inscrivant dans le processus d'aménagement de la vie professionnelle (3).
1) La dimension psychosociologique du cycle de vie
La notion de cycle de vie a été théorisée, nous l'avons vu, par des psychosociologues. C'est d'abord A trars les travaux de Maslow, psychologue américain, que l'on a pris conscience de cette notion de cycle de vie A trars la pyramide des besoins72.
Beaucoup d'autres auteurs se sont attachés A formaliser les rouages psychologiques qui déterminent le cycle de motivation. Il s'agit principalement de Mac Gregor, Lickert, Leavitt, Drucker, Argyris et Herzberg". Nous insisterons davantage sur les travaux d'Erikson, qui a montré ac une grande précision l'importance de l'évolution des attentes de chaque personne en fonction de son age. Sa conception de la personne humaine est inscrite dans un processus de déloppement continu, mais devant affronter constamment un déclin menaA§ant74.
Dans toute vie professionnelle, il y a une alternance de moments sles pendant lesquels la personne est en harmonie ac son environnement et des moments de crises, qui conduisent A une remise en cause en profondeur. Traduite dans la pratique, ces décourtes permettent de donner un sens au déroulement de la vie acti, au-delA de son simple aspect linéaire tel qu'il est organisé de manière collecti par les pouvoirs publics.
2) Le déroulement de la vie acti
Le déroulement de la vie acti est la traduction d'un compromis
économique et social. C'est un choix que fait une société A un moment donné, dans un contexte donné pour définir deux moments clefs: l'entrée dans la vie acti et l'age du départ A la retraite. Par ailleurs entre ces deux points butoir, qui ponctuent son déroulement et sur lesquels les Directions des Ressources Humaines n'ont que peu de prise, il y a un certain nombre de congés qui permettent son aménagement.
En amont, le début de la vie acti pose la question du temps de formation, de la nature de la formation initiale et la conception mASme de l'acte de formation. Intervient ensuite - de manière déterminante - un problème structurel lié au déséquilibre démographique, ce qui renvoie A l'age du départ en retraite.
» Entrée dans la vie acti
L'entrée dans la vie acti est une
donnée très contingente A la fois dans le temps et dans l'espace. Celle-ci résulte d'un niau de déloppement économique, mais aussi d'une conception du mode d'apprentissage :
-d'une part, la fracture entre les pays du Nord et du Sud passe essentiellement par cette entrée plus au moins tardi dans la vie acti. La tendance irrérsible des pays du Nord va dans le sens d'un allongement des études ce qui induit une entrée dans la vie acti de plus en plus différée. En revanche, dans la plupart des pays du Sud, le travail des enfants constituent encore une triste réalité" ;
-d'autre part, entre les pays qui font prévaloir un système d'éducation scolaire fondée sur formation initiale, ceux qui préfèrent favoriser la formation professionnelle et ceux qui opèrent un -mix - subtile entre les deux systèmes, il y a toute une série de nuances qui influent directement sur l'age d'entrée dans la vie acti.
Cependant, une tendance conrgente A tous les pays commence A se dessiner: celle-ci se traduit par un allongement progressif de la durée des études précédent l'entrée dans la vie acti. De mASme, il faut souligner l'importance de la conntion internationale des droits de l'enfant qui a posé cette règle essentielle de l'interdiction de faire travailler les enfants.
Adoptée en 1989, et ratifiée par de nombreux états, sauf les états-Unis, la conntion relati aux droits de l'enfant reconnait -le droit de l'enfant d'AStre protégé contre l'exploitation économique et de n'AStre astreint A aucun travail comportant des
risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire A son déloppement physique, mental, spirituel, moral ou social- (article 31). Les états signataires s'engagent A protéger l'enfant contre -toutes les formes d'exploitations préjudiciables A son bien-AStre- (article 36). Pour sa part, la conntion du Bureau International du Travail (BIT) fixe A 15 ans l'age minimum d'admission A l'emploi, tout en autorisant les enfants de 13 A 15 ans A accomplir des travaux légers.
En France, les enfants sont soumis A l'obligation scolaire jusqu'A 16 ans, et théoriquement sont interdits du
marché du travail. Cependant il existe un certain nombre de dérogations qui ont été posées pour certaines activités comme les métiers du spectacle, les travaux agricoles et le soutien A des activités familiales. Mais ces dérogations sont surillées étroitement par la DDTE pour éviter les déris d'un travail clandestin et l'exploitation des enfants.
» Sortie de la vie acti : le droit A la retraite
Le système des retraites est un sujet politiquement et économiquement très sensible. En ce qui concerne l'age du départ A la retraite, la situation évolue de manière contrastée selon les pays mais aussi au sein d'un mASme pays, selon les périodes.
En France par exemple, le combat syndical s'est focalisé pendant une vingtaine d'année sur le droit A la retraite pour tous A 60 ans. Ce droit a été acquis ac l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. Mais dès 1986, une brèche sérieuse était apportée au système par le biais d'un calcul des annuités: initialement basé sur 150 trimestres pour bénéficier du taux plein, on est passé progressiment A 160 trimestres. Aujourd'hui les perspectis de départ A la retraite s'orientent rs 65-68 ans.
3) Les aménagements pendant la vie acti
Le déroulement de la vie acti s"inscrit dans une vision séquentielle du temps qui est ponctuée par des rythmes imposés. Il y a d'abord le rythme annuel organisé autour des congés payés, il y a ensuite un rythme lié au cycle de vie et balisé de manière volontaire par un certain nombre de congés possibles.
Les congés payés: Ils répondent A plusieurs caractéristiques: ils sont d'ordre collectif, ils sont imposés, et non transférables d'une année A l'autre. La référence pour élir le droit au congé payé est celle de 2,5 jours par mois travaillé, ce qui fait cinq semaines de congés payés par an.
Si le principe des congés payés identifiés sous le terme des - grandes vacances - A été considéré comme le symbole d'un vérile progrès social, on assiste aujourd'hui A un processus d'effritement de la représentation de cette notion mASme de vacances. Plusieurs phénomènes se conjuguent pour rendre moins lisible cette notion. Il y a d'abord le phénomène de la flexibilité du temps de travail qui permet d'étaler sur toute l'année la prise de congés. Il y a ensuite le phénomène de la multiplication des grands week-end qui s'étalent désormais sur toute l'année. Le phénomène de la flexibilité des congés épouse complètement le processus de flexibilité de l'activité économique. Enfin, le dernier élément résulte de l'introduction par la loi du 25juillet 1994 du compte épargne temps (CET). Ce compte permet de conrtir annuellement l'ensemble des congés payés non épuisés pendant l'année en cours. Ce compte épargne temps peut AStre également alimenté par des primes conrties en temps. Cette possibilité ouvre de vraies perspectis aux salariés pour bénéficier des congés prévus par le code du travail pour aménager leur vie acti.
Les autres congés: Plusieurs congés ponctuent le déroulement de la vie acti. Inscrits dans le code du travail, ces congés sont de nature hybride. Ils relènt A la fois de la responsabilité de l'entreprise qui pourra les intégrer dans sa politique des carrières et de celle du salarié, qui sera l'acteur de sa propre vie acti. Ces congés sont nombreux et ont été aménagés par le législateur, au fil des années pour tenter de faire coïncider le plus harmonieusement possible le cycle de vie et les grandes étapes de la vie professionnelle.
Parmi les congés possibles ourts au salarié, on peut citer le congé individuel de formation, le congé parental d'éducation, le congé création d'entreprise, le congé sabbatique, les congés liés A des activités sociales ou syndicales, les congés autorisés pour participer A des activités humanitaires, les congés liés A des activités politiques, les congés liés A des connances personnelles76. Nous délopperons trois congés spécifiques parce qu'ils illustrent bien la responsabilité conjointe de la Direction des Ressources Humaines et celle du salarié pour accomner une vie professionnelle :
» le congé individuel de formation constitue une avancée tout A fait significati dans le droit reconnu A chaque salarié de pouvoir se former tout au long de sa vie. Instauré par la loi de 1971 sur la formation professionnelle, il a fait l'objet de compléments A plusieurs reprises". L'innovation la plus intéressante résulte de la mise en place d'un système de
capital de temps de formation, qui ouvre la possibilité aux salariés de suivre les actions de formation, et notamment de rendre effectif le droit au congé individuel de formation. Le congé-formation permet A tout salarié, franA§ais ou étranger, quels que soient le secteur d'activité et l'effectif de l'entreprise, de s'absenter pendant les heures de travail pour suivre A titre individuel, et A son initiati, une action de formation de son choix, distincte de celles comprises dans le de formation de l'entreprise ;
»quant au congé parental d'éducation et le congé de naissance, ils permettent d'équilibrer les responsabilités familiales et les charges de l'entreprise. Le congé parental d'éducation institué en 1984, ure aujourd'hui A l'article L. 122-28-l du Code du travail. Le congé de naissance pour les pères a été instauré par le législateur le 1 "janvier 2002. Ce nouau congé accorde 11 jours de disponibilité pour tous les pères. Ce congé se substitue au système ancien qualifié de -congé de naissance ou de d'adoption- et qui ne prévoyait que trois jours seulement de congésa„¢ ;
» le congé de solidarité internationale: selon l'article L. 255-9 du Code du travail, -le salarié a le droit, sous réser qu'il justifie d'une ancienneté dans l'entreprise d'au moins 12 mois, consécutifs ou non, A un congé de solidarité internationale pour participer A une mission hors de France pour le compte d'une association A objet humanitaire-. Votée en février 1995, le congé de solidarité internationale est passé complètement inaperA§u; il est vrai que l'on attend toujours l'arrASté ministériel fixant la liste des associations susceptibles d'accueillir les salariés. Plus souple que le congé sabbatique, le congé de solidarité ne peut excéder 6 mois. L'employeur doit AStre prénu un mois A l'avance.
B - Le débat actuel sur la réduction du temps de travail
La réduction du temps de travail s'inscrit dans un processus historique, lié A la diffusion du progrès technique qui s'est substitué A la force de travail dans la combinaison producti. On ne peut dissocier la réduction du temps de travail d'une réflexion historique qui prenne en compte une dimension économique et sociétale.
La réduction du temps de travail s'inscrit sur la longue durée et est directement liée A une donnée fondamentale de la représentation du temps ( 1 ). La réduction du temps de travail s'inscrit dans une cohérence juridique et institutionnelle (2). Par ailleurs, le temps de travail est une composante essentielle de la question de l'emploi et du traitement social du
chômage (3). Enfin, la question de la réduction du temps de travail telle qu'elle a été posée en France (4), dans un
contexte économique et social particulier, pose aux Directions des Ressources Humaines des questions inédites(5).
1) Réduction du temps de travail et représentation du temps
» Le débat sur la réduction du temps de travail doit AStre resitué dans une problématique plus large qui touche A la représentation du temps. Celle-ci, d'ordre politique, social et culturel, était traditionnellement imposée par un calendrier rythmé par le cycle des saisons et des fAStes religieuses.
La notion de temps de travail, ponctué par un rythme hebdomadaire, était lui-mASme relié au principe d'un jour sans travail consacré d'une part A la pratique religieuse et d'autre part A la re
constitution des forces de travail. Enfin, au-delA de la dimension symbolique et technique posée par les différents mécanismes de gestion du temps de travail, il est important de souligner l'impact de toute forme d'aménagement sur la conception que se font les différents acteurs sociaux du rapport au temps. Car derrière le temps, se profilent des questions de pouvoir, d'autorité.
» Le temps de travail était aux premiers temps de la société industrielle, organisé autour de la journée de travail, qui était considérée comme l'unité de référence pour la rémunération. Ce n'est qu'A partir du xxc siècle et notamment ac les lois du Front Populaire de 1936 que la semaine de travail va s'imposer comme nouau cadre de référence.
L'histoire des conquAStes sociales en matière de réduction du temps de travail va donc naturellement concerner d'abord la journée de travail. Dans les années 1840, il n'était pas rare que les ouvriers fassent des journées de 15 heures de travail. C'est la loi de 1848 qui va amorcer le processus de réduction du temps de travail en limitant la journée de travail A 12 heures. Celle-ci sera ensuite fixée A 8 heures par la loi de 1919. Cette journée théorique de 8 heures, considérée comme l'unité de référence pose en réalité un certain nombre de problèmes. Elle renvoie A la question des rythmes, des contraintes de l'entreprise, et au problème du cycle d'activité. Elle bute également sur le problème de la fatigue qui pèse sur les salariés qui ne peunt assumer indéfiniment des taches pénibles sans risque pour leur santé.
» Plusieurs aménagements de la journée et de la semaine de travail dans un contexte de flexibilité ont été mis en œuvre pour tenir compte des différentes contraintes de l'entreprise et des aspirations des salariés, ac comme dominante une fluidité constante entre la journée de travail et la semaine. C'est le cas notamment du principe de la modulation mis en place pour tenir compte des cycles d'activité de l'entreprise. Le principe de la modulation qui permet de neutraliser les surcoûts générés par le paiement d'heures supplémentaires du fait des variations de l'activité, agit dans le mASme temps sur les deux repères temporels : la journée et la semaine de travail.
En ce qui concerne la journée de travail, l'innovation sans doute la plus significati a été la mise en œuvre des horaires variables. Le principe de l'horaire variable repose sur une logique temporelle organisée en deux temps :
- une plage fixe pendant laquelle tous les salariés doint AStre présents sur le lieu de travail: par exemple lOh - I2h et 14 h - 16 h ;
- dans les autres créneaux, les salariés sont libres de l'organisation de leur temps ac une amplitude de journée fixée dans l'accord d'entreprise.
La deuxième innovation repose sur le principe de la modulation des horaires selon des modalités spécifiques différentes du dispositif mis en place. Celle-ci introduit le principe de la modulation du temps de travail, sur un cycle pouvant s'étendre entre 8 A 12 semaines, ac une des variations de temps de travail sur la journée pouvant varier d'une semaine A l'autre.
Trois grands systèmes de modulation ont été mis en place :
-la modulation de type 1, instaurée par les lois Auroux en 1982: elle permet A
l'employeur de ne pas imputer les heures effectuées au-delA de la durée légale sur
le contingent libre d'heures supplémentaires ;
- la modulation de type 2 instaurée par la loi Seguin en 1987 : elle permet de supprimer un surcoût des heures supplémentaires en ne rsant ni les majorations, ni le repos compensateur pour les heures effectuées au-delA de la durée légale, dans les limites fixées par l'accord (au maximum 44 heures par l'accord d'entreprise, 48 heures par accord de branche) ;
- la modulation de type 3 instaurée par la loi quinquennale en 1993 : elle permet de ne rser ni les majorations, ni le repos compensateur. Mais elle permet de faire varier la durée du travail dans les limites plus larges (au maximum 10 heures par jour, 48 heures par semaine et 46 heures en moyenne hebdomadaire sur 12 semaines).
Si ce système de modulation de la semaine et de la journée de travail épouse complètement le modèle de la flexibilité du travail, il suscite en revanche certaines interrogations. D'une part, ces différents aménagements tendent A renforcer une perception de plus en plus individualisée du rapport au temps. D'autre part, il devient de plus en plus difficile d'harmoniser les différentes représentations des temps sociaux. Ces aménagements récents cohabitent plutôt mal ac les rythmes de temps hérités de la société traditionnelle. Ils rentrent sount en conflit ac les contraintes familiales, les horaires des magasins, des services administratifs, des transports et les rythmes scolaires.
Au vu de ces expériences très variées d'aménagement du temps de travail et qui jouaient sur des repères différenciés - journée, semaine ou année - il n'était pas évident de trancher sur le cadre temporel A prendre en considération pour procéder A cette réduction du temps de travail.
Le cadre hebdomadaire choisi dans le cadre de la réduction du temps de travail impulsée par les lois Aubry n'était pas le seul envisageable. Il s'inscrit dans une cohérence institutionnelle qu'il faudra expliciter. D'autres systèmes auraient pu AStre imaginés pour mettre en œuvre la réduction du temps de travail, comme par exemple une extension du principe de l'annualisation. Mais si la généralisation de l'annualisation, reliée A une réduction du temps annuel de travail, aurait sans doute plus convaincu les responsables de PME ou mASme les salariés A la recherche de nouaux équilibres de vie, il aurait grament désilisé la cohérence juridique et institutionnelle dans laquelle s'inscrit la relation au temps de travail. Par ailleurs, l'effet de levier recherché sur la création d'emplois aurait été évidemment beaucoup moins important.
2) La réduction du temps de travail, un mécanisme inscrit dans une cohérence juridique et institutionnelle
Le processus de réduction du temps de travail, tel qu'il résulte des lois Aubry, ne peut se comprendre sans une présentation du dispositif juridique auquel il est relié. Le système juridique sur le temps de travail a été mis en place en 1936. Il a été modifié en 1945. Ce système reposait sur trois principes :
- le principe de l'horaire collectif ;
- le cadre hebdomadaire, comme cadre normal de repérage pour organiser le temps de travail - le principe des 40 heures de l'époque était tempéré par la possibilité de faire des heures supplémentaires mais les entreprises étaient dissuadées d'y avoir recours massiment A cause de leur coût salarial plus élevé et par l'existence de durées maximales hebdomadaires ;
- le droit du temps de travail est un droit d'origine étatique (système négocié au niau des branches d'activité).
Ce système a fonctionné jusqu'A 1982. Il correspondait A une société industrielle dominante, caractérisée par une présence syndicale forte et un état interntionniste.
Cet édifice institutionnel va voler progressiment en éclat en plusieurs étapes :
-une première étape est franchie en 1982 par les ordonnances de J.Auroux qui ouvrent une première brèche en posant le principe d'une modulation des horaires. Cela permet désormais A l'employeur-dans le cadre d'accords de branches - d'absorber les fluctuations d'activité ;
-en 1987, la loi Seguin permet aux entreprises de signer des accords sur la réduction et l'aménagement du temps de travail ;
- en 1993, la loi quinquennale sur le travail et l'emploi va encore plus loin: dans son article 39. elle offre (article L. 212-2-l du Code du travail) la possibilité de passer des conntions au sein des entreprises pour fixer une noulle organisation de travail, assortie notamment d'une réduction de la durée du travail. Ces conntions tiennent compte de la nature saisonnière de certaines activités ;
- le décret du 18mai 1994 portant application de l'article 39 de la loi de 1993 met en place un système d'aides de l'état pour les élissements fixant un noul horaire collectif de travail annualisé ;
- la loi du 25 juillet 1994 institue le compte épargne temps (CET) et permet de faire un arbitrage en temps et rémunération ;
-le 31 octobre 1995, les partenaires sociaux concluent un accord national interprofessionnel sur l'emploi assignant aux négociateurs de branche, de délopper, en matière d'organisation du temps de travail - les formules permettant aux entreprises de faire face, dans les meilleurs délais et aux meilleurs coûts, aux fluctuations d'activité auxquelles elles sont confrontées -. L'idée est de pouvoir privilégier les modes d'organisations qui sont les plus créateurs d'emplois. A€ partir de cette date, commence A s'imposer l'idée qu'une réduction massi permettrait d'apporter une solution efficace au problème du chômage.
3) La RTT, un outil de traitement social du chômage
Sous le terme générique de réduction de temps de travail, il y a en fait plusieurs mécanismes qui font référence implicitement A la notion de partage de travail. Cette idée de partage du travail comme moyen de lutte contre le
chômage n'est pas récente. Les premières études datent du premier choc pétrolier (1973). Constatant les conséquences dommageables pour l'emploi des gains de
productivité dans un contexte de récession économique, la solution qui s'est imposée progressiment consistait en une réduction du temps de travail, comme mise en œuvre du partage du travail.
Plusieurs initiatis successis ont été prises
» D'abord, la réduction du temps de travail dans le cadre de la loi de Robien du 12juin 1996. Elle met en place un système de réduction volontaire du temps de travail très attractif pour les entreprises, notamment sur un fiscal. Le mécanisme de Robien est double: il prévoit un volet offensif destiné A la création d'emplois par la réduction du temps de travail. Il repose sur une réduction des cotisations patronales de sécurité sociale. De fait, les pouvoirs publics renoncent A des rentrées de cotisations sociales destinées aux organismes sociaux, et préfèrent, par tous moyens, stimuler la création d'emploi, plutôt que financer l'inactivité. Le volet défensif prévoit pour les entreprises en difficulté, de substituer aux mécanismes de licenciement, un mécanisme de réduction du temps de travail, accomné du mASme mécanisme de subntion.
» Ensuite, toute une série d'initiatis ont été prises par la société civile pour promouvoir le partage du temps de travail : parmi les propositions les plus connues, il faut mentionner le principe de la semaine de quatre jours de Pierre Larrouturou70.
» Enfin, l'étape décisi a été franchie par la conférence de l'emploi du lOoctobre 1997 et qui a fait de la création d'emplois pour lutter durablement contre le chômage, un axe prioritaire du Gournement Jospin. Alors que toutes les mesures d'aide A l'insertion des chômeurs avaient montré, les unes après les autres, leurs limites, le gournement faisant référence explicitement A un modèle déjA initié en 1936 décide d'agir en actionnant le levier d'une réduction massi de la durée du travail. Le dispositif institutionnel de la réduction du temps de travail dont l'objectif n'était pas -travailler pour mieux vivre- mais -travailler pour tous travailler- repose sur les deux lois Aubry.
4) Le dispositif de réduction du temps de travail dans le cadre des lois Aubry
La première loi Aubry est votée par l'Assemblée Nationale le 19mai 1998. Elle
marque la volonté du gournement de refuser la fatalité du chômage, en impulsant une réduction significati et collecti du temps de travail. Si ce texte met un terme provisoire A un long débat, parfois houleux, qui a été marqué par le dépôt de I 800 amendements, la présentation d'un projet alternatif par l'opposition UDF-RPR et par la réécriture complète du texte par le Sénat, il amorce une phase décisi dans le processus de
négociation qui doit s'amorcer dans les entreprises. Cinq décrets et deux circulaires d'application ont été promulgués les 22 et 23 juin 1998 pour compléter et préciser le dispositif législatif. Dans le cadre de cette première loi Aubry : seules les entreprises de plus de 20 salariés étaient soumises au passage aux 35 heures dès le 1" janvier 2000. Les modalités de la RTT étaient variées, sachant que la réduction du temps de travail pouvait prendre des formes différenciées ac deux options: soit la forme d'une journée de repos, soit sous la forme d'un abondement (ac un système de plafond) d'un compte épargne temps.
Tout un système d'aides furent accordées aux entreprises, sous la forme d'allégements de charges sociales prévus pour accomner le processus"". Par ailleurs, la loi prévoyait un système de pénalités pour les entreprises qui n'auraient pas réduit leur temps de travail A la date butoir fixée. Ces dernières devront payer des heures supplémentaires au-delA des 35 heures hebdomadaires (au coût de 25 % actuel). Toutes les entreprises du secteur privé étaient concernées par la baisse du temps de travail et le dispositif d'aides, ainsi que les sociétés du secteur public
concurrentiel (Air France, France Télécom). En revanche, le processus de réduction du temps de travail dans le secteur public administratif (collectivités territoriales, administrations d'état et hospitalières) a été mis en place par des dispositions législatis spécifiques. La deuxième loi Aubry fut votée le 19janvier 2001. Elle concerne précisément les entreprises de moins de 20 salariés. Cette loi clarifie également les zones d'ombre laissées par la première loi Aubry. Elle précise notamment le régime des heures supplémentaires, celui du temps partiel, le temps de travail des cadres, ainsi que le régime applicable aux entreprises de moins de 20 salariés.
La loi n'a pas modifié le contingent annuel d'heures supplémentaires autoriséesqui est toujours de 130 heures. Elle a apporté quelques modifications au temps partiel: l'exonération de charges patronales ne concerne plus que les contrats compris entre 18 A 32 heures.
Quelques années après l'entrée en vigueur de la première loi Aubry, il n'est pas très facile de procéder A une évaluation de l'impact sur l'emploi et le chômage du passage aux 35 heures. Selon les estimations dont on dispose aujourd'hui, 85 % des entreprises de plus de 20 salariés sont passés aux 35 heures. Les employeurs se sont plus ou moins bien adaptés A ce nouau rapport au temps, selon les secteurs d'activité, et la conviction plus ou moins partagée selon laquelle la réduction du temps de travail pou-vail servir de levier A une noulle organisation de l'entreprise. La réduction du temps de travail a servi de déclencheur soit pour délopper la polyvalence, soit pour relancer le dialogue social, soit pour repenser toute l'organisation de l'entreprise, ce qui a permis au final d'amortir l'impact salarial de cette noulle contrainte en dégageant de noulles productivités. De mASme du côté des salariés, les nombreuses enquAStes réalisées font ressortir une adhésion assez large au principe mASme de la réduction du temps de travail. Pourtant, un certain nombre d'incertitudes pèsent encore sur le dispositif.
Si du côté des grandes entreprises, la pénétration de la réduction du temps de travail semble bien engagée, il n'en va pas de mASme pour tous les segments de l'activité économique. Deux secteurs sont, pour des raisons très différentes, soumises A des difficultés d'application du dispositif :
- le premier concerne les entreprises de moins de 20 salariés qui ont obtenu un délai jusqu'en 2004 pour son application, et des facilités de recours aux heures supplémentaires ;
- le second concerne le secteur des administrations, ac beaucoup de problèmes dans la mise en œuvre effecti des 35 heures. C'est notamment le cas de la justice, de l'équipement et surtout de la santé.
Par ailleurs, l'inconnue de taille concerne les résers de
productivité des entreprises franA§aises qui, A niau de main d'œuvre égal, peunt assurer le mASme de niau de production. L'effet de levier sur la création d'emplois serait de ce fait très atténué. De plus, tout un système de mécanismes connexes A la réduction du temps de travail joue un rôle non négligeable dans le processus de création d'emplois. 11 s'agit notamment des systèmes de réduction des charges salariales et des incitations au retour A l'emploi. Du coup, il est difficile d'imputer ac certitude l'impact de création d'emploi au seul mécanisme de la Réduction du Temps de Travail.
Enfin, le volet de la gestion du temps de travail des cadres laisse er un sérieux doute sur l'efficacité de la réduction du temps de travail pour la création d'emplois dans cette frange de la population. Le mécanisme de la réduction de travail est pour l'instant sérieusement contrasté.
Si globalement, les experts de la commission du ont pu estimer de manière globale A 265000, la création d'emplois supplémentaires (sur 5 millions concernés), les écarts selon les secteurs d'activités, la taille de l'entreprise et les niaux de responsabilité sont en revanche considérables.
Cette réduction massi et collecti du temps de travail, qui peut AStre considérée comme une spécificité bien franA§aise, du fait de sa
philosophie interntionniste et normati, n'est pas près de faire taire les commentateurs. Une noulle étape a été franchie par le gournement Raffarin. Sans remettre en cause le principe de la RTT, le gournement a amorcé un processus d'assouplissement des 35 heures en jouant sur le contingent annuel d'heures supplémentaires et en incitant les partenaires sociaux A rouvrir des négociations de branche.
Un projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au déloppement de l'emploi est actuellement en cours de discussion au Parlement.
5) La réduction du temps de travail pose des questions inédites
» Les conditions de travail
La conquASte de la souraineté du temps par les salariés avait été un grand progrès social. Aujourd'hui, cette liberté semble de nouau s'émousser sous l'effet des Noulles Technologies de l'Information et de la Communication et des 35 heures qui contraignent de fait la journée de travail. La notion de journée de travail est en train de voler en éclats: il est de plus en plus difficile de distinguer le travail effectif réalisé A l'intérieur de l'entreprise, du travail A domicile ou du travail pendant les temps de transport. Comment compiliser les temps de déplacements professionnels, les périodes d'astreinte, les travaux réalisés A domicile grace aux noulles technologies (porles et mobiles?). Par ailleurs, l'évaluation du temps de travail pose de sérieux problèmes. Comment faire la part des choses entre temps de présence et temps de travail effectif?
Comment prendre en compte les temps de pause, les temps d'habillage, les temps de formation, les temps de concertation, les temps de repas ? Doit-on les considérer comme du travail effectif ou les déduire du calcul des trente cinq heures? N'est-ce pas une faA§on de faire revivre le
taylorisme ac sa logique de rationalisation el de mesure du temps comme mesure de travail ?
N'est-ce pas une gra régression sociale que de vouloir de nouau tout quantifier, tout prévoir, alors que tout laisse A penser que notre société a basculé dans l'ère de la qualité et de l'imprévisible?
N'est-ce pas enfin complètement contradictoire que de promouvoir l'autonomie, la compétence, et la responsabilité du personnel, et le soumettre dans le mASme temps A des règles de calcul de temps très normatis.
Dans cette mise en œuvre concrète des 35 heures dans les entreprises, cohabitent le meilleur et le pire. Aucune solution miracle ne s'impose a priori. C'est une question d'ajustement, de sur mesure. L'équilibre trouvé dans chaque organisation, de manière sount très pragmatique est sount le résultat de l'engagement humain de la Direction des Ressources Humaines et de la qualité du dialogue social qu'elle a su délopper.
» Le dialogue social
Le deuxième volet de l'impact des 35 heures dans la vie des entreprises concerne la manière renoulée ac laquelle s'est opérée le dialogue social. La loi avait prévu qu'en l'absence de représentants des syndicats ou de délégués du personnel, plusieurs salariés, bénéficiant des protections prévues par le code du travail pour les salariés protégés pourront, AStre mandatés par un syndicat représentatif pour négocier le processus de RTT. Dix millions de francs (1 524490 Euros) ont été débloqués pour leur formation. Les réunions de négociation et de suivi sont payées sur le temps de travail. Sous l'impact de différents facteurs, cette obligation de négocier a sans aucun doute servi d'électrochoc pour contribuer A moderniser le dialogue social.
» Le problème des cadres
L'impact de la réduction du temps de travail sur le monde des cadres est un élément très important A prendre en compte par les Directions des Ressources Humaines. On est en présence d'un phénomène de remise en cause sans précédent. Traditionnellement en France, les cadres ne comptaient pas leur temps. Leur identité professionnelle était fondée sur la notion d'engagement sans réser et responsable au service de l'entreprise. Or, l'une des conséquences sociologiques de la loi sur les 35 heures a été de contribuer A banaliser les cadres A trars le calcul du temps, pour denir des salariés comme les autres. De fait, ils ne sont plus ce qu'ils étaient !
Dans ces conditions, les discours sur la motivation, l'implication ou la
compétence ont beaucoup de mal A rester crédibles, dans un contexte de désengagement massif, de retrait au profit d'un temps d'épanouissement hors travail.
La loi sur les trente-cinq heures contribue en fait A l'aggravation des fractures sociales. L'accès aux loisirs lié A la libération du temps, suppose des ressources financières non négligeables. Si les cadres sont sount les perdants de la réduction du temps de travail en terme d'identité professionnelle, ils sont en revanche les grands gagnants de la société de loisirs. Cette révolution du temps introduit de fait une fracture sociale inquiétante. Celle-ci apparait entre d'une pari les salariés des grandes entreprises et ceux des entreprises de moins de 20 salariés qui sont loin de bénéficier de cette avancée sociale. De mASme, il faut noter une grande disparité entre les salariés et les non salariés, notamment les artisans, les commerA§ants et tous les travailleurs indépendants, les professions libérales qui éprount sount un sentiment de frustration, se considérant comme les laisser pour compte de la -libération du temps -.
» Le problème du SMIC
Le SMIC concerne 13,5% des salariés franA§ais. Traditionnellement, il garantissait un renu minimal sur la base d'un salaire horaire et non mensuel. Le problème posé par la Réduction du temps de travail sur les bas
salaires résulte de l'enchainement logique de deux problèmes
D'une part, Le salaire mensuel des salariés payés au SMIC lors du passage de 39 heures A 35 heures de la durée hebdomadaire effecti du travail a été maintenu, pour éviter que les bas salaires ne soient pénalisés par l'effet mécanique de la réduction du temps de travail.
D'autre part, une série de salaires mensuels minimaux a été instaurée A côté du SMIC horaire, pour inciter les entreprises A franchir le pas des 35 heures le plus rapidement possible.
Enfin, pour continuer A appliquer le principe -A travail égal, salaire égal - réaffirmé par le Conseil d'état, le SMIC horaire devrait marquer une augmentation sensible (environ 11 %). Ce qui n'était pas économiquement possible.
Du coup, les entreprises sont aujourd'hui confrontées A la présence de plusieurs SMIC, ce qui complique sérieusement le pilotage de la masse salariale et peut altérer la principe d'équité dans la gestion des rémunérations. En effet, lorsqu'une entreprise, est passée aux 35 heures depuis le 13juin 1998, elle est tenue d'assurer une garantie de rémunération mensuelle (GRM) qui correspond au salaire du SMIC mensuel sur la base de 169 heures. Ce dispositif, qui est entré en vigueur depuis le l"janvier 2000, doit s'interrompre au 1 juillet 2005. Ce sont par conséquent six SMIC entre 2000 et 2005 que l'on peut dénombrer auquel s'ajoute le SMIC horaire. Le leau ci-dessous fournit un état8' de cette multiplication des SMIC.
Rémunération minimale mensuelle brute en Euros, selon la durée du travail dans l'entreprise
39 heures 1127,23
Passage aux 35 heures en 1998-l999' 1081,21
Passage aux 35 heures en 1999-2000" 1094,65
Passage aux 35 heures en 2000-2001" 1113,45
Passage aux 35 heures en 2001-2002" 1127.23
35 heures payées 35 '* 1011.64
Le mécanisme de la GRM doit cesser au Ie'juillet 2005, le SMIC horaire est supposé avoir suffisamment augmenté pour qu'il atteigne le niau de la garantie de rémunération mensuelle. Cependant rien n'est moins sûr. Chaque année, au 1" juillet, GRM et SMIC sont réévalués en fonction du taux d'inflation. La GRM est augmentée de la moitié de l'évolution du pouvoir d'achat du SMBO (salaire mensuel de base ouvrier), tandis que le SMIC est augmenté de la moitié du pouvoir d'achat du SHBO (salaire horaire de base ouvrier), ce dernier augmentant plus vite que le premier, le SMIC pour 35 heures atteindrait celui de la GRM en 2005.
Le Conseil Economique et Social, chargé par Jean-Pierre Raffarin de proposer des solutions pour restaurer très rapidement la cohérence du système du SMIC au risque de le discréditer définitiment, a proposé de sortir par le - haut- en calant les GRM sur le montant le plus élevé. Pour l'instant, les discussions sont en cours, c'est donc une affaire A suivre.
C - L'arbitrage temps long / temps court, un élément central de la gestion des ressources humaines
Bien que l'on ait. A plusieurs reprises, souligné l'impact du temps court comme donnée structurante de la gestion de l'entreprise, la Direction des Ressources Humaines ne peut pour autant faire l'économie d'une réflexion sur le temps long. Le temps long faA§onne la culture d'entreprise autour des notions de rite, d'histoire, et de mémoire ( 1 ). Par ailleurs, des outils de la gestion des ressources humaines comme la gestion des carrières qui se rattachent A la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences s'inscrint dans ce rapport au temps long (2).
1) Temps long et culture d'entreprise
La constitution -d'une culture d'entreprise- suppose le passage d'un temps relatiment long. Une culture d'entreprise ne se crée pas de manière instantanée. C'est la transmission des valeurs par les anciens, la diffusion des rites, des pratiques collectis qui fédère sur la durée, le sentiment d'appartenance A une entreprise. Ce processus de socialisation relié complètement au processus d'intégration, est un élément essentiel pour comprendre les ressorts de la motivation collecti dans un unirs professionnel.
La culture d'entreprise est donc au cœur de la gestion des ressources humaines*4. La culture est un système complexe, A l'interface de l'individuel et du collectif, de l'interne et de l'externe, du passé et de l'anir. De ce point de vue, le phénomène générationnel joue, nous l'avons déjA vu, un rôle déterminant dans la constitution de la culture d'entreprise". Comme toute institution humaine, l'entreprise est un lieu de rencontres, mais aussi parfois, de confrontation entre les différentes générations qui se transmettent mémoire, identité et expérience.
Le poids des différentes générations permet de comprendre le processus de modernisation de l'entreprise ou au contraire sa plus ou moins forte résistance au changement. II permet également de mieux cerner les éléments d'une culture d'entreprise en terme de transmission des savoir-faire, et de repérage des systèmes d'identifications professionnelles.
Par ailleurs, la transmission des expériences du passé, conjuguées aux acquis d'aujourd'hui -dans le contexte du présent-, cimente la culture d'entreprise. Celle-ci est la condition de survie de l'entreprise dans l'environnement agité que l'on connait.
2) Temps long et gestion des carrières
La gestion des carrières s'inscrit dans le temps long. C'est un ensemble d'activités qui visent A ifier, organiser, mettre en œuvre et contrôler les mouments de main d'œuvre depuis l'entrée des personnes dans l'entreprise jusqu'A leur départ. La gestion des carrières peut répondre A deux objectifs :
» elle peut correspondre d'abord A une
vision globale, qui s'inscrit dans l'idée de gestion collecti. A€ ce titre, elle prend en compte les flux d'entrée, de sortie, mais aussi les flux de mobilité ;
» la gestion des carrières peut AStre également appréhendée sous un angle plus étroit. En ce sens elle renvoie A une perspecti de gestion individuelle. Il s'agit pour une Direction des Ressources Humaines de prendre en compte le cycle de motivation de la personne, son degré d'implication plus ou moins grand selon les étapes de son cycle de vie, mais aussi les besoins évolutifs de l'organisation.
L'élaboration du de carrière devrait théoriquement favoriser la conrgence des logiques individuelles et des besoins de l'organisation. Il faut en effet élir le plus finement possible une rencontre entre la perception sount très subjecti que peut ressentir la personne par rapport A sa carrière professionnelle, la projection qu'elle se fait pour l'anir et l'image que lui renvoie l'entreprise sur sa propre représentation du travail accompli.
A€ ce titre, la mise au point d'une gestion fine des carrières qui autorise une vérile projection sur l'anir et exprime une certaine vision de l'organisation sur elle-mASme, devrait s'inscrire au sein de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
Pourtant la montée de la flexibilité de l'emploi rend trop sount virtuelle cette notion de gestion des carrières. Certaines directions ressources humaines semblent de plus en plus la négliger car elle peut leur paraitre AStre un outil dépassé ou démodé. Ce n'est pas le point de vue que nous partageons. La gestion des carrières doit demeurer un axe central de la mission des ressources humaines. Car, comme le souligne D. Bouteiller -le temps est un ennemi sournois du
capital de compétences-*1. Les compétences ont une durée de vie de plus en plus courte. Il faut donc mettre en place un système de ille, mais aussi d'accomnement A trars les dispositifs de formation. Le temps de l'apprentissage de noulles compétences, qu'elles soient intellectuelles, sportis ou artistiques, s'inscrit toujours dans la durée. Ce temps de l'apprentissage, ponctué par le rythme ternaire de l'essai /erreur/ correction, suppose un laps de temps qui ne peut s'inscrire dans l'urgence.
Par ailleurs, les fortes demandes qui s'expriment autour du déloppement personnel et la nécessité de redonner du sens au travail accompli dans l'entreprise, constitue un argument de taille en faur de la gestion des carrières. La seule manière d'impliquer le personnel dans l'entreprise, de maintenir sa motivation pour l'inciter A accepter de renouler rapidement son capital de compétences A trars des actions de formation, parfois exigeantes en terme de temps ou d'énergie dépensée, est de fixer des objectifs clairs pour son anir professionnel.
Enfin, il y a des équilibres nouaux A retrour entre vie familiale et vie professionnelle. Il y a des réalités noulles A pendre en compte du fait de la généralisation des couples A deux carrières.
Les nombreuses pathologies liées au stress, A l'urgence et A la flexibilité poussée A son paroxysme, militent pour redonner tout son sens A l'intégration du temps long dans l'entreprise, et A réhabiliter la gestion des carrières comme un élément pivot de la gestion des ressources humaines.
Il y a un vérile chantier A ouvrir de nouau, pour accomner les personnels dans une dynamique de la mobilité professionnelle et de flexibilité, tout en permettant la garantie d'une certaine sécurité qui seule ouvre le chemin de la créativité et l'innovation.
La gestion de carrières dans le contexte des entreprises, aujourd'hui, passe par l'inntion de noulles trajectoires professionnelles"8, de nouaux cheminements dans les territoires de l'entreprise. En ce sens, la gestion du temps long est indissociable du défi du territoire.